Le Christ, Chemin de l’union à Dieu, est la fin de la Loi (Olivier Van der Noot)

Introduction

La présente étude s’efforce d’aborder la question de la place de la Loi mosaïque dans la vie et dans la théologie de l’Apôtre Paul. Notre propos suivra à cette fin un développement en trois temps, principalement ancré dans l’enseignement de l’épître aux Romains et plus sélectivement nourri d’autres éléments issus du corpus paulinien[1].

Comme nous le verrons dans un premier temps (1), Paul considère la Loi mosaïque comme un don de Dieu. Sainte et bonne en tant qu’elle reflète la volonté divine, cette Loi enseigne à l’homme un chemin d’obéissance, comme libre réponse d’amour à l’amour premier de son Créateur. Ainsi que l’explique Paul dans ses épîtres, le seul effort de l’homme ne suffit pas à atteindre la communion avec Dieu dans l’obéissance parfaite à une telle Loi. Malgré tout le zèle et l’observance déployés par certains juifs, le don de la Loi ne soustrait pas le peuple élu à la condition pécheresse de l’humanité. Au contraire, relève l’Apôtre, le péché semble tirer de la Loi l’occasion d’un déploiement accru, attesté par les lancinantes infidélités d’Israël à l’amour de son Dieu – désobéissance invétérée du peuple élu à la Loi.

Est-ce à dire que la Loi elle-même donnerait lieu ou occasion au péché ainsi vivifié et répété ? A cette question, Paul répond nettement par la négative. C’est au contraire le péché, explique-t-il, qui utilise la Loi pour attirer l’homme vers les actes mortifères qu’elle prohibe et, partant, pour détourner l’homme de la vie en abondance que Dieu veut lui donner par amour. En réalité, poursuit l’Apôtre, le vrai rôle de la Loi – que nous aborderons dans la deuxième partie de notre analyse (2) – est d’aider l’homme à prendre conscience du péché auquel il se confronte nécessairement lorsqu’il prétend atteindre par son propre effort l’obéissance parfaite aux commandements de Dieu – et, par là-même, la communion à la vie divine. En ce sens, le rôle de la Loi est aussi d’amener l’homme à se défaire de toute prétention à atteindre par lui-même cette communion pour ne l’attendre que de la grâce de Dieu, dans la foi.

Comme nous le verrons dans un troisième et dernier temps (3), Paul trouve l’expression plénière et décisive d’une telle grâce, objet de la promesse faite à Abraham et à sa descendance, dans une Alliance nouvelle, en la personne de Jésus, le Christ, notre Seigneur. Par sa rencontre avec le Ressuscité sur le chemin de Damas, l’Apôtre réalise qu’il existe, contre toute espérance, une possibilité d’en finir définitivement avec le péché qui maintenait Israël hors de la pleine communion avec Dieu. Cette possibilité, c’est l’accueil de l’Esprit saint inscrivant sa Loi dans le cœur de l’homme (juif ou non) et consacrant ainsi l’adoption filiale de l’homme par Dieu – le Père – en Jésus-Christ. Pour Paul, cette adoption filiale associe celui qui l’accueille dans la foi à la victoire décisive du Seigneur sur la mort et sur le péché. Par l’accueil de l’Esprit saint, l’homme peut enfin accéder à l’obéissance parfaite à la Loi dans le Christ. Aussi Paul peut-il écrire que le Christ est la fin de la Loi, dans la mesure où Jésus réalise dans son être – et nous donne de vivre en communion avec Lui – l’union à Dieu à laquelle la Loi devait ultimement mener.

  

  1. La Loi est sainte et bonne mais ne peut faire éviter le péché

 

Par grâce, Dieu a choisi un peuple pour être le sien et servir son dessein (Is 49, 3) – « C’est toi [Israël] qu’a choisi le Seigneur ton Dieu, afin que tu sois son peuple particulier entre tous les peuples qui sont sur la terre » (Dt 7,6). A ce peuple élu, Dieu a « donné une loi pour qu’il soit digne de lui. Le peuple devait répondre par la foi et l’obéissance »[2] : « Tout ce qu’a dit Yahvé, nous le ferons et nous obéirons », lit-on en Ex 24, 7. L’obéissance demandée par Dieu à son peuple « n’est pas une soumission d’esclave » ; il s’agit au contraire d’une démarche d’amour[3]. C’est ce que rappellent notamment le Shema Israel (Dt 6, 4-6, 17) et les psaumes, où la Loi est célébrée « comme le grand don de l’Amour de Dieu à Israël et la source d’une obéissance d’amour (cf. Ps 18, 8-11 et tout le psaume 118) » [4].

Dans cette mesure, c’est en bon héritier de la tradition d’Israël que Paul, pharisien jusqu’à sa conversion sur le chemin de Damas[5], peut affirmer au chapitre 7 de son épître aux Romains que « la Loi est sainte » et le commandement « saint, juste et bon » (Rm 7, 12). Par cette affirmation, l’Apôtre veut souligner l’origine divine de la Loi : « la Loi est ‘‘sainte’’ parce qu’elle relève de Dieu » et « représente la volonté de Dieu » [6]. Le commandement, quant à lui, est « ‘‘juste’’ parce qu’il est conforme à la justice de Dieu » et « ‘‘bon’’ parce qu’il contient la volonté de Dieu qui est bonne »[7].

Comme le souligne Paul, « la supériorité du Juif » et « l’utilité de la circoncision » – c’est-à-dire, par extension, l’utilité de toute la Loi confiée au peuple élu[8] – sont « grandes à tous égards », car « c’est aux Juifs que « les jugements de Dieu ont été confiés » (Rm 3, 1-2). Les Juifs ont un privilège dans la contemplation des choses divines[9] : « Dieu est connu en Judée, en Israël son nom est grand » (Ps 75, 1) ; « Il n’a pas fait ainsi pour toute nation » (Ps 147, 20a).  Aux Israélites appartiennent « l’adoption des fils, la gloire, la législation, le culte, les promesses et aussi les patriarches », relève encore l’Apôtre (Rm 9, 4-5)[10]. Un chemin favorisé d’obéissance à la volonté divine leur est ainsi ouvert[11] et, avec lui, la perspective bienheureuse d’une pleine communion d’amour avec Dieu – et, en Dieu, avec le prochain.

Pour être vraie et parfaite, précise Paul, cette obéissance à la volonté divine implique pour celui qui la désire un abandon en toute confiance à la grâce et à la miséricorde de Dieu, dans l’humilité et le silence du cœur – « tout ce que dit la Loi, insiste Paul, elle le dit à ceux qui sont sous la Loi, afin que toute bouche soit fermée (…) » (Rm 3, 19). Pour l’Apôtre, une telle humilité exclut toute forme d’orgueil et de vaine gloire, en ce compris au sujet des bienfaits divins – tels que le don de la Loi[12]. Il s’agit de ne se considérer supérieur en rien, explique encore Paul[13]. Bien plutôt, l’obéissance parfaite implique de trouver en soi un cœur de pauvre, toujours disposé à éprouver le besoin de la grâce divine, à demander cette grâce et à l’attendre dans la foi[14].

Comme le remarque Paul, cette sainte obéissance aux commandements de Dieu demeure inatteignable par le seul effort humain en raison du péché. Tous, Juifs ou non, ont péché, explique en effet l’Apôtre[15] : « Il n’est pas de juste, pas un seul, il n’en est pas un de sensé, pas un qui cherche Dieu. (…) » (Rm 3, 10-18)[16]. Les uns comme les autres, tout en y aspirant de quelque façon du fond de leur cœur, « se trouvent de fait incapables d’obéir à la Loi de Dieu. Blessés dans leur intégrité, esclaves du péché, Juif et païen s’enferment dans la désobéissance » [17]. Qu’elle soit ou non conçue en termes d’observance de la Loi mosaïque, la prétention de l’homme à « faire » le bien ou à « faire » justice par ses propres œuvres bute sur le péché (Rm 7, 14-20)[18] et détourne de l’obéissance à Dieu[19].

La Loi n’évite donc pas le péché à ceux qui l’ont reçue. Il s’avère au contraire que le péché tire de la Loi l’occasion d’un surcroît de vigueur. Tout semble en effet se passer en manière telle «  que par le commandement, le péché devienne pécheur à l’excès », écrit Paul en Rm 7, 13[20]. Ancrées de manière profonde et lancinante dans l’histoire du peuple élu (Rm 2, 17-24)[21], la désobéissance et l’infidélité envers Dieu brisent littéralement le cœur de l’Apôtre. Il y a « une grande tristesse en moi et une douleur continuelle dans mon cœur », écrit-il en ce sens au sujet de ses « frères », de ses « parents selon la chair, qui sont Israélites » (Rm 9, 2.3b.4a) mais n’écoutent pas Dieu[22].

  1. Le vrai rôle de la Loi

Comme l’observe Paul, le fait que le péché prenne occasion de la Loi mosaïque ne signifie pas que cette Loi s’assimile au péché. L’Apôtre l’affirme explicitement: « Que dirons-nous donc ? La Loi est-elle péché ? Loin de là » (Rm 7, 7a). Contrairement aux « lois des peuples », dont le prophète Jérémie souligne la vanité (Jr 10, 3)[23], la Loi de Dieu « est sans tache » (Ps 18,8), pleinement « au service de la justice et de la vie »[24]. Dans cette mesure, celui qui a donné cette Loi n’a à l’évidence pas péché en la portant[25], comme ç’eût été le cas s’il s’était agi d’une loi inique[26].

La Loi n’est donc pas le péché ; elle en donne seulement connaissance. « Je n’ai connu le péché que par la Loi », lit-on ainsi en Rm 7, 7b ; « car par la Loi vient la connaissance du péché » (Rm 3, 20). Selon la pensée paulinienne, cette connaissance n’a pas pour objet l’acte même du péché mais bien le fait que cet acte constitue un mal et, par là-même, une offense à Dieu[27]. C’est en ce sens que l’Apôtre peut affirmer qu’il ne « connaîtrait pas » la concupiscence – dont nul n’ignore l’acte puisque tous l’éprouvent[28] – si la Loi n’eût dit : « tu ne convoiteras pas » (Rm 7, 7c).

Dans la mesure où la Loi mosaïque donne connaissance du péché sans le supprimer, pourrait-on affirmer que cette Loi donne l’occasion de pécher ? Ici encore, Paul répond nettement par la négative. Ce n’est en effet pas la Loi qui donne l’occasion de pécher mais bien le péché lui-même qui tire occasion de la Loi (Rm 7, 8a.11) pour attirer l’homme vers les actes qu’elle prohibe. Ceci revient à dire que la Loi est utilisée par le péché, qui se sert d’elle comme d’un instrument pour tromper l’homme et pour le détourner de la vie en abondance que Dieu veut lui donner par son commandement d’amour[29]. Victime de cette tromperie, l’homme en arrive à croire «  qu’il peut se soustraire » au commandement divin, qu’il peut s’en passer, « se procurer la vie » par lui-même et « trouver dans le non-accomplissement de la Loi l’accomplissement de sa vie »[30].

Pour Paul, le vrai rôle de la Loi est précisément d’amener l’homme à prendre conscience du péché qui l’abuse, de la blessure profonde qui résulte de cette tromperie et de la radicale impossibilité de « faire » la volonté de Dieu à un niveau purement humain. En relevant que « sans la Loi le péché était mort » et qu’il a « repris vie » avec elle (Rm 7, 8-9), l’Apôtre n’entend pas nier l’existence du péché avant le don de la Loi mosaïque[31]. Son propos est de souligner que cette Loi a décuplé à la fois la connaissance par l’homme de son péché et – de manière occasionnelle – le pouvoir destructeur dudit péché sur l’homme[32]. Ayant reçu la Loi, l’homme se découvre tôt ou tard pauvre, pécheur et incapable de « faire » le bien par ses seules forces. Après avoir pensé vivre ‘‘de lui-même’’, ignorant que sa mort était due au péché, l’homme découvre en dernière instance que le péché l’accable et le tue en se servant paradoxalement de la Loi même qui devait lui donner la vie[33].

Dans cette perspective, Paul enseigne que le rôle de la Loi est aussi et surtout d’apprendre à l’homme à se défaire de toute prétention ou suffisance, à implorer Dieu en toute humilité et à s’en remettre totalement à la grâce et à la miséricorde divines, dans la foi. Pour l’Apôtre, ce n’est pas par son propre effort ou par ses propres œuvres que l’homme peut accomplir la volonté de Dieu ou lui être agréable. Seule une pleine confiance dans le Seigneur et un entier abandon à sa grâce permettent à l’homme de vivre l’obéissance parfaite à la Loi et, par là-même, la communion d’amour avec Dieu et avec le prochain.

Ce thème – celui de la justification par la foi – est notamment abordé dans le chapitre 4 de l’épître aux Romains, consacré à la figure d’Abraham. « Quitte ton pays » (Gn 12,1) ; « Marche en ma présence et sois parfait » (Gn 17,1) ; « Prends ton fils […] offre-le en holocauste » (Gn 22,2), … L’obéissance d’Abraham à de tels commandements aurait-t-elle résulté de son seul effort personnel, lequel lui aurait fait « mériter » la faveur de Dieu et l’accès à sa gloire ? Paul répond qu’il n’en va pas ainsi (Rm 4, 1-8). Si Abraham peut être déclaré « juste » devant Dieu dans l’obéissance, c’est uniquement parce qu’il consent dans la foi à accueillir cette obéissance comme un pur don de la grâce divine[34]. S’étant librement détourné d’une suffisance illusoire, Abraham s’abandonne en toute confiance au Seigneur, qui lui ouvre dans la gratuité[35] et la joie son cœur miséricordieux.

Comme l’explique l’Apôtre (en Rm 4, 9-10), la béatitude d’être accueilli dans le sein miséricordieux du Seigneur[36] et d’y trouver son refuge[37] n’a pas lieu que chez les circoncis. Une telle béatitude est ouverte à tous, sans distinction entre Juifs et païens : « tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent » (Rm 10, 12). En Lui, la justice – effet de sa fidélité à l’homme – surabonde pour tout homme[38]. Ainsi Abraham a t-il pu être justifié sans avoir besoin de l’œuvre de la Loi qu’est la circoncision (Rm 4, 10)[39].

Ce qui est vrai pour la circoncision en particulier vaut de manière générale pour toutes les œuvres de la Loi. Ce n’est en effet « pas par la Loi que la promesse a été faite à Abraham ou à sa postérité d’avoir le monde en héritage »[40], mais c’est « par la justice de la foi » (Rm 4, 13). En choisissant Abraham comme « exemple type du croyant », Paul « choisit une figure antérieure à la Loi et à ses œuvres. Abraham, lorsqu’il devint juste, n’est pas sujet de la Loi.»[41]. Selon l’Apôtre, l’accomplissement de la promesse ne réside pas davantage dans la Loi que la formulation de cette promesse[42]. C’est en effet également par la justice de la foi qu’un tel accomplissement peut être accueilli – et que les saints « ont vaincu des royaumes »[43] .

Ceci revient-il à dire que la Loi n’a aucune valeur ? Non, au contraire. La Loi « prépare l’homme à reconnaître qu’il lui est impossible de se hausser à la hauteur de Dieu pour s’y ajuster » [44]. Elle « indique ce qu’il faut faire : aimer Dieu. Or cela ne peut advenir vraiment que dans la foi. La Loi a toute sa valeur et la foi, loin de la lui enlever, la manifeste »[45]. Cette manifestation, précise l’Apôtre, survient non pas « au-dehors » ou « selon la lettre », mais « intérieurement » et « selon l’esprit » (Rm 4, 28-29). Par la foi, tout homme qui « a dans l’affection du cœur les préceptes de la Loi »[46] peut atteindre par grâce l’obéissance parfaite, libre réponse d’amour à l’amour premier de Dieu. Selon ce mode intérieur, la Loi mosaïque, échappant à l’emprise du péché, cesse d’être travestie en loi de « mort » (Rm 8, 2) et manifeste sa vraie nature de loi de la vie, de la miséricorde, « de la foi » (Rm 3, 27) et « de l’Esprit » (Rm 8, 2)[47].

La foi ainsi annoncée par Paul apporte un élément de profonde nouveauté à l’Alliance établie par Dieu avec Israël. Les prophètes annonçaient déjà une Alliance nouvelle (cf. Jr 31, 33). Ils parlaient « d’une loi vivante qui sera inscrite par l’Esprit dans le cœur de l’homme, le transformant, lui donnant d’obéir par instinct, de l’intérieur » [48]. Ils entrevoyaient aussi obscurément « la figure courbée et humiliée qui, par sa souffrance innocente, rachètera la désobéissance du peuple ; un Serviteur en état d’obéissance continuelle ; ‘‘tous les matins, le Seigneur éveille son oreille’’ (Is 50, 4) »[49].

Ce Serviteur, explique Paul, est issu de la postérité d’Abraham qui, « espérant contre toute espérance » (Rm 4, 18), confiant en la promesse de Dieu, a cru à la vie qui lui serait donnée. Dans une profonde unité entre sa vie et sa théologie, l’Apôtre annonce que le Serviteur qu’avaient entraperçu les prophètes n’est autre que Jésus, le Christ, notre Seigneur. Témoin de sa rencontre personnelle avec le Ressuscité sur le chemin de Damas, Paul réalise et brûle de faire savoir[50] que la promesse de vie reçue par Abraham se trouve « éclairée par le Christ qui en est l’objet »[51]. Quand l’Ecriture dit que « c’est à Abraham que les promesses ont été faites et à sa postérité », elle « ne dit pas : à ses postérités, comme s’il s’agissait de plusieurs, mais à sa postérité, comme s’il s’agissait d’un seul, c’est-à-dire le Christ » (Ga 3, 16)[52]. En la personne de Jésus, Paul reconnaît et proclame la loi vivante et intérieure annoncée par les prophètes.

  1. Le Christ est la fin de la Loi ; en Lui nous confirmons la Loi

Paul, pour qui la seule possibilité d’être libéré du péché consiste à s’en remettre entièrement à la grâce de Dieu, nous invite à placer notre confiance en la personne de Jésus-Christ. Aussi est-ce à Jésus que s’adresse le cri d’action de grâce de l’Apôtre : « Grâces soient à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! » (Rm 7,25). En Jésus, l’homme peut affirmer avec Paul : « Je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l’homme intérieur » (Rm 7, 22-23), car c’est dans le Christ Jésus que réside « la loi de l’Esprit qui donne la vie » (Rm 8, 2). Dans le Fils, « Dieu ne se lasse jamais de nous aimer comme un Père (…) dans le même mouvement où il nous donne la vie »[53] afin que le Fils « soit le premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29)[54].

Pour Paul, l’Alliance nouvelle, qui renouvelle jusqu’à « l’objet même de la foi », se réalise dans le Christ, « le Juste par excellence »[55]. En Jésus, la clef du drame humain nous est donnée. Son obéissance « dépasse l’immense cadre de l’histoire humaine et même de la création, pour s’enraciner dans l’acte éternel et mystérieux par lequel, dans l’intimité de Dieu, la Père dit sa Parole unique dans la lumière pure et, en retour, reçoit cette parole dans l’Amour pur » [56]. Tout, en Jésus, « est ordonné à la volonté de Dieu ; faire celle-ci est sa nourriture et sa vie. En conséquence, il se montre obéissant à tout ce qui incarne cette volonté : la loi juive, ses parents, les autorités, mais avec liberté »[57].

Telle est la clé du drame de l’humanité : face au péché, dont la Loi aide l’homme à prendre conscience et à se découvrir captif, « c’est l’inattendu du Christ qui survient dans l’histoire »[58]. En Jésus, « la justice est désormais manifestée » et, avec elle, la possibilité pour tous les hommes d’être libérés de l’emprise du péché en devenant fils adoptifs de Dieu le Père, par le Christ, dans l’Esprit saint[59]. La réalisation de cette possibilité, explique Paul, implique que l’homme pose librement un acte de confiance. Il s’agit de se laisser conduire dans l’Esprit « à un Dieu qui aime tous les hommes (Rm 3, 23) et qui n’exige rien de l’humanité pour lui donner son Fils »[60].

Par l’accueil de l’Esprit saint, l’homme peut enfin accéder à l’obéissance parfaite à la Loi dans le Christ. En sa personne, Jésus, notre Seigneur, réalise – et nous donne de vivre en communion avec Lui – l’union à Dieu à laquelle la Loi devait ultimement mener. C’est en ce sens que Paul peut dire du Christ qu’il est « la fin de la Loi pour la justification de tout croyant » (Rm 10, 4). Si la Loi a bien été donnée par Dieu aux hommes en vue de les rendre justes, c’était pour que cette justice survienne non par leur propre observance[61] mais par et dans la personne de Jésus-Christ[62]. L’avènement de Jésus constitue en ce sens l’aboutissement ultime de la Loi et offre à l’humanité la joie d’être libérée du péché dans une Alliance nouvelle avec Dieu.

Est-ce à dire que nous abolissons la Loi en accueillant Jésus dans la foi ? « Loin de là », répond l’Apôtre en Rm 3, 31[63]. Au contraire, poursuit-il, nous confirmons et nous établissons la Loi par la foi – comme le confirme par ailleurs l’Evangile selon Matthieu : « Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir»[64]. Et ceci quant aux préceptes cérémoniels qui, « n’étant que figuratifs, ont été établis et accomplis parce que la vérité qu’ils signifiaient est manifestée dans la foi du Christ »[65] ; et même quant aux préceptes moraux, « parce que la foi du Christ confère le secours de la grâce pour accomplir les préceptes moraux de la Loi, et ajoute aussi des conseils, au moyen desquels ces préceptes sont conservés avec plus de sûreté et de stabilité»[66]. Loin d’abolir la Loi, le Christ la déploie donc pleinement en nous, nous donnant accès par la foi à ce que nous ne pouvions faire par nous-mêmes (voir Rm 5, 12-21) : aimer[67].

Pour l’Apôtre, accueillir Jésus dans la foi et être justifié par cette foi revient à recevoir la « rédemption accomplie dans le Christ Jésus » (Rm 3, 24). Cette rédemption, explique Paul, n’est autre que la victoire définitive sur le péché et sur la mort remportée par Jésus sur la croix et rendue accessible à tous par la foi venue de son précieux sang versé pour nous (Rm 3, 25)[68]. Par sa mort sur la croix, Jésus révèle l’amour miséricordieux du Père « pour toute l’humanité, celle qui le précède comme celle qui vient après lui »[69]. Obéissant jusqu’à la mort, et la mort ignominieuse de la croix (Phi 2, 8), Jésus « montre à quel point, en tant qu’homme, il est possible » non seulement de « croire que Dieu mérite d’être aimé infiniment »[70] mais aussi d’aimer infiniment l’homme en Dieu. Le Fils de Dieu, en se donnant par amour sur la croix, libère l’homme du péché et, par là-même, « réconcilie Dieu et les hommes, et les hommes entre eux. La croix est le lieu par excellence où se révèle l’unique médiation du Christ qui met en communion avec Dieu »[71]. Puisque l’humanité ne peut, par ses seules forces, aimer « jusqu’au bout » (Jn 13, 1) selon la volonté divine, Jésus le fait « pour nous et à notre place »[72], exprimant ainsi la surabondance de l’amour de Dieu[73].

En Jésus disparait également le danger que la Loi soit « détachée de son Auteur divin et érigée en absolu comme une fin en soi, au lieu d’être regardée comme un moyen pour Dieu d’entrer en relation avec l’homme ».[74] Par le Christ, la Loi n’est en effet plus extérieure mais radicalemet intérieure à l’homme, ouvrant à ce dernier la possibilité de devenir fils adoptif du Père, dans l’Esprit saint. A cet égard, on ne redira jamais assez « quel prodige représente aux yeux de l’Apôtre cette merveille propre à l’ère ouverte par le Christ : l’Esprit Saint présent dans les cœurs », faisant que les chrétiens, fils adoptifs de Dieu, peuvent regarder le Père céleste « avec les sentiments de confiance et d’amour et comme avec les yeux du Fils de Dieu incarné (cf. Rm 8, 15 ; Ga 4, 6) »[75].

Comme l’explique Paul, la mort et la résurrection du Christ s’appliquent à tout homme au moyen de la foi (Rm 1, 16)[76]. Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu se trouvent en effet incorporés au Christ crucifié, mort[77] et ressuscité, devenant avec Lui fils de Dieu et héritiers de la vie éternelle (Rm 8, 14.17)[78]. Ni la persécution, ni l’angoisse, ni la mort, « rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur », peut donc affirmer l’Apôtre en Rm 8, 39. En nous donnant sa vie, le Christ nous donne accès à l’union à Dieu, au cœur même de la Trinité. Configuré au Ressuscité, rempli de l’Esprit saint, Paul appartient au Christ, ne fait plus qu’un avec Lui : « Par la Loi, je suis mort à la Loi afin de vivre pour Dieu ; avec le Christ, je suis crucifié[79].  Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. »  (Ga 2, 19-20a). Vraiment, c’est d’une bonne nouvelle et d’un monde tout nouveau que Paul rend témoignage. Dans sa rencontre personnelle avec le Christ Ressuscité, Paul a trouvé la joie que son cœur cherchait.

Conclusion

 

Au moment de conclure cette étude, il apparaît que la Loi mosaïque occupe de toute évidence une place de premier plan dans la vie et dans la théologie de Paul. Après sa rencontre décisive avec le Ressuscité sur le chemin de Damas (Ac 9, 3s.), le persécuteur devenu Apôtre s’est trouvé amené à éclairer la tradition juive dont il était l’héritier à la lumière pascale du Christ. Cet éclairage a eu pour fruit un renouvellement en profondeur de la conception paulinienne de la Loi.

Dans une entière fidélité à son héritage juif, Paul considère la Loi comme un don de Dieu. A ses yeux, l’homme – Israélite ou non – ne peut en aucun cas accéder à l’obéissance parfaite à cette Loi par son propre effort, en raison du péché (1). Ce dernier et sa puissance destructrice ne peuvent être évités au moyen de la Loi. Le péché tire même occasion de cette dernière pour se déchaîner avec un surcroît de vigueur. Selon Paul, le vrai rôle de la Loi est précisément d’enseigner à l’homme son impuissance face au péché et de l’amener à ne s’en remettre qu’à la grâce de Dieu (2). Cette grâce, précise l’apôtre, est donnée de manière décisive à tout homme qui accueille dans la foi l’amour miséricordieux de Dieu en la personne de Jésus, le Christ, notre Seigneur. Par son obéissance parfaite aux commandements divins jusqu’à la mort de la croix, Jésus ouvre à l’humanité le chemin d’une Alliance d’amour, nouvelle et éternelle. Au sein de cette Alliance, les commandements divins se trouvent inscrits par l’Esprit saint dans le cœur de tout homme, devenu fils adoptif de Dieu dans la foi (3).

Sous le mode radicalement intérieur proposé par Paul à la lumière du Christ ressuscité, l’obéissance à la Loi devient ouverture absolue du cœur à Dieu dans l’amour et la joie, sous l’impulsion de l’Esprit saint. Il s’agit de « renoncer à être le Créateur, pour être Fils, parole et louange du Père, dans son être même » ; « Participation à la liberté de Dieu. Souplesse sans entraves de la pauvreté » ; « Communion »[80].  Où en trouver l’illustration concrète ? Dans « le silence fécond de Marie, dans son fiat. Dans le Christ. En lui, il n’y a que oui (cf. 2 Co 1, 19) »[81].

Olivier Van der Noot

 

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von Balthasar, Hans Urs. La gloire et la croix. 5. Théologie. Nouvelle Alliance, Paris, Cerf, éd. 1990.

 

[1] Le choix d’accorder en ces lignes une attention particulière à l’épître aux Romains plutôt, notamment, qu’à l’épître aux Galates, tient au fait que cette dernière ne reflète pas « la totalité et la vérité de la pensée de Paul sur [la] Loi » (H. Ponsot, Cours d’initiation à Saint Paul, Université Domuni, étape 5, p. 3). La perspective de l’épître aux Galates sur le thème de la Loi mosaïque « n’est pas fausse pour autant, elle est seulement très unilatérale, et la rédaction de la lettre aux Romains, dans un contexte beaucoup plus paisible, permettra des propos plus équilibrés » (H. Ponsot, Ibidem).

[2] Un Chartreux, « L’obéissance dans la Bible », La liberté de l’obéissance, Paris, Presses de la Renaissance, rééd. 2017, p. 17. Voir également E.P. Sanders, Paul and Palestinian Judaism, A Comparison of Patterns of Religion, Philadelphie, Fortress Press, 1977, p. 180 – traduction libre : « Dieu a choisi Israël et Israël a accepté l’élection. Dans son rôle de Roi, Dieu a donné à Israël des commandements auxquels il doit obéir du mieux qu’il le peut. L’obéissance est récompensée, et la désobéissance punie. Dans le cas d’un échec à obéir néanmoins, l’homme a recours aux moyens de réparation divinement donnés, qui incluent tous la repentance ».

[3] Un Chartreux, Ibidem.

[4] Ibidem. Voir également Ba 2, 27-28 : « Tu as agi envers nous selon ton entière bienveillance et ton immense tendresse, Seigneur notre Dieu, comme tu l’avais déclaré par ton serviteur Moïse, le jour où tu lui ordonnas de mettre par écrit ta Loi en présence des fils d’Israël (…) ».

[5] Sans doute s’agit-il de « l’évènement le plus important de la vie de Paul, un évènement capital pour le futur du christianisme. Paul sans Damas n’a pas le rang d’apôtre : constamment, sans relâche, il se servira de cet évènement pour justifier son autorité, s’égaler au rang des ‘‘autres’’, ces Pierre, Jacques, Jean, qui avaient connu le Seigneur » durant de sa vie terrestre (R. Burnet, Paul, bretteur de l’Evangile, pauldetarse.free.fr/Paul.pdf, consulté le 26 janvier 2020). Avant Damas, Paul faisait partie des « pharisiens zélés, disons ‘‘engagés’’, de son temps : (…) il est incontestable qu’il a compté parmi les persécuteurs des chrétiens et qu’il avait reçu mission à cet effet » (H. Ponsot, Cours d’initiation à Saint Paul, Université Domuni, étape 5, p. 4 ; voir aussi Phi 3, 5s.). Comme le souligne H. Ponsot à travers toute son Introduction à la lettre aux Romains (Paris, Cerf, 1988), « Paul reste après sa ‘‘conversion’’ soucieux de ne rien renier de ses convictions juives et de son héritage rabbinique » (voir not. l’avant-propos et la quatrième de couverture de l’ouvrage). Simplement – et comme nous le verrons dans la troisième partie de cette étude –, sa rencontre avec le Christ éclaire et renouvelle en profondeur ces convictions et cet héritage à la lumière de Pâques.

[6] C. Reynier, Pour lire la lettre de saint Paul aux Romains, Paris, Cerf, 2011, p. 72.

[7] Ibidem.

[8] Voir notamment en ce sens (mais à propos de Rm 4, 13) par Saint Thomas d’Aquin, Commentaire de l’épître aux Romains, Paris, Cerf, éd. 1999, p. 196, § 351 in fine.

[9] Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, p. 158, §249.

[10] A cette série de privilèges, l’Apôtre ajoute, de manière décisive, que c’est d’Israël qu’ « est issu le Christ selon la chair, lui qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans les siècles. Amen » (Rm 9, 5). Sur la place centrale du Christ dans la conception paulinienne de la Loi, voir la troisième partie de cette étude.

[11] Comme le relève saint Thomas d’Aquin à propos de Rm 3, 2 (op. cit., p. 158, §250), les Juifs sont principalement avantagés en ce que les jugements de Dieu leurs sont confiés « comme à des amis : ‘‘ Je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître’’ (Jn 15, 15b). Et cela est considérable, parce que les jugements de Dieu sont honorables : ‘‘ Les jugements du Seigneur sont vrais, équitables par eux-mêmes’’ (Ps 18, 10). Ils sont délectables : ‘‘Que tes jugements sont doux à mon palais’’ (Ps 118, 103) » ; « Bienheureux l’homme que toi, tu auras instruit, Seigneur, et à qui tu auras enseigné ta Loi, afin que tu lui accordes quelque douceur dans les jours mauvais » (Ps 93, 12-13).

[12] Voir Rm 3, 23 : « Alors, y a-t-il de quoi s’enorgueillir ? Pas du tout. (…) ».

[13] Voir Rm 3, 9a : « Quoi donc ? L’emportons-nous donc sur eux ? Nullement. ».

[14]  Voir déjà Ps 130, 1-3 : « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, un petit enfant contre sa mère. Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais ».

[15] Voir Rm 3, 9b.

[16] Paul mobilise ici plusieurs références – Ps 14, 1-3 ; Ps 5,10 ; Ps 140, 4 ; Ps 10, 7 ; Ps 36, 2 ; ou encore Is 59, 7-8. A ce sujet, voir not. K. Barth, L’épître aux Romains, Genève, Labor et fides, éd. 1972, p. 185.

[17] Un Chartreux, op. cit., p. 17.

[18] Voir en ce sens C. Reynier, op. cit., p. 73 et 74. Selon cet auteur, Rm 7, 14-17 décrirait plutôt la situation du croyant d’origine juive, tandis que Rm 7, 18-20, en raison d’un arrière-fond grec indiqué par un vocabulaire moral (notions de bien et de mal) et une absence de mention de la Loi, renverrait davantage à la situation du croyant issu du paganisme.

[19] Comme le relèvent plusieurs commentateurs, cette expérience du péché commune à tous les hommes (Rm 3, 23) est déjà celle, dite ‘‘originelle’’, que fit Adam au jardin d’Eden – antérieurement, donc, au don et à la réception de la Loi mosaïque. Ce n’est pas en méconnaissant cette dernière qu’Adam s’est détourné de l’obéissance à Dieu, mais bien en outrepassant le précepte de Gn 2,17, dans lequel il est toutefois permis de voir une préfiguration la Loi donnée au Sinaï. Voir à cet égard H. Ponsot, Cours d’initiation à Saint Paul, Université Domuni, étape 5, p. 7 ; S. Lyonnet, « L’histoire du Salut selon le chapitre 7 de l’épître aux Romains », Biblica, n°43, 1962, p. 114-151; saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 274, §555.

[20] Voir également Rm 7, 9b : « quand est venu le commandement, le péché a repris vie ».

[21] A ce propos, voir aussi H. Urs von Balthasar, La dramatique divine. II. Les personnes du drame. 2. Les personnes dans le Christ, Namur, Culture et Vérité, 1988, p. 305 et s.

[22] Voir not. Ba 2, 30a : « Oui, je sais bien qu’ils ne m’écouteront pas, car c’est un peuple à la nuque raide ». Adde à cet égard Ex 32, 9 ; Ex 34, 9.

[23] Cité par saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 268, §533.

[24] C. Reynier, op. cit., p. 71. Comme le relève dans le même sens E.P. Sanders (op. cit., p. 180 – traduction libre), Israël, « aussi longtemps qu’il maintient son désir de rester dans l’Alliance » établie par le don et la réception de la Loi mosaïque, « a part aux promesses données par Dieu dans cette alliance, en particulier la vie dans le monde à venir ».

[25] Voir Pr 8, 15 : « Par moi les rois règnent, et les législateurs décrètent des choses justes ».

[26] Voir Is 10, 1 : « Malheur à ceux qui établissent des lois iniques ».

[27] Voir en ce sens saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 269, §537.

[28] Ibidem.

[29] Comme le souligne Paul, la Loi ne demande en définitive rien d’autre que d’aimer – aimer Dieu et, en lui, le prochain. A propos de l’amour du prochain, voir ainsi Rm 13, 9: « La Loi dit : tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras pas. Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

[30] C. Reynier, op. cit., p. 71 et 72.

[31] Voir en ce sens saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 272, §545, rappelant avec Paul (en Rm 5, 12) que « par un seul homme le péché est entré dans ce monde » avant la Loi.

[32] Voir à ce dernier égard saint Thomas d’Aquin, Ibidem, § 547: « la Loi ayant été donnée, la puissance du péché a été occasionnellement augmentée : ‘‘La puissance du péché, c’est la Loi’’ (1 Co 15, 56) ».

[33] Tel est le sens de l’exclamation de Paul en Rm 7, 10-11 : « Et moi je suis mort, et il s’est trouvé que le commandement qui m’était donné pour la vie l’a été pour la mort. Car le péché, prenant l’occasion, m’a séduit à travers le commandement, et par lui m’a tué ». Dans le péché, la vie n’a plus de vie que le nom : « Tu as le nom de vivant, mais tu es mort » (Ap 3,1 cité par Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, §546).

[34] Voir not. Rm 4,2 (« Or, que dit l’écriture ? ‘‘Abraham crut à Dieu, et ce lui fut imputé à justice’’) – citant Gn 15,6. Voir aussi Rm 4,5 : « à celui (…) qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est imputée à justice, selon le décret de la grâce de Dieu » – non cependant de telle manière qu’il mérite la justice par la foi, « mais parce que le fait même de croire est le premier acte de cette justice que Dieu opère en lui. Car du fait qu’il croit en Dieu qui justifie, il se soumet à sa justification et en reçoit ainsi l’effet » (Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, op. cit., p. 189, §331).

[35] Comme le remarque C. Reynier (op. cit., p. 45), « La justice accordée à Abraham est purement gratuite. Elle n’est pas un dû comme le salaire versé en contrepartie d’un travail. Celui qui croit ne peut être comparé à un travailleur qui mérite salaire (Rm 4,4). Abraham n’obtient pas une récompense qui serait méritée par son obéissance ou par des œuvres de la Loi qu’il aurait accomplies – d’ailleurs, au temps d’Abraham, la Loi n’est pas encore donnée. Il est déclaré ‘‘juste’’ en raison de la confiance absolue qu’il a eue envers Dieu ».

[36] Cette béatitude est notamment proclamée en Rm 4, 7-8 (où Paul commente le Ps 32, 1-2): « Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts. Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a pas imputé de péché ».

[37] Ps 90, 9: « Oui, le Seigneur est ton refuge ; tu as fait du Très-Haut ta forteresse ».

[38] C. Reynier, op. cit., p. 45. Voir aussi K. Barth, op. cit., p. 125 : « la déclaration de bonheur concernant l’homme pieux (Rm 4, 4-8) vaut, en vérité aussi, et déjà, pour celui qui ne l’est pas encore (4,9)».

[39] Comme l’explique Saint Thomas d’Aquin (op. cit., p. 191, § 340), on lit en effet « au chapitre 15 de la Genèse que la foi a été imputée à justice à Abraham (Gn 15, 6), et au chapitre 17 qu’il reçut le précepte de la circoncision (Gn 17, 23-26). Si donc Abraham, étant encore incirconcis, a été justifié par la foi, il est évident que la justice de la foi, par laquelle sont remis gratuitement les péchés, se trouve non seulement en l’état de circoncision, mais aussi en l’état d’incirconcision, c’est-à-dire chez les nations païennes ».

[40] De sorte que toutes les nations du monde soient bénies en lui – « En toi seront bénies toutes les nations de la terre » (Gn 12, 3).

[41] C. Reynier, op. cit., p. 46.

[42] Voir en ce sens Saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 196, §352, s’appuyant sur He 7, 19 : « La Loi n’a rien amené à la perfection».

[43] He 11, 33, cité par Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, §353.

[44] C. Reynier, op. cit., p. 44

[45] Ibidem.

[46] Saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 154, § 244.

[47] A ce sujet, voir H. Ponsot, Introduction à la lettre aux Romains, op. cit., p. 125.

[48] Un Chartreux, « L’obéissance dans la Bible », op. cit., p. 18. Voir aussi Ez 36, 27 : « Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles ».

[49] Ibidem.

[50] Voir 1 Co 9, 16 : « Si j’annonce l’Evangile, ce n’est pas pour moi un sujet de gloire, car la nécessité m’en est imposée, et malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! ».

[51] C. Reynier, op. cit., p. 46-47

[52] C’est nous qui soulignons.

[53] C. Reynier, op. cit., p. 75.

[54] Comme le souligne H. Urs von Balthasar, le « ‘‘lieu’’ auquel les rachetés sont appelés et où ils sont placés dans l’obéissance de la foi, est Jésus-Christ lui-même. En lui, ils sont ‘‘un’’ (Ga 3,28) ; et l’unité de l’Eglise » – c’est nous qui soulignons – « n’est autre que la reconnaissance et l’accomplissement de cette unité donnée à l’avance dans le Christ. L’unité du ‘‘corps’’ provient de l’unité de la ‘‘tête’’ qui se déploie dans les membres et ramène à soi leur multiplicité (Ep 4, 10-16). De même, ‘‘ l’Esprit ‘’ qui anime le corps lui est donné d’avance en tant qu’Esprit de la tête et, au-delà de l’unité présente, il vise une unité eschatologique, aperçue seulement ‘‘en espérance’’ (Ep 4,4) » (La gloire et la croix. 5. Théologie. Nouvelle Alliance, Paris, Cerf, éd. 1990, p. 388).

[55] C. Reynier, op. cit, p. 43.

[56] Un Chartreux, « L’obéissance dans la Bible », op. cit., p. 18.

[57] Ibidem.

[58] Ibidem, p. 19.

[59] C. Reynier, op. cit., p. 42.

[60] Ibidem.

[61] Voir He 7, 19 : « la Loi n’a amené personne à la perfection ».

[62] Pour dire que la Loi nous oriente vers le Christ, Paul en parle comme d’un pédagogue (voir ainsi Ga 3, 24 : « la Loi fut notre pédagogue dans le Christ pour que nous soyons justifiés par la foi »).

[63] Voir aussi Mt 5, 18, cité par saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 183, § 321 : « Car je vous le dis en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé ».

[64] Mt 5, 17, cité par saint Thomas d’Aquin, Ibidem.

[65] saint Thomas d’Aquin, Ibidem.

[66] Ibidem.

[67] Comme le rappelle l’Apôtre en Rm 13, 8.10,  « celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi » ; « le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour » – de Dieu et, en Dieu, du prochain. S. Lyonnet observe en ce sens que « le ‘‘précepte’’ reste pour le chrétien une ‘‘norme d’action’’ – la vraie norme étant d’ailleurs plus encore l’exemple même du Christ et en particulier de son amour – ; mais ce qui me fait chrétien et me ‘‘sauve’’, ce n’est pas une observation qui serait purement humaine de cette norme ; c’est l’amour même dont aime le Christ, et dont il me fait part si je l’accueille par la foi. » (« La charité plénitude de la loi. Rom 13, 8-10 », Etudes sur l’Epître aux Romains, Rome, Editrice pontifico istituto biblico, 1989, p. 320). Force est de remarquer que ces conceptions pauliniennes fondamentales se rapprochent, notamment et à leur façon, de celles offertes par le quatrième Evangile.

[68] saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 177, §309. Voir aussi 1 P 3, 18 : « Le Christ lui-même est mort une fois pour nos péchés, juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, mis à mort selon la chair, mais vivifié selon l’Esprit».

[69] C. Reynier, op. cit., p. 44. Voir dans le même sens saint Thomas d’Aquin, Ibidem, p. 178, § 310

[70] C. Reynier, Ibidem, p. 43.

[71] Ibidem, p. 44.

[72] Ibidem, p. 42.

[73] Pour une mise en lumière de la façon dont cette surabondance se trouve exprimée sur la croix, voy. Ibidem, p. 43: « la croix exprime ce que nous pensons de Dieu : Dieu est si grand que l’homme ne peut le comprendre et qu’il le rejette. Elle dit aussi ce que Dieu fait pour nous : il nous aime jusqu’à nous pardonner de vouloir l’éliminer. Bien plus, il nous met en communion avec lui ».

[74] A. Feuillet, « Loi ancienne et morale chrétienne d’après l’épître aux Romains », Nouvelle revue théologique, 1970, p. 792.

[75] Ibidem, p. 803.

[76] Dans la perspective paulinienne, cette incorporation au Christ mort et ressuscité se réalise également par le baptême (voir ainsi Rm 6,4).

[77] Comme l’explique saint Thomas d’Aquin (op. cit., p. 177-178, § 309), la « mort du Christ nous est appliquée au moyen de la foi, par laquelle nous croyons que par sa mort il a racheté le monde : ‘‘Je vis en la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est lui-même livré pour moi’’ (Ga 2, 20) ».

[78] Voir aussi Rm 8, 11 : « si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts » – c’est-à-dire Dieu le Père – « donnera aussi la vie à vos corps mortels par son esprit qui habite en vous ».

[79] Sur cette union d’amour au Christ crucifié, voir Phi 3, 10 (« Ce que je veux, c’est le connaître, lui, le Christ, et la communion à ses souffrances et la conformité à sa mort ») ; voir aussi Mt 16, 24 (« Alors Jésus dit à ses disciples : ‘‘si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ») ou encore Jn 15, 13 («Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »). On citera aussi à ce sujet ces mots de sainte Elisabeth de la Trinité : « O mon Christ aimé, crucifié par amour, je voudrais être une épouse pour votre cœur ; je voudrais vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer… jusqu’à en mourir ! Mais je sens mon impuissance, et je vous demande de me revêtir de vous-même, d’identifier mon âme à tous les mouvements de votre âme, de me submerger, de m’envahir, de vous substituer à moi, afin que ma vie ne soit qu’un rayonnement de votre vie… une humanité de surcroît  » (cité par H. Urs von Balthasar, Elisabeth de la Trinité et sa mission spirituelle, Paris, Seuil, rééd. 1990, p. 163).

[80] Un chartreux, op. cit., « L’obéissance contemplative », p. 132 et 133.

[81] Ibidem, p. 133.

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