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L’Ascension (Lc 24,46-53) – par le Diacre Jacques Fournier

           En ce temps-là, Jésus ressuscité, apparaissant à ses disciples, leur dit :  « Il est écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem à vous d’en être les témoins.

Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis.

Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »

Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.

Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie.

Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.

        Jésus commence ici à rappeler à ses disciples les souffrances de sa Passion : « C’est bien ce qui était annoncé par l’Écriture : les souffrances du Messie »… Souvenons-nous de quelques faits marquants… Jésus est au Mont des Oliviers, dans un domaine du nom de Gethsémani (Mc 14,32). Judas arrive, « à la tête d’un détachement de soldats, et des gardes envoyés par les chefs des prêtres et les pharisiens. Ils avaient des lanternes, des torches et des armes… Alors Simon-Pierre, qui avait une épée, la tira du fourreau ; il frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus » (Jn 18,1-11). Mais « Jésus prit la parole et dit : « Restez-en là ! » Et, touchant l’oreille de l’homme, il le guérit » (Lc 22,51)…

          « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et Il n’Est qu’Amour… « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45). Autrement dit, il ne cesse de faire du bien à tous, selon la situation de chacun… Celui qui fait le mal et commet l’injustice est un malade qui, souvent, s’ignore… Il n’agit pas selon ce qu’il est, « créé à l’Image et Ressemblance de Dieu » (Gn 1,25-26), créé à l’Image et Ressemblance de l’Amour pour être aimé et aimer… Cette fracture entre le plus profond de son être – une réalité qui demeure, envers et contre tout – et son comportement, ne peut qu’engendrer un mal être profond, une souffrance : « Souffrance et angoisse à toute âme qui fait le mal » (Rm 2,9). De plus, Dieu a créé l’homme pour avoir « quelqu’un en qui déposer ses bienfaits » (St Irénée) : sa Plénitude d’Être et de Vie. Mais pour recevoir ce cadeau gratuit de l’Amour, il faut être tourné vers Lui de tout cœur. Et il ne peut en être ainsi pour celui qui commet le mal et l’injustice… Privé de cette Plénitude, il vit, mais il est spirituellement comme un mort : « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Là encore, cet état ne peut qu’être synonyme pour le pécheur de souffrance intérieure et de mal être profond, ce que Dieu ne supporte pas, Lui qui nous a tous créés pour que nous partagions son Être et sa Vie. « Le Père des Miséricordes » (2Co 1,3) est donc bouleversé de compassion devant celui qui fait le mal ou commet l’injustice. Père fidèle, Dieu d’Amour, il ne cesse de désirer son bien de tout son cœur… « Je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien, je trouverai ma joie à leur faire du bien, de tout mon cœur, de toute mon âme » (Jr 32,40-41). Et cet Amour s’est pleinement manifesté en Jésus Christ. « Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui » (Ac 10,38).

          Et c’est ce seul désir de poursuivre notre bien qui va se manifester avec une intensité inégalée lors de sa Passion. Les gardes l’arrêtent, Pierre blesse Malchus, un serviteur du Grand Prêtre ? Jésus le guérit… Il est fouetté, roué de coups, crucifié ? Il prie pour le salut de ceux qui le tuent ! « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Lc 23,34). Un criminel est crucifié avec lui, et il se repent de tout le mal qu’il a commis en acceptant cette peine qui lui a été infligée : « « Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes ; mais lui n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans ton Royaume ! » Et Jésus lui dit : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » » (Lc 23,41-42), car « là où le péché a abondé », avec son cortège de malheur et de souffrances, « la grâce a surabondé », le Don de l’Amour qui ne poursuit que le bien de tous a surabondé (Rm 5,20). Et ce Don est « Eau Vive » de l’Esprit, qui jaillit continuellement du Cœur de Dieu, pour laver, sanctifier, purifier et donner la Vie, la Plénitude de la Vie : « Au nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu, vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous êtes devenus des justes » (1Co 6,11).

          Telle est la Bonne Nouvelle de l’Amour, cet Amour qui s’est pleinement manifesté lors de la Passion du Christ et que les Apôtres doivent maintenant annoncer au monde entier. Et ils le feront en témoins, témoins de la Miséricorde de Dieu dont ils ont été eux-mêmes comblés… Souvenons-nous de Pierre tombant aux pieds de Jésus lors de la pêche miraculeuse : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » Mais Jésus lui dit : « Sois sans crainte. Désormais, ce seront des hommes que tu prendras » en étant tout simplement pour eux le témoin de cette Miséricorde dont tu as été toi-même l’heureux bénéficiaire (Lc 5,1-11)… Et il en sera de même pour Paul : « Je suis plein de reconnaissance pour celui qui me donne la force, Jésus Christ notre Seigneur, car il m’a fait confiance en me chargeant du ministère, moi qui autrefois ne savais que blasphémer, persécuter, insulter. Mais le Christ m’a pardonné : ce que je faisais, c’était par ignorance, car je n’avais pas la foi ; mais la grâce de notre Seigneur a été encore plus forte, avec la foi et l’amour dans le Christ Jésus. Voici une parole sûre, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m’a pardonné, c’est pour que je sois le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ; je devais être le premier exemple de ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle. Honneur et gloire au roi des siècles, au Dieu unique, invisible et immortel, pour les siècles des siècles. Amen » (1Tm 1,12-17).

          Au jour de l’Ascension, Jésus donne sa mission à tous ses disciples, à toute son Eglise. Ils seront les témoins de sa mort et de sa résurrection, et de ce pardon des péchés offert en surabondance par Celui qui n’est qu’Amour, un Amour qui s’est manifesté avec une intensité toute particulière lors de la Passion, un Amour que Dieu veut offrir à tout homme pécheur pour le guérir profondément de toutes les blessures du mal, blessures qu’il s’est faites à lui-même en le commettant, blessures qu’il a pu recevoir aussi du mal qui lui a été fait… « C’est bien ce qui était annoncé par l’Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d’entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. »

          Et le Christ va les quitter, de manière visible, en les bénissant… Il passe du visible à l’invisible, de la terre au ciel, du temps à l’éternité « tandis qu’il les bénissait », manifestant ainsi encore et toujours que Dieu ne cesse de bénir tout homme pour son seul bien… Tel est l’Amour, dont ils sont intérieurement comblés… Certes, ils ne le voient plus, mais sa Présence se fait encore plus intense qu’un voir extérieur : elle est désormais une Vie, une Paix, une Joie dans leur cœur, un « Je t’aime » silencieux, redit jour après jour, un « Je t’aime » qui est pardon inlassablement offert, guérison de nos blessures, paix profonde et Plénitude de Vie.

         Et tout cela se passe à « Béthanie » où Jésus les avait emmenés, un nom qui, en hébreu, signifie « la Maison de Dieu qui fait grâce », « la Maison de Dieu qui fait Miséricorde »… Voilà, où désormais, par leur foi et dans la foi, ils seront, jour après jour, entourés, poursuivis, comblés par cette Miséricorde qui ne leur fera jamais défaut et qui leur permettra, jour après jour, de repartir et de repartir encore… « Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, remplis de joie »…

Jacques Fournier