La Pentecôte Messe du soir par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures la veille au soir Samedi 23 Mai 2015

 

Première lecture. Au choix l’un des quatre textes suivants :

 

Genèse 11, 1-9 (« On l’appela Babel, car c’est là que le Seigneur embrouilla la langue des habitants de toute la terre ») 

L’épisode de la Tour de Babel est commenté par le philosophe juif Philon d’Alexandrie sous le titre « La confusion des langues » (De Confusione Linguarum).  La légende joue sur plusieurs tableaux :

  1. Pourquoi parlons-nous des langues différentes ? La question en masque une autre : Pourquoi ne nous comprenons-nous pas entre races et cultures ? On peut bien rêver d’une langue primitive unique (quelle pauvreté ce serait !), cela ne résout rien.

  2. Dès que surgit le problème de l’incompréhension mutuelle, surgit aussi celui de la volonté de puissance : Qui imposera à l’autre sa manière de parler et d’entendre ? Et, dans la conscience du croyant, cette question : les barrières entre races et cultures ne viendraient-elles pas de notre résistance à Dieu qui, lui, préfère la diversité ? D’où, dans cette légende, l’intervention théâtrale d’un Dieu qui « brouille tout ».

  3. Surtout, Dieu n’accepte pas qu’une culture ou une nation prétende, comme atteignant le ciel, dominer toutes les autres. En l’occurrence, il s’agit de Babel, Babylone, qui fut la grande puissance du Proche Orient ancien. C’est elle que vise le récit. C’est elle que condamne Isaïe 47, 8, parce qu’elle parle comme Dieu : « Moi, sans égal ! », dit-elle.

  La Pentecôte (messe du jour, 1ère lecture) est-elle un « anti-Babel » ? Oui, parce que l’Esprit offre aux nations de se renconter dans l’Évangile du Ressuscité ! Non, parce qu’il n’y a pas de réduction à une seule langue. Les missionnaires du Christ s’adressent à chaque culture, dans le respect de sa propre langue. 

* Babel, Babylone. La tour, confectionnée de briques, de bitume et de mortier, évoque les ziggourats, édifices religieux qui, par leur hauteur extraordinaire, faisaient la fierté de Babylone, super-puissance.

 

 

Exode 19, 3-8a. 16-20b (« Le Seigneur descendit sur le sommet du Sinaï devant tout le peuple « ) 

« Le troisième mois » après la Pâque correspond à la fête juive de la Pentecôte. Certains cercles juifs du 1er siècle commémoraient en cette fête l’événement du Sinaï. Sur cette montagne, Dieu fit alliance avec son peuple en lui offrant sa Loi (Exode 19 – 24). La solennité du pacte est orchestrée par des « coups de tonnerre » (littéralement : des voix), un ébranlement, du feu. Ces éléments du récit se retrouvent dans la scène de la Pentecôte (messe du jour, 1ère lecture), mais d’autres encore. Car les légendes juives disaient que le feu dans lequel Dieu avait parlé s’était divisé en autant de flammes qu’il y a de langues dans le monde, que tous les peuples avaient entendu les commandements, mais que seul Israël avait accepté l’alliance et les préceptes proposés.

  La nouvelle Pentecôte offre une nouvelle Alliance. Dieu ne propose plus une Loi, mais le don de l’Esprit Saint que chacun pourra recevoir dans sa langue et sa culture. La Pentecôte veut rassembler tous les peuples, comme le voulait déjà la première Pentecôte, celle du Sinaï. De tous les peuples peut renaître « un royaume de prêtres, une nation sainte ».

 

 

Ézékiel 37, 1-14 (« Ossements desséchés, je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez « ) 

Le célèbre épisode des ossements desséchés comprend deux parties : d’abord la vision d’Ézékiel, puis l’interprétation que Dieu en donne.

  Dans une vallée, lieu de « l’ombre de la mort » selon maint poème biblique, voici des os secs, réduits à l’état minéral. Pas de retour à la vie plus improbable. C’est la question primordiale : « Ces ossements peuvent-ils revivre ? » Dieu seul le sait qui, pourtant, demande le concours d’Ézékiel à qui il revient de prophétiser pour que la vie revienne. Vont se rassembler les os dispersés (« parmi les nations » ? 36, 19). Vont se couvrir de chair les « cœurs de pierre » du chapitre précédent (36, 26). Tout cela ne peut advenir que par la puissance de l’esprit de Dieu.

  L’interprétation de la vision montre que cette résurrection consiste en un retour des Juifs, ossements dispersés et enfermés dans le tombeau de leur exil à Babylone, « vers la terre d’Israël ». Cette « résurrection » a un lien étroit avec le chapitre précédent (Ézékiel 36 – cf., ci-dessus, veillée pascale) montrant que la vie rendue aux pécheurs exilés est d’abord un renouvellement moral, le don d’un esprit nouveau.

  Saint Paul éclairera cette double action de l’Esprit. D’abord, l’Esprit Saint nous renouvelle dès maintenant en insufflant en nous le souffle de l’amour (voir Galates 5, 16). Ensuite, il nous ressuscitera, à la suite de Jésus (Romains 8, 11). 

 

Joël 3, 1-5a (Sur mes serviteurs et mes servantes je répandrai mon esprit en ces jours-là) 

Dieu avait répandu son Esprit sur les Anciens qui assistaient Moïse. Mais celui-ci avait émis un vœu : « Puisse tout le peuple du Seigneur être prophète, le Seigneur leur donnant son Esprit » (Nombres 11, 29).

  D’après Joël, ce souhait va trouver son accomplissement. Hommes et femmes, jeunes et vieux, citoyens et esclaves, « toute chair » recevra l’Esprit. Ainsi, toutes les classes sociales d’Israël deviendront prophètes, dotés des songes et des visions qui, dans l’Antiquité, caractérisent la prophétie (Nombres 12, 6). Mais la merveille s’accompagnera de perturbations cosmiques redoutables annonçant « le Jour du Seigneur », le jour de son triomphe sur les forces du mal. Et lorsqu’on se sait pécheur, que faire face à ce jugement de l’univers ? Invoquer Dieu par son nom, le reconnaître comme « le Seigneur » qui seul sauve ses créatures.

  Au jour de la Pentecôte, Pierre ouvrira son discours en citant cette prophétie de Joël (Actes 2, 17-21). L’Église est un peuple de prophètes, lucides sur la marche de l’histoire. « Le Nom du Seigneur » qu’ils invoquent dans leur confession de foi est celui de Jésus le Christ (Actes 2, 36), le seul qui apporte le salut (Actes 4, 10-12). 

 

Deuxième lecture : 

Romains 8, 22-27 (« L’Esprit intercède par des gémissements inexprimables  » ) 

Le chapitre 8 de l’Épître décrit le rôle de l’Esprit dans la vie du chrétien. Ici, l’Apôtre élargit son regard à la création matérielle. Parce qu’elle est tributaire de l’usage que l’homme en fait, elle passe par de douloureux soubresauts qui conduiront à l’enfantement « d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle » annoncés par les prophètes (Isaïe 65, 17). Nous-mêmes, « nous gémissons », tendus vers une vie nouvelle. Certes, le Saint-Esprit opère en nous un renouvellement moral et nous tire de l’esclavage du péché. Mais pour passer de l’esclavage à « l’adoption », à l’état de vrais fils de Dieu, il faut que la mort soit vaincue.

  L’Esprit ne nous donne pas tout. Il nous révèle que « nous avons été sauvés », et il nous maintient dans une tension difficile et persévérante qui s’appelle « l’espérance ». Nous espérons devenir l’image que Dieu se fait de nous, et cette image est le Christ. Quand nous balbutions notre prière, l’Esprit lui-même « gémit » en nous, assistant notre faiblesse et prenant la relève du gémissement du peuple opprimé que jadis le Seigneur entendit (Exode 6, 5. L’Esprit demande en nous ce que nous ne pouvons pas nous représenter : notre ressemblance au Christ.

  L’Esprit est au début et au terme de la prière chrétienne. C’est lui qui oriente notre désir. C’est lui que nous obtenons pour devenir ce que nous demandons à Dieu.

 

Jean 7, 37-39 (« Des fleuves d’eau vive couleront « ) 

Le cadre : la fête des Tentes 

En cette fête juive d’automne, on allait puiser de l’eau à la fontaine de Siloé, symbole de la famille du Messie (cf. Isaïe 8, 6). On portait cette eau en procession jusqu’au Temple, au pied de l’autel. On signifiait ainsi que Dieu donne la vie à son peuple, par son Messie. Le prophète Ézékiel (chapitre 47) avait annoncé qu’à la fin des temps, un fleuve d’eau vive jaillirait « du côté droit du Temple ». Jésus va se présenter comme la source de l’eau vive, lui qui est le nouveau Temple (cf. Jean 2, 21). 

L’eau vive 

Selon la symbolique de saint Jean, si Jésus est « debout », c’est qu’il se présente comme le Seigneur ressuscité s’adressant aux croyants de tous les âges.

  Un prophète écrivait : « Vous tous qui avez soif, venez vers l’eau » (Isaïe 55, 1). À celui qui a soif de vivre, Jésus dit : « Qu’il vienne à moi. » On ne vient à lui que par la foi. Selon l’évangéliste, Jésus accomplit ici les prophéties, « comme dit l’Écriture ». Mais Jean ne cite aucun texte précis. Il renvoie plutôt son lecteur à tous les passages de l’Ancien Testament évoquant le don de l’eau, notamment l’épisode du rocher frappé par Moïse (Exode 17) et la prophétie d’Ézékiel évoquée plus haut.

  Pour les Juifs contemporains de Jésus, ces passages bibliques symbolisaient la Loi et la Sagesse que Dieu donne aux enfants d’Israël pour qu’ils vivent. Mais telle n’est pas l’interprétation de l’évangéliste, puisque ces « fleuves d’eau vive » jaillissent du cœur de Jésus, plus littéralement « de son ventre », c’est-à-dire du plus intime de son être. La phrase prophétise le signe suprême du Golgotha : « Un des soldats avec sa lance lui frappa le côté ; et aussitôt il en sortit aussitôt du sang et de l’eau » (Jean 19, 34). 

L’Esprit 

L’eau vive ne représente donc plus seulement la parole de Jésus, comme c’était le cas dans l’épisode de la Samaritaine (Jean 4, 10.14), mais il s’agit de l’Esprit donné par Dieu à ceux qui croient en Jésus.

  Et l’Évangéliste d’ajouter, selon les meilleurs manuscrits : « Il n’y avait pas encore d’Esprit ». Non point que l’Esprit n’existait pas encore, mais il ne pouvait pas encore se manifester tel qu’il nous est donné, à savoir comme l’Esprit du Christ ressuscité. Chez Jean, l’heure où Jésus est « glorifié » est particulièrement l’heure de la croix. Celle-ci manifeste jusqu’où va l’amour de Dieu pour nous : jusqu’à l’effacement total de soi. C’est dans cet effacement que jaillit l’Esprit. Il est, pour nous et en nous, présence de Jésus absent, comme l’annonçait le Seigneur : « L’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jean 14, 26).

 

 

 

 

 

 

 

 

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