Messe Christmale 2016 : homélie de Mgr Gilbert Aubry

« LEVEZ-VOUS, ALLONS ! » (St Jean Paul II)

prodigueCette année, d’une manière particulière, nous sommes invités à accueillir et à vivre la miséricorde qui nous vient du Père, par Jésus le Christ, dans le souffle de l’Esprit. Père, Fils, Esprit. L’Humanité a toujours été à la recherche de Dieu. Dans sa longue histoire, c’est seulement depuis 2000 ans que les disciples de Jésus-Christ se situent sous le signe de la croix glorieuse. Nous faisons le signe de la croix sur nos corps pour dire que nous demandons à Dieu de nous prendre pour Lui, de nous protéger en nous maintenant en sa sainte volonté. Le baptême nous fait devenir enfants de Dieu et de l’Eglise. Nous devenons membres du Christ, prêtres, prophètes et rois.

Pape FrancoisLorsque nous chantons parfois « Peuple de prêtres, peuple de rois », il s’agit de toute l’Eglise, de tous les baptisés ensemble, en route vers la sainteté, vers la plénitude du Royaume. Isaïe avait déjà prophétisé « Vous serez appelés « Prêtres du Seigneur » ; ou on vous dira « Serviteurs de notre Dieu » (cf. Isaïe 61). L’Apocalypse de Jean écrit que Jésus-Christ « fait de nous un royaume de prêtres pour son Dieu et Père ». L’Evangile de Luc nous montre Jésus proclamant qu’aujourd’hui s’accomplit le passage de l’Ecriture « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce-que le Seigneur m’a consacré par l’onction, Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération ». C’est toute l’Eglise qui est sacerdotale, c’est toute l’Eglise qui est un « peuple sacerdotal ». Si dans l’Eglise, il y a des baptisés-confirmés qui sont appelés et ordonnés prêtres comme signes du Bon Pasteur pour être et agir « in persona Christi capitis » : « dans la personne du Christ, en tant que personne du Christ, Christ tête ». Rassembler, proclamer la Bonne Nouvelle, sanctifier. Vivre et proclamer la Bonne Nouvelle, pardonner les péchés, célébrer l’Eucharistie. Ce mystère est grand. Nous prêtres, nous l’expérimentons dans notre générosité et aussi dans nos faiblesses.

Nous expérimentons ce grand mystère dans notre générosité. La gratuité d’un moment de plénitude spirituelle peut nous être donnée dans la célébration d’un sacrement, dans les tâches multiples du service sacerdotal et pastoral, lorsque souvent nous supportons le poids du jour et de la chaleur. Je t’aime Seigneur tel que je suis en me laissant façonner par toi pour devenir ce que tu veux. Le poids du jour et de la chaleur, vous l’avez porté plus particulièrement la semaine dernière dans ces longues liturgies pénitentielles où la fatigue elle-même devenait sanctifiante. « Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » (Mc 2, 7). Va et ne pèche plusJésus pardonne « Va, ne pèche plus ». Nous ne sommes pas Dieu et nous pardonnons parce que nous recevons la mission de « lier et de délier » par le Christ lui-même. Nous ne sommes pas le Christ et pourtant, c’est Lui qui agit à travers nous et se rend présent avec son corps, son sang, son âme et sa divinité quand Il dit en nous « Ceci est mon corps… ceci est mon sang ». C’est lui qui agit et nous agissons en Lui parce que sa Parole est vraie sur chacun de nous. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et institués afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn15, 16). Le Christ souverain Prêtre nous aime comme le Père l’a aimé. Il donne sa vie pour ses brebis. En ne faisant qu’un avec le Christ, nous avons à vivre le commandement qu’Il nous laisse, plus particulièrement à nous ses prêtres bien-aimés. « Demeurez dans mon amour » (Jn 15, 9). Cette messe chrismale et la célébration du Jeudi Saint nous remue d’une manière spéciale.

Le regard des brebis

Saint JeanLa grandeur du sacerdoce ministériel, nous l’expérimentons aussi dans nos faiblesses. Quand la communauté ecclésiale, le groupe, la paroisse, l’Eglise ne correspondent pas à l’idée que nous nous en faisions ou à celle que l’on voudrait avoir ou à celle qu’elle doit être, alors nous prêtres, nous pouvons connaître la tentation du doute. Nous pouvons nous sentir moches. Le désespoir peut arriver. Tentation de nous dire à nous-mêmes, je me retire. J’arrête. Mais déjà le regard des brebis qui nous ont été confiées par le Christ se pose sur nous et nous supplie : « Nous avons besoin de toi pour avancer, avance avec nous, nous avancerons avec toi ». Dans ce regard, nous rencontrons le regard du Christ qui s’était posé sur l’enfant, l’adolescent, le jeune homme, l’homme que nous étions, l’adulte que nous sommes devenus.

Ce regard était une Parole. Elle nous arrivait à travers la Tradition de l’Eglise, à travers la vie de l’Eglise dans notre vie. Dans le souffle de l’Esprit, c’est le Christ lui-même qui nous a dit « Viens, suis-moi, j’ai besoin de toi ! Je ferai de toi un pêcheur d’hommes ». Nous l’avons suivi dans la disponibilité et la joie. Et nous avons fait -ou nous ferons aussi- l’expérience de l’homme perdu, au creux même de notre ministère. Aujourd’hui, le regard du Christ se pose encore sur moi, sur toi, sur chacun de nous, prêtre. Christ-Bon-Pasteur-mosaïque-de-San-Lorenzo-détailJésus me soulève, moi brebis peut-être perdue. Il me prend sur ses épaules. Il me porte. Et nous voilà tête contre tête. Nos regards regardent ensemble dans la même direction, dans la même mission. Porter la Bonne Nouvelle, ensemble. En Lui, le Christ Jésus a besoin de mon regard en son regard pour descendre à la profondeur de la détresse humaine rencontrée en moi et dans les autres. En moi, j’ai besoin du regard du Christ Jésus en mon regard pour regarder la vie sauvée et transfigurée en Dieu. Chacun de nous peut se souvenir alors de la Parole que le Seigneur Jésus avait dite à Pierre « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois » (Lc 22,61). « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7). Devenons en tant que prêtres « Miséricordieux comme le Père » dans nos regards, dans nos paroles, dans nos attitudes, dans nos relations. Comme l’apôtre Pierre, nous pouvons dire au Christ « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime » (Jn 21,15).

Saint Léon le Grand a écrit : « (…) cette adoption de notre nature par la divinité, grâce à laquelle le Verbe s’est fait chair et a demeuré parmi nous, a-t-elle exclu aucun homme de sa miséricorde, sauf s’il refuse la foi ? L’homme n’a-t-il pas une nature commune avec le Christ, s’il a accueilli Celui qui a pris cette nature et s’il n’a été régénéré par l’Esprit qui a engendré le Christ ? Celui qui a pris la nourriture, a connu le repos du sommeil, le trouble de la tristesse, les larmes de l’amitié ; cela ne prouve-t-il pas qu’il avait pris la condition d’esclave ? » (Bréviaire T. II, p. 239). La condition du serviteur des serviteurs de tous. Nos frères diacres par leur ordination et leur ministère nous rappellent à tous que cette dimension du service est fondamentale : nouer le tablier et nous laver les pieds les uns aux autres. Surtout quand c’est sale. Surtout quand ça sent mauvais.

Icône Christ TaizéAujourd’hui, chers frères prêtres, laissons-nous aimer par le Seigneur qui nous a choisis et qui nous choisit encore, pour « servir en sa présence ». Il sait bien de quelle pâte nous sommes pétris. Etant aimés par le Seigneur, nous pouvons à notre tour aimer comme Il nous aime, jusqu’au bout de l’amour. Dans un instant, nous allons renouveler nos promesses sacerdotales. En réalité, c’est Dieu qui s’est promis à nous en Jésus-Christ, par Lui et avec Lui le souverain prêtre éternel. Renouveler nos engagements, c’est d’abord reconnaître que Dieu lui-même a mis en nous prêtres le désir de répondre à son appel, l’intelligence, la compréhension de ce qu’Il attend de nous et la volonté de suivre le Christ, même « si parfois la croix nous semble dure et si nos mains craignent les clous ». Alors, n’hésitons pas à nous laisser renouveler par le Christ en renouvelant nos engagements. Que cela nous stimule à vivre cette fraternité sacerdotale qui sera pour les autres un témoignage et pour nous-mêmes un soutien tant pour notre vie personnelle que pour nos diverses missions pastorales. Comme disait le pape Jean-Paul II « Levez-vous, allons ! »

Île de la Réunion -Cilaos - Hélico

Ile de la Réunion : la ville de Cilaos, au pied du Piton des Neiges

Chers frères, chères sœurs, chers laïcs, chers amis, à La Réunion, nous avons la réputation de donner publiquement une place à la religion, au fait religieux. Nous sommes des êtres religieux. C’est bien. Mais est-ce que nous sommes vraiment chrétiens ? Nous n’avons pas fini d’apprendre à être vraiment disciples du Christ dans tous les domaines de notre vie. Il nous faut davantage mettre en cohérence notre vie et notre foi, dans la miséricorde et la patience de Dieu. Qu’il nous donne cet élan à faire Eglise dans l’Eglise même d’abord. Et le monde dira « Voyez comme ils s’aiment ». Sans le savoir, nous leur ouvrirons peut-être le chemin de la foi.

Chaque famille est telle qu’elle est, mais nous ne lâchons jamais cet idéal et ce soutien où Dieu Lui-même vient faire alliance avec un homme et une femme dans le mariage. Le sacrement de mariage c’est pour que la vie continue d’une génération à l’autre, pour que l’Eglise continue d’une génération à l’autre. Apprenons à nous écouter, à nous pardonner, à nous entraider pour que la violence disparaisse et que s’instaure un climat de paix.

le de la Réunion - Confirmation dans la chapelle du Cirque de Mafate

Ile de la Réunion – Confirmation dans la chapelle du Cirque de Mafate

Vous les jeunes, gardez en vous votre capacité d’émerveillement, de créativité. Vous avez des talents qu’il vous appartient de développer pour aimer, pour gagner votre vie, pour aider les autres à gagner leur vie, pour harmoniser notre société. Cherchez votre vocation. Cherchez et vous trouverez.

Confirmation Cirque de Mafate - Mgr Gilbert Aubry

Confirmation dans le Cirque de Mafate – Mgr Gilbert Aubry

« Consacrés par l’onction » que le Seigneur nous donne la grâce d’être réconciliés avec la grâce de notre baptême, de notre confirmation, de nos diverses consécrations, de notre ordination diaconale, de notre ordination presbytérale, de notre ordination épiscopale. En cette année de la miséricorde, ayant reçu la Bonne Nouvelle de la miséricorde, portons cette Bonne Nouvelle à tous les humbles, à tous les pauvres.

 

                                                                                       Monseigneur Gilbert Aubry

                                                    Messe Christmale, Eglise de St Louis, le mercredi 23 Mars 2016

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