1

L’annonce de la victoire du Christ sur toute forme de mal (Ap 15,1-4)

           Puis je vis dans le ciel encore un signe, grand et merveilleux : sept Anges, portant sept fléaux, les derniers puisqu’ils doivent consommer la colère de Dieu. (2) Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout près de cette mer de cristal. S’accompagnant sur les harpes de Dieu, (3) ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur, Dieu Maître-de-tout ; justes et droites sont tes voies, ô Roi des nations. (4) Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom ? Car seul tu es saint ; et tous les païens viendront se prosterner devant toi, parce que tu as fait éclater tes vengeances.

   Vitrail Christ Ressuscité            La vision de Jean se poursuit… Dieu va lui donner de voir « encore un signe ». Or par définition, un signe demande à être interprété. Comme un panneau indicateur, il indique un but. Il ne s’agit donc pas de s’arrêter au signe mais de chercher son sens, pour découvrir à travers lui la réalité spirituelle qu’il évoque… 

            « Sept Anges »… « Sept » est symbole de plénitude, et un « ange » est un messager de Dieu… La plénitude de la Révélation du Mystère de Dieu et de son action en faveur des hommes se poursuit… Ils portent « sept » fléaux qui « doivent consommer la colère de Dieu »… Or, le thème de « la colère de Dieu » est une manière « imparfaite et dépassée »[1] de décrire, dans la Bible, les conséquences du péché des hommes. Notre mauvaise conduite pourrait-elle donc mettre Dieu en colère? Mais non ! Prenons un exemple. Un enfant est particulièrement dissipé. Son maître d’école, excédé, se met en colère et l’expulse de la classe… Et il se retrouve dehors… Voilà comment l’Ancien Testament décrit les conséquences du péché, en appliquant à Dieu des réactions bien humaines… Mais avec le Christ, nous découvrons qu’il n’en est pas ainsi… Le pécheur s’expulse lui-même de la communion avec Dieu par sa désobéissance… Ce n’est pas Dieu qui se met en colère et le chasse, c’est lui qui, en désobéissant, décide de partir et de sortir… Croix Alain DumasAlors si Dieu est Lumière, Paix et Joie, il va se retrouver dans les ténèbres (Rm 1,18-25)[1], l’angoisse (Rm 2,9) et la tristesse (Lc 18,18-23)… Et Jésus est ce Fils Unique qui, par amour pour chacun d’entre nous, s’est dévêtu de son manteau de Lumière pour assumer notre humanité telle que nous, pécheurs, nous la connaissons, c’est-à-dire « privée de gloire » (Rm 3,23). Et il est venu nous rejoindre dans nos ténèbres, « devenant semblable aux hommes » (Ph 2,6‑8). Bien plus, il les a prises sur lui, pour nous donner de retrouver grâce à Lui cette Lumière que nous avions perdue par suite de nos fautes. Ainsi, il prend nos ténèbres et nous donne sa Lumière…

            Pour illustrer ce thème de « la colère », prenons quelques exemples dans le Nouveau Testament. Dans la première Lettre aux Thessaloniciens, St Paul parle du Christ comme celui « qui nous délivre de la colère qui vient » (1Th 1,9-10). Si nous l’interprétons en termes de « colère de Dieu », cette colère serait donc celle de Dieu son Père… Le Fils nous délivrerait donc de la colère du Père, alors que, nous dit-il en St Jean, « moi et le Père nous sommes un » dans la communion d’un même Esprit (Jn 10,30). Ainsi, « tout ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement » (Jn 5,19). Mais ici, l’agir du Fils s’opposerait à celui du Père ! Nous voyons bien qu’il est impossible d’interpréter ainsi « la colère de Dieu ».

 

[1] « L’Ancien Testament avait pour raison d’être majeure de préparer l’avènement du Christ Sauveur du monde, et de son royaume messianique, d’annoncer prophétiquement cet avènement (cf. Luc 24,44; Jean 5,39 ; 1Pierre 1,10) et de le signifier par diverses figures (cf. 1Cor 10,11). Compte tenu de la situation humaine qui précède le salut instauré par le Christ, les livres de l’Ancien Testament permettent à tous de connaître qui est Dieu et qui est l’homme, non moins que la manière dont Dieu dans sa justice et sa miséricorde agit avec les hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine. C’est pourquoi les chrétiens doivent les accepter avec vénération : en eux s’expriment un vif sens de Dieu ; en eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une bienfaisante sagesse sur la vie humaine, d’admirables trésors de prières; en eux enfin se tient caché le mystère de notre salut » (Concile Vatican II, Dei Verbum & 15).

Christ apparaît aux Apôtres

Christ Ressuscité apparaît aux Apôtres, Cathédrale Notre Dame de Paris

St Jean n’utilise qu’une seule fois ce thème dans tout son Evangile, en Jn 3,36. Et nous voyons bien avec ce verset que « la colère de Dieu » décrit en fait les conséquences du péché : « Qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui résiste au Fils ne verra pas la vie ; mais la colère de Dieu demeure sur lui. » « Résister à Dieu » pourrait être une définition du péché qui se manifeste ici par le refus de « croire au Fils ». On voit bien dans ce verset que « celui qui croit en Jésus » reçoit aussitôt de lui ce que Dieu est venu nous communiquer par lui : la Vie de son Esprit qui est Lumière… Celui qui, par contre, refuse de croire, ne verra pas cette Vie qui est Lumière… Il se prive par son refus de l’expérience de la Plénitude de Dieu… « La colère de Dieu (les ténèbres) demeure sur lui ». Quel dommage, et Jésus est le premier à le regretter (Lc 19,41-44) car « moi, Lumière », nous dit-il, « je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres mais ait la Lumière de la Vie » (Jn 8,12 ; 12,46)…

Résurrection du Christ, Basilique du Rosaire, Lourdes

Résurrection 2, Lourdes, Basilique du Rosaire

Enfin, St Paul écrit encore (1Th 5,9‑10) : « Dieu ne nous a pas réservés pour sa colère, mais pour entrer en possession du salut par notre Seigneur Jésus Christ, qui est mort pour nous afin que, éveillés ou endormis, nous vivions unis à lui. » Si cette « colère » était la sienne, Dieu le Père semblerait ici se battre contre lui-même… Mais non… La colère renvoie une fois de plus ici à ces ténèbres qui sont les conséquences de nos désobéissances… Certes, Dieu respecte infiniment notre liberté, et donc nos mauvais choix… Et aussitôt commis, ils nous plongent dans les ténèbres, la souffrance intérieure, l’absence de paix, le mal-être sans compter toutes les blessures « physiques » qui peuvent survenir… Et cela, Dieu le Père ne le supporte pas… Aussi ne cesse-t-il de nous inviter à revenir à Lui en cessant de faire le mal… « Reviens, rebelle Israël, car Je Suis miséricordieux » (Jr 3,12). Et inlassablement, il guérit nos blessures par la douceur de son Esprit, et nous communique par ce même Esprit cette Plénitude de Vie, de Lumière et de Paix que nous avions perdue par suite de nos fautes…

            Ainsi, Dieu ne répond pas à noRésurrection - Lourdes Basilique du Rosaires péchés par la colère, une colère qui le pousserait à punir, châtier… Il n’est qu’Amour (1Jn 4,8.16), Douceur (Mt 11,29), Bienveillance envers tous (Mt 5,43-45). Son seul désir ? Notre Plénitude, notre bonheur d’où ces neuf « heureux » dans les Béatitudes en St Matthieu (Mt 5,1‑12)… Or, le chiffre trois dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit… Ces neuf Béatitudes (3×3) évoquent donc le bonheur parfait et total que connaîtra celui ou celle qui aura laissé le Christ agir dans sa vie. Il est en effet « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) en le prenant sur lui. Folie de l’Amour qui a voulu vivre en son cœur et en son corps toutes les conséquences de nos désobéissances afin que nous puissions bénéficier de tous les fruits de son obéissance éternelle ! « C’étaient nos péchés, qu’en son propre corps, il portait sur le bois, afin que morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures », qui sont en fait nos blessures qu’il a voulu vivre par amour pour nous, « nous sommes guéris » (1P 2,24). C’est pour cela qu’en regardant cette folie de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, St Paul s’écriait (2Co 5,20-21) : « Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous », au sens où le Christ a pris sur lui et vécu toutes les conséquences de nos fautes, « afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu », c’est-à-dire parfaitement ajustés à Dieu dans la communion d’un même Esprit…

 

Christ Crucifié, Lumière

 

            C’est donc en regardant cette œuvre du Christ que nous interprèterons tous les « fléaux » évoqués dans le Livre de l’Apocalypse. Certes, ils sont les conséquences inévitables des péchés des hommes, ce que l’Ancien Testament appelait imparfaitement « la colère de Dieu »… Mais ces conséquences, cette « colère », Jésus la prise sur lui pour nous en délivrer… Et il est mort de notre mort pour que nous vivions de sa vie ! Dans un premier temps, le mal et ses conséquences ont semblé les plus forts : il est mort et a été mis au tombeau… Le mal s’est déchaîné, il ne pouvait rien faire de plus, il ne pouvait pas aller plus loin… Et c’est là, au cœur des ténèbres du tombeau qu’a resplendi la Lumière de la Toute Puissance de l’Esprit par laquelle le Père a ressuscité son Fils… « En lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes, et la Lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). L’Evangile se termine comme les tout premiers versets l’annonçaient déjà : la Lumière a remporté la victoire sur les ténèbres, la Vie sur la mort, l’Amour sur le mal…

Crucifix, forêt de Bélouve, île de la Réunion

Crucifix, Forêt de Bélouve, Réunion            La logique du Livre de l’Apocalypse est la même : avant d’aborder tous les fléaux, qui ne sont que les conséquences des péchés des hommes, St Jean va d’abord présenter la victoire du Christ sur le mal, et donc la victoire de tous ceux et celles qui ont accepté de laisser le Christ régner dans leur cœur et dans leur vie… « Je vis comme une mer de cristal mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout près de cette mer de cristal » (Ap 15,2). Cette « mer de cristal » était déjà apparue en Ap 4,6 lorsque St Jean avait vu « un trône dressé au ciel, et siégeant sur le trône, Quelqu’un… Celui qui siège est comme une vision de jaspe et de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d’émeraude… Devant le trône, on dirait une mer, transparente autant que du cristal » (Ap 4,2-6)… Ici, cette « mer de cristal » est « mêlée de feu », un nouveau symbole qui nous renvoie à Dieu Lui-même, au Mystère de son Etre. Après la pureté, la transparence, la limpidité et la beauté du cristal, voici maintenant le feu qui éclaire et purifie… Si « Dieu est Esprit » nous dit St Jean (4,24), « un esprit saint, clair, sans souillure » (Sg 7,22-8,1), on pourrait dire aussi qu’Il est « feu » (Dt 4,24 ; Gn 15,17‑18 ; Ex 3,1-6). Et c’est bien « le feu » de l’Esprit que Jésus est venu jeter sur la terre (Lc 12,49), un feu dans lequel il désire que nous nous laissions tous plonger (Mt 3,11), un feu que les disciples ont reçu en surabondance lors de la Pentecôte (Ac 2,1-4)…

Christ Ressuscité, Basilique de Lisieux

Christ Ressuscité, Basilique de Lisieux

Nous nous rappelons que « la Bête » désigne ici l’empire romain, « son image » les emblèmes de sa puissance, « le chiffre de son nom » renvoyant à celui d’un empereur, « César-Néron » ou « César-dieu »… Et les armées romaines, en semant ruines, destructions et souffrances sur leur passage, et en persécutant les premiers chrétiens, se faisaient les instruments du mal, du Prince de ce monde… Mais ici, tout de suite, St Jean voit « ceux qui ont triomphé » de tout cela grâce à l’action de Dieu sur cette Bête : la triple mention de « la bête, de son image, du chiffre de son nom » suggère d’ailleurs cette action de Dieu[1], et donc « sa » victoire… « Ceux qui ont triomphé » sont d’ailleurs « debout », en signe de résurrection, « près de cette mer de cristal », tout près de Dieu et de son trône, en sa Présence, unis à Lui dans la communion d’un même Esprit (Ep 2,18)… Cette victoire du ciel commence dès ici‑bas sur la terre dans le cœur de tous ceux et celles qui, par leur foi et dans la foi, accueillent déjà au plus profond de leur être le Don de l’Esprit Saint (1Th 4,8) par lequel le Père ressuscita son Fils (Rm 8,11)…

[1] Noter le thème de « la colère » qui intervient dans ce texte, pour s’appliquer ensuite aux conséquences du péché : « ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu gloire ou actions de grâces, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s’est enténébré ». Les païens, écrit St Paul, pouvaient connaître Dieu en regardant les merveilles de la création. A travers elle se manifeste en effet sa Toute Puissance, et en elle brille « quelque chose » de la Gloire de Dieu pour celui qui la regarde avec un cœur pur… Mais ils se sont détournés de cette Présence de Dieu qui s’offrait si simplement à eux à travers la création pour se construire des idoles et se prosterner devant elles… Mais le Dieu Père ne les a pas abandonnés pour autant (cf. Sg 14,1-4)…

Sacré Coeur, Basilique de Vézelay

Sacré Coeur Vézelay 2 Pour dire cette relation avec Dieu, « ceux qui ont triomphé » chantent les louanges de ce Dieu Sauveur en « s’accompagnant sur les harpes de Dieu »… « La harpe » est l’instrument de la louange par excellence (cf. Ps 71(70),20-23 ; 33(32),2s ; 43,8-11 ; 81(80),2-3 ; 92(91),2-6 ; 98(97),1-6…). Mais ici, il s’agit « des harpes de Dieu », des harpes que Dieu lui-même utilise… L’expression suggère non seulement un don de Dieu mais une participation à la joie même de Dieu, à son chant de joie… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11), une joie qui est celle de l’Esprit Saint (1Th 1,6 ; Ga 5,22)… Ainsi la joie du ciel est avant tout celle de Dieu Lui-même, un Dieu de joie qui nous a créés pour nous partager sa joie (Lc 10,21). D’où ses multiples appels au bonheur (Mt 5,3-12 ; 11,6 ; 13,16 ; 16,17 ; 24,46), un bonheur qu’ont pressenti Pierre, Jacques et Jean au jour où ils virent le Christ transfiguré… Pour vivre cette expérience, ils ne pouvaient en effet qu’être remplis de l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) et de joie, qui, seul, permet de voir la Lumière (Ps 36(35),10)… Remplis de l’Esprit, unis à Dieu dans la communion d’un même Esprit, ils vivaient la joie de l’Esprit et faisaient donc l’expérience du bonheur du ciel : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici » (Mt 17,4)… 

            Et que chantent-ils ? Le cantique de Moïse (Ex 15,1-21), une louange adressée à Dieu après sa victoire sur les Egyptiens oppresseurs… Et ce fut bien sûr son Peuple qui en fut l’heureux bénéficiaire… « Je chante pour le Seigneur car il s’est couvert de gloire, il a jeté à la mer cheval et cavalier. Le Seigneur est ma force et mon chant, à lui je dois mon salut. Il est mon Dieu, je le célèbre, le Dieu de mon père et je l’exalte »… Mais cette action de Dieu ne faisait qu’annoncer sa victoire définitive sur toute forme de mal et d’oppression qu’il allait accomplir par son Fils, le nouveau Moïse, en faveur de tous ceux et celles qui accepteraient par leur foi d’en être les heureux bénéficiaires… Communion des saintsC’est pourquoi « ceux qui ont triomphé » en laissant Dieu triompher dans leur cœur et dans leur vie, chantent-ils ici « le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau », le Christ Jésus, le Serviteur de Dieu par excellence (cf. Mt 12,15-21 ; 20,28 ; Jn 4,34 ; 14,31)… « C’était Dieu en effet qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes » (2Co 5,19)… Et c’est Lui qui, avec son Fils, par son Fils et en Lui, a remporté la victoire contre la souffrance et le mal. Et cette victoire est dorénavant offerte à l’humanité tout entière, cette humanité blessée par le mal qu’elle commet, ce mal qui la détruit… « Père, pardonne leur », demandait Jésus pour ceux-là mêmes qui le tuaient, et à travers eux pour tous les hommes pécheurs de tous les temps… Car « Dieu veut en effet que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4)… Cette perspective universelle se retrouve dans notre passage lorsque St Jean désigne Dieu comme le « Roi des nations », et lorsqu’il affirme que « tous les païens viendront se prosterner devant lui », reconnaissant ainsi sa Royauté, une Royauté qui n’est que celle de son Amour, de sa Bonté et de sa Miséricorde envers toutes ses créatures qu’il désire associer à sa Vie… Ce geste de « tous les païens » qui acceptent pour eux‑mêmes cette Royauté ne peut donc qu’être synonyme pour eux de salut… Quelle perspective ! Quelle espérance ! Ce verset est d’ailleurs une citation du Ps 86(85) où le Psalmiste déclare aussi : prodigue« Seigneur, tu es pardon et bonté, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent… Je te rends grâces de tout mon cœur, Seigneur mon Dieu, toujours je rendrai gloire à ton nom ; il est grand, ton amour pour moi : tu m’as tiré de l’abîme des morts », une mort, un abîme de ténèbres, que l’on peut regarder ici comme étant la conséquence du péché… Et telle est justement l’œuvre de Dieu : nous arracher à cet abîme qui n’est pourtant que la conséquence directe de toutes nos désobéissances : « Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé en qui nous avons la Rédemption, le pardon des péchés » (Col 1,13-14 ; Ac 26,12-18). Et c’est en vidant ainsi « l’empire des ténèbres » par son Amour Miséricordieux et la Toute Puissance de sa Douceur et de sa Bonté que Dieu « fait éclater ses vengeances » à l’encontre du mal (Ap 15,4)… Il suffit au pécheur d’accepter cette main que Dieu lui tend sans cesse pour « l’arracher aux ténèbres » et le « transférer » dans son Royaume de Lumière et de Paix… Et Dieu en sera le premier à en être heureux… Et le pécheur ainsi sauvé des conséquences de ses fautes ne pourra que constater à quel point « son amour envers nous s’est montré le plus fort » (Ps 117(116)… A nous maintenant d’accepter de nous laisser aimer tels que nous sommes, en lui offrant tout, jour après jour, le bien comme le mal que nous avons pu commettre en cette vie… Et aussitôt, il mettra « loin derrière nous tous nos péchés » (Ps 103(102),10-12)… Alors, nous nous retrouverons « saints et immaculés en sa Présence dans l’Amour » (Ep 1,4), chantant avec joie « sur les harpes de Dieu » la victoire de sa Miséricorde dans nos vies…

  dieu vous aime           Notons bien que St Jean a commencé par présenter cette perspective de salut et de victoire de Dieu sur toute forme de mal avant de décrire les fléaux qui vont toucher « la terre »… Ces fléaux ne seront que les conséquences inévitables du péché des hommes, mais le lecteur sait déjà que Dieu, dans son Amour et sa Miséricorde, a déjà triomphé de « tout cela », et notamment aussi de cette persécution que les chrétiens de l’époque subissaient de la part des Romains : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? la souffrance, l’angoisse[2], la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? selon le mot de l’Écriture : À cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour ; nous avons passé pour des brebis d’abattoir. Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni la mort ni la vie, ni les anges ni les principautés, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8,35-39).

D. Jacques FOURNIER

 

[1] « Trois » est souvent le chiffre de Dieu en tant qu’il agit…

[2] Dieu apparaît ici aussi comme étant le Vainqueur des conséquences du péché, car les deux premiers termes, « souffrance et angoisse », les décrivent en Rm 2,9 : « Souffrance et angoisse à toute âme humaine qui s’adonne au mal, au Juif d’abord, puis au Grec »… Et à l’époque, ou bien on était Juif, ou bien on était Grec. La perspective est donc bien universelle, valable pour « toute âme humaine »…

 

AP – SI – Fiche 28 – Ap 15,1-4 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.