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MESSE D’ACTION DE GRACE DES 40 ANS D’EPISCOPAT 5 MAI 2016

 Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ

Esplanade de l’église du Chaudron

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SOULEVER LA REUNION JUSQU’AU CIEL !

Dans le diocèse de La Réunion, la fête de Pâques prend de plus en plus d’importance. Le triduum pascal est vécu avec ferveur. La messe chrismale anticipée, le Jeudi Saint avec la cène de Notre Seigneur, le Vendredi Saint avec la célébration de la passion et de la mort de Jésus qui prend sur lui toutes nos croix quotidiennes, le Samedi Saint avec la résurrection du Christ et la joie de la nuit pascale où il y a de plus en plus de baptêmes d’adultes ou de recommençants grâce aux équipes du Catéchuménat. Mais il nous faut aller plus loin en prenant conscience que nous ne pouvons pas séparer Pâques de l’Ascension et de la Pentecôte.

l'ascension de jésus

Résurrection – Ascension – Pentecôte

Aujourd’hui, nous célébrons la fête de l’Ascension. Cette fête arrive quarante jours après la résurrection de Jésus. Jésus prend le temps d’éduquer ses disciples, de les préparer à une forme de sa présence où il est toujours lui-même mais d’une autre manière. Pâques ? Souvenez-vous de Marie Madeleine, d’Emmaüs, de la rencontre avec les onze, de l’incrédulité de Thomas. « Si je ne mets pas mon doigt dans son côté, si je ne vois pas la marque des clous, non, je ne croirai pasThomas, avance ta main, ne sois pas incrédule mais croisparce que tu as vu, tu crois, heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20). C’est ainsi que tous les baptisés confirmés sont les héritiers de cette béatitude de Jésus : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Toi, sois heureux de croire. J’ai confiance en toi, dit Jésus à travers Sœur Faustine… Viens à ma suite et dans ma miséricorde infinie, je te donnerai une juste confiance en toi et dans les autres. Oui, Marie Madeleine, Emmaüs, les onze, Thomas et puis saint Paul le géant, terrassé avant de devenir l’Apôtre des Nations et les cinq cents frères à la fois, tous témoins du Christ ressuscité.

 

DSC_0710Aujourd’hui, l’évangile selon saint Luc nous rappelle que Jésus a dit que la conversion serait proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations jusqu’au bout du monde. Les disciples avaient été mis en demeure de se préparer à accueillir l’Esprit-Saint. A l’Ascension, Jésus lève les mains, bénit ses disciples et se sépare d’eux, emporté au ciel avec son corps de lumière, lumineux comme au jour de la Transfiguration. Ils se prosternent, ils retournent à Jérusalem en grande joie. En grande joie alors que Jésus n’est plus là ? Les disciples sont dans la joie parce que se réalise pour eux ce que Jésus leur avait dit. Tout d’abord, Jésus leur avait annoncé sa résurrection, ils n’y croyaient pas. Et puis, il est vraiment ressuscité. Jésus leur avait dit aussi « Mon Père enverra l’Esprit Saint en mon nom et vous enseignera toutes choses et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit… Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre. Vous l’avez entendu et je vous ai dit. Je m’en vais et je viens à vous. Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le Père car le Père est plus grand que moi. Je vous ai parlé dès maintenant, avant l’événement afin que lorsqu’il arrivera, vous croyiez » (Jn 14, 28 à 29).

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Les apôtres se réjouissent du départ de Jésus vers le ciel parce qu’Il retourne vers Dieu son Père et Notre Père. « Vous vous réjouiriez de ce que je retourne vers le Père ». Ce départ du corps physique du Ressuscité du monde visible de la terre est la condition de l’envoi de l’Esprit Saint pour la mission de l’Eglise à la Pentecôte. Les retrouvailles du Père et du Fils ressuscité dans sa chair humaine venant de la chair de Marie sont un débordement de joie réciproque entre le Père et le Fils, entre le Fils et le Père. Cette joie du Fils retrouvant son Père comble Dieu le Père du retour du Fils qui a rempli sa mission jusqu’au bout de l’amour. Le débordement de la joie de Dieu en Dieu à travers la chair du Christ glorifiée devient la joie des disciples qui ont reçu cette grâce de partager l’intimité du Christ et l’intimité du Père par le Christ : « En ce jour-là vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous » (Jn 14, 20). Les disciples comprendront alors au fur et à mesure que toute chair humaine est portée au cœur du Père par Jésus ressuscité avec sa chair humaine. Ils comprendront que le Jésus de l’Histoire et le Jésus Fils éternel du Père, c’est tout un inséparablement. Ils comprendront que le Jésus, Fils éternel du Père, c’est aussi et en même temps le Verbe de Vie par lequel Dieu le Père fait tout exister, hier, aujourd’hui et demain.

Ils comprennent que tout existe par Lui, avec Lui et en Lui, que nous soyons chrétiens catholiques, orthodoxes, protestants, évangéliques. Que nous soyons musulmans, hindous, athées, agnostiques. Cela ne veut pas dire que tous croient en ce que je viens de dire. Nous devons respecter les différences et reconnaître des oppositions, ne pas récupérer et ne pas chercher à assimiler. Mais nous connaissons la source de l’Espérance. Nous voudrions partager le trésor de cette résurrection qui nous ressuscite déjà et qui leur est destinée aussi parce que nous connaissons le Verbe de Vie qui les fait vivre, qui nous fait vivre tous. Chacun a une part de vérité mais Jésus a dit « Nul ne va au Père que par moi ». Et puis « Je suis le Chemin la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), et « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » (Jn 14,2). Voilà la mission des chrétiens aujourd’hui : Révéler l’Amour du Père par le Christ ressuscité pour que la vie soit fraternelle dans l’Esprit et que tous sachent de quel amour ils sont aimés par le Père.

Logo année de la Miséricorde - détail

Le temps de la miséricorde

La foi de l’Eglise est la même partout, à La Réunion, à Maurice, à Rodrigues, aux Seychelles, aux Comores, à Madagascar. Partout nous proclamons l’incarnation, la vie, la passion, la mort de Jésus, sa descente aux enfers de l’Humanité, sa résurrection, l’envoi de l’Esprit Saint pour le pardon des péchés, son retour dans la gloire pour les cieux nouveaux et la terre nouvelle. N’oublions pas que l’auteur de l’épître aux Hébreux nous dit : « Comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude. Il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché mais pour le salut de ceux qui l’attendent ». Alors il faut préparer ce salut avec la grâce de l’Ascension. Ne pas attendre pour nous convertir et appeler le salut du Christ.

En cette année de la Miséricorde, en cette joie de Pâques qui s’épanouit dans la joie de l’Ascension, faisons nôtres les paroles de saint Maxime de Turin dans une de ses homélies : « Mes frères, nous devons tous exulter en ce saint jour. Que personne ne se soustraie à la joie commune parce qu’il a conscience de ses péchés, que personne ne soit écarté des prières communes par le fardeau de ses fautes ! En un tel jour, même le pécheur ne doit pas désespérer du pardon ; c’est en effet un grand privilège. Si le malfaiteur a obtenu le paradis, pourquoi le chrétien n’obtiendrait-il pas le pardon ? » (Bréviaire p. 631) Le temps de la miséricorde, l’Année de la Miséricorde est importante. Le catéchisme de l’Eglise Catholique souligne pour nous l’importance du combat spirituel « Seigneur, délivre-nous du Mal ».

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Les premiers apôtres, avant l’Ascension, au cours d’un repas que Jésus partageait avec eux, ont posé à Jésus cette question « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir le Royaume (pour Israël) ? » Et Jésus de répondre « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité » (Ac 1, 1 à 11). Les apôtres pensaient encore en termes de pouvoir. Le catéchisme de l’Eglise Catholique précise « Le Royaume ne s’accomplira pas par un triomphe historique de l’Eglise selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement du Mal qui fera descendre du ciel son épouse. Le triomphe de Dieu sur la révolte du Mal prendra la forme du jugement dernier après l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe » (n° 677)

Certains pourraient penser que ce n’est pas réjouissant. Mais c’est la réalité à laquelle nous n’échapperons pas un jour. Jésus nous a dit que le disciple n’est pas au-dessus du Maître. Que la Croix fait partie de la vie mais que la victoire sur le Mal est déjà remportée pour ceux qui, avec Lui, essayent de vivre dans la foi, l’espérance et l’amour. Peu importe le jour et l’heure de notre passage terrestre à une vie au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Peu importe l’heure de la Transfiguration de cette terre par des événements qui dépasseront l’entendement humain dans la Miséricorde infinie de Dieu. Jésus nous a dit « Soyez prêts ». La fête de l’Ascension pour nous est la fête de la joie, présente et en devenir.

Construire notre communauté de destin

DSC_0918Dans le diocèse, nous avons l’habitude de célébrer symboliquement l’Ascension sur une montagne ou une colline. Cette année, à l’occasion de mon 40e anniversaire d’Episcopat, ce pèlerinage se passe ici, à proximité de l’Eglise du Saint-Esprit au Chaudron. Je remercie Dieu pour tout le parcours de vie que nous avons fait ensemble pendant quarante ans. Je remercie mes frères prêtres, religieux, religieuses, consacrés et aussi les familles chrétiennes, les enfants. Un grand merci aussi à tous ceux et toutes celles qui, dans l’exercice de leur profession ou de leur engagement dans les associations, les quartiers, les municipalités, les collectivités œuvrent pour le bien commun. Tout est dans l’amour de Dieu qui écoute notre prière. Alors,  demandons à Dieu de soulever notre terre de La Réunion avec tout ce peuple qui vit ici et de nous prendre tous dans son Amour. Que nous, chrétiens, prenions conscience de notre dignité fondamentale d’êtres humains et d’enfants de Dieu pour pouvoir cheminer avec les autres et pour construire notre communauté de destin par la construction du bien commun ici à La Réunion, dans chacune de nos îles et entre nos îles. Ce que nous ferons dans nos îles, ensemble et en Indianocéanie dépend d’abord de ce que nous voulons en faire, avec le respect de nos légitimes différences mais avec cette volonté spirituelle, citoyenne et politique d’établir des partenariats de complémentarité où chacun apportera aux autres ce qu’il a de meilleur.

La manifestation de Dieu à l’Ascension nous fait entendre sa Parole : Galiléens, Réunionnais, Mauriciens, Rodriguais, Seychellois, Comoriens, Malgaches, pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé d’auprès de vous reviendra de la même manière que les apôtres l’ont vu s’en aller vers le ciel. Ce que vous avez fait au plus petit des miens, c’est à moi que vous l’avez fait. Ne restez pas sur vos acquis, dans des situations figées. Refusez tout repli identitaire stérile. Il faut s’ouvrir aux autres pour la construction du bien commun. Comme le dit notre pape François dans Laudato si :

 

Obligation de promouvoir le bien commun

40 Mrg Aubry

« L’écologie humaine est inséparable de la notion de bien commun, un principe qui joue un rôle central et unificateur dans l’éthique sociale. C’est « l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée ».

 

« Le bien commun présuppose le respect de la personne humaine comme telle, avec des droits fondamentaux et inaliénables ordonnés à son développement intégral. Le bien commun exige aussi le bien-être social et le développement des divers groupes intermédiaires, selon le principe de subsidiarité. Parmi ceux-ci, la famille se distingue spécialement comme cellule de base de la société. Finalement, le bien commun requiert la paix sociale, c’est-à-dire la stabilité et la sécurité d’un certain ordre, qui ne se réalise pas sans une attention particulière à la justice distributive, dont la violation génère toujours la violence. Toute la société – et, en elle, d’une manière spéciale l’Etat – a l’obligation de défendre et de promouvoir le bien commun. » 

« Dans les conditions actuelles de la société mondiale, où il y a tant d’inégalités et où sont toujours plus nombreuses les personnes marginalisées, privées des droits humains fondamentaux, le principe du bien commun devient immédiatement, comme conséquence logique et inéluctable, un appel à la solidarité et à une option préférentielle pour les plus pauvres. Cette option implique de tirer les conséquences de la destination commune des biens de la terre mais comme j’ai essayé de l’exprimer dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium, elle exige de considérer avant tout l’immense dignité du pauvre à la lumière des convictions de foi les plus profondes. Il suffit de regarder la réalité pour comprendre que cette option est aujourd’hui une exigence éthique fondamentale pour la réalisation effective du bien commun. »  

« La notion de bien commun inclut aussi les générations futures. Les crises économiques internationales ont montré de façon crue les effets nuisibles qu’entraîne la méconnaissance d’un destin commun, dont ceux qui viennent derrière nous ne peuvent pas être exclus. On ne peut plus parler de développement durable sans une solidarité intergénérationnelle. Quand nous pensons à la situation dans laquelle nous laissons la planète aux générations futures, nous entrons dans une autre logique, celle du don gratuit que nous recevons et que nous communiquons. Si la terre nous est donnée, nous ne pouvons plus penser seulement selon un critère utilitariste d’efficacité et de productivité pour le bénéfice individuel. Nous ne parlons pas d’une attitude optionnelle, mais d’une question fondamentale de justice, puisque la terre que nous recevons appartient aussi à ceux qui viendront. » 

« Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ? Cette question ne concerne pas seulement l’environnement de manière isolée, parce qu’on ne peut pas poser la question de manière fragmentaire. Quand nous nous interrogeons sur le monde que nous voulons laisser, nous parlons surtout de son orientation générale, de son sens, de ses valeurs. Si cette question de fond n’est pas prise en compte, je ne crois pas que nos préoccupations écologiques puissent obtenir des effets significatifs. Mais si cette question est posée avec courage, elle nous conduit inexorablement à d’autres interrogations très directes : pour quoi passons-nous en ce monde, pour quoi venons-nous à cette vie, pour quoi travaillons-nous et luttons-nous, pourquoi cette terre a-t-elle besoin de nous ? C’est pourquoi il ne suffit plus de dire que nous devons nous préoccuper des générations futures. Il est nécessaire de réaliser que ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité. Nous sommes, nous-mêmes, les premiers à avoir intérêt à laisser une planète habitable à l’humanité qui nous succédera. C’est un drame pour nous-mêmes, parce que cela met en crise le sens de notre propre passage sur cette terre.» (§ 156 à 160)

Jeunes, l’amour vaincra !

DSC_0172Et vous les jeunes, restez jeunes ! Devenez jeunes ! Gardez votre capacité d’émerveillement et de créativité. Vous avez des talents à faire fructifier. Fermez vos oreilles à ceux qui vous disent « de notre temps c’était mieux ». Vous ne pouvez pas dire c’était mieux puisque vous n’avez pas vécu le passé. Aujourd’hui, il y a davantage de commodités et aussi plus de contraintes. Ne devenez pas vieux avant l’âge en vivotant blasés. Je souhaite que vous ayez autour de vous des adultes qui vous aiment vraiment et qui soient capables de vous résister parfois pour que vous puissiez devenir forts et aimants à votre tour. C’est vous-mêmes qui allez réussir votre vie, pas nous. Ayez un peu d’audace pour sortir des formatages convenus en essayant de progresser, pas à pas, jour après jour. Ne restez pas seuls.

Apprenez à faire équipe et que nous puissions vous accompagner pour vous aider à faire équipe. Il faut penser juste. Il faut vouloir juste. Il faut agir juste. Ayez le goût de ce qui est beau, de ce qui est bon, de ce qui est vrai. Soyez toujours en recherche sinon vous ne trouverez jamais. Maîtrisez les langues, les technologies qui évoluent très vite, le numérique. N’en devenez pas les esclaves. Développez l’humain avec le respect des conditions de la vie pour tous : la qualité de l’air, de l’eau, pouvoir se nourrir sainement, se loger dignement, fonder une famille, trouver sa vocation, pouvoir se déplacer, aller et venir dans le respect des consciences avec l’exercice de la liberté et de la responsabilité. Ici à La Réunion. Et allez voir ailleurs aussi.

Devenez des Réunionnais du monde, des citoyens du monde. Puis, revenez-nous si vous le pouvez pour nous enrichir de votre formation, de vos expériences et développez ce pays qui compte tellement sur vous et pour vous. Je vous en prie, n’ayez pas peur de prendre sur vous pour vous engager dans ce que vous pourrez dire ou faire. Devenez des hommes et des femmes d’engagement. Partout où vous serez, ménagez-vous des temps de silence pour la respiration de la prière, de l’élévation spirituelle avec les autres. Cela donne du souffle et du courage. Et si l’on vous méprise, continuez et aimez quand même, toujours, jusqu’au bout de l’amour. L’amour vaincra et tu donneras fidélité à l’amour. Tu trouveras le chemin de ton amour.

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Chers amis, ce que je souhaite, c’est que la vie danse en vous, que notre peuple soit un peuple de fierté. Comme disait le Père René Payet « non pas un peuple qui attend mais qui prétend ». Qui prétend construire avec l’aide du Ressuscité. Belle fête de l’Ascension !

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                                                                                  Monseigneur Gilbert AUBRY