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Porté par la ferveur ou luttant contre l’inertie (P. Matta el-Maskîne)…

Quand l’homme est fervent, embrasé par l’Esprit, la prière de méditation lui devient facile, spontanée, sans besoin d’effort de concentration ou de sentiments forcés ; on l’appelle dans ce cas, la prière simple ou spontanée ; elle est confidence intime, chaleureuse et aimante de l’âme à son créateur, de ce qu’elle ressent intérieurement, que ce soit pour le glorifier pour ses œuvres, ses qualités, sa sagesse, ou le remercier pour sa miséricorde et son immense et discrète sollicitude. L’âme peut alors s’embraser durant cette méditation silencieuse, ne plus supporter de se taire et commencer à prier avec les mots qui partent sans frein, exprimant l’amour, l’adoration et la soumission comme l’enfant exprime avec ses faibles mots ses immenses sentiments ; le cœur est alors ouvert devant Dieu, sentant tout ce que remue en lui l’indicible toucher de la main divine.

Mais si l’homme veut entrer en méditation sans avoir une ardeur préalable qui l’incite d’emblée à la prière du cœur, il a besoin d’un certain effort intérieur et d’une concentration mentale qui permettent à l’âme de vaincre son inertie, et à l’intellect de se libérer de ses préoccupations extérieures, pour entrer dans une lecture spirituelle consciente qui l’élève au niveau de la prière. Il est alors appelé à se secouer intérieurement, et la conscience doit s’opposer volontairement à toutes les préoccupations psychologiques et mentales qui l’ont portée à se dessécher et à négliger l’adoration, la prière et le contact avec Dieu.

L’effort de la conscience s’appuie sur l’amour pour vaincre l’inertie et les préoccupations extérieures. L’homme qui avance volontairement et de tout cœur vers l’amour de Dieu, même s’il s’y contraint au début, sent soudain l’amour divin l’envahir, car l’action divine épaule toujours l’effort humain et s’unit finalement à lui.

La volonté doit donc rester active et patiente, attendant qu’arrive la force divine, qui l’envahira de chaleur spirituelle, pour que la personne puisse enfin s’élancer vers les profondeurs et commencer sa prière et sa méditation dans l’aisance et la joie.

Cette démarche de l’esprit durant la lecture spirituelle conduit l’homme de la sécheresse intérieure et de la préoccupation mentale pour les choses de ce monde, à la concentration intérieure, à l’ardeur spirituelle et à la prière. Elle est considérée, en vérité, comme la démarche spirituelle la plus importante et la plus délicate de toute vie de prière, la seule porte qui ouvre sur les secrets de la vie spirituelle, la première marche de l’échelle céleste qui relie l’âme à son Créateur.

Dans ces instants-là, l’homme peut rencontrer une certaine résistance de l’âme, alors dispersée dans des soucis et des préoccupations multiples qui n’ont ni valeur ni sens ; il peut affronter aussi la rouerie d’un intellect passant d’une représentation à une autre, d’une pensée à une autre, distrait par des sujets tout à fait insignifiants. Alors, c’est à la volonté, armée d’une intention intérieure sincère, de maintenir le cap avec ténacité, accrochée à l’amour, polarisée sur le Visage du Christ, dans l’attente et la supplication, jusqu’à ce que la grâce divine la retrouve, la libère et lui rende amour pour amour.

P. Matta el-Maskîne, « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »