Ouverture de la Porte de la Miséricorde, le 13 décembre 2015, Cathédrale de Saint-Denis
Souvent, quand nous voulons avancer dans la vie, nous sommes comme devant un mur. Impossible. La société, l’Humanité s’enferment à l’intérieur de leurs murailles d’égoïsme, d’orgueil, de suffisance, de conflits, de haines, de guerres. Dans beaucoup de domaines, l’Humanité n’en fait qu’à sa tête et, même, renie Dieu. Pourtant, avec l’incarnation de son Verbe en Marie, Dieu s’est situé délibérément du côté de l’Homme, du côté des hommes. Le Verbe par qui Dieu Notre Père a tout créé, le Verbe par qui tout existe maintenant, le Verbe de vie s’est fait chair. Saint Jean a contemplé ce mystère en contemplant Jésus. Jean a entendu Jésus ; il l’a vu de ses yeux, il l’a touché. Jean proclame la vie éternelle, il veut nous faire cheminer à la suite de Celui qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6).
Jésus-Verbe-de-Vie nous conduit à Dieu Notre Père et à nos frères en même temps. Dieu, en Jésus-Christ, se situe du côté des hommes. Il prend parti pour leur bonheur. Ceux-ci vont le tuer et enfermer son corps dans un tombeau. Mais les murailles de la mort et de l’inhumanité ont explosé avec l’humanité glorifiée de Jésus au cœur du Père, au souffle de l’Esprit qui renouvelle la face de la terre et veut renouveler le cœur des hommes. L’échange réciproque d’amour entre le Père et le Fils rayonne un seul et même Esprit. La relation d’amour est donc rétablie par le Verbe-fait-chair, Jésus-Christ, entre Dieu et l’homme, entre l’homme et Dieu, entre tous les hommes, entre tous les hommes et la Création, entre le monde visible et invisible.
Le cœur de Jésus, son saint cœur transpercé par la lance, son sacré-cœur, devient la référence de toute relation à réussir entre les hommes, entre les hommes et Dieu, entre les hommes et la création. Avoir le regard du cœur, sentir avec le cœur, agir avec le cœur. Jésus a le visage lacéré par les coups, il a le cœur déchiré jusqu’au bout de l’amour. Il manifeste ainsi la miséricorde infinie du Père pour ses enfants qui ont besoin de retrouver le chemin du bonheur. Jésus donne l’exemple du jusqu’au bout de l’Amour parce qu’il est fidèle à la mission de révéler le Père et qu’Il donne l’Esprit qui renouvelle les relations humaines, à tous les niveaux. Après la rencontre avec la personne de Jésus crucifié et ressuscité et Verbe de Vie depuis toujours et à toujours, rien ne peut plus être comme avant : « Par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout Puissant, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles » (Canon de la messe).
La Puissance et la Gloire, cela ne se voit pas. On pourrait même se moquer de nous et nous combattre : « Où est votre Dieu ? » La Puissance et la Gloire sont encore cachées et attendent le moment d’être manifestées à nos yeux et à toute l’humanité. Mais, dans la foi, nous pouvons proclamer que la Puissance, l’Honneur et le Gloire sont réellement dans la patience de Dieu qui se soumet au temps, qui prend le temps de nous laisser le temps de la conversion. Il n’est pas en retard. Il n’est pas dépassé. Il nous dit que c’est le moment favorable pour que Lui prenne toute la place en chacun de nous. Que ce soit Lui qui vive en chacun de nous, en nous tous et entre nous tous ! Avec le cœur de Jésus uni substantiellement au Verbe de Vie et à nos cœurs, toutes nos relations humaines peuvent s’humaniser de miséricorde à l’Infini. Dieu ne fait plus peur. Il aime. N’ayons pas peur. Dieu se coule dans notre faiblesse, nos faiblesses, pour ne pas forcer notre liberté. Le Tout Puissant manifeste sa plus grande force quand il se rend faible en moi pour me fortifier en Lui. Il me fait confiance pour que je trouve une juste confiance en moi, dans les autres, dans la communion des saints. Nos relations quotidiennes sont appelées à être des relations de miséricorde.
Le Verbe-fait-chair, Jésus crucifié-ressuscité est vraiment « le visage de la miséricorde » qui prend sur Lui toutes nos croix et les transfigure dans sa croix glorieuse. Jésus-en-nous peut être la réponse parfaite à l’amour du Père pour nous et aux besoins de nos frères autour de nous. Accueillir, écouter, comprendre, être compris, changer nos mentalités, ne pas juger les personnes tout en constatant des faits et en pouvant les partager, encore écouter, apprendre à dire, essayer de faire bouger les choses ensemble, s’encourager, demander pardon, accepter le pardon, recommencer à être ensemble, vivre ensemble, mieux vivre ensemble. Avec Jésus miséricordieux, c’est possible. « Heureux les Miséricordieux, ils obtiendront miséricorde ! » (Mt 5,7) Les œuvres de miséricorde deviennent possibles.
Jésus est le Seul Prêtre, le seul grand Prêtre capable de compatir à nos faiblesses et à celles de l’Humanité (cf. Heb 4, 14-16). Il nous faut donc nous approprier sa victoire sur le péché, sur le Mal et sur la Mort. Par sa résurrection et le don de l’Esprit, Jésus le Verbe de vie fait chair fait exploser les murailles d’enfermement, il fait une brèche dans un mur de désespoir. Il se tient debout au milieu de la brèche, les bras en croix dans la lumière, pour empêcher que les pans de murs ne s’écroulent sur ceux qui veulent être sauvés. En quelque sorte, il nous dit : « Passez ! Je suis la porte, il n’y a plus de voleurs, de brigands, de mercenaires, je suis là avec vous jusqu’à la fin des temps… »
Et il est impossible pour nous de nous mettre à la suite de Jésus, de le suivre si nous ne portons pas notre croix chaque jour avec Lui, ne pas avoir honte de Lui. Comme Marie, il nous faut être debout au pied de sa croix. Notre monde déchiré aspire à un salut inavoué mais peut être secrètement attendu : notre monde travaillé par la miséricorde de Dieu est en gestation des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Nous sommes dans les douleurs de l’enfantement par la croix qui lui transperce le cœur et qui en même temps nous délivre à la vie. La mère de la miséricorde est une perle unique et resplendissante de la miséricorde se déversant sur les Temps nouveaux. Marie est la Nouvelle Eve d’une nouvelle genèse. Elle est disciple du jusqu’au bout de l’Amour dans une souffrance d’amour.
Déchirement d’un cœur de mère ! Elle a entendu son Fils intercéder pour tous les pécheurs, tous les larrons, tous les malfrats. « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Comment LA MERE oublierait-elle cette promesse de salut dans sa mission de nous prendre pour ses enfants en prenant saint Jean pour son fils ? « « Voici ton fils » ! Alors, comme le disciple bien-aimé, prenons Marie chez nous. Avec Marie contemplons « le visage de la Miséricorde » en contemplant le visage du « Verbe fait chair », du « crucifié – ressuscité ». Il nous offre la miséricorde à l’infini de son amour.