La synodalité à la lumière de la doctrine sociale de l’Église et de la théologie de la communication par Fr. Manuel Rivero O.P.

L’Église vit une nouvelle démarche synodale. Il ne s‘agit pas d’une innovation pour le plaisir de la nouveauté. Jésus lui-même, ressuscité d’entre les morts, a marché avec les disciples d’Emmaüs. Le mot synode, d’origine grecque, veut dire « marcher ensemble ». Le Seigneur Jésus continue aujourd’hui de marcher avec ses disciples. Sur la route de Jérusalem à Emmaüs, Jésus a conversé avec Cléopas et un autre disciple dont nous ignorons le prénom. La révélation divine s’est déployée sous forme de marche et de dialogue.
L’esprit synodal nous fait vivre et revivre la pédagogie révélée par Jésus lui-même : il rejoint ses disciples découragés après le Vendredi saint ; en silence il marche avec eux, il commence par les écouter, ensuite il leur pose des questions ouvertes, non intrusives, pour qu’ils expriment avec leurs propres mots les pensées et les émotions qui traversent leur cœur (cf. Lc 24, 13s). Les disciples relisent l’histoire de la Passion avec Jésus. Jésus leur explique alors que « la défaite, la perte, le traumatisme, la mort sont inévitables mais qu’ils ne détruisent définitivement rien ».
En suivant l’exemple de Jésus, les réunions synodales à Rome et partout dans le monde ont rassemblé des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses et des laïcs dans la fraternité baptismale, commun dénominateur, ciment et gloire des fidèles chrétiens, renés de l’eau et de l’Esprit Saint à la vie nouvelle des enfants de Dieu. Le choix des tables rondes symbolisait l’égale dignité des baptisés et la coresponsabilité dans l’Église.
Il me semble bon de relier la démarche synodale aux six principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église qui illuminent et rehaussent la vocation et la mission des chrétiens, disciples-missionnaires, appelés à sanctifier la création et les relations humaines.
Si la doctrine sociale de l’Église comporte une immense richesse d’enseignement, il convient d’en mettre en valeur les six principes suivants : la dignité, le bien commun, la subsidiarité, la participation, la destination universelle des biens et la solidarité.

1) La dignité humaine. Concept difficile à définir du point de vue juridique, il n’en demeure pas moins la matrice de tous les droits et devoirs humains . Pour les chrétiens, la dignité de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, est égale pour tous, universelle, absolue, intrinsèque, inaliénable. Toute personne humaine, avant et après sa naissance, même malade, handicapée ou très âgée, garde sa dignité, don du Créateur .
Nous avons à différencier la dignité et les dignités. La dignité humaine dépasse l’importance éphémère des dignités sociales liées aux fonctions politiques et aux rangs éminents.
Le comportement humain s’avère indigne quand il traite les autres comme des moyens et non comme des buts. Les êtres humains ne sont pas des moyens pour satisfaire l’ambition des dictateurs ni la soif de l’argent ou des plaisirs. L’homme est la seule créature que Dieu a voulue pour elle-même. Dans la vie morale, la fin ne justifie pas les moyens. Il arrive que l’on aime les choses et que l’on se serve des personnes alors qu’il serait juste d’aimer les personnes et de se servir des choses.
Sa création arrive au terme et au sommet de l’œuvre de Dieu au commencement du monde. L’homme reçoit alors un souffle de vie autre que les animaux. « Capax Dei », « capable de Dieu », l’homme peut partager la sagesse divine.
La reconnaissance de la dignité humaine se manifeste dans le respect qui suppose un deuxième regard au-delà des clichés et des préjugés. Respecter une personne équivaut à la regarder une deuxième fois avec prudence et humilité devant le mystère de chacun. Les sociologues montrent qu’en rencontrant une personne nous nous en faisons une idée en quelques secondes d’après son physique, sa coiffure, ses vêtements, son accent et ses gestes. Pourtant que peut-on savoir de quelqu’un en quelques secondes alors que nous-mêmes nous nous connaissons si peu et si mal !
Le concile Vatican II enseigne que « par l’Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Gaudium et spes n° 22). L’humanité de Jésus, commun dénominateur de tous les hommes avec la sainte Trinité, fait resplendir la dignité humaine de la lumière de la Résurrection, victoire sur les puissances de mort. Les baptisés deviennent membres du Corps du Christ. Le pape saint Léon le Grand prêchait dans un admirable sermon de Noël en 461 : « Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu appartiens et de quel Corps tu es membre. Souviens-toi que tu as été arraché au pouvoir des ténèbres pour être transféré dans la lumière et le Royaume de Dieu » (Sermon de Noël 7,6). La synodalité repose sur cette dignité de la personne.


2) Le bien commun. Cette expression évoque le bien et ce qui est commun alors que « l’intérêt général » renvoie à un gain et à ce qui reste général au risque de favoriser les groupes de pressions économiques et politiques. Si la définition du bien commun donnée par le concile Vatican II semble de prime abord complexe, elle révèle sa richesse et sa précision : « Cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (Gaudium et spes, n° 26).
Le bien commun respecte la dignité et la liberté personnelles, sans tomber dans l’individualisme et l’existence sans but, tout en exigeant des conditions sociales qui permettent l’égalité des chances et la perfection intégrale des groupes intermédiaires et de ses membres.
Le bien commun n’est pas défini à l’avance, il advient par les choix libres et sages des personnes. La synodalité représente à son tour une recherche du bien des groupes et des personnes dans l’écoute active réciproque, le dialogue et le débat contradictoire, en évitant les approches idéologiques et fixistes. Il s’agit d’un équilibre dynamique vécu à la manière du personnalisme communautaire d’Emmanuel Mounier (+1950) qui ne séparait pas la personne de sa communauté et de sa vocation communautaire.
La recherche du bien commun s’oppose au « moi d’abord » et « après moi le déluge ».
Le bien commun apporte une vision de l’homme, de la société et de l’histoire où l’homme travaille en synergie avec les autres et de manière responsable.
La vision surnaturelle de l’Église s’accorde avec le développement personnel et collectif.
La mission apostolique des chrétiens consiste non pas dans une démarche de prosélytisme mais dans « la création des conditions pour que chacun puisse rencontrer personnellement le Christ Jésus, à cœur ouvert ».

3) Le principe de subsidiarité. Ce principe suppose que « chacun doit pouvoir faire tout ce qu’il est capable de faire dans l’exercice de ses responsabilités ». L’étymologie du mot subsidiarité, du latin subsidium, désigne l’aide et le soutien. La subsidiarité ne se réduit pas à une délégation qui descendrait des responsables vers les subalternes. La subsidiarité est un droit qui part du bas vers le haut et qui consiste à exiger des autorités responsables la reconnaissance de l’autonomie nécessaire dans l’exercice du travail ainsi que le soutien pour mener à bien les missions reçues et simultanément le développement des compétences. Chacun à son niveau demeure responsable des fonctions confiées. Bien évidemment, en cas de faute ou d’incompétence, il revient à l’autorité supérieure d’agir en conséquence pour préserver le bien commun et la finalité de la communauté. « La confiance n’exclut pas le contrôle », dit la devise de la Banque de France. Tout au contraire, le fait de contrôler est alors synonyme d’accompagner et de garantir l’honnête réussite des missions, à l’image d’un écosystème où tous dépendent de tous.
La synodalité dans l’Église applique le principe de la subsidiarité de manière à ne pas infantiliser les laïcs ni à les cléricaliser non plus, dans le souci de la croissance des fidèles dans la vie théologale et la compétence requise pour exercer les ministères de catéchiste, de gestion, d’animation liturgique …
Le principe de subsidiarité suscite une culture de l’encouragement et de l’inclusion où chacun grandit personnellement dans la conscience de former un « nous » avec les autres.


4) La participation. Ce concept de participation traverse la doctrine sociale de l’Église. Il ne correspond pas à une simple politique démocratique avec des majorités lors des votes. À partir d’une vision humaniste intégrale, le chrétien est appelé à participer dans tous les domaines : familial, économique, social, politique, ecclésial … Créé créateur, libre et responsable, l’homme a pour mission de gouverner le monde avec sagesse.
Dans l’Église le chrétien, en synergie avec la grâce de l’Esprit Saint, participe aux décisions et à la prise en charge de la mission d’évangélisation. Dans les diocèses et dans les paroisses, les conseils pastoraux, économiques, liturgiques et autres, comptent sur la participation active des baptisés, chargés de mission de par leur baptême et leur confirmation : « À plusieurs nous sommes plus intelligents que tout seul ». L’Esprit Saint se plaît à manifester sa volonté dans les conciles et les rassemblements vécus dans la foi et la prière.
Il s’agit d’une démocratie théologale et non pas d’un simple « management » participatif qui pourrait résulter des politiques économiques. Habités par le Saint-Esprit, tous les baptisés sont envoyés pour témoigner de leur foi au cœur de la société et de l’Église. La synodalité reconnaît cette mission des fidèles reçue dans les sacrements de l’initiation chrétienne et elle favorise sa mise en œuvre.
Saint François de Sales n’hésitait pas à affirmer : « Si tu veux apprendre, enseigne ». De son côté, le saint pape Jean-Paul II déclarait aux catéchistes : « La foi grandit quand on la donne ». Le chemin se fait en marchant. En biologie, la fonction fait l’organe. Il ne convient pas d’attendre la perfection pour participer à la marche de l’Église.
Le mot participation fait partie des trois mots-clés du synode : communion, participation, mission. « La synodalité s’apprend par expérience », déclare sœur Nathalie Becquart, Xavière, sous-secrétaire du Secrétariat général du Synode. Il s’agit de « devenir synode », en commençant par la famille où le couple vit dans le dialogue un « mini-synode » comme le montre la pratique des couples, membres des Équipes Notre-Dame, quand ils prennent rendez-vous pour vivre en vérité la conversation spirituelle dans l’Esprit Saint .
La participation constitue un droit et un devoir. Ne pas participer à la vie politique et ecclésiale peut relever d’un péché d’omission trop souvent passé sous silence ou banalisé.
Dans le mystère de la Rédemption, Dieu n’a pas voulu nous sauver sans notre concours.
Dans son œuvre « Le dialogue » (1,6), sainte Catherine de Sienne dévoile la volonté de Dieu qui a tenu à partager ses grâces de manière à ce que les hommes aient besoin les uns des autres. « J’ai besoin de la vérité des autres », affirmait le bienheureux évêque dominicain assassiné en Algérie, Pierre Claverie O.P. (+1996).

Prière du père Guy Gilbert :
« Dieu seul peut créer, mais tu peux valoriser ce qu’Il a créé.
Dieu seul peut donner la vie, mais tu peux la transmettre et la respecter.
Dieu seul peut donner la santé, mais tu peux orienter, guider, soigner.
Dieu seul peut donner la foi, mais tu peux donner ton témoignage.
Dieu seul peut infuser l’espérance, mais tu peux rendre la confiance à ton frère.
Dieu seul peut donner l’amour, mais tu peux apprendre à l’autre à aimer.
Dieu seul peut donner la joie, mais tu peux sourire à tous.
Dieu seul peut donner la force, mais toi tu peux soutenir un découragé.
Dieu seul est le chemin, mais tu peux l’indiquer aux autres.
Dieu seul est la lumière, mais tu peux la faire briller aux yeux des autres.
Dieu seul est la vie, mais tu peux rendre aux autres le désir de vivre.
Dieu seul peut faire de miracles, mais tu peux être celui qui apporte les cinq pains et les deux poissons.
Dieu seul pourra faire ce qui paraît impossible, mais tu pourras faire le possible.
Dieu seul se suffit à Lui-même mais il a préféré compter sur toi !
Ainsi soit-il. ».

5) La destination universelle des biens. Pour les chrétiens, Dieu a créé la Terre pour tous : « La Terre est à tous ». Qui est propriétaire de la Terre sinon son Créateur ? Le principe de la propriété privée reste subordonné au principe de la destination universelle des biens. Le saint pape Jean-Paul II enseigne dans son encyclique « Laborens exercens » (14 septembre 1981) que l’on ne peut pas « posséder pour posséder ». Le capital, fruit du travail, est au service du travail et non l’inverse.
L’option préférentielle pour les pauvres relève du principe de la destination universelle des biens. Quand une mère de plusieurs enfants voit l’un d’eux malade, c’est vers lui que vont ses soins, non pas parce qu’il serait bon ou qu’il le mériterait, mais parce qu’il en a besoin. Dans la Bible, Dieu a des entrailles maternelles, et il agit comme une mère envers son enfant souffrant et nécessiteux.
La synodalité accorde aussi une place privilégiée aux personnes pauvres et vulnérables, membres du Corps du Christ, parce qu’elles en ont besoin. Leur dignité demeure intacte dans la maladie, la prison ou l’échec. Les hommes ne sont pas propriétaires de la Terre, ils n’en sont que des locataires et des gestionnaires. « Qu’as-tu que tu n’aies pas reçu ? Alors pourquoi t’en glorifier ? » (I Cor 4,7), s’exclame saint Paul.
Le partage de bien comprend non seulement les biens matériels mais aussi les savoirs et les biens spirituels. La conversation spirituelle, expérience d’écoute et de partage des moments de grâce, manifeste que Dieu donne ses grâces au profit de tous. Le bénéficiaire de la miséricorde divine aurait tort de laisser improductif ce que Dieu lui a accordé en pensant au bien de tous. Le partage des faiblesses et des échecs crée plus de liens humains que la description des qualités et des succès. La force de Dieu se déploie dans la faiblesse humaine. Le Seigneur élève les humbles, comme le chante le Magnificat de la Vierge Marie.
Dans l’Église, mystère de communion, les chrétiens mettent en commun leurs richesses intellectuelles et amicales, en créant des relations et se soutenant les uns les autres.

6) La solidarité. « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9-11), se demandait Caïn, meurtrier de son frère Abel. Membres de l’humanité, les hommes sont responsables les uns des autres.
Saint Paul compare l’Église à un corps humain où chaque membre a besoin des autres membres (I Cor 12, 12-30).
Dans la synodalité, chaque chrétien reconnaît son besoin des autres.
Le père Henri Caffarel (+1996), fondateur des Équipes Notre-Dame (https://www.equipes-notre-dame.fr/), avait répondu aux questions de certains couples lors des premiers pas de ce Mouvement : « Cherchons ensemble ! ». C’est dans cet esprit qu’il créa les Équipes Notre-Dame où des couples et des prêtres, conseillers spirituels, cherchent ensemble.
Saint Albert le Grand O.P. (+1280) aimait à décrire l’ordre des Prêcheurs comme « une recherche de la vérité dans la douceur de la fraternité ». La synodalité c’est bien une recherche commune dans la douceur de la fraternité baptismale.

 

La synodalité à la lumière de la théologie de la communication

La synodalité représente une expérience de théologie pratique où les chrétiens découvrent l’action de l’Esprit Saint à travers le rassemblement, l’écoute et le partage sur leur vie de foi au Christ Jésus.
Comment définir la communication ? La communication peut se définir de manière abrégée comme « une mise en commun ».
Le Dieu des chrétiens est relation et communication. Il se révèle dans l’histoire de l’humanité. Il appelle et il envoie. Saint Jean écrit : « Dieu est Amour » (I Jn 4,16).
Les chrétiens font l’expérience de Dieu et ils en témoignent.
La théologie comme l’indique son étymologie traite du mystère de Dieu. Dans la révélation biblique, Dieu qui est Esprit invisible, se manifeste comme un être de communication. Il établit le dialogue avec l’humanité à travers la création et la révélation biblique. La création et la Bible forment ces deux livres qui le font connaître. Dans son Épître aux Romains, saint Paul voit dans les œuvres visibles de la création le dévoilement de l’invisible divin (cf. Rm 1,20). Le cardinal Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI, relie la communication humaine au mystère de Dieu : « Nous connaissons Dieu par l’histoire qu’il a vécue avec les hommes. Comme la nature d’un homme se manifeste dans l’histoire de sa vie et dans les relations qu’il noue, de même Dieu se rend-t-il visible dans une histoire, dans des personnes humaines, à travers lesquelles transparaît sa propre nature, de façon qu’à travers elles, on puisse le nommer et qu’en elles on puisse le connaître, lui, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob . »
Dieu seul parle bien de Dieu. C’est pourquoi la théologie repose sur les saintes Écritures inspirées par le Saint-Esprit.
Dans la synodalité, la Parole de Dieu occupe la première place. Les participants des démarches synodales se mettent à l’écoute de l’Esprit Saint en partageant les saintes Écritures. En effet, la foi naît de l’écoute de la Parole de Dieu qui éclaire et sanctifie : « J’oserai dire que l’Écriture sainte est, comme les sacrements, une chose sainte », écrivait le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
Alors que d’aucuns voient dans les rassemblements synodaux des bavardages inutiles ou idéologiques, il convient de souligner que la démarche synodale naît de la révélation biblique et qu’elle est expérience de Dieu, relecture de l’expérience et interprétation communautaire des signes et des événements, en un mot une œuvre de théologie pratique de communication appelée à devenir communication pratique de la théologie par le témoignage et les orientations qui s’en suivent. Aventure dans l’Esprit Saint.
La théologie de la communication étudie sous l’angle de la communication le mystère de Dieu en lui-même, dans sa révélation biblique, ainsi que dans ses manifestations externes. Pour la foi catholique, Dieu est communication ou plutôt communion d’amour du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Aussi la Trinité constitue-t-elle la source, le modèle et la finalité de la communication humaine.
Il est à remarquer que certains mots devenus des mots-clés de la communication actuelle, notamment sur Internet, relèvent d’une longue histoire de l’Église : partage, icône, communauté …
La théologie de la communication aspire à répondre à plusieurs questions lancinantes dans le cœur humain : « Qui est Dieu ? Pourquoi Dieu va-t-il à la rencontre de l’homme ? Comment Dieu communique-t-il avec les hommes ? D’où vient la soif de communication et d’amour du cœur humain ? Que se passe-t-il dans l’acte de communiquer et d’aimer ? Y a-t-il un lien entre la communication humaine interpersonnelle et communautaire et le mystère de Dieu ? En quoi la communication humaine dit-elle quelque chose de Dieu ? À quelle communication l’homme est-il appelé aujourd’hui ? Quels moyens faut-il utiliser aujourd’hui pour communiquer avec Dieu et avec autrui ? ».
La théologie est un discours sur Dieu dans la lumière de la foi. Sans la foi, il reste possible de faire de l’analyse des textes, de la sociologie et de l’histoire mais non de la théologie. Dans cette science divine, l’homme regarde le monde avec les yeux de Dieu comme l’enseigne saint Thomas d’Aquin dans la Somme théologique : « Dans la doctrine sacrée, on traite tout « sous la raison de Dieu », ou du point de vue de Dieu, ou bien que l’objet d’étude soit Dieu lui-même, ou bien qu’il ait rapport à Dieu comme à son principe ou comme à sa fin . »
La synodalité devient ainsi une manière de faire de la théologie et de la théologie communicative qui se prête à la transmission de l’expérience de Dieu aujourd’hui. La méthode synodale favorise l’expression de l’expérience de Dieu chez chaque personne. Ces expériences, de véritables fiorettis, aboutissent à des bouquets riches en fruits et fleurs différents selon les dons de l’Esprit Saint. Il revient aux animateurs de jouer le rôle de sage-femme dans une maïeutique socratique qui rappelle celle de Jésus dans son dialogue avec les disciples d’Emmaüs.
Le cardinal Carlo Maria Martini avait écrit à l’approche de sa mort ces réflexions : « Faire l’expérience de Dieu est la chose la plus facile et, en même temps, la plus importante dans la vie. Je pense faire son expérience dans la nature, dans les étoiles, dans l’amour, dans la musique et la littérature, dans la parole de la Bible et de bien d’autres manières encore. C’est un art d’être attentif, un art qu’il faut apprendre au même titre que l’art d’aimer ou l’art de réussir ses travaux ». L’art de contempler la Beauté.
La synodalité se situe aux antipodes de l’esprit de domination ou de la séparation hiérarchique entre ceux qui savent et les ignorants, comportements qui débouchent sur les attitudes de surplomb sur autrui.
En ce sens, la synodalité représente un chemin de conversion à la fraternité et l’humilité évangéliques où tous sont sur le même plan par rapport à Dieu. Comme aimait à le prêcher le bienheureux père Jean-Joseph Lataste O.P. (+1869), apôtre des prisons, soit Dieu relève ceux qui tombent, soit il les empêche de tomber ; le résultat étant le même : tous les hommes sont sauvés et ils se retrouvent au même niveau dans la joie du Salut du Seigneur qui fait miséricorde.

[1] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia, q.1, a. 7.

[1] Carlo Maria Martini, Le rêve de Jérusalem. Entretiens avec George Sporschill sur la foi, les jeunes et l’Église. Paris, DDB, 2009, p. 18.

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