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L’Epître de Barnabé

L’ÉPITRE DE BARNABÉ

 Ouvrage fondamental des origines chrétiennes, rédigée à l’époque des Pères apostoliques (début du IIè siècle), l’Épître de Barnabé est un écrit dont le statut a toujours suscité le débat. Citée par Clément d’Alexandrie et Origène en tant que livre inspiré, elle sera pour la première fois placée à la liste des textes contestés par Eusèbe de Césarée à l’époque constantinienne. On la retrouve d’ailleurs incorporée au Codex Sinaïticus, une compilation des écrits du Nouveau Testament datant du IVè siècle. Faussement placée sous la plume du compagnon de Paul, Barnabé de Chypre, elle est composée de 22 chapitres. Elle est l’ouvrage d’un chrétien issu du judaïsme connaissant parfaitement l’interprétation rabbinique des Écritures. On place son origine en Syrie-Palestine, bien que l’Égypte ait pu paraître une localisation pertinente. Elle démontre brillamment le lien de l’enseignement du Christ avec les textes de la Loi et des Prophètes, tout en présentant quelques préceptes moraux et pragmatiques nécessaires à la vie du Chrétien. On y trouvera notamment des considérations relatives à l’alimentation ou la réfutation de pratiques devenues inutiles pour l’auteur, telles la circoncision. Pour l’anecdote, c’est cette épître qui démontre la forme de la croix en la mettant explicitement en relation avec la lettre grecque Tau (t). En résumé, l’Épître de Barnabé est l’une des meilleures lectures pour découvrir le dilemme des premiers fidèles tenaillés entre la foi dans le Christ et la persistance des usages ancestraux du judaïsme.

 

Bibliographie élémentaire

  • Épître de Barnabé, R.-A. Kraft (éd. et trad.), Sources Chrétiennes, Le Cerf, Paris, 1971
  • P. PRIGENT, Les Testimonia dans le christianisme primitif. L’Épître de Barnabé I-XVI et ses sources, Gabalda, Paris, 1961
  • AUDET, J.-P., La Didachè, instructions des Apôtres, Etudes Bibliques, Gabalda, Paris, 1958

 

Extraits

 

Le Seigneur a enduré que sa chair fût livrée à la destruction ; c’était en vue de nous purifier par la rémission des péchés laquelle s’opère par l’aspersion de son sang. L’Écriture parle de lui à ce sujet, en partie pour Israël, en partie pour nous, et s’exprime ainsi :

« Il a été blessé à cause de nos iniquités,
Il a été brutalisé à cause de nos péchés ;
Nous avons été guéris par sa meurtrissure ;
On l’a conduit comme une brebis à l’égorgement,
Et comme un agneau sans voix devant le tondeur ».

Nous devons donc exprimer au Seigneur notre extrême reconnaissance de ce qu’il nous a fait connaître le passé, expliqué le présent, donné une certaine intelligence de l’avenir. Or l’Écriture porte que « ce n’est pas à tort qu’on tend les filets pour les oiseaux », ce qui veut dire que l’on mérite de périr lorsqu’ayant connaissance du chemin de la justice, on se tient dans le chemin des ténèbres.

Autre chose encore, mes frères : si le Seigneur a enduré de souffrir pour nos âmes, quoiqu’il fût le Seigneur de l’univers, à qui Dieu a dit dès la fondation du monde : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance », comment du moins a-t-il enduré de souffrir par la main des hommes ? Apprenez-le : les prophètes, par une grâce qu’ils tenaient de lui, ont émis des prophéties à son sujet. Or comme il fallait qu’il se manifestât dans la chair pour abolir la mort et prouver la résurrection d’entre les morts, il a enduré de souffrir ainsi afin d’acquitter la promesse faite à nos pères, afin de se préparer pour lui-même le peuple nouveau, et de montrer dès le temps de son séjour sur la terre que c’est lui qui opère la résurrection des morts, lui qui procèdera au jugement. Enfin, tandis qu’il instruisait Israël et accomplissait des miracles et des signes si prodigieux, il prêcha et lui témoigna un amour sans mesure ; puis il choisit pour ses apôtres, pour les futurs prédicateurs de son évangile, des hommes coupables des pires péchés, afin de montrer qu’ « il n’est point venu appeler les justes, mais les pécheurs », il fit bien connaître alors qu’il était le fils de Dieu. S’il n’était pas venu dans la chair, comment les hommes fussent-ils demeurés sains et saufs à sa vue, puisqu’en face du soleil qui s’achemine au néant et qui est l’ouvrage de ses mains, ils ne peuvent lever les yeux et en fixer les rayons. Si le fils de Dieu est venu dans la chair, c’est donc pour mettre le comble aux péchés de ceux qui ont poursuivi ses prophètes à mort. Voilà donc pourquoi il a enduré de souffrir. Dieu dit en effet que la plaie de sa chair, c’est d’eux qu’elle lui vient : « Lorsqu’ils auront frappé leur berger, les brebis du troupeau périront ». Mais c’est lui qui a résolu de souffrir en la manière (que l’on sait), car il fallait qu’il souffrît sur le bois ; le prophète en effet dit à son endroit : « Épargne mon âme avec l’épée », et : « perce de clous mes chairs, car des troupes de coquins se sont dressées contre moi », et ailleurs encore :

« Vois, j’ai présenté mon dos aux fouets
Et mes joues aux soufflets ;
J’ai raidi mon visage comme une pierre dure ».

                                                                                                                              Epître de Barnabé V, 1-14

 

         Or voici quel est le chemin de la lumière : Si quelqu’un veut parvenir jusqu’à l’endroit assigné, qu’il s’applique avec zèle à ses œuvres. Et voici la connaissance qui nous a été donnée de la façon d’y cheminer : aime Celui qui t’a créé, crains Celui qui t’a façonné, glorifie Celui qui t’a racheté de la mort ; sois simple de cœur et riche de l’esprit ; point d’attache avec ceux qui marchent dans le chemin de la mort ; haine à tout ce qui déplaît à Dieu ; haine à toute hypocrisie. Tu n’abandonneras pas les commandements du Seigneur ; tu ne t’élèveras pas, mais tu seras humble en tout ; tu ne t’attribueras point la gloire ; tu ne formeras point de mauvais desseins contre ton prochain, tu ne permettras pas l’insolence à ton âme. Tu ne commettras ni fornication ni adultère, tu ne corrompras point l’enfance. Ne te sers pas de la parole, ce don de Dieu, pour dépraver quelqu’un. Tu ne feras point acception de personne en reprenant les fautes d’autrui. Sois doux, sois calme ; tremble aux paroles que tu entends ; ne garde pas rancune à ton frère. Tu ne te demanderas pas avec inquiétude si telle chose arrivera ou non. « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur. » Tu aimeras ton prochain plus que ta vie. Tu ne feras pas mourir l’enfant dans le sein de la mère ; tu ne le tueras pas davantage après sa naissance. Tu ne retireras pas la main de dessus ton fils et ta fille ; mais dès leur enfance tu leur enseigneras la crainte de Dieu. Tu n’envieras point les biens de ton prochain ; tu ne seras pas cupide. Tu n’attacheras pas ton cœur aux orgueilleux, mais tu fréquenteras les humbles et les justes. Tu regarderas comme un bien tout ce qui t’arrive, sachant que rien n’arrive sans Dieu. Tu n’auras point de duplicité ni en pensées ni en paroles : car la duplicité de langage est un piège de mort. Tu te soumettras à tes seigneurs avec respect et crainte, comme à des représentants de Dieu. Tu ne commanderas pas avec amertume à ton serviteur ou à ta servante qui espèrent dans le même Dieu que toi, de peur qu’ils n’en viennent à ne plus craindre Dieu qui est votre commun maître et qui n’appelle point selon les différentes catégories de personnes, mais tous ceux que l’Esprit a disposés. Tu communiqueras de tous tes biens à ton prochain et tu ne diras point que tu possèdes quelque chose en propre, car si vous participez en commun aux biens impérissables, combien plus aux biens périssables. Ne sois pas bavard, car la langue est un piège de mort. Pour le bien de ton âme, tu seras chaste au degré qui te sera possible. N’aie pas les mains étendues pour recevoir, et fermées pour donner. Tu chériras « comme la prunelle de ton œil » quiconque te prêchera la parole de Dieu. Tu penseras nuit et jour au jour du jugement et tu rechercheras constamment la compagnie des saints, soit que tu travailles par la parole, allant porter des exhortations et cherchant par tes discours à sauver une âme, soit que tu travailles des mains pour racheter tes péchés. Tu donneras sans délai et sans murmure ; et tu reconnaitras un jour qui sait récompenser dignement. « Tu observeras » les commandements que tu as reçus, « sans y rien ajouter, sans en rien retrancher ». Tu haïras le mal jusqu’à la fin. « Tu jugeras avec équité. » Tu ne feras pas de schisme ; mais tu procureras la paix en réconciliant les adversaires. Tu feras l’exomologèse de tes péchés. Tu n’iras pas à la prière avec une conscience mauvaise. Tel est le chemin de la lumière

                                                                                                           Épître de Barnabé XIX, 1-12

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