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La semaine dernière, nous avons célébré l’Ascension de notre Seigneur. Depuis que dans son humanité, il est entré dans l’intimité de Dieu le Père, Jésus ne peut plus être perçu par nos sens. Nous ne le voyons plus avec nos yeux, nous ne l’entendons plus avec nos oreilles, et nous ne pouvons plus le toucher.
Cet enlèvement de Jésus d’auprès des disciples a interrogé Sainte Catherine de Sienne. Se souvenant que dans l’évangile selon Jean, dans son discours d’adieu, Jésus dit à ses disciples : « je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous » (Jn 16, 7), sainte Catherine s’est demandé en quoi le départ de Jésus était quelque chose de positif pour ses disciples, et si le don de l’Esprit Saint était une compensation suffisante, pour ainsi dire, de l’absence physique du Seigneur.
Dans le livre des Dialogues qu’elle a écrit, elle s’appuie sur un autre passage du discours d’adieu de Jésus dans lequel, il dit aux disciples : « Je m’en vais, et je viens à vous » (Jn 14, 28). Sainte Catherine arrive donc à la conclusion que par le don du Saint Esprit, il est possible pour Jésus d’être présent de manière personnelle auprès de chacun de ses disciples, peu importe ou il habite. C’est pourquoi elle écrit que « le Saint Esprit ne vient jamais seul, mais il vient avec la puissance du Père et la sagesse du Fils ». (Dialogue XXIX). Pour le dire autrement, par le don du Saint Esprit, la présence du Fils de Dieu n’est plus limitée, ni à un lieu précis, ni à une époque.
L’intuition de sainte Catherine se vérifie dans les lectures de ce jour
Dans la première lecture tirée du livre des Actes des Apôtres, saint Luc nous raconte le récit du don de l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte. Le terme Pentecôte vient du grec pentékostê (πεντηκοστή) qui signifie « cinquantième ». Pendant la période du premier Temple de Jérusalem construit par Salomon (cf. 1 R 5), le cinquantième jour après Pâque, les hébreux se rendaient en pèlerinage à Jérusalem pour présenter à Dieu les premiers fruits de la récolte, mûrie en sept semaines depuis la Pâque, comme le prescrivait la Loi. Dans la Bible hébraïque, cette fête est appelée Hag Shavouot (הַג שָׁבֻעֹת), ce qui signifie « fête des semaines ».
Par exemple, dans le livre du Deutéronome, après avoir donné des instructions pour la Pâque, le Seigneur dit : « Tu compteras sept semaines : dès que la faucille commence à couper les épis, tu commenceras à compter les sept semaines. Puis tu célébreras la fête des Semaines en l’honneur du Seigneur ton Dieu, avec l’offrande volontaire que fera ta main ; ton offrande sera à la mesure de la bénédiction du Seigneur ton Dieu » (Dt 16, 9-10, voir aussi Ex 34, 22 ; Lv 23, 15-20 et Nb 28, 26).
Progressivement à partir du premier siècle, la « fête des semaines » commence à être rattachée à l’histoire du salut. Une première évolution sera de rattacher cette fête à l’alliance conclue par Dieu avec Noé (Gn 9). Puis dans un deuxième temps, ce sens lié à l’alliance va encore évoluer, et les pèlerins venant à Jérusalem vont célébrer ce jour-là l’alliance avec Moïse et le don de la Loi.
Il est possible que saint Luc connaissait ce sens, puisque dans son récit de la Pentecôte du livre des Actes des Apôtres, les mentions du « bruit » et du « feu » qui accompagnent le don de l’Esprit Saint, font penser à la manifestation de Dieu sur le mont Sinaï qui précède l’alliance et le don de la Loi dans le livre de l’Exode (Ex 19).
Si vous êtes chrétiens depuis quelques années, vous avez surement déjà entendu la lecture traditionnelle de ce texte qui oppose le don de la Loi gravée sur les tables de pierre à la loi gravée dans les cœurs qu’est l’Esprit Saint.
Ce matin, je voudrai plutôt attirer votre attention sur un détail de ce texte qui me semble plus utile pour mieux comprendre qui est l’Esprit Saint. Tout à l’heure, nous avons dit que par l’Esprit Saint, il était possible pour Jésus d’être présent de manière personnelle auprès de chacun de ses disciples. Le terme important ici est : « personnel ».
Dans son récit de la Pentecôte, saint Luc nous dit à propos du bruit que « la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière » (Ac 2, 2) et à propos des langues qu’on aurait dite de feu qu’« il s’en posa une sur chacun d’eux » (Ac, 2, 3). Il semble que Luc veut signifier que l’Esprit Saint est à la fois un don collectif et individualisé. Il concerne tous les disciples réunis, et chacun d’entre eux individuellement.
De la même façon, « Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, (les pèlerins) se rassemblèrent en foule » et « chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient » (Ac 2, 6). Par l’Esprit, Dieu s’adresse à toutes les nations, et en même temps à chaque personne en particulier. Par conséquent, l’Esprit s’adresse aussi à moi. Et que veut-il cet Esprit Saint ? Quel est son objectif ?
Dans le texte d’évangile, Jésus répond que « l’Esprit de vérité vous conduira dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Jésus nous présente l’Esprit comme un guide qui doit conduire les disciples dans la vérité. Or nous savons que dans ce même évangile johannique, Jésus se présente lui-même comme la vérité : « je suis le chemin, la vérité et la vie » a-t-il dit à ses disciples un peu plus tôt dans ce même discours (14, 6). Donc l’Esprit Saint est comme un maître qui nous conduit sur la voie du Christ.
Mais il ne s’agit pas d’un changement instantané, et saint Paul nous le rappelle dans l’extrait de la Lettre aux Galates que nous avons entendu.
Au début de cet extrait, l’Apôtre écrit : « Frères, je vous le dis : marchez sous la conduite de l’Esprit Saint » (Ga 5, 16). Et à la fin, il répète : « Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit » (5, 25).
Saint Paul nous rappelle que la vie dans l’Esprit n’est pas une transformation magique, mais une marche pour intégrer progressivement l’Évangile et le mettre en application dans ma vie.
Dans l’évangile selon Matthieu, Jésus dit que « tout arbre bon donne de beaux fruits » (Mt 7, 17). Paul emprunte la même image, celle du « fruit » pour nous donner un critère de discernement pour savoir si ce que l’on fait vient de l’Esprit Saint. Je vous relis ce passage qui se passe de commentaire : « Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5, 22).
Chers frères et sœurs, en ce jour de la Pentecôte, comme nous exhorte saint Paul, « marchons sous la conduite de l’Esprit » ! Et puisqu’il parle à chacun d’entre nous personnellement et que « ce qu’il dit ne vient pas de lui-même : mais que c’est ce qu’il aura entendu du Père et du Fils » (cf. Jn 16, 13), à partir d’aujourd’hui et dans la suite de notre vie, prenons l’engagement d’être plus attentif aux conseils de ce divin guide. Amen.