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Mc 2,1-12 : la guérison du paralytique.

1 – Signe visible de l’invisible pardon des péchés

 Cet épisode doit être de nouveau lu à la lumière du contexte de l’époque que nous avons déjà abordé avec la guérison du lépreux (Mc 1,40-45) : on croyait qu’il existait un lien direct entre « péché » et « maladie » (cf Jn 9,1-2). Après la guérison du lépreux, celle du paralytique va de nouveau manifester, dans un tel contexte, la victoire de Dieu sur ce que l’on pensait être à l’origine de toute maladie : « le péché ». Non, Dieu ne punit pas, il ne châtie pas le pécheur (Ps 103(102),10). Bien au contraire, dans sa miséricorde, il pardonne toutes nos fautes, il guérit petit à petit nos cœurs malades (Ps 103(102),1-5 et 11-14 ; Mc 2,17), il nous réconcilie à Lui (2Co 5,19-20) et nous donne d’avoir part à sa Vie .

La Plénitude que Jésus apporte ne se limite donc pas au seul domaine des guérisons physiques : elle est avant tout « réconciliation avec Dieu », « restauration de ce lien vital que le Créateur veut établir avec chacune de ses créatures ». Par son Fils Dieu veut en effet renouer le contact de cœur à cœur avec tous les hommes ses enfants, pour leur donner d’avoir part à sa Vie par le don de l’Esprit Saint. De miséricorde en miséricorde, chacun est ainsi appelé à vivre, dans la foi, un mystère de communion avec Dieu, source de la vraie Plénitude et du vrai Bonheur. D’où cette invitation de St Paul dans sa lettre aux Ephésiens : « Cherchez votre Plénitude dans l’Esprit » (Ep 5,18).

Tout ce que Jésus a dit ou a fait (et tout ce qu’Il continue de dire ou de faire aujourd’hui ; Hb 13,8) n’a donc d’autre but que de nous réconcilier à Dieu pour nous permettre de partager ce Mystère de Communion qu’il vit avec son Père (Jn 17,20-24). C’est ce que Jésus nous dit ici, en actes, lorsqu’il guérit ce paralytique. Et il nous donne en même temps la raison profonde pour laquelle il accomplissait des signes, des miracles, des guérisons : pour que nous croyions vraiment en Lui, en ce qu’Il Est, en ce qu’Il dit, en ce qu’Il veut faire pour chacun d’entre nous… « Père, je veux que là où je suis », uni de cœur à toi dans la communion d’un même Esprit, « eux aussi soient avec moi » (Jn 17,24)…

Jésus est donc de nouveau à Capharnaüm, au bord du lac de Tibériade…

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… et « il est à la maison », chez Pierre (située au centre de la construction octogonale sur les photos, reste des murs d’une église du 6° siècle construite sur cet emplacement qui était déjà devenu un lieu de pèlerinage).

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La foule se rassemble devant chez lui, et « Jésus leur annonçait la Parole ». Ce mot de « parole » en Saint Marc renvoie toujours à la « Bonne Nouvelle » qu’il faut annoncer et annoncer encore : Dieu est là, tout proche, offert à notre foi, et il se propose de régner dans nos cœurs et dans nos vies pour notre bien (Ac 10,36-38 ; Mc 1,14-15 ; Ap 3,20)…

Quatre hommes, portant un paralytique, désirent donc le présenter à Jésus pour qu’il le guérisse, mais impossible de se frayer un chemin à travers la foule pour arriver jusqu’à lui. Les fouilles réalisées à Capharnaüm par les frères franciscains nous permettent de mieux comprendre ce qui a pu se passer…

Depuis le 12°-13° siècle, Capharnaüm est une ville abandonnée et en ruine. A l’époque de Jésus, elle s’étendait au bord du lac de Tibériade sur une longueur de 900 m environ, et une profondeur de 2-300 m. Le village avait été construit selon le schéma urbain grec : perpendiculaire à la voie romaine, une voie centrale (le « Cardo Maximus ») le traversait du Nord au Sud, et des voies secondaires (les « décumani »), elles-mêmes perpendiculaires à la voie centrale, le divisaient en blocs isolés (les « insulae »). Ces blocs étaient entourés par un mur, avec une porte d’accès. En entrant, on découvrait une ample cour avec des petites habitations dont les fenêtres donnaient sur l’intérieur. Leurs toits, faits de branchages mélangés à de l’argile, étaient plats, en terrasses, et des escaliers permettaient d’y accéder.

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 On peut donc imaginer la foule massée devant la maison de Pierre : la cour intérieure est pleine à tel point que les gens s’agglutinent dans la rue devant la seule porte d’entrée. Voyant que l’accès leur est impossible, les porteurs font le tour du pâté de maison, montent sur le toit et font un trou par lequel ils descendent le malade dans la pièce où se trouvait Jésus…

L’attitude des porteurs du paralytique est pour nous exemplaire à bien des égards :

1 – Elle souligne tout d’abord l’importance du contact direct avec Jésus. Voilà ce qu’ils recherchent par tous les moyens. Ce même contact, dans la foi, nous est maintenant offert par la prière (Mt 6,6 ; 18,20), les sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie (Jn 6,56 et la Bible de Jérusalem parle en note de « relation de présence intérieure »). Savons‑nous saisir toutes ces chances qui nous sont offertes ?

2 – Des obstacles se dressent entre eux et Jésus, mais ils vont les dépasser. Leur désir de le rencontrer est le plus fort : ils n’hésitent pas à casser le toit de la maison de St Pierre ! Leur foi est active et audacieuse : Jésus est dans l’admiration… St Marc nous donne d’autres exemples :

  • Mc 5,25-34 : Une femme, depuis douze ans, avait des pertes de sang. Aux yeux de la Loi, elle était impure et elle n’avait pas le droit de toucher qui que ce soit. Mais sa foi en Jésus et son amour pour Lui sauront dépasser l’obstacle de cet interdit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix et sois guérie de ton infirmité »…

  • Mc 5,21-24 et 35-43 : Jaïre, un des chefs de la synagogue, viens chercher Jésus car sa fille est à toute extrémité. Jésus part avec lui, mais dès qu’ils arrivent à sa maison, on lui dit : « Ta fille est morte ». Jésus lui dit alors : « Sois sans crainte, crois seulement ». Et la foi de Jaïre saura dépasser l’obstacle de la mort… « Fillette», lui dira Jésus, « lève-toi ! »…

  • Mc 9,14-29 : Un homme apporte son fils épileptique aux disciples de Jésus, mais ces derniers n’ont rien pu faire… Sa confiance en Jésus va lui permettre de dépasser cet obstacle : il lui fait directement la même demande. Mais, deuxième obstacle, sa foi semble fragile : « Si tu peux, quelque chose, viens à notre aide »… Jésus l’invite à aller plus loin : « Si tu peux… Tout est possible à celui qui croit ». Et il saura faire le pas de la confiance : « Je crois ! Viens en aide à mon peu de foi ! » Et son enfant sera sauvé…

  • Mc 10,46-52 : Un mendiant aveugle apprend que Jésus passe… Il se met à crier : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Mais cela ne se fait pas de crier ainsi, surtout pour un misérable comme lui. Beaucoup se mettent à le rabrouer pour le faire taire. Mais sa confiance en Jésus saura dépasser cet obstacle : si eux le rejettent, Lui l’accueillera, il en est sûr et il se met à crier de plus belle… Et il ne sera pas déçu : « Va, ta foi t’a sauvé. » Et aussitôt, il recouvrit la vue…

               Et nous, comment réagissons-nous lorsque des obstacles se dressent entre nous et Jésus ?

3  Arrivés à Jésus, les porteurs ne disent rien, ils ne demandent rien… Jésus voit, il sait, cela suffit… Ils ont confiance en son amour : il ne sera pas indifférent, il agira… Et ils s’abandonnent entre ses mains… Et nous, quelle est notre confiance en l’amour de Jésus ? Osons-nous, en silence, tout lui offrir et nous abandonner entre ses mains ?

De fait, Jésus répond à cette prière active et silencieuse. Il se tourne vers le paralytique et commence par lui dire : « Enfant ! ». Cette appellation dans la bouche de Jésus est surprenante, mais elle prend tout son sens à la lumière d’une de ses paroles en St Jean : « Ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis » (Jn 12,50 ; cf 3,34 ; 8,28 ; 12,49 ; 14,24 ; 17,8 ; 17,14). En Jésus et par Lui, le Père Lui-même parle aux hommes et les appelle « ses enfants »…

Puis, surprise, Jésus déclare : « Tes péchés sont pardonnés ». Tout le monde s’attendait à une parole de guérison physique… Mais non, ce que le Christ est venu nous apporter est avant tout d’un autre ordre : la réconciliation avec Dieu (Col 1,18-22) par le pardon gratuit de tous nos péchés (Co 2,12-13 ; 3,13 ; 1Jn 1,9), un pardon qui nous réintroduit dès maintenant, dans la foi, au cœur d’un mystère de communion avec Lui (1Co 1,9) en un seul Esprit (Ep 2,18 ; 2Co 13,13 ; Jn 17,20-26 ; 1Jn 1,3). Jésus emploie en effet un verbe au présent : « Tes péchés sont pardonnés ». Au moment même où le Christ lui parle, le paralytique est donc réconcilié avec Dieu, dans la foi et par sa foi (Rm 5,11). C’est ainsi que Ste Thérèse de Lisieux pouvait dire : « Je ne vois pas trop ce que j’aurai de plus après ma mort : c’est vrai, je verrai le bon Dieu, mais pour ce qui est d’être avec Lui, j’y suis déjà tout à fait sur cette terre ». Et elle était bien consciente qu’elle ne le devait qu’à l’incroyable Miséricorde du Seigneur, toujours prêt à tout lui pardonner pour la reprendre auprès de Lui : « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent ». Aussi, quand elle s’apercevait qu’elle n’avait pas été fidèle comme elle aurait dû l’être, « après tout ces méfaits, au lieu d’aller se cacher au loin pour pleurer sa misère et mourir de repentir, le petit oiseau se tourne vers son Bien-Aimé Soleil, il présente à ses rayons bienfaisants ses petites ailes mouillées, il gémit comme l’hirondelle et dans son doux chant il confie, il raconte en détail ses infidélités, pensant dans son téméraire abandon  acquérir ainsi plus d’empire, attirer plus pleinement l’amour de Celui qui n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Et elle cite le passage parallèle à Mc 2,15-17 en Mt 9,10-13 !).

Puis Jésus dit au paralytique : « Tes péchés sont pardonnés », sous entendu, par Dieu… Il n’a pas dit : « Je te pardonne tes péchés ». Pourtant, les scribes vont penser en leurs cœurs : « Il blasphème ! Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ? » Jésus n’a jamais dit le contraire… Que Jésus puisse parler au nom de Dieu, avec autorité, voilà ce qui les scandalise, sans même chercher à savoir si effectivement il avait « l’autorité » pour parler ainsi.

Mais Jésus perçoit « par son esprit ce qu’ils pensaient en eux-mêmes ». Dans la Bible, le cœur de l’homme est impénétrable pour l’homme (Jdt 8,14). Dieu seul connaît les cœurs (1Sm 16,7 ; Jr 17,10 ; Ps 44(43),21-22 ; 1R 8,39-40). Mais Jésus, vrai homme est aussi vrai Dieu : uni à son Père dans la communion de l’Esprit Saint (Jn 10,30), il va percevoir « par son esprit » ce que Dieu seul connaît (Jn 2,23-25)…

Il faut aussi comprendre que sa façon de parler bouleverse tout le système de l’Ancienne Alliance. En effet, lorsque quelqu’un avait commis un péché, il devait aller au Temple de Jérusalem et offrir un sacrifice de réparation pour le péché commis : un bœuf, une brebis, un agneau, des colombes (Lv 5,5-7)… Et ce n’est que lorsque le sacrifice avait été offert par les prêtres qu’il pouvait espérer être pardonné de son péché. Mais maintenant, avec Jésus, tout cela est fini. C’est lui l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29), et il s’est offert une fois pour toutes pour le salut de tous les hommes (Mt 26,26-28 ; Hb 9,25-28). Désormais il suffit d’aller à lui de tout cœur et de lui offrir avec simplicité toutes nos fautes, pour recevoir de lui, dès maintenant, le pardon de Dieu…

Les scribes ne croient pas en Lui ? Jésus va leur venir en aide… « Qu’est-ce qui est le plus facile : de dire au paralytique :  » Tes péchés sont pardonnés « , ou de dire « Lève-toi, prends ton brancard et Marche » ? » Pour nous il est plus facile de dire la première phrase car personne ne pourra vérifier si elle s’est effectivement réalisée ou pas. Par contre, si nous disons la seconde et que rien n’arrive, nous passerons aussitôt pour des plaisantins ! Mais Jésus va réaliser ce qui, apparemment, est le plus difficile[1] pour nous aider à croire que le pardon des péchés se réalise lui aussi vraiment avec lui et par lui. « La signification profonde de tous les miracles de Jésus est donnée en clair dans ce récit » (Jacques Hervieux)[2]. « Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir (ou l’autorité) de remettre les péchés sur la terre, je te l’ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi ».

Ce signe accompli par Jésus n’a donc d’autre but que d’aider ceux et celles qui étaient là (et nous avec…) à croire de tout leur cœur qu’il est venu nous offrir le pardon de toutes nos fautes, (Col 2,13 ; 1Jn 1,8-9 ; 3,5), un pardon sans cesse offert, sans cesse renouvelé (2Tm 2,13), qui nous permet de repartir chaque jour sur des bases nouvelles…

Enfin, le verbe « Lève-toi », « Égeire » en grec, est le même qui sera utilisé à la fin de l’Evangile pour décrire la Résurrection du Christ (Mc 16,6 ; 16,9 ; 16,14). Arraché à la domination du péché, du mal, de la maladie et de la mort, cet homme vit déjà, dès ici-bas, dans la foi, de cette Vie nouvelle et éternelle que le Christ ressuscité ne cesse aujourd’hui encore de répandre en abondance sur le monde. C’est ainsi que St Paul peut parler du chrétien comme de celui qui est déjà ressuscité par sa foi et dans la foi (Ep 2,4-6). Cette Vie nouvelle, il l’a reçue au jour de son baptême (Rm 6,4 ; Co 2,12) par le don de l’Esprit Saint (Ga 5,25), ce même Esprit avec lequel le Père a ressuscité son Fils d’entre les morts (Rm 8,11). Par cette Puissance de Vie et d’Amour, le Père nous a donc dès maintenant arraché aux Puissances des ténèbres pour nous transférer auprès de Lui dans son Royaume d’Amour et de Paix (Co 1,12-13 ; Jn 14,27 ; 15,9-11 ; Ps 4,9). Mais pour l’instant, ce Mystère échappe à nos yeux de chair. Il est bien là, réellement présent, mais il ne se laisse reconnaître qu’au regard de la foi, attentif à ce qui se vit dans l’invisible de nos cœurs.

Aussi, lorsque nous entendons parler du diable, des mauvais sorts, des mauvais esprits… croyons-nous vraiment que Dieu nous en protège dès maintenant et qu’il nous garde du Mauvais (Jn 17,15) de telle sorte que nous n’avons pas à en avoir peur ? En Jn 12,31, Il dit : « C’est maintenant le jugement de ce monde; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors », sous entendu, par Dieu Lui-même. « Dehors », c’est-à-dire hors de ce mystère de communion que Dieu veut construire avec chacun d’entre nous, de miséricorde en miséricorde, de guérison intérieure en guérison intérieure… Ce monde de ténèbres est donc dès « maintenant » « jeté hors » du cœur de tous ceux et celles qui accueillent le Christ par leur foi. A ceux qui consentent à son amour, Jésus offre ainsi gratuitement de pouvoir vivre dès maintenant , dans la foi, en communion avec Lui (Jn 15,9-11). Et la Lumière qui vient de Jésus chasse de nos cœurs toutes formes de ténèbres (Jn 1,5 ; 12,46 ; 1Jn 2,8 ; 2,14 ; 3,8 ; 4,2‑4 ; Jn 14,30). Telle est la grâce toujours offerte de notre baptême (1Jn 5,18). Le croyons-nous vraiment ?

 

2 – Jésus, le Fils de l’Homme

 Ce titre intervient pour la première fois en notre texte (Mc 2,10), et 14 fois en tout dans St Marc. S’il est parfois utilisé pour simplement désigner quelqu’un (cf Ez 2,1.3.6.8…), Jésus l’a repris à son compte à la lumière du Livre de Daniel qui évoque un mystérieux « Fils d’Homme » « venant sur les nuées du ciel » (Dn 7,9-10 et 13-14). « Il s’avança jusqu’à l’Ancien », c’est-à-dire Dieu, « et il lui fut donné autorité, et tous les peuples de la terre le serviront, et son autorité est une autorité éternelle, qui ne lui sera jamais enlevée, et son royaume un royaume éternel qui ne sera jamais détruit » (D’après la traduction grecque de la Septante). Le mot « autorité » pourrait aussi être traduit par « pouvoir ». St Marc s’est directement inspiré de ce texte en Mc 2,10 (Bible de Jérusalem : « Pour que vous sachiez que le Fils de l’Homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre »… ; TOB : « Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre »…

En faisant référence au Livre de Daniel, Jésus se présentait donc indirectement comme :

  • Celui qui venait instaurer sur cette terre « un royaume éternel » et universel, le Royaume même de Dieu.

  • Celui qui avait reçu de Dieu « le pouvoir », « l’autorité », nécessaires au bon accomplissement de sa mission.

  • Celui enfin dont l’identité et l’origine (« comme un Fils d’Homme ») sont mystérieuses, « les nuées du ciel » étant le lieu même de Dieu (Dt 33,26)…

Jésus accomplira donc pleinement ce texte : il est ce Fils d’Homme « vrai homme », mais aussi « vrai Dieu », originaire du Ciel (Jn 1,1-2), envoyé par le Père avec les pleins pouvoirs pour instaurer dès ici-bas le Royaume de Dieu, un Royaume de Paix et d’Amour appelé à durer toujours et offert à tous les hommes …

Mais cette figure du Fils de l’Homme dans le Livre de Daniel ouvre d’autres perspectives. En effet, le royaume (ou la royauté) offert au Fils de l’Homme est également offert « aux Saints du Très Haut » (Dn 7,18). Et en Daniel 7,27, il est à nouveau dit que « l’empire et le royaume » (Bible de Jérusalem), « la souveraineté et la royauté » (TOB), « la royauté et l’autorité (ou le pouvoir) » (Traduction grecque des Septante) sont donnés au « peuple des saints du Très Haut ». Ainsi, la Bible de Jérusalem explique en note pour Dn 7,13 que cette figure du Fils de l’Homme peut désigner :

  • Sens personnel: « un homme dépassant mystérieusement la condition humaine ». Cet homme sera Jésus, le Fils Unique de Dieu qui a pris chair de la vierge Marie.

  • Sens collectif: le peuple des saints du Très Haut, c’est-à-dire le Peuple de Dieu, le Peuple des baptisés ouvert aux dimensions de l’humanité toute entière.

Tout ce qui est dit de Jésus, le Fils de l’Homme, peut donc aussi être dit, d’une certaine façon, de tous ceux et celles qui croiront en Lui et formeront tous ensemble « le Peuple de Dieu ». Il est ce Fils né de la Vierge Marie par l’action de l’Esprit Saint. En nous donnant Marie pour Mère (Jn 19,25-27), il nous invite à la foi pour que nous aussi nous puissions pleinement devenir enfants de Dieu (Jn 1,12) grâce au don de ce même Esprit Saint (Jn 3,6 ; 1Jn 3,1‑2). Lui qui est la Vie (Jn 14,6 et 11,25 TOB), il nous partage sa Vie (Jn 20,30‑31 ; 6,40 ; 6,32-34 ; 6,53‑58) par l’Esprit qui vivifie (Jn 6,63 ; Ga 5,25). Et il nous donne aussi sa Paix (Ep 2,17) et sa Joie (Jn 15,11) par ce même Esprit dont le fruit dans les cœurs est « amour, joie, paix » (Ga 5,22 ; Rm 14,17). Alors « la paix du Christ » lui-même peut « régner dans nos cœurs » (Col 3,15). Le désir du Christ est accompli : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14,27), de manière purement extérieure et hélas, parfois, mensongère… Avec Lui, cette Paix nous rejoint au plus profond… Son règne en nous est alors synonyme de bien-être profond et de repos (Mt 11,28-30)…

C’est ainsi que Jésus, le Fils de l’Homme, est Roi (Jn 1,49-51 ; 18,36-37) : l’Esprit du Père règne en Lui… Tel est ce Royaume que le Père lui a donné. Et le seul désir de Jésus est d’en disposer de même pour nous : « Je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi » (Luc 22,28 ; 12,32 ; 18,16 ; Rm 14,17). Alors, nous serons rois et juges comme Lui, en vivant selon l’unique Esprit d’Amour et de Miséricorde que nous aurons tous reçu. Par cet Esprit, « Dieu sera alors tout en tous » (1Co 15,28) et, dit Jésus, « vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël » (Lc 22,30).

Le Catéchisme de l’Eglise Catholique écrit ainsi (& 786) : « Le Peuple de Dieu participe donc à la fonction royale du Christ. Le Christ exerce sa Royauté en attirant à soi tous les hommes par sa mort et sa Résurrection. Le Christ, Roi et Seigneur de l’univers, s’est fait le serviteur de tous, n’étant « pas venu pour être servi mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20,28). Pour le chrétien, « régner, c’est Le servir », particulièrement « dans les pauvres et les souffrants, dans lesquels l’Eglise reconnaît l’image de son Fondateur pauvre et souffrant ». Le Peuple de Dieu réalise sa « dignité royale » en vivant conformément à cette vocation de servir avec le Christ ».

Ainsi, « tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » (Rm 8,14), « à l’image du Fils » : « Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,28-30).

« Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23) ? Par amour, gratuitement, « Il les a glorifiés » dans sa Miséricorde par le don de « l’Esprit de gloire » (1P 4,14) que le Fils est venu nous offrir au nom de son Père : « Père, je leur ai donnés la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient uns comme nous sommes un » (Jn 17,22), unis l’un à l’autre dans la communion d’un même « Esprit de gloire »… C’est ainsi que le Père appelle tous les hommes, ses enfants, « à reproduire l’image de son Fils ». Il leur suffit de consentir à recevoir le pardon de toutes leurs fautes, et avec lui le don de l’Esprit Saint qui fait toutes choses nouvelles, pour le plus grand bonheur de ceux et celles qui l’auront effectivement reçu…

                                                                                                                       D. Jacques Fournier

[1] Pour Dieu, dire « tes péchés sont pardonnés » est plus difficile : au delà de la peine que toutes nos fautes peuvent lui causer, son Fils mourra en croix pour le salut du monde…

[2] Voir le livre intitulé « LES EVANGILES, TEXTES ET COMMENTAIRES » (Bayard Compact), qui présente le texte et les commentaires des quatre Evangiles réalisés par Claude Tassin pour St Matthieu, Jacques Hervieux pour St Mc, Hugues Cousin pour St Luc et Alain Marchadour pour St Jean.

 

Fiche n°6 (Mc 2,1-12) PDF pour éventuelle impression.