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Les trois sens de l’Ecriture inspirée D’après « L’interprétation de la Bible dans l’Eglise », Commission Biblique Pontificale (Rome 1993).

Quelques notes préliminaires :

S Pour être fidèle à l’intentionnalité des textes bibliques il faut essayer de retrouver, au cœur de leur formulation, la réalité de foi qu’ils expriment et de relier cette réalité de foi à l’expérience croyante de notre monde.

S La connaissance juste du texte biblique n’est accessible qu’à celui qui a une affinité vécue avec ce dont parle le texte.

S La personne de Jésus Christ et les évènements de salut accomplis dans notre histoire constituent l’objet central de toute interprétation. Une authentique interprétation de l’Ecriture est donc d’abord accueil d’un sens donné dans des évènements et de façon suprême, dans la personne de Jésus Christ.

SSS L’herméneutique biblique (Du grec « expliquer » : l’herméneutique est la science qui définit les principes de la critique et de l’interprétation des textes), si elle est du ressort de l’herméneutique générale de tout texte littéraire et historique, est en même temps un cas unique de cette herméneutique. Ses caractéristiques spécifiques lui viennent de son objet. Les évènements de salut et leur accomplissement en la personne de Jésus Christ donnent sens à toute l’histoire humaine. Les interprétations historiques nouvelles ne pourront être que le dévoilement ou le déploiement de ces richesses de sens. Le récit biblique de ces évènements ne peut être pleinement compris par la seule raison. Des présupposés particuliers commandent son interprétation, tels la foi vécue en communauté ecclésiale et la lumière de l’Esprit. Avec la croissance de la vie dans l’Esprit grandit, chez le lecteur, la compréhension des réalités dont parle le texte biblique.

 

1 – Le sens littéral

Il est indispensable de chercher à définir le sens précis des textes tels qu’ils ont été produits par leurs auteurs, sens qu’on appelle « littéral », à ne pas confondre avec le sens « littéraliste » (ex. : dans le cas d’une image : « ayez la ceinture aux reins » veut dire « Ayez une attitude de disponibilité », et non pas « portez autour des reins une ceinture ».).

Ce sens littéral, fruit de l’inspiration, est aussi voulu par Dieu comme auteur principal de la Bible. On le discerne grâce à une analyse précise du texte, situé dans son contexte littéraire et historique.

Le sens littéral d’un texte est en général unique, mais un auteur humain peut se référer en même temps à plusieurs niveaux de réalité. D’autre part, même lorsqu’une expression humaine semble n’avoir qu’une seule signification, l’inspiration divine peut guider cette expression de telle sorte que l’on puisse la comprendre de deux façons différentes (ex.: Jn 11,50 exprime à la fois un calcul politique immoral et une révélation divine).

Il faut aussi être attentif à l’aspect dynamique de beaucoup de textes. Le sens des psaumes royaux par exemple ne doit pas être limité étroitement aux circonstances historiques de leur production. En parlant du roi, le psalmiste évoquait à la fois une institution réelle et une vision idéale de la royauté, conforme au dessein de Dieu ; le texte dépassait ainsi l’institution royale telle qu’elle s’était manifestée dans l’histoire. L’exégèse historico-critique ne doit donc pas s’arrêter exclusivement aux circonstances historiques d’un texte, mais elle doit aussi préciser la direction de pensée du texte.

Le sens littéral d’un texte est aussi, dès le début, ouvert à des développements ultérieurs qui se produisent grâce à des relectures en des contextes nouveaux. Mais il faut rejeter fermement toute interprétation qui ne s’accorderait pas avec le sens exprimé par l’auteur, interprétation « hétérogène » qui ouvrirait alors la porte à un subjectivisme incontrôlable (Attitude de celui qui ne tient compte que de ses sentiments, de ses opinions, de ses idées et qui refuse, méprise ou ignore le sens réel et objectif du texte).

 

                        2 – Le sens spirituel

 

« Hétérogène » ne doit pourtant pas être pris en un sens étroit contraire à toute possibilité d’accomplissement supérieur. L’évènement pascal, mort et résurrection de Jésus, a mis en place un contexte historique radicalement nouveau, qui éclaire de façon nouvelle les textes anciens et leur fait subir une mutation de sens.

Ex. : Hyperbole: Dieu affermira pour toujours le trône d’un fils de David (2 S 7,12-13; 1 Ch 17,11-14); « pour toujours » doit désormais être pris à la lettre, en un « sens spirituel », car « le Christ étant ressuscité des morts ne meurt plus » (Rm 6,9).

Le sens spirituel, compris selon la foi chrétienne, est le sens exprimé par les textes bibliques, lorsqu’on les lit sous l’influence de l’Esprit Saint dans le contexte du mystère pascal du Christ et de la vie nouvelle qui en résulte.

Ce contexte existe effectivement. Le NT y reconnaît l’accomplissement des Ecritures. Il est donc normal de relire les Ecritures à la lumière de ce nouveau contexte qui est celui de la vie dans l’Esprit.

Il n’y a pas nécessairement de distinction entre « sens littéral » et « sens spirituel ». Tel est le cas habituel dans le NT, lorsqu’un texte se rapporte directement au mystère pascal du Christ ou à la vie nouvelle qui en résulte. Il s’ensuit que c’est à propos de l’AT que l’on parle le plus souvent de « sens spirituel ». Mais déjà, dans l’AT, les textes ont en bien des cas comme sens littéral un sens religieux et spirituel. La foi chrétienne y reconnaît un rapport anticipé avec la vie nouvelle apportée par le Christ.

Lorsqu’il y a distinction entre « sens littéral » et « sens spirituel », le sens spirituel ne peut jamais être privé de rapports avec le sens littéral, autrement, sans rapport de continuité et de conformité, on ne pourrait parler d’accomplissement ; mais il faut aussi qu’il y ait passage à un niveau supérieur de réalité.

Trois niveaux de réalités sont mis en rapport : le texte biblique, le mystère pascal et les circonstances présentes de vie dans l’Esprit.

Persuadée que le mystère du Christ donne la clé d’interprétation de toutes les Ecritures, l’exégèse ancienne (notamment Origène) s’est efforcée de trouver un sens spirituel à ses moindres détails ; l’exégèse moderne ne peut accorder une vraie valeur d’interprétation à ce genre de tentatives.

                      3 – Le sens plénier

On définit le sens plénier comme un sens plus profond du texte, voulu par Dieu, mais non clairement exprimé par l’auteur humain. On en découvre l’existence dans un texte biblique, lorsqu’on étudie celui-ci à la lumière d’autres textes bibliques qui l’utilisent ou dans son rapport avec le développement interne de la révélation.

Il s’agit donc ou bien de la signification qu’un auteur biblique attribue à un texte biblique qui lui est antérieur, lorsqu’il le reprend dans un contexte qui lui confère un sens littéral nouveau, ou bien de la signification qu’une tradition doctrinale authentique ou une définition conciliaire donne à un texte de la Bible. Mais lorsque manquent de telles références, le recours à un prétendu « sens plénier » pourrait conduire à des interprétations subjectives dépourvues de toute validité.

En définitive, on pourrait considérer « le sens plénier » comme une autre façon de désigner le « sens spirituel » d’un texte biblique dans le cas où ce dernier est différent du sens littéral. L’Esprit Saint, auteur principal de la Bible, peut en effet guider l’auteur humain dans le choix de ses expressions de telle sorte que celles-ci expriment une vérité dont il ne perçoit pas, au moment où il écrit, toute la profondeur. Un nouveau contexte peut alors faire apparaître des possibilités nouvelles de sens, possibilités que le contexte primitif laissait dans l’obscurité.

Jacques Fournier

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