« Le projet de Dieu sur tout être humain… » par le Diacre Jacques Fournier
Rencontre « Laïcs en Mission », 11 août 2024, St Paul
« De fondement, nul ne peut en poser d’autres que celui qui s’y trouve déjà : Jésus Christ » (1Co 3,11). « Tout fut par lui et sans lui rien ne fut » (Jn 1,3). Et toute son œuvre sera de faire en sorte que le projet créateur s’accomplisse pleinement. Alors, « le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14), et avec lui l’humanité a compté enfin un homme parfaitement « à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-27). Il sera « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) car, avec lui et par lui, Dieu veut offrir à tout être humain la possibilité de « reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,28-30). Telle est notre vocation à tous… Si nous consentons à accueillir Celui qui, le premier, est venu nous rejoindre dans le Fils, nous deviendrons alors pleinement, petit à petit, de miséricorde en miséricorde, ce que nous sommes déjà à ses yeux, des « enfants de Dieu » (Jn 1,12) appelés à être « à l’image du Fils » et donc « à l’image et ressemblance de Dieu »… Et tout ceci adviendra grâce au Don de l’Esprit que le Fils est venu nous communiquer au Nom de son Père… Ressuscité, « il souffla » en effet sur ses disciples, comme Dieu avait soufflé en l’homme au commencement du monde pour « insuffler en lui une haleine de vie » (Gn 2,4b-7). Alors, par le Christ Sauveur et le Don de l’Esprit, l’homme peut enfin devenir pleinement lui-même…
Nous allons donc commencer par revisiter ici un des textes les plus importants de la Bible, le premier chapitre du Livre de la Genèse qui nous présente l’œuvre créatrice de Dieu, et nous nous attarderons tout particulièrement sur les versets décrivant la vocation de tout être humain « créé à l’image et ressemblance de Dieu ».
Le premier récit de la Création que nous reprenons à chaque veillée pascale (Gn 1,1-2,4a) était très certainement autrefois un cantique liturgique en sept strophes, avec un refrain : « Et Dieu vit que cela était bon ; il y eut un soir, il y eut un matin, xème jour ». Toute sa rédaction était tendue vers le dernier jour, le septième, où, après avoir créé l’univers en dix Paroles, Dieu « cessa toute activité », « sabat » en hébreu. L’auteur pouvait ainsi le prendre en exemple dans le Livre de l’Exode pour le 4° commandement juif, le 3° pour nous catholiques, celui du sabbat (Ex 20,8-11), ce jour où l’homme est invité à mettre sa relation à Dieu à la première place dans sa vie…
Regardons tout de suite le passage relatif à la création de l’homme (Gn 1,26-28) :
Le projet de Dieu :
– 1 – « Faisons l’homme »…
A – (26) Dieu dit :
« Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance
– 2 – « Qu’ils dominent sur »…
B – et qu’ils dominent sur les poissons de la mer,
les oiseaux du ciel,
les animaux,
sur toute la terre,
et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre ».
Dieu réalise son projet :
– 1 – « Dieu fit l’homme »…
A’ – (27) Dieu créa l’homme à son image
à l’image de Dieu il le créa,
mâle et femelle il les créa.
La bénédiction de Dieu qui permettra à l’homme de réaliser le projet de Dieu :
(28) Et Dieu les bénit
et Dieu leur dit :
« Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre
et soumettez-la ;
– 2 – « Dominez sur »…
B’ – Dominez sur les poissons de la mer,
les oiseaux du ciel,
et sur tout être vivant qui rampe sur la terre ».
La valeur inestimable de tout homme aux yeux de Dieu
« Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43,4)
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Comme pour les autres créatures, la création de l’homme commence par une Parole de Dieu, mais celle-ci est différente des précédentes. Il ne s’agit pas en effet d’un ordre suivi immédiatement de sa réalisation, « ‘Que la lumière soit’, et la lumière fut » (Gn 1,3), mais d’une Parole exprimant un désir. Dieu semble penser tout haut et il nous révèle ainsi son rêve, son intention la plus profonde : l’homme…
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De plus, le verbe « faire» n’intervient pas ici lors de sa création, mais seulement le verbe « créer, bara’ », un verbe qui dans toute la Bible n’a que Dieu pour sujet. Et il apparaît trois fois. Or le chiffre « trois » est souvent un chiffre symbolique qui renvoie à Dieu en tant qu’il agit. Dieu a donc agi pour l’homme avec une intensité toute particulière, comme il ne l’avait encore jamais fait jusqu’à présent. Il a déployé pour lui tous ses talents de Créateur et l’homme est apparu dans l’existence. Le texte ne nous dit rien d’ailleurs sur le « comment » de sa venue au monde : son origine demeure un Mystère que Dieu seul connaît…
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Enfin, et le terme arrive pour la septième fois dans le texte en signe de plénitude, Dieu déclare une fois l’homme créé : « Et voici : cela était très bon ». Or, « tov, bon» en hébreu, peut aussi se traduire par « bien», « beau »… Nous le retrouverons plus tard dans « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (Gn 2,9) Comme le souligne André Boulet, « littéralement, il faudrait traduire par « Quel bien ! »… Le terme employé pour signifier cette bonté ne se réfère pas d’abord à une catégorie esthétique, mais à une catégorie éthique : la Création est fondamentalement bonne, et, parce que bonne, elle est belle »[1]. Et Dieu regarde l’homme au cœur de la création comme un bien profond…
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Puis, juste après l’avoir créé, Dieu va le bénir, comme il l’avait fait auparavant pour les premiers êtres vivants qui étaient apparus dans la mer et dans le ciel, révélation indirecte de son amour pour la vie. Cette bénédiction est la grâce que Dieu donne à tout être humain, quel qu’il soit, où qu’il soit, pour pouvoir pleinement s’accomplir. Elle l’accompagne tout au long de sa vie et ne demande qu’à être accueillie par des cœurs de bonne volonté… « Gloria in altissimis Deo et in terra pax in hominibus bonae voluntatis, Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté» (Lc 2,14 ; traduction latine (la Vulgate) de St Jérôme). Nous percevons déjà ici l’importance de la relation « Créateur-créature », nous y reviendrons. Cette grâce devrait nous inciter à avoir confiance dans la vie, dans l’avenir, car elle sous-entend que Dieu accompagne l’histoire de chacun, l’histoire de l’humanité, pour lui permettre de déboucher sur cet « à venir » qui nous attend tous, par-delà notre mort sur cette terre…
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Pour les animaux, nous avions : « Dieu les bénit en disant : « Soyez féconds, multipliez…» », tandis que pour l’homme nous avons : « Dieu les bénit et Dieu leur dit : « Soyez féconds, multipliez » »… La différence est minime mais elle est capitale : l’homme est la seule créature à laquelle Dieu adresse la Parole. Nous avons ainsi été créés pour vivre en relation avec lui, pour l’écouter, le comprendre, lui répondre… Tel est le fondement ultime de notre vie.
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Enfin, l’homme est la seule créature à « être à l’image et ressemblance de Dieu ». Il existe donc un lien unique entre l’homme et Dieu, à tel point qu’en regardant l’homme, il est possible de découvrir quelque chose du Mystère de Dieu, et ce n’est qu’en regardant Dieu que l’on comprendra toujours davantage « qui » est l’homme…
Dans le Livre de la Genèse, cette expression est caractéristique de la relation « père – fils ». Après notre texte, elle disparaît pour ne réapparaître qu’en Gn 5,3 où Adam représente cette fois non plus « tout être humain » comme en Gn 1, mais « un être humain de sexe masculin ». Face à cette figure symbolique, l’auteur en placera une autre, Ève, qui, elle, représentera « un être humain de sexe féminin »… Et puisqu’il revisite, comme dans un mythe, une légende, les origines de l’humanité, les deux auront un fils « Seth ». Et nous lisons : « Adam vécut cent trente ans, puis il engendra un fils à sa ressemblance et selon son image ; il l’appela du nom de Seth » (Gn 5,3). Ainsi, tout comme Adam est le père de Seth, Dieu est le Père de tout être humain… Or Dt 10,17, abondamment repris dans le Nouveau Testament (Ac 10,34 ; Rm 2,11 ; Ga 2,6 ; Ep 6,9 ; Col 3,25 ; Jc 2,1 ; 1P 1,17) : « Dieu ne fait pas acception des personnes ». Il aime tout être humain du même amour et se donne à tous de la même manière…
Le cœur du Nouveau Testament sera cette affirmation répétée par deux fois : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). Or « le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner » (Pape François, audience du mercredi 14 juin 2017). L’Amour est donc « Don éternel » de tout ce qu’Il Est en, Lui-même, et cela d’une manière totalement gratuite… Telle est cette bénédiction, cette grâce, qui rejoint tout être humain, partout et tout le temps, et cela par le simple fait qu’il existe, et qu’il a donc été créé par amour… « Le Seigneur Dieu est un Soleil, il donne la grâce, il donne la gloire » (Ps 84(83),12 AELF), et cela en donnant « l’Esprit de la grâce » (Hb 10,29), « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14), l’Esprit Saint… « Dieu est Amour » ? Dieu donne ce qu’Il Est en Lui-même ? Ou « Dieu est Esprit », dit Jésus à la Samaritaine (Jn 4,24). Dieu donne donc gratuitement l’Esprit Saint à tous, tout simplement parce qu’Il Est ce qu’Il Est, Amour…
« Votre Père qui est aux cieux, fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45), cette « pluie » de « l’Eau Vive » de « l’Esprit Saint » (Jn 7,37-39)… « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) ? « Le Verbe est la Lumière Véritable qui éclaire tout homme venant dans le monde » (Jn 1,9). Ainsi, écouter la Parole de Dieu, c’est se tourner de tout cœur vers Dieu, ce Dieu qui est Amour, Don de Lui‑même, Don de l’Esprit Saint… C’est donc ouvrir son cœur au Don de l’Esprit Saint, cet Esprit qui est Lumière et Vie, et nous avons tous été créés pour en être remplis, comme Jean Baptiste (Lc 1,15), Marie (Lc 1,28 et Hb 10,29), Elisabeth (Lc 1,41), Zacharie (Lc 1,67), Jésus (Lc 4,1), etc (cf. Ac 2,4.17.18.38 ; 4,8.31 ; 6,5 ; 9,17…)… « Celui que Dieu a envoyé », dira Jésus, « prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). « Mes Paroles sont Esprit et elles sont vie » (Jn 6,63), ce que St Pierre reconnaîtra bien : « Seigneur, tu as les Paroles de la vie éternelle » (Jn 6,69), et cela grâce au Don de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25 ; Rm 8,2) qui se joint toujours à elle…
Le second récit de la création (Gn 2,4b-7) permet de préciser ce que « être à l’image et ressemblance de Dieu » sous entend. En effet, dans ce second récit, l’homme est la seule créature vivante que Dieu suscite dans l’existence en soufflant en lui : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). Or, le souffle dans la Bible renvoie à l’Esprit de Dieu, à l’Esprit Saint… Et, nous dit St Jean, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Le mystère de la vie de chaque être humain s’enracine donc dans la Présence au plus profond de son être d’une réalité qui est de l’ordre de « l’Esprit Saint », c’est-à-dire de l’ordre de ce que Dieu est en Lui-même… Comme l’écrit le P. Ceslas Spicq, « être l’image » c’est « participer l’être » et la vie du « Dieu vivant ».[2] L’idée de « souffle » en en effet inséparable de celle de « vie », le souffle manifestant la présence de la vie. Recevoir le souffle de Dieu, c’est donc recevoir la vie de Dieu. L’Esprit de Dieu est ainsi avant tout une réalité de l’ordre de la vie …
Ainsi, le Mystère de la vie de tout homme s’enracine dans le Mystère de sa participation à l’Esprit de Dieu, c’est-à-dire à la Vie de Dieu… Et c’est dans cette perspective que la notion « d’image et de ressemblance » prend toute son intensité… Lorsque St Paul évoque « l’être entier » de tout être humain qui est « esprit, âme, corps » (1Th 5,23), cet « esprit » est participation à ce que Dieu Est en Lui-même, Lui qui « Est Esprit » (Jn 4,24), « Esprit Saint »…
LE RÔLE DE L’ESPRIT SAINT
LORSQUE NOUS ÉCOUTONS LA PAROLE DE DIEU
La présence de l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, est la grande promesse de Jésus :
Jn 14,15-17 : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ;
(16) et je prierai le Père
et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais,
(17) l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir,
parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît.
Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous
et qu’il est en vous » par le Don qu’il ne cesse de faire de Lui-même,
le Don de l’Esprit…
Précisons tout de suite au niveau du vocabulaire que nous employons…
Nous avons vu que « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu est saint ». Les deux mots « Esprit » (nom commun) et « Saint » (adjectif), sont alors employés pour décrire ce que Dieu Est en Lui-même, pour exprimer le Mystère de sa ‘nature divine’.
Ces deux mêmes mots peuvent aussi être réunis pour former un Nom propre, et évoquer ainsi une Personne divine unique, « l’Esprit Saint » ou « le Saint Esprit », la Troisième Personne de la Trinité, une Personne divine qui existe de toute éternité et est donc toujours en face à face avec les deux autres Personnes divines, le Père et le Fils, puisque chaque Personne divine est la seule à être ce qu’elle est…
Ainsi, comme nous disons « le Père », Personne divine, « Est Esprit », ou « le Fils », Personne divine, « Est Esprit », nous dirons « l’Esprit Saint », Personne divine, « Est Esprit ». Et de même, comme nous disons « le Père », Personne divine, est « Saint », « le Fils », Personne divine, est « Saint », nous dirons « l’Esprit Saint », Personne divine, est « Saint ». Et en mettant les deux ensembles, nous pouvons dire :
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« Le Père » (Personne divine) Est « Esprit Saint» (nature divine).
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« Le Fils » (Personne divine) Est « Esprit Saint» (nature divine).
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« L’Esprit Saint » (Personne divine)
Est « Esprit Saint » (nature divine).
Or, nous avons vu que « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16) et que « le propre de l’Amour est de se donner, de se répandre » (Pape François), de donner ce qu’Il Est en Lui-même… Ainsi la Troisième Personne de la Trinité, l’Esprit Saint « est Amour » et donc Don gratuit de tout ce qu’Il Est en Lui-même, et il « Est Esprit », et il « Est Saint »…
L’Esprit Saint « Personne divine » est donc Don éternel de « l’Esprit Saint » ‘nature divine’, un « Esprit » (Jn 4,24) qui est « Lumière » (1Jn 1,5) et « Vie » (Jn 1,4)… C’est ainsi que « l’Esprit Saint est Seigneur et qu’il donne la vie » (Crédo), en donnant « l’Esprit Saint » ‘nature divine’, cet « Esprit » qui est « Vie »…
Et c’est en étant tout simplement ce qu’Il Est de toute éternité qu’il nous enseigne :
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– Nous lisons la Parole de Dieu qui nous parle de la Vie de Dieu, la Vie éternelle ? Si nous la lisons avec un cœur grand ouvert, l’Esprit Saint va nous « enseigner» cette Parole en nous donnant, dans le silence de nos cœurs, la Vie qu’elle évoque et cela en nous donnant cet « Esprit » qui est « vie »…
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– Nous lisons la Parole de Dieu qui nous parle de la Lumière de Dieu ? Si nous la lisons avec un cœur grand ouvert, l’Esprit Saint va nous « enseigner» cette Parole en nous donnant, dans le silence de nos cœurs, la Lumière qu’elle évoque, et cela en nous donnant cet « Esprit » qui est « Lumière »…
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– Nous lisons la Parole de Dieu qui nous parle de la Paix de Dieu ? Si nous la lisons avec un cœur grand ouvert, l’Esprit Saint va nous « enseigner» cette Parole en nous donnant, dans le silence de nos cœurs, la Paix qu’elle évoque, et cela en nous donnant cet « Esprit » qui est « Paix » (Ga 5,22)…
Jn 14,26 : « Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
Lui, vous enseignera tout. »
Ainsi, « l’Esprit Saint » enseigne « tout » en communiquant au croyant « tout » ce qu’Il Est, et Il Est Dieu, de même ‘nature’ que le Père et le Fils, et cela en tant qu’il reçoit cette ‘nature divine’ de toute éternité du Père et du Fils : « Je crois en l’Esprit Saint qui procède du Père et du Fils » (Crédo). C’est pourquoi Jésus déclare :
Jn 16,12-15 : « J’ai encore beaucoup à vous dire,
mais vous ne pouvez pas le porter à présent.
(13) Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité,
il vous introduira dans la vérité tout entière ;
car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira
et il vous expliquera les choses à venir.
(14) Lui me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il recevra
et il vous le dévoilera (TOB : et il vous le communiquera).
(15) Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit
et qu’il vous le dévoilera (TOB : il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi). »
Ainsi, l’Esprit Saint a pour mission de nous communiquer ce qu’il reçoit du Fils de toute éternité, « l’Esprit Saint – nature divine », et c’est ainsi qu’il nous « introduit dans la vérité tout entière » en nous mettant de cœur, dès aujourd’hui, dans la foi et par notre foi, en communion avec le Père et avec le Fils dans « l’unité d’un même Esprit » (Ep 4,3)… Ainsi, grâce à l’Esprit Saint et par Lui, nous vivons, de cœur, ce que la Parole de Dieu nous dit…
Sa grande mission est ainsi de « glorifier » le Fils, de « rendre témoignage » au Fils : « Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui vient du Père, il me rendra témoignage » (Jn 15,26). Et comment fait-il ? Quand Jésus nous dit « Je Suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6), « Je Suis le Pain de Vie » (Jn 6,35.48), « je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ai en surabondance » (Jn 10,10), l’Esprit Saint lui rend témoignage en nous communiquant cette Vie même dont il nous parle… Nous expérimentons ainsi dans nos cœurs ce que Jésus nous dit… Nous le vivons…
1Jn 5,5-8 : « Quel est le vainqueur du monde,
sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?
(6) C’est lui qui est venu par eau et par sang : Jésus Christ,
non avec l’eau seulement mais avec l’eau et avec le sang.
Et c’est l’Esprit qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la Vérité.
(7) Il y en a ainsi trois à témoigner :
(8) l’Esprit, l’eau, le sang, et ces trois tendent au même but ».
Avec « l’eau et le sang », St Jean pense au cœur transpercé de Jésus sur la Croix :
Jn 19,33-35 : « Venus à Jésus, quand les soldats virent qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, (34) mais l’un des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l’eau. (35) Celui qui a vu rend témoignage – son témoignage est véritable, et celui-là sait qu’il dit vrai – pour que vous aussi vous croyiez. »
« L’eau et le sang » versés sur la croix rendent donc témoignage tout à la fois à la réalité de la venue du Fils dans la chair (Jn 1,14) et à la réalité de son offrande totale sur la croix pour le salut du monde, c’est-à-dire pour notre vie à tous : « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). L’eau et le sang sont d’ailleurs tous les deux des symboles de vie : dans le désert de Palestine, pas de vie sans eau ; et les anciens croyaient que la vie était dans le sang (Lv 17,11 : « Oui, la vie de la chair est dans le sang. » ; Lv 17,14 : « La vie de toute chair, c’est son sang. ») Et la Bible de Jérusalem écrit en note pour 1Jn 5,8 : « Les trois témoignages convergent. Le sang et l’eau se joignent à l’Esprit, pour témoigner en faveur de la mission du Fils qui donne la vie. »
L’Esprit Saint rend donc témoignage à Jésus, et en agissant ainsi « il le glorifie » (Jn 16,14)… Et comment fait-il ? Selon sa mission première qui est de donner « l’Esprit Saint nature divine », un « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6)), un « Esprit qui donne la vie » (Rm 8,2), un Esprit qui « est vie » (Ga 5,25). Autrement dit, quand Jésus nous parle, il rend toujours témoignage de son côté à cette vie éternelle qu’il reçoit du Père dans le cadre de cette relation qu’il vit avec lui depuis toujours et pour toujours… « Je vis par le Père et je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 6,57 ; 10,10). Tel est le Mystère du Royaume des Cieux, Mystère de Communion dans l’unité d’un même Amour, d’une même Lumière, d’un même Esprit, et cet Esprit est vie éternelle… Quand Jésus évoque ce Royaume des Cieux, l’Esprit Saint se joint à son témoignage et rend témoignage à son tour. Et il le fait en donnant cette vie que Jésus évoque par sa Parole. Jésus nous parle de la vie éternelle ? Au même moment, l’Esprit Saint donne cette vie éternelle…
Et puisque tous les Trois, Père, Fils et Saint Esprit, travaillent toujours ensemble, le Père rend témoignage à son Fils par l’action de l’Esprit Saint, une action qui, répétons-nous, est tout simplement ‘Don de la vie éternelle’. C’est ce qu’écrit St Jean dans sa Première Lettre, en évoquant le témoignage des disciples vis-à-vis de Jésus (Jn 15,27 : « Vous aussi, vous témoignerez… »), et donc vis à vis de sa Parole, à laquelle bien sûr l’Esprit Saint ne cesse de rendre témoignage (Jn 15,26 : « L’Esprit de vérité me rendra témoignage… ») :
1Jn 5,9 : « Si nous recevons le témoignage des hommes,
(ceux qui croient en Jésus et témoignent de lui en annonçant l’Evangile),
le témoignage de Dieu est plus grand.
Car c’est le témoignage de Dieu, le témoignage que Dieu a rendu à son Fils ».
La fin du verset nous permet donc de dire que « Dieu » ici est « le Père »…
1Jn 5,10 : « Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui ».
Ce « témoignage » est donc « en nous », dans nos cœurs : dimension de notre intériorité, de notre « moi » profond… Notons qu’à ce titre, il est invisible à nos yeux de chair… Il s’agit de chercher une réalité spirituelle, intérieure, une réalité qui, donnée, devient notre vie, se vit, dans une paix profonde… Et Jean poursuit :
« Celui qui ne croit pas en Dieu fait de lui un menteur,
puisqu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son Fils.
1Jn 5,11 : Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle
et que cette vie est dans son Fils. »
Avec ce dernier verset, St Jean nous précise quel est « le contenu » de ce témoignage : en quoi consiste-t-il, de quoi est-il fait ? Il ne s’agit ni de phénomènes visibles par nos yeux de chair, ni de « voix » audibles par nos oreilles de chair, ni même de réalité comparables que nous pourrions appeler « voix intérieures »… Non… Le contenu de ce témoignage donné gratuitement, par amour, à quiconque accepte d’ouvrir son cœur avec loyauté et bonne volonté est « vie éternelle »…
Il s’agit donc de « vivre » quelque chose de cette réalité éternelle du Royaume des Cieux et de le reconnaître…
1 Jn 1,2-3 : « La Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage
et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père
et qui nous est apparue ;
ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons,
afin que vous aussi soyez en communion avec nous.
Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. »
Or cette « communion » est participation à ce que Dieu Est en Lui-même, et Il Est Paix (Jn 14,27), Douceur (Mt 11,29), Joie (Jn 15,11)… C’est là que se cache ce vrai Bonheur auquel J2sus ne cesse de nous appeler (Mt 5,1-12 ; Lc 6,20-23). Alors, pour tous les groupes « Laïcs en Mission », pour toutes celle et ceux qui écoutent la Parole de Dieu et marchent dans ce chemin du plein accomplissement de toute vocation humaine, « heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent » (Lc 11,28).
Telle est la meilleure part qu’avait choisie Marie, la sœur de Marthe, et elle ne lui a pas été enlevée puisque nous avons tous été créés pour cela :
Lc 10,38-42 : « Chemin faisant, Jésus entra dans un village.
Une femme nommée Marthe le reçut.
(39) Elle avait une sœur appelée Marie qui,
s’étant assise aux pieds du Seigneur,
écoutait sa parole.
(40) Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit :
« Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. »
(41) Le Seigneur lui répondit :
« Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses.
(42) Une seule est nécessaire.
Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Jacques Fournier
[1]BOULET A., Création et rédemption (Chambray 1995) p. 39.
Sr JEANNE D’ARC, Chemins à travers la Bible p. 75: » Toute chose est faite par Dieu belle et bonne. Il faut souligner l’optimisme foncier de cette perspective ».
[2] SPICQ C., « eikvn, eïkôn, image », Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p. 429-431.