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La naissance de Jean-Baptiste et le cantique de Zacharie (Lc 1, 57-80)

            Après le Magnificat (Lc 1,46-56), Luc écrit (Lc 1,57) : « Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle. »

            Or, au moment de l’Annonciation, l’Ange Gabriel lui avait déclaré (Lc 1,36-37) : « Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : « la femme stérile ». (37) Car rien n’est impossible à Dieu. »

            Si nous additionnons les deux indications temporelles, nous voyons que Marie est restée auprès de sa cousine Elisabeth jusqu’à la naissance de Jean-Baptiste. Elle l’a ainsi accompagnée et aidée. Et puis, une fois le bébé bien né, et la maman hors de danger, « elle s’en retourna chez elle »…

Elisabeth et Zacharie 2

La naissance et la circoncision de Jean-Baptiste (Lc 1,57-66)

            Quand arriva le moment où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. (58)    Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. (59) Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant. Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père. (60) Mais sa mère déclara : « Non, il s’appellera Jean. »

(61) On lui répondit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! »

(62) On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler.

(63) Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Son nom est Jean.  »

            Et tout le monde en fut étonné.

(64) A l’instant même, sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia :

            il parlait et il bénissait Dieu.

(65) La crainte saisit alors les gens du voisinage,

            et dans toute la montagne de Judée on racontait tous ces événements.

(66) Tous ceux qui les apprenaient en étaient frappés et disaient :

             » Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui.

ange gabriel et zacharie

L’Ange Gabriel avait annoncé à Zacharie qu’il aurait enfin un fils avec Elisabeth, sa femme, elle qu’on appelait « la stérile » (Luc 1,36). Et voilà que le temps de la naissance est arrivé. « Ses voisins et ses proches » apprennent la Bonne Nouvelle et louent la Miséricorde de Dieu. Beaucoup, à cette époque, pensaient encore qu’une maladie, ou une femme sans enfant, étaient un châtiment envoyé par Dieu à la suite d’un péché grave commis par la personne concernée ou quelqu’un de sa famille (Jean 9,1-3 ; Exode 20,5-6). Et si la guérison ou un enfant survenaient, cela ne pouvait qu’être la conséquence du Pardon de Dieu qui effaçait la faute et toutes ses conséquences (Ps 103(102),3 en notant le lien entre « offense, faute » et « maladie, maux »). Dans un tel contexte, la stérilité d’Elisabeth et son enfantement soudain dans sa vieillesse, manifestent la grandeur de la miséricorde de Dieu. Au tout début d’« Histoire d’une Ame », Ste Thérèse de Lisieux écrivait : « Je ne vais faire qu’une seule chose : Commencer à chanter ce que je dois redire éternellement  « Les Miséricordes du Seigneur!!!» » Dans la vie des hommes, il ne s’agit pas en effet avant tout de « l’homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Romains 9,16).

« Les amis et les voisins » d’Elisabeth se réjouissent donc avec elle de ce que le Seigneur a fait éclater sa miséricorde à son égard. Plus tard, avec la parabole de la brebis perdue, Jésus le Bon Pasteur appellera « ses amis et ses voisins » (les scribes[1] et les Pharisiens[2]) à se réjouir avec lui pour toutes les brebis perdues enfin retrouvées, « les publicains[3] et les pécheurs » (Luc 15,1-7). Mais hélas, tout porte à croire que bien peu répondirent à son appel… « O mon Dieu ! Votre Amour méprisé va-t-il rester en votre Cœur ?… Il me semble que vous seriez heureux de ne point comprimer les flots d’infinie tendresse qui sont en vous » (Ste Thérèse de Lisieux)…

            Selon l’usage, c’est le père qui devait nommer son enfant (Matthieu 1,20-21), et le premier fils recevait en général le nom de son grand-père ou de son père. Mais ici, surprise : Elisabeth et Zacharie veulent collaborer autant que possible au projet de Dieu, et ils vont obéir aux indications de l’Ange (Luc 1,13) ; son nom sera « Jean », c’est-à-dire « le Seigneur est favorable » ou « gracieux ». Et c’est bien ce qui arrive en ce début d’Evangile où tout jaillit de l’initiative de Dieu qui veut « faire grâce » aux hommes en les comblant de sa tendresse et de sa miséricorde.

son nom est jean1

Le cantique de Zacharie (Luc 1,67-79)

St Luc utilise ici un procédé d’écriture courant à l’époque : l’inclusion, avec des éléments qui reviennent de façon symétrique autour d’un centre, ce qui est une manière de souligner ce thème central…

(67) Et Zacharie, son père, fut rempli d’Esprit Saint et se mit à prophétiser :

(68)    A  « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël,

                        de ce qu’il a visité et délivré son peuple,

(69)                et nous a suscité une puissance de salut

                                   dans la maison de David, son serviteur,

 

(70)                B  selon qu’il l’avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes

                                                                                                                      des temps anciens,

 

(71)                            C – pour nous sauver de nos ennemis

                                                                       et de la main de tous ceux qui nous haïssent.

(72)                                        D – Ainsi fait-il miséricorde à nos pères,

                                           E – ainsi se souvient-il de son alliance sainte,

(73)                                        D’ – du serment qu’il a juré à Abraham, notre père,

                                   C’ – de nous accorder (74) que, sans crainte,

                                          délivrés de la main de nos ennemis,

                                               nous le servions (75) en sainteté et justice devant lui,

                                                                                              tout au long de nos jours.

(76)                B’ – Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut;

 

            A’ – car tu marcheras devant le Seigneur, pour lui préparer les voies,

(77)                pour donner à son peuple la connaissance du salut

                                                                                  par la rémission de ses péchés;

(78)                                        grâce aux entrailles de miséricorde de notre Dieu,

                                               dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en haut,

(79)                                        pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres

                                                                                                                   et l’ombre de la mort,

                                               afin de guider nos pas dans le chemin de la paix. »

Dieu Père (Giovanni Battista Cima) 2

            « Rempli d’Esprit Saint », Zacharie est rendu capable de comprendre « tous les dons gracieux que le Seigneur nous a faits »  (1Corinthiens 2,12), et il va relire toute l’histoire du salut à la lumière du Christ pour en arriver à son sommet : la visite en personne de Dieu Lui-même par son Fils, le Christ Jésus (Matthieu 1,23), l’Astre venu d’en haut (Nombres 24,17) pour nous libérer de toutes nos nuits (Jean 12,46) et nous donner de marcher vers sa Lumière (Isaïe 60,1-3), à la rencontre de ce Dieu qui Est Lumière (1Jean 1,5-7)…

         Zacharie se comprend comme un des derniers maillons de cette longue chaîne, qui, depuis Abraham, en passant par David et « les prophètes des temps anciens », aboutira au Christ : son fils Jean-Baptiste aura pour mission de « marcher devant le Seigneur pour lui préparer les voies ». Mais il réalise aussi qu’il doit tout cela à la seule bonté de Dieu qui l’a appelé malgré son manque de foi, et qui a su réaliser l’impossible avec sa femme stérile. Oui, Dieu a visité son peuple, et une fois de plus, il n’a fait que semer la joie sur son passage (Actes 10,37-38), joie pour Zacharie, pour Elisabeth, et joie pour tous les hommes qui auront le bonheur de pouvoir connaître le Christ. Alors tout commence pour Zacharie par un « merci ! ». Il bénit Celui qui ne sait que bénir, « ce Père des Miséricordes » qui lui a fait miséricorde et qui veut également faire miséricorde à tous les hommes, par son Fils (1Timothée 1,12-17) qu’il a envoyé dans le monde pour nous bénir (Actes 3,25-26 ; Ephésiens 1,3 ; 1Pierre 1,3-6 ; Romains 15,29). Le coup de lance au côté du Christ, mort par amour pour chacun d’entre nous, a fait jaillir une source de bénédictions qui jamais ne se tarira (1Corinthiens 10,16). Et en Luc 24,50-53 nous voyons le Christ ressuscité passer de ce monde à son Père, du temps à l’éternité, en bénissant. Conclusion : Il est pour toujours Celui qui nous bénit, et rien ni personne ne pourra nous séparer de son amour (Romains 8,35-39) et de la puissance de sa bénédiction. Le Soleil de l’Amour brille (Psaume 84,12), et dans les rayons de « cet Astre d’en-haut », nous trouvons la guérison (Habaquq 3,4 et Malachie 3,20‑21 ; voir texte de Ste Thérèse de Lisieux en fin de fiche).

Croix Lumière

Zacharie reconnaît aussi que Dieu n’a jamais cessé en fait de « visiter » les hommes. Avant de se faire chair (Jean 1,14), écrira St Jean, « le Verbe », « le Fils Unique de Dieu », Celui qui de toute éternité était avec Dieu son Père (Jean 1,1-2), était aussi présent dans le monde, Lumière pour tous les hommes de bonne volonté (Jean 1,4 et 1,9-10), agissant en leur cœur et en leur vie pour qu’ils deviennent vraiment des « enfants de Dieu » (Jean 1,12). Mais hélas, le monde ne l’a pas reconnu (Jean 1,10), et Israël son Peuple ne l’a pas accueilli (Jean 1,11). Dieu est donc « l’Eternel Tout Proche » de tous les hommes (Proverbes 8,30-31, où la Sagesse est une figure féminine qui renvoie au mystère de Dieu lui-même ; Deutéronome 30,14), une Présence que le Fils ne fera que rappeler (Marc 1,14-15) et manifester (Jean 1,18 ; 17,6). Et toutes ses « visites » dans l’Histoire n’avaient d’autre but que de révéler sa Présence et sa Bienveillance ; avec elles et par elles, Dieu mettait en œuvre sa « Puissance de salut » pour la « délivrance » de ses enfants. Prenons quelques exemples dans l’Ancien Testament :

                        1 – Zacharie vient d’en faire l’expérience : Dieu l’a visité et lui a donné un fils comme autrefois il visita Sara, la femme d’Abraham (Genèse 21,1-4) et Anne, la femme d’Elqana (1Samuel 1,4-11[4] avec 1,19-20 et 2,21) pour leur donner d’enfanter.  

                        2 – Israël sera sauvé de l’oppression des Egyptiens (Exode 3,7-10.16-17 et 4,31) par « une visite » du Seigneur que Joseph avait prédite juste avant de mourir (Genèse 50,22-26). Et lorsqu’un ennemi les fera à nouveau souffrir, ils se tourneront vers le ciel en espérant à nouveau « sa visite » libératrice (Psaume 80(79),15-20). Et c’est bien ce qui arrivera pour tous ceux et celles qui furent déportés à Babylone[5] : Dieu les visitera, les délivrera, les ramènera sur leur terre et réalisera pour eux sa promesse de bonheur (Jérémie 29,10-14).

                        3 – Dans le Psaume 65 (64), « il est beau de te louer », dit le psalmiste, car « jusqu’à toi vient toute chair, avec son poids de péché ; nos fautes ont dominé sur nous : toi, tu les pardonnes ». Alors, « heureux ton invité, ton élu », ou plutôt celui ou celle qui répond à ton invitation, car nous sommes tous tes invités, tes élus : « il habite ta demeure ! Les biens de ta maison nous rassasient, les dons sacrés de ton Temple » (cf Proverbes 9,1-6 ; Jean 6,35). « Aux portes du levant et du couchant », c’est-à-dire dans le monde entier, « tu fais jaillir des cris de joie ». Pourquoi ? Car « tu visites la terre et tu l’abreuves, tu la combles de richesses ; les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau »… Toi‑même, en effet, tu viens les combler de l’Eau Vive de ta Vie… Et « sur ton passage ruisselle l’abondance » (Jean 10,10 ; Psaume 66,12 ; 130,7; Romains 5,20 ; 1Thessaloniciens 1,5 ; 2Pierre 1,2)… Puissions-nous tous être ces « ruisseaux de Dieu », ouverts aux Fleuves de Paix, d’Amour et de Vie que le Seigneur veut déverser en chacun d’entre nous (Isaïe 66,12-13 ; 55,1 ; Jean 7,37-39 avec Galates 5,22 ; Jean 4,10-14 ; Ezéchiel 47,1-9.12 avec Jean 19,33-34).

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           Dieu n’a donc cessé de visiter les hommes, et notamment son Peuple Israël, pour les délivrer de tout ce qui pouvait les opprimer. Et Zacharie relit le présent de l’intervention de Dieu, dont il est l’heureux témoin, à la lumière de toutes ces Ecritures que le Christ accomplit. C’est bien Lui cette « puissance de salut » (Romains 1,16 ; 2Corinthiens 12,7-10) qui nous vient de la maison de David : par Joseph (Luc 1,27), il est ce « fils de David » dont le trône subsistera à jamais, comme le prophète Natan l’avait autrefois annoncé (1Samuel 7,12-13.16). Il est aussi ce « surgeon poussant de la souche de Jessé », père de David, comme l’avait entrevu Isaïe, un autre « saint prophète des temps anciens » (Isaïe 11,1-9) et il faudrait les citer tous (1Pierre 1,10-12) ! Cette « Puissance de salut » est celle de l’Esprit Saint (Luc 4,14). Elle sera mise en œuvre en Marie pour engendrer « le Sauveur du monde » (Luc 1,36 ; Matthieu 1,20-21 ; Jean 4,42). Elle se manifestera ensuite dans les miracles accomplis par le Christ (Luc 5,17), dans sa Parole qui met en fuite les démons (Luc 4,36), et qui est aussi, au cœur de ceux et celles qui l’accueillent, douce attirance (Jean 6,44), joie (1Thessaloniciens 1,6), feu (Luc 24,32)… Elle se déploiera enfin dans la Résurrection du Christ (Romains 1,4 ; 2Corinthiens 13,4), victoire totale de la Vie sur la mort, de l’Amour sur la haine. Elle sera ensuite donnée aux Apôtres, c’est-à-dire à l’Eglise « Corps du Christ », car avec elle et par elle, le Christ ressuscité continue dans le monde son œuvre de salut (Apocalypse 12,10 ; 11,15-17 ; 1Thessaloniciens 1,5 ; 1Corinthiens 2,4-5 ; 12,4-11 ; Ephésiens 3,7-8 ; Colossiens 1,29). Elle sera enfin communiquée à chaque croyant au jour de son baptême, pour que la Puissance de l’Amour et de la Miséricorde règne au cœur de sa vie et de ses faiblesses ; elle sera une force qui le soutiendra dans sa marche vers le Royaume (Ephésiens 3,14-21 ; 2Thessaloniciens 1,11 ; 2Corinthiens 12,9-10 ; 4,6-10)… Cette force sera nourrie en son cœur par les sacrements : l’Eucharistie (Jean 6,63 ; Galates 5,22-25), le sacrement de Réconciliation. Grâce à elle, « il sera délivré de la main des ennemis » (Jean 14,30 ; Luc 4,18-19 ; 10,19 ; Matthieu 6,13 ; 2Timothée 4,18) il pourra déjouer les manœuvres du Tentateur (Ephésiens 6,10-11 ; 1Pierre 5,8-10 ; 1Jean 2,12-14 ; 1Corinthiens 10,13) et s’efforcer de répondre au mal par le bien (Romains 12,21 ; 1Thessaloniciens 5,15).

main

Comme le chantait Marie dans son Magnificat (Luc 1,49-50), cette « Puissance de Salut » est avant tout celle de la Miséricorde que Dieu ne cesse de mettre en œuvre dans nos vies pour nous conduire sur les chemins du Salut. Et Zacharie chante cette fidélité de tous les instants en disant : « Dieu s’est souvenu de son Alliance sainte ». Nous sommes ici au cœur de son Cantique (cf. en fin de fiche), une constatation d’autant plus belle que le nom Zacharie, en hébreu, signifie « Dieu se souvient » ou « Dieu s’est souvenu » ! Cette Alliance sainte est d’abord celle que Dieu a conclue avec toute chair, c’est-à-dire avec tout homme, quel qu’il soit, et cela dès les origines (Genèse 9,8-17, où Noé est, selon la symbolique biblique, le deuxième grand ancêtre de l’humanité, après Adam). Par cette Alliance, Dieu s’est engagé de manière irrévocable aux côtés des hommes, leur manifestant son « Amour Fidèle » (« hésed » en hébreu, traduit par « fidélité » (TOB) ou par « Amour » (Bible de Jérusalem) ; cf Psaume 103(102),17-18 ; 25(24),10 ; 89(88),25-29 ; 106(105),43-45 ; Deutéronome 7,12). Dieu se constituera ensuite un Peuple avec Abraham et sa descendance, pour qu’ils soient au service de cette Alliance universelle (Genèse 12,1-4 ; Actes 3,25). Il s’engagera avec eux par une Alliance perpétuelle (Genèse 15,7-11.17-21 ; 17,1-8) qu’il renouvellera de siècle en siècle, avec Isaac (Genèse 17,19.21), Jacob (Genèse 28,10-17 ; Exode 2,24), Moïse (Exode 19,3-8 ; 24,1‑11 ; 31,16-17 ; 34,10 ; 34,27-28 ; Deutéronome 4,13 ; 5,2-3), David (Psaume 89(88),4-5 ; 2Chroniques 13,5 ; 21,7)… Mais hélas, tout au long de son histoire, Israël sera infidèle à cette Alliance, une infidélité qui est en fait « notre » infidélité à tous (Isaïe 24,5 ; 33,8 ; Jérémie 11,10 ; Osée 8,1 ; Psaume 78(77),10)…

dieu est fidèle

Cependant, « si nous sommes infidèles », écrit St Paul, « Dieu, lui reste fidèle, car il ne peut se renier Lui-même », et il n’est qu’Amour (2Timothée 2,13)… Dans son amour (Isaïe 54,10), cette Alliance envers les hommes et envers Israël est donc bâtie pour toujours (Psaume 105(104),8-10 ; Lévitique 26,9 ; Jérémie 31,20-21). Pour exprimer le mystère de cette fidélité, les auteurs bibliques emploieront l’expression reprise par Zacharie : « Il se souvient de son Alliance » (Genèse 9,15-16 ; Exode 2,24 ; 6,5 ; Lévitique 26,44-45 ; Deutéronome 4,31 ; 1Maccabées 4,8-11 ; 2Maccabées 1,2-3 ; Psaume 106,43-45 ; 111,5 et 111,9 ; Ezéchiel 16,60). Dieu, en effet, ne nous abandonne jamais lorsque nous, nous l’abandonnons (Osée 11,7-9). Il ne nous oublie jamais lorsque nous, nous l’oublions (Isaïe 49,13-16[6]). Lorsque nous nous éloignons de lui, Il part à notre recherche (Luc 15,4-7 ; 19,10) et frappe à la porte de notre cœur (Apocalypse 3,20). Il ne cesse de nous faire du bien alors même que nous commettons le mal (Matthieu 5,43-45). Pour sceller définitivement ce mystère d’Alliance et d’Amour, Dieu répondra ainsi aux multiples infidélités des hommes par la promesse d’une Alliance Nouvelle et Eternelle (Isaïe 55,3) où il nous apportera tout d’abord le pardon de toutes nos fautes (Jérémie 31,31-34 ; Ezéchiel 16,60-63 ; Romains 11,25-27), et cette guérison intérieure qui nous permettra petit à petit, de pardon en pardon, avec le soutien de son Esprit, de lui être fidèles (Ezéchiel 36,24-28 ; 37,26-27). Alors l’humanité pourra retrouver avec lui le chemin de l’unité et de la paix intérieures, fondement du vrai bonheur (Jérémie 32,40-41 ; Osée 2,20-21).

christ-souriant-04

Ce projet que Dieu s’efforce de mettre en œuvre pour tous les hommes a été pleinement manifesté et réalisé par le Christ. Il sera tout d’abord cet homme qui vivra enfin en parfaite Alliance avec Dieu (Isaïe 42,6‑7 ; 49,8‑10), uni de cœur à son Père dans la communion d’un même Esprit, d’un même Amour (Jean 10,30 ; 8,29 ; 15,10). Par amour du Père (Jean 14,31) et par amour des hommes (Jean 13,1), il donnera sa vie, il versera son Sang pour que nous puissions vivre nous aussi en Alliance avec son Père et notre Père (Matthieu 26,26-28 ; Marc 14,22-25 ; Luc 22,19-20 ; 1Corinthiens 11,25 ; 2Corinthiens 3,5-6). Pour cela, il nous demande tout simplement de croire en lui, de lui faire confiance, de lui ouvrir notre cœur et de tout lui offrir, le bien comme le mal. Il accomplira alors en nous son œuvre de salut par l’Esprit Saint, cette Puissance de Salut qu’il a répandue en abondance sur le monde par sa mort et sa Résurrection (Jean 7,37-39 ; 20,19‑23 ; Actes 2,1-4 ; 2,17-18 ; 2,33-39 ; 10,44-45 ; Tite 3,6-7). Et maintenant, grâce au don de cet Esprit, nous sommes invités, dans la foi, à vivre avec le Christ une relation semblable à celle qu’il vit avec son Père (1Thessaloniciens 5,9-10, avec 1Corinthiens 6,17 et Jean 10,30 ; puis noter toutes les fois où St Jean emploie le mot « comme » : Jean 17,11 ; 17,18 ; 17,20-24 ; 15,9‑10 ; 10,14-15 ; 6,57 où la Bible de Jérusalem a « de même »). Avec le Fils et par le Fils (1Timothée 2,5), nous sommes ainsi conviés à devenir des fils et des filles de Dieu vivant en Alliance avec Dieu notre Père dans la communion d’un même Esprit (Ephésiens 1,17-18[7]).

miséricorde divine

            Le Cantique de Zacharie se termine par un regard sur le Christ. Le premier cadeau qu’il nous apporte est de pouvoir « connaître le salut par la rémission de nos péchés », c’est-à-dire « faire l’expérience de l’Amour et de la Miséricorde de Dieu au cœur même de notre fragilité et de nos misères ». Dieu veut que nous lui offrions tout le mal que nous avons pu commettre dans notre vie, et Lui, le premier, nous assure qu’il sera entièrement pardonné, lavé, purifié (Isaïe 1,18 ; 55,7 ; Jérémie 3,12-13 ; 3,22 ; 31,34 ; 33,8 ; 50,20 ; Ezéchiel 16,62-63 ; Daniel 9,8-9 ; Néhémie 9,17 ; Psaume 32,5 ; 86,5 ; 103,3 ; 130,4 ; Siracide 21,1 ; 2Chroniques 16,14 ; Nombres 14,19‑20 ; Ephésiens 4,32 ; Colossiens 2,13 ; 3,13 ; 1Jean 1,9). « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance ; je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent »…

« Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui » (Ste Thérèse de Lisieux)…

miséricorde de dieu

            Zacharie présente d’ailleurs tout l’événement « Jésus Christ » à la seule lumière de la Miséricorde de Dieu. Littéralement, il loue ces « entrailles de Miséricorde de notre Dieu dans lesquelles nous a visité l’Astre d’en Haut », le Christ Jésus… Le mot « entrailles » est ici très fort car son sens premier est « viscères, tripes ». Appliqué à Dieu, il nous le présente comme remué jusqu’au plus profond de lui-même par le spectacle de tout ce mal que nous, les hommes, nous semons dans le monde (Osée 11,8[8]). Le péché, la haine, le refus de pardonner, le désir de vengeance… tout cela détruit, mais aussi nous détruit… Face à cette situation, Dieu, le Père de tous les hommes, est « intérieurement bouleversé » : « ému de compassion » (Luc 15,20, traduction littérale), il réagit et envoie son Fils dans le monde non pas pour le condamner mais pour le sauver (Jean 3,16-17 ; 8,11 ; Romains 8,1 ; par contre, le Christ, Lui, sera condamné (Matthieu 27,37 avec Luc 23,4.14.22), et il le supportera en silence pour le salut de chacun d’entre nous). Le mystère de l’Incarnation s’enracine donc dans « les entrailles de Miséricorde de notre Dieu ». De plus, le Fils va nous visiter « dans » ces mêmes entrailles : dès lors, tout ce qu’il dira, tout ce qu’il fera jaillira de ces « entrailles de Miséricorde » et manifestera l’Amour de Dieu pour le monde.

            Ainsi, le Christ, qui « est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière » disons-nous dans notre Crédo, sera lumière pour tous ceux et celles qui, par leurs péchés, étaient dans les ténèbres. Avec lui, gratuitement, ils découvriront toute la tendresse de Dieu qui les appelle à quitter leurs chemins de ténèbres et de mort pour trouver avec Lui la Lumière, la Vie et la Paix (Au verset 79, St Luc parle littéralement de « redresser nos pas »). Puissions-nous être de ceux-là pour contempler, dès aujourd’hui, dans la foi, le visage de Celui qui ne cesse de nous regarder avec Amour…

                                                                                                 D. Jacques Fournier

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Ste Thérèse de Lisieux : le petit oiseau au Soleil de l’Amour

Comment une âme aussi imparfaite que la mienne peut-elle aspirer à posséder la plénitude de l’Amour ?… O Jésus ! mon premier, mon seul Ami, toi que j’aime uniquement, dis-moi quel est ce mystère ? Pourquoi ne réserves-tu pas ces immenses aspirations aux grandes âmes, aux Aigles qui planent dans les hauteurs ?… Moi je me considère comme un faible petit oiseau couvert seulement d’un léger duvet ; je ne suis pas un aigle, j’en ai simplement les yeux et le cœur car malgré ma petitesse extrême, j’ose fixer le Soleil Divin, le Soleil de l’Amour et mon cœur sent en lui toutes les aspirations de l’Aigle … Le petit oiseau voudrait voler vers ce brillant Soleil qui charme ses yeux, il voudrait imiter les Aigles ses frères qu’il voit s’élever jusqu’au foyer Divin de la Trinité Sainte… Hélas ! Tout ce qu’il peut faire, c’est de soulever ses petites ailes, mais s’envoler, cela n’est pas en son petit pouvoir ! Que va-t-il devenir ? Mourir de chagrin en se voyant aussi impuissant ?… Oh non ! Le petit oiseau ne va même pas s’affliger. Avec un audacieux abandon, il veut rester à fixer son divin Soleil ; rien ne saurait l’effrayer, ni le vent ni la pluie, et si de sombres nuages viennent à cacher l’Astre d’Amour, le petit oiseau ne change pas de place, il sait que par delà les nuages son Soleil brille toujours, que son éclat ne saurait s’éclipser un instant. Parfois, il est vrai, le cœur du petit oiseau se trouve assailli par la tempête, il lui semble ne pas croire qu’il existe autre chose que les nuages qui l’enveloppent ; c’est alors le moment de la joie parfaite pour le pauvre petit être faible. Quel bonheur pour lui de rester là quand même, de fixer l’invisible lumière qui se dérobe à sa foi !!!…

Jésus, jusqu’à présent, je comprends ton amour pour le petit oiseau, puisqu’il ne s’éloigne pas de toi… mais je le sais et tu le sais aussi, souvent, l’imparfaite petite créature tout en restant à sa place (c’est-à-dire sous les rayons du Soleil), se laisse un peu distraire de son unique occupation, elle prend une petite graine à droite et à gauche, court après un petit ver… puis rencontrant une petite flaque d’eau elle mouille ses plumes à peine formées, elle voit une fleur qui lui plaît, alors son petit esprit s’occupe de cette fleur… Enfin ne pouvant planer comme les aigles, le pauvre petit oiseau s’occupe encore des bagatelles de la terre. Cependant après tout ces méfaits, au lieu d’aller se cacher au loin pour pleurer sa misère et mourir de repentir, le petit oiseau se tourne vers son Bien-Aimé Soleil, il présente à ses rayons bienfaisants ses petites ailes mouillées, il gémit comme l’hirondelle et dans son doux chant, il confie, il raconte en détail ses infidélités, pensant dans son téméraire abandon  acquérir ainsi plus d’empire, attirer plus pleinement l’amour de Celui qui n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs… Si l’Astre Adoré demeure sourd aux gazouillements plaintifs de sa petite créature, s’il reste voilé… eh bien ! la petite créature reste mouillée, elle accepte d’être transie de froid et se réjouit encore de cette souffrance qu’elle a cependant méritée…

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O Jésus ! Que ton petit oiseau est heureux d’être faible et petit, que deviendrait-il s’il était grand ?…  Jamais il n’aurait l’audace de paraître en ta présence, de sommeiller devant toi… Oui, c’est là encore une faiblesse du petit oiseau lorsqu’il veut fixer le Divin Soleil et que les nuages l’empêchent de voir un seul rayon, malgré lui ses petits yeux se ferment, sa petite tête se cache sous sa petite aile et le pauvre petit être s’endort, croyant toujours fixer son Astre Chéri. A son réveil, il ne se désole pas, son petit cœur reste en paix, il recommence son office d’amour, il invoque les Anges et les Saints qui s’élèvent comme des Aigles vers le Foyer dévorant, objet de son envie et les Aigles prenant en pitié leur petit frère, le protègent, le défendent et mettent en fuite les vautours qui voudraient le dévorer. Les vautours, images des démons, le petit oiseau ne les craint pas, il n’est pas destiné à devenir leur proie, mais celle de l’Aigle qu’il contemple au centre du Soleil d’Amour. »

O Verbe Divin, c’est toi l’Aigle adoré que j’aime et qui m’attires ! C’est toi qui t’élançant vers la terre d’exil as voulu souffrir et mourir afin d’attirer les âmes jusqu’au sein de l’Éternel Foyer de la Trinité Bienheureuse, c’est toi qui remontant vers l’inaccessible Lumière qui sera désormais ton séjour, c’est toi qui restes encore dans la vallée des larmes, caché sous l’apparence d’une blanche hostie… Aigle Éternel, tu veux me nourrir de ta divine substance, moi, pauvre petit être, qui rentrerais dans le néant si ton divin regard ne me donnait la vie à chaque instant… O Jésus ! Laisse-moi dans l’excès de ma reconnaissance, laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie… Comment veux-tu devant cette Folie, que mon cœur ne s’élance pas vers toi ? Comment ma confiance aurait-elle des bornes ?… Ah ! pour toi, je le sais, les Saints ont fait des folies, ils ont fait de grandes choses puisqu’ils étaient des aigles

Jésus, je suis trop petite pour faire de grandes choses… Ma folie consiste à supplier les Aigles mes frères, de m’obtenir la faveur de voler vers le Soleil de l’Amour avec les propres ailes de l’Aigle Divin

Aussi longtemps que tu le voudras, ô mon Bien-Aimé, ton petit oiseau restera sans forces et sans ailes, toujours il demeurera les yeux fixés sur toi, il veut être fasciné par ton regard divin, il veut devenir la proie de ton Amour…  Un jour, j’en ai l’espoir, Aigle Adoré, tu viendras chercher ton petit oiseau, et remontant avec lui au Foyer de l’Amour, tu le plongeras pour l’éternité dans le brûlant Abîme de Cet Amour…

[1] Ceux qui savaient lire et écrire ; on venait les voir pour demander conseil ou résoudre un problème à la lumière de la Loi de Moïse.

[2] Le mouvement pharisien regroupait tous ceux qui voulaient vivre le plus parfaitement possible selon les commandements de la Loi et la Tradition des anciens.

[3] Les publicains devaient collecter les taxes et les impôts pour l’occupant romain. Ils étaient considérés comme des voleurs, car beaucoup en profitaient pour demander plus et s’enrichir personnellement.

[4] Texte ancien où la polygamie était encore de règle, et où l’on attribuait tout à Dieu, le bien comme le mal. Mais ce n’est pas Dieu qui a rendu le sein d’Anne stérile (1,5 et 1,6) ! Attention aussi à ne pas confondre le prêtre Eli avec le prophète Elie…

[5] En 587 avant Jésus Christ, Nabuchodonosor assiégea pour la deuxième fois Jérusalem en 10 ans. Il détruisit ses remparts, son Palais Royal, son Temple, et déporta environ 20.000 personnes à Babylone. Mais en 538 avant Jésus Christ, il sera à son tour battu par le roi Perse Cyrus qui permettra aux Israélites de retourner dans leur pays.

[6] Pour Is 49,16, « Vois, je t’ai gravée sur les paumes de mes mains », on peut penser aux mains du Christ qui porteront éternellement les marques de sa passion vécue pour notre salut à tous (Jean 20,19-29).

[7] « Ceux qui étaient loin » sont les païens, « ceux qui étaient proches », les Juifs.

[8] Et la Bible de Jérusalem d’écrire en note pour « mon cœur en moi est bouleversé » : Le mot est très fort ; précisément celui qui est employé à propos de la destruction des cités coupables, (Gn 19, 25) ; (Dt 29, 22). Osée laisse entendre que » les conséquences malheureuses du péché sont « comme vécues d’avance dans le cœur de Dieu ».

Fiche 2M n°7 – Lc 1,57-80 : cliquer sur le titre précédent pour ouvrir ou imprimer le document PDF