Mc 3,7-19 : la fondation de l’Eglise.

1 – Les foules à la suite de Jésus (Mc 3,7-13)

 Jésus est-il fatigué ? A-t-il besoin d’un temps de repos ? St Marc ne le dit pas, mais il décide de « se retirer vers la mer » de Galilée, le lac de Tibériade… Une « grande multitude » se met alors à le suivre de partout : des Juifs de la Galilée, de la Judée au sud avec Jérusalem, la capitale, mais aussi des païens de l’Idumée au sud de la Judée, de la Transjordane à l’est du Jourdain, « des environs de Tyr et de Sidon » au nord de la Galilée… Le regard part du nord du pays des Juifs pour descendre au sud, puis il s’élargit plus au sud encore vers les païens, se tourne vers l’est et remonte au nord… Toute la région est concernée, et à travers elle, St Marc annonce déjà que la révélation apportée par le Christ ne concerne pas seulement le peuple Juif : tous les hommes sont les enfants d’un même Père, et tous, sans exception, sont appelés à accomplir le plus pleinement possible leur vocation commune d’être des « enfants de Dieu » (Jn 1,12) vivants de sa vie… C’est ce que Jésus, le Fils Unique, vit parfaitement de toute éternité… Et c’est ce que Dieu le Père désire aussi pour chacun d’entre nous : que nous soyons ses fils, ses filles, « à l’image du Fils » (Rm 8,28-30), remplis comme lui (Lc 4,1 ; Ac 2,4) de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), cet « Esprit qui vient du Père » (Jn 15,26). Aussi le Fils est-il venu nous réconcilier avec le Père (2Co 5,16-21) par le pardon de toutes nos fautes (Ac 2,37‑41). Si nous l’acceptons, nous trouverons avec lui la Plénitude de la Vie, nous entrerons dans la Vie (Mc 9,43-46), c’est-à-dire dans le Royaume de Dieu (Mc 9,47). Voilà ce que Jésus est venu annoncer (Mc 1,37-38). Les guérisons qu’il accomplit sont les signes visibles de cette Plénitude de Vie que le Père est venu nous offrir avec son Fils et par Lui. Et il est déjà possible d’accueillir cette Vie dans la foi (Jn 6,47) et de la reconnaître (1Jn 1,1-4), en attendant sa pleine réalisation par-delà notre mort… « Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie » (Ste Thérèse de Lisieux).

Therese

Ste Thérèse de Lisieux (1873-1897)

Mais « c’est la renommée exceptionnelle du guérisseur qui attire » les foules « en grand nombre. Jésus se sent envahi par cette marée humaine » et il craint d’être submergé, renversé, peut-être même écrasé… En effet, « tous ceux qui avaient des infirmités se jetaient sur lui pour le toucher », habités qu’ils étaient par « la croyance populaire de l’époque » qui voulait « qu’un seul contact avec lui procure le soulagement immédiat de tous les maux » (Mc 5,28)… Jésus demande donc à ses disciples de « tenir une barque à sa disposition » : s’il ne parvient pas à maîtriser la foule, il pourra toujours s’éloigner du rivage « pour qu’ils ne l’écrasent pas »… Cette foule n’a pas encore compris que ces miracles ne sont que « des signes offerts à l’appui de son enseignement » (Jn 5,36 ; 10,37-38 ; Mc 2,1-12). Et il ne faudrait pas qu’ils entretiennent en eux « le faux espoir d’un monde qui serait – dans le présent – débarrassé de tout mal ».

Comme souvent, « les esprits impurs se jettent à ses pieds » en faisant semblant de l’adorer et ils « criaient » ce qui peut apparaître comme une belle confession de foi : « Tu es le Fils de Dieu ». Mais si l’attitude corporelle est bonne à première vue, tout comme les paroles, les cris permettent de discerner qu’il s’agit bien « d’esprits impurs » car « Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix » (1Co 14,33). Quand il s’est manifesté à Elie, il n’était ni « dans ce grand ouragan si fort qu’il fendait les montagnes », ni « dans le tremblement de terre » qui suivit, ni dans « le feu » destructeur et terrifiant… Il était dans « le murmure d’une brise légère » (1R 19,9-14). St Luc résume tout l’Evangile par l’expression : « la Bonne Nouvelle de la Paix » (Ac 10,36). Pour St Paul aussi, Jésus est venu proclamer avant tout « la Paix, Paix pour vous qui étiez loin », les païens, « et Paix pour ceux qui étaient proches », les Juifs (Ep 2,17). Elle est en effet le premier cadeau du « Dieu de la Paix » (Rm 15,33 ; 16,20 ; Ph 4,9 ; 1Th 5,23) : « Que Dieu le Père et le Seigneur Jésus Christ accordent paix aux frères, ainsi que charité et foi » (Ep 6,23). Et très souvent, il commence ses lettres par : « A vous, grâce et paix » (Rm 1,7 ; 1Co 1,3 ; 2Co 1,2…). En St Jean, lorsque le Christ Ressuscité apparaît à ses disciples, il leur dit par trois fois : « La Paix soit avec vous » (Jn 20,19.20.26). Et le chiffre « trois » dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit… Nous retrouvons ainsi indirectement à quel point l’action de Dieu par excellence est de donner la Paix. Telle est l’œuvre qu’il est venu accomplir avec et par son Fils « doux et humble de cœur » (Mt 11,28-30) : « C’est Lui qui est notre Paix » (Ep 2,14) car il nous a rejoints en notre humanité pour nous donner d’avoir part à sa Paix, cette Paix qui remplit son cœur : « Je vous laisse la Paix, je vous donne ma Paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14,27), d’une façon purement extérieure et parfois hypocrite. Mais Jésus nous la communique dans la mesure où nous acceptons de nous tourner vers Lui de tout cœur, et donc au même moment de nous détourner du mal. Alors, si nous nous abandonnons avec confiance entre ses mains, « la paix du Christ règnera dans nos cœurs » (Col 3,15) et « la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde nos cœurs et nos pensées, dans le Christ Jésus » (Ph 4,7). Et puisque « le Dieu de la Paix » est Esprit (Jn 4,24), cette Paix de Dieu nous sera communiquée par le Don de l’Esprit Saint : « Le fruit de l’Esprit », au singulier, car tout se tient, « est amour, joie, paix, bonté, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22). C’est par lui que Jésus « fait la Paix » (Ep 2,15) en nous. Et s’il en est vraiment ainsi, ce même Esprit « de force, d’amour et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7) nous donnera de devenir toujours plus « des artisans de paix » (Mt 5,9) car Dieu appelle tous les hommes à vivre en paix (1Co 7,15). En essayant de faire en sorte qu’il en soit ainsi, au moins pour ce qui dépend de nous, nous ne ferons que mettre en œuvre cette Paix qui habite nos cœurs. « Nous nous appliquerons alors à conserver » entre nous et avec tous, « l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix » (Ep 4,3). « Soyez donc en paix entre vous ! » (1Th 5,13), et « le Dieu de la paix écrasera bien vite Satan sous vos pieds » (Rm 16,20). C’est ce qui se passe ici avec Jésus, lorsqu’il commande aux esprits impurs, « avec la force » de l’Esprit, de « ne pas le faire connaître »… « Tais-toi ! » avait-il déjà dit à « un homme possédé d’un esprit impur » (Mc 1,25). « Silence ! Tais-toi ! » dira-t-il à la mer déchainée. Et « il se fit un grand calme » (Mc 6,39)…

 

L’institution des Douze (Mc 3,13-19)

 Au tout début de son ministère public, juste après avoir commencé à annoncer la proximité du « Royaume de Dieu » (Mc 1,14-15), cette Vie dans l’Esprit, Jésus avait choisi ses quatre premiers disciples : « Simon et André », « Jacques fils de Zébédée, et Jean son frère » (Mc 1,16-20). Puis il avait appelé « Lévi, fils d’Alphée » (Mc 2,14). Et l’on avait appris juste après que « beaucoup de publicains et de pécheurs le suivaient ». St Marc avait alors parlé pour la première fois des « disciples » de Jésus (Mc 2,15). Puis, il nous l’avait montré traversant les moissons avec eux (Mc 2,23s) pour se retirer ensuite au bord du lac de Tibériade (Mc 3,7)…

Ici, Jésus « gravit la montagne » avec eux… Le lieu précis n’est pas indiqué. Mais la mention de « la montagne » suggère indirectement une Présence toute particulière de Dieu. En effet, « Dieu est au ciel » (Qo 5,1 ; Lm 3,41 ; 1R 8,30). Or « gravir la montagne », c’est se rapprocher du ciel… Mais le ciel « ne désigne pas un lieu » mais un état et par suite « une manière d’être ». L’expression renvoie ainsi à « la Présence de Dieu dans les cœurs » par son Esprit[1]. Le geste accompli par Jésus est donc une image qui suggère ici un lien particulier avec Dieu, et donc une ambiance de prière pour accueillir cette Présence du Père et vivre la relation avec Lui. St Luc, dans le passage parallèle, soulignera cet aspect en écrivant : « Or il advint, en ces jours-là, qu’il s’en alla dans la montagne pour prier, et il passait toute la nuit à prier Dieu » (Lc 6,12). L’instant est donc tout particulièrement important : apparaît ici pour la première fois le squelette interne de l’Eglise que St Paul appellera plus tard « le Corps du Christ » (1Co 12,12s) …

Jésus sur la montagne, en prière, tourné vers Dieu son Père, nous apparaît ici comme le Serviteur du Père (Mt 12,18 ; Ac 3,13.26 ; 4,27.30). Dans les lignes qui suivront, c’est la volonté du Père qui s’accomplira. Jésus ne fera que la mettre en œuvre… « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 6,38). « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin » (Jn 4,34). Aussi, lorsque Jésus « appelle ici ceux qu’il voulait », il appelle ceux que son Père a choisis… Et ils sont au nombre de Douze…

Pourquoi Douze ? « Le nombre de ces apôtres ne peut qu’être relatif aux douze tribus d’Israël » explique Gerhard Lohfink (« L’Eglise que voulait Jésus »). Mais « le système des douze tribus avait cessé d’exister depuis longtemps. Les contemporains de Jésus considéraient qu’il n’y avait plus que deux tribus et demie : Juda, Benjamin et la moitié de Lévi. Et on espérait que le temps du salut provoquerait le rétablissement définitif de toutes ». Aussi, en choisissant Douze apôtres parmi ses disciples, Jésus disait sans un mot à tout Israël que ce temps était arrivé. L’heure était venu de rassembler le Peuple de Dieu, de le reconstruire, de lui redonner sa pleine stature pour qu’il puisse accomplir sa vocation : « Par toi se béniront toutes les familles de la terre » (Gn 12,3). Voilà pourquoi, dans une première étape, Jésus disait qu’il n’avait été « envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15,24) et c’est vers elles qu’il enverra, dans un premier temps, ses disciples (Mt 10,6). La toute première communauté chrétienne, issue du Peuple d’Israël, accomplira cette première étape du rassemblement d’Israël, même si beaucoup, hélas, ne répondirent pas à l’appel… Et ensuite, après sa mort et sa résurrection, Jésus adjoindra à la communauté les païens appelés eux aussi à bénéficier du salut (Ep 2,11-13). Et tous ensemble, Juifs et païens, seront appelés par la suite à poursuivre la mission du Christ dans le monde entier…

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Voilà donc toute la dynamique qui apparaît ici en germe avec l’appel des Douze. « Il fit (les) Douze », écrit littéralement St Marc. Ce verbe « faire » suggère un acte de Dieu, une création nouvelle… En les appelant, Dieu leur communique une grâce toute particulière qui leur donnera d’être ce qu’il veut qu’il soit : des pasteurs de son Peuple… Parfois le changement de nom indique cette transformation intérieure : « Simon, tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise ; et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16,18). Le nom, en effet, dans la Bible, dit toujours quelque chose du mystère de la personne qui le porte. Ici, par sa grâce, le Christ fait de « Simon » cette pierre sur laquelle il bâtira son Eglise. « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis », dira St Paul (1Co 15,10). « Telle est la conviction que nous avons par le Christ auprès de Dieu. Ce n’est pas que de nous-mêmes nous soyons capables de revendiquer quoi que ce soit comme venant de nous ; non, notre capacité vient de Dieu, qui nous a rendus capables d’être ministres d’une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, l’Esprit vivifie » (2Co 3,4-6). St Jean dira de même avec le verbe « établir » : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn 15,16). Et Paul invitera Timothée à ne pas laisser « inactif » ce Don de l’Esprit qu’il avait reçu lorsque Paul lui imposa les mains pour lui confier, au nom du Seigneur, une charge particulière d’enseignement dans son Eglise : « Je t’invite à raviver le don spirituel que Dieu a déposé en toi par l’imposition de mes mains » (2Tm 1,6).

Le premier cadeau que ces Douze reçoivent est d’être, d’une manière toute particulière, « les compagnons » de Jésus. Ils manifesteront ainsi par toute leur vie ce qui est offert en fait à l’Eglise tout entière : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Et Jésus les envoie « prêcher avec pouvoir de chasser les démons ». « Ils doivent faire ce qu’il fait lui-même : annoncer le Royaume de Dieu et chasser les démons en signe de la puissance de ce Royaume qui vient » (Gerhard Lohfink). Nous voyons à quel point « l’Eglise est le Christ continué » (J. Huby). Elle est « la servante du Seigneur ». Avec elle et par elle, le Christ poursuit son œuvre de révélation et de salut.

Regardons rapidement la liste des douze apôtres donnée ici par St Marc :

 1 – Simon signifie en hébreu « Dieu a entendu »… Depuis plusieurs siècles, Israël priait ainsi : « Ah ! Si tu déchirais les cieux et descendais pour faire connaître ton nom » (cf. Is 63,15-64,2) ! Simon sera le témoin (Ac 5,32) et le garant du témoignage de toute l’Eglise que « Dieu a entendu » : il a envoyé son Fils, le Christ, le Messie promis pour faire connaître son nom, c’est-à-dire « Qui » il est (cf. Jn 1,18 ; 17,3-6 ; 17,26) : un Père (Jn 20,17 ; Lc 11,2-4) qui n’est qu’Amour (1Jn 4,8.16). Et face au péché qui blesse, défigure et tue les hommes, le visage de l’Amour prend celui de la Miséricorde qui encourage, réconforte (2Co 3,3‑7), pardonne et invite à se remettre debout, en fils vivants de la vie du Père…

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Simon est « le fils de Jean » selon St Jean (Jn 1,42 ; 21,15-17), ou « fils de Jonas » selon St Matthieu (Mt 16,17)[2]. André, l’un des Douze lui aussi, est son frère (Mc 1,16). Ils sont originaires de Bethsaïde (Jn 1,44), au nord est du lac de Tibériade appelé encore « mer de Galilée » (Mc 1,16) ou « mer de Kinnérèt » dans l’Ancien Testament (Nb 34,11 ; Dt 3,17 ; Jos 13,27). Mais Simon s’est installé à Capharnaüm, sur la rive nord ouest. Il s’est marié (Mc 1,30 ; 1Co 9,5) et avec son frère André, il est pêcheur de profession (Mc 1,16). D’après Ac 4,13, il est « sans instruction ni culture », c’est-à-dire qu’il n’a pas fait d’études rabbiniques contrairement à St Paul. Jésus l’appellera « Kephas » (Jn 1,42), transcription grecque de l’araméen « Kefa, pierre, roc, rocher ». « Il dit qu’il s’appellerait Pierre, tirant ce nom de la Pierre qu’est le Christ, afin que, de même que « sage » vient de « sagesse » et « saint » de « sainteté », ainsi également « Pierre » de la « pierre » » (Origène), le Christ…

Pierre est cité en premier. En effet, cet évangile fut écrit dans les années 70. Cela faisait donc longtemps qu’il était le premier Pape, cette Pierre sur laquelle le Christ construit son Eglise (Mt 16,17-19)… Il mourut martyr, à Rome en 64 ou 67, dans le cirque de Néron. L’empereur Constantin, au début du 4° s, fit construire une basilique sur sa tombe. Michel Ange la refit entièrement au 16°s. Et en 1950, on retrouva la tombe, à quelques mètres sous l’autel principal.

2 – Vient ensuite Jacques, de l’hébreu « Ya‘aqob, Jacob ». D’après Gn 25,26, il fut ainsi appelé car lors de sa naissance, juste après son frère jumeau Esaü, « sa main tenait le talon (‘aqeb) d’Esaü » et plus tard, contrairement à la règle, il supplanta (‘aqab ; Gn 27,36 ; Os 12,4) son frère. Fils de Zébédée, il reçoit avec son frère Jean, l’Evangéliste, le surnom de « Boanergès, c’est-à-dire fils du tonnerre », peut-être en raison de leur tempérament bouillant…

Jacques Majeur

Avec Simon-Pierre et Jean (Mc 5,37 ; 9,2 ; 14,33 ; Lc 5,10 ; 8,51) et parfois André (Mc 1,29 ; 13,3), ils seront les témoins privilégiés des signes de Jésus. Jacques, surnommé « le Majeur » dans la tradition chrétienne, mourut avant la Pâque de l’an 44. Le roi Hérode Agrippa 1er « le fit périr par le glaive » pour se gagner les faveurs des responsables religieux Juifs de l’époque (Ac 12,1-3), ceux-là mêmes qui avaient livré Jésus à Pilate pour qu’il soit mis à mort. Une ancienne tradition fait de lui l’évangélisateur de l’Espagne. Son corps aurait été transporté de Joppé à la future « Santiago de Compostela », Saint-Jacques de Compostelle…

3) Jean est très certainement le frère cadet de Jacques selon l’habitude de nommer l’aîné en premier. Il suivra Jésus jusqu’au bout. Il sera le seul parmi les Douze à être au pied de la croix, avec Marie, la mère de Jésus (Jn 19,25-27). Le quatrième Evangile lui est attribué, même si son nom n’y apparaît jamais. L’expression « le disciple que Jésus aimait » (Jn 19,26 ; 21,7.20) semble le désigner. Peut-être l’a-t-il employée à dessein pour exprimer la certitude que l’expérience d’amour qu’il a vécue avec le Christ était également offerte à quiconque accepterait de répondre à son appel et de devenir son disciple…

Saint Jean

C’est grâce à ce regard d’amour qu’il sera le premier à croire en la résurrection du Christ, alors qu’il ne voyait rien de plus que ce que Pierre venait de découvrir dans le tombeau vide : les linges qui avaient recouvert le corps de Jésus, étendus sur le rocher, à la place qu’ils occupaient sur le corps (Jn 20,1-10)…

Pierre et Jean

Les disciples Pierre et Jean courant au sépulcre le matin de la Résurrection

Tableau d’Eugène Burnand musée d’orsay

C’est lui aussi qui saura reconnaître le Ressuscité en cet homme apparemment inconnu qui, au bord du rivage, leur indiqua l’endroit où il fallait jeter les filets pour trouver du poisson (Jn 21,1-14). La fin de l’Evangile, écrite par une autre main, suggère qu’il mourut vieux car elle semble combattre une croyance primitive selon laquelle Jean ne mourrait pas avant le retour glorieux du Christ (Jn 21,21-23). Selon la tradition, Jean se serait installé à Ephèse, avec Marie. Victime de la persécution de l’empereur romain Domitien, il aurait été déporté sur l’île de Patmos dans les années 95. C’est là qu’il aurait rédigé le Livre de l’Apocalypse. Il serait mort à Ephèse, à un âge très avancé, sous le règne de l’empereur Trajan (98-117).

4 – André, frère de Pierre, est un prénom d’origine grecque qui signifie « le vaillant ». Il était au départ disciple de Jean-Baptiste (Jn 1,35.40). Appelé le premier parmi les Douze, il emmènera ensuite à Jésus son frère Simon (Jn 1,40-42).

St André

« Une tradition ancienne veut qu’il ait évangélisé la Scythie, c’est-à-dire des régions situées au nord de la mer Noire, et plus sûrement la province de Grèce appelée l’Achaïe où il aurait subi le martyr, sur l’ordre du proconsul, dans les années 60. Selon les Actes de Saint André, un récit du 3° siècle, où apparaît la dévotion toute particulière de l’apôtre pour la croix su sauveur, il serait mort à Patras », ou Patrae sur la côte nord de la Grèce, « attaché à une croix »[3].

5 – Philippe, nom grec qui signifie « celui qui aime les chevaux », un point important pour la mission à l’époque !

St Philippe

Il était originaire de Bethsaïde, au nord est du lac de Tibériade, comme Simon et André. Juste avant la multiplication des pains, Jésus lui posera la question : « Où achèterons-nous des pains pour que mangent ces gens ? » (Jn 6,5). Plus tard, c’est vers lui que se dirigeront des Grecs qui « lui firent cette demande : Seigneur, nous voulons voir Jésus » (Jn 12,21). Peut-être connaissait-il bien le grec, lui qui portait un nom grec… Et c’est lui qui demandera à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit » (Jn 14,8). Selon une tradition du 2° siècle après Jésus Christ, il mourut à Hiérapolis, au centre sud-ouest de l’actuelle Turquie…

6 – Barthélémy signifie en araméen « fils (Bar) de Tolmaï ». Il est très certainement le Nathanaël (« Don de Dieu ») de l’Evangile de Jean (Jn 1,45-51). Une tradition dit qu’il subit le martyre en Grande Arménie, après avoir évangélisé l’Inde et l’Asie Mineure. Il serait mort écorché vif. C’est pourquoi les artistes le représentent souvent avec un couteau à la main, portant sa propre peau sur le bras. Ses reliques auraient été rapportées à Rome et déposées dans l’église qui porte son nom[4], construite sur une petite « île », au milieu du Tibre…

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Le martyre de Barthélemy par Giambattista Tiepolo

7 – Matthieu est un nom qui vient d’une abréviation de « Mattanya, Don de Yahvé ». L’Evangile qui lui est attribué raconte son appel (Mt 9,9) en des termes quasiment identiques à ceux employés en Mc 2,13-14 et Lc 5,27-28 où il est appelé « Lévi, le fils d’Alphée ». « Lévi » a donc peut-être reçu ultérieurement ce nom de Matthieu, comme Simon celui de Pierre… Il était « publicain », c’est-à-dire collecteur des taxes et des impôts pour l’occupant romain. Souvenons‑nous de Mc 2,13 : « Ces gens-là n’ont pas une bonne réputation, et cela pour deux raisons. La première, c’est que, jouissant de la liberté de fixer le montant des impôts, ils s’enrichissent injustement . Et la tentation était d’autant plus forte que ces postes étaient « mis en fermage aux plus offrants »[5]. « La deuxième », poursuit Jacques Hervieux, « c’est qu’ils travaillent pour le compte de l’occupant romain. On les accuse de frayer avec les païens. Ces motifs font que cette catégorie d’hommes est méprisée par le peuple et plus encore par les Juifs respectueux de la Loi. C’est bien un pécheur public que Jésus invite à rejoindre les siens »[6]

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Selon St Irénée, qui s’exprime dans les années 178-188, il évangélisa la Palestine. Selon Eusèbe de Césarée (après l’an 300), il serait allé jusqu’en Perse. Enfin, l’Ethiopie aurait été son dernier champ d’apostolat ; il y serait mort exécuté sur ordre du roi auquel il interdisait d’épouser sa nièce car elle s’était consacrée à Dieu. A la fin du 10° s, ses reliques auraient été transférées à Salerne, en Italie…

8 – Thomas est surnommé en grec « Didyme », c’est-à-dire « Jumeau ».

« L’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,24-29).

St Thomas

Le Caravage. Le Doute de Thomas. 1602-1603. Sanssouci, Potsdam, Allemagne

Selon une tradition, il aurait prêché l’Evangile chez les Mèdes, les Perses et jusqu’en Inde, où il aurait fondé une Eglise, dans l’actuel Kérala. On lui attribue un évangile apocryphe qui date en fait du 2° siècle ap. JC.

9 – Jacques, le fils d’Alphée. St Paul, dans la Lettre aux Galates rapporte une visite qu’il fit à Jérusalem quelques années après sa conversion, vers 36 ou 38. « Après trois ans, je montai à Jérusalem rendre visite à Céphas et demeurai auprès de lui quinze jours : je n’ai pas vu d’autre apôtre, mais seulement Jacques, le frère du Seigneur : et quand je vous écris cela, j’atteste devant Dieu que je ne mens point » (Ga 1,18-20). Jacques, fils d’Alphée, appelé « le Mineur » pour le distinguer de Jacques, le frère de Jean, le fils de Zébédée, dit « le Majeur », serait donc aussi « le frère du Seigneur », c’est-à-dire son cousin. Ce serait donc lui qui apparaîtrait en Mc 6,3, où les habitants de Nazareth disent de Jésus : « Celui-là n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs (ses cousines) ne sont-elles pas ici chez nous ?   Et ils étaient choqués à son sujet ». La mère de Jacques et de José apparaît en Mc 15,40-41, nommée avec les femmes qui regardaient à distance la crucifixion et la mort de Jésus : « Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé, qui le suivaient et le servaient lorsqu’il était en Galilée» Paul parle de lui comme « une colonne de l’Eglise » : « Reconnaissant la grâce qui m’avait été départie, Jacques, Céphas et Jean, ces notables, ces colonnes, nous tendirent la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion : nous irions, nous aux païens, eux à la Circoncision » (Ga 2,9). Et de fait, il apparaît dans les années 44 comme étant le principal responsable de la communauté chrétienne de Jérusalem. C’est lui, d’abord, que Pierre fait avertir de sa libération miraculeuse hors de la geôle où l’avait fait jeter Hérode Agrippa : « Annoncez cela à Jacques et aux frères » (Ac 12,17)… Vers 49, se tiendra la première assemblée des Apôtres et des Anciens, appelée parfois « Concile de Jérusalem ». Et c’est lui qui semble diriger les débats puisqu’il donnera la conclusion en son nom (Ac 15,13-21). La lettre apostolique (L’Epître de St Jacques) ne fera que reprendre les termes de sa déclaration, indique en note la Bible de Jérusalem.

Jacques Fils d'Alphée

Paul, de retour à Jérusalem après son troisième voyage missionnaire, sera arrêté et transféré à Rome (60 ap. JC). C’est précisément pendant sa captivité romaine que « Jacques frère de Jésus » aurait été martyrisé vers 62 à l’instigation du grand prêtre Ananie. Il aurait été lapidé en même temps que plusieurs de ses compagnons (cf. Gérard A.M.).

10 – Thaddée. Ce nom peut dériver de l’araméen « thaddaj, courageux », ou du grec « theudas (theodotas), don de Dieu ».

St Thaddée

Icône de saint Thaddée (Xe siècle, monastère Sainte-Catherine du Sinaï).

On sait très peu de choses sur lui… St Luc l’appelle Judas ou Jude dans son Evangile et précise « de Jacques » (Lc 6,16 ; Ac 1,13). Il serait donc fils ou frère de Jacques, peut-être le Mineur… Il ne semble pas qu’il faille l’identifier avec Jude, frère du Seigneur, auteur de l’épître qui porte son nom…

11 – Simon le Zélé. On sait également très peu de choses sur lui. « Le Zélé » renvoie ou à son zèle religieux, ou au fait qu’il appartenait à la secte des Zélotes, connu pour leur fanatisme religieux qui les poussait à prendre les armes contre l’occupant romain…

 Simon le zélote

12 – Judas Iscariothe, « fils de Simon Iscariothe » (Jn 6,71), peut-être originaire de Judée (de Cariot ou de Qeriyyot)… Il n’acceptera pas le messianisme humble et souffrant du Christ. Déçu, il ira le livrer aux autorités religieuses contre trente pièces d’argent, le prix d’un esclave… S’il s’agit bien de sicles ou de tétradrachmes, ces trente pièces équivalaient à 120 deniers, c’est-à-dire à 120 jours de salaire pour un ouvrier agricole, une somme importante mais tout de même relativement modeste… Ce ne serait donc pas avant tout pour l’argent que Judas aurait trahi Jésus : son geste aurait été à la mesure de sa déception… D’ailleurs, après la mort du Christ, « il fut pris de remords et rapporta les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens : J’ai péché, dit-il, en livrant un sang innocent. Mais ils dirent : Que nous importe? À toi de voir. Jetant alors les pièces dans le sanctuaire, il se retira et s’en alla se pendre. Ayant ramassé l’argent, les grands prêtres dirent : Il n’est pas permis de le verser au trésor, puisque c’est le prix du sang. Après délibération, ils achetèrent avec cet argent le champ du potier comme lieu de sépulture pour les étrangers. Voilà pourquoi ce champ-là s’est appelé jusqu’à ce jour le Champ du Sang » (Mt 27,3-8). Un monastère orthodoxe y est aujourd’hui construit… Selon une autre tradition, «  s’étant acquis un domaine avec le salaire de son forfait, cet homme est tombé la tête la première et a éclaté par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues » (Ac 1,18).

« L’ensemble de ce passage » où Jésus institue les Douze, « montre le souci de Marc, qui est celui de la primitive Eglise, d’authentifier sa fondation par Jésus en personne » (Jacques Hervieux). Et c’est avec elle et par elle qu’aujourd’hui encore, le Christ Ressuscité poursuit sa mission de salut en invitant tous les pécheurs que nous sommes à nous convertir, jour après jour, pour recevoir dès maintenant, dans la foi, les arrhes du Royaume : la Paix du cœur, et une manière d’être et de vivre nouvelle que « seul connaît celui qui les reçoit » (Ap 2,17).

                                                                                                              D. Jacques Fournier

Fiche n°8 (Mc 3,7-19) PDF pour éventuelle impression.

 

[1] Catéchisme de l’Eglise Catholique, & 2802 ; 2794.

[2] Mt 16,17 a « Bariôna », transcription de l’araméen « bar », fils, et « iôna » qui renvoie au nom du père. La Bible de Jérusalem et la TOB ont traduit « fils de Jonas », Osty a transcrit « Bar-Iona », la Bible des Peuples « Bar-Jona ». St Jean a en 1,42 « o uios Iôannou, le fils de Jean », et en 21,15-17 tout simplement « Iôannou, (le fils) de Jean ». Les deux termes « iôna » et « iôan » sont donc très proches : il suffit d’intervertir les deux dernières lettres… On pressent un terme commun à l’origine de ces deux traditions… La Bible Expliquée a tranché en choisissant de traduire Mt 16,17 non pas par « Jonas » ou « Jona » mais par « Jean » : « Simon fils de Jean ».

[3] GÉRARD André-Marie, Dictionnaire de la Bible (Ed. Robert Laffont, Paris 1989) p. 74.

[4] GÉRARD André-Marie, Dictionnaire de la Bible p. 135 et 978.

[5] RADERMAKERS Jean, « La Bonne Nouvelle de Jésus selon Saint Marc » (Bruxelles 1974) p. 94.

[6] HERVIEUX Jacques, « L’Evangile de Marc », dans « Les Evangiles, textes et commentaires » (Bayard Compact) p. 341.

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