Père Daniel WOILLEZ
Le mal existe. Il fait scandale.
Qu’il soit provoqué par des cataclysmes naturels ou par les hommes, surtout quand il frappe des innocents, le mal suscite toujours étonnement et indignation.
A qui la faute ?
Dieu est-il responsable du mal ?
C’est dans la révélation que le chrétien puise les assurances, en mesure d’apporter la réponse à ce scandale du mal. Cette réponse, il faut la chercher dans la foi au mystère du Christ, Fils de Dieu, victime innocente sur la croix, du péché des hommes.
1- PRESENCE DU MAL
Place que tient la souffrance dans toute vie humaine. (CEC 1500-1501)
1500 La maladie et la souffrance ont toujours été parmi les problèmes les plus graves qui éprouvent la vie humaine. Dans la maladie, l’homme fait l’expérience de son impuissance, de ses limites et de sa finitude. Toute maladie peut nous faire entrevoir la mort.
1501 La maladie peut conduire à l’angoisse, au repliement sur soi, parfois même au désespoir et à la révolte contre Dieu. Elle peut aussi rendre la personne plus mûre, l’aider à discerner dans sa vie ce qui n’est pas essentiel pour se tourner vers ce qui l’est. Très souvent, la maladie provoque une recherche de Dieu, un retour à Lui.
C’est une évidence : le mal existe. D’où vient-il ? CEC.385.
385 Dieu est infiniment bon et toutes ses oeuvres sont bonnes. Cependant, personne n’échappe à l’expérience de la souffrance, des maux dans la nature – qui apparaissent comme liés aux limites propres des créatures –, et surtout à la question du mal moral. D’où vient le mal ?
Il est une question pressante et inévitable. CEC.309. Dieu n’a pas créé le mal.
309 Si Dieu le Père Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et bon, prend soin de toutes ses créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? A cette question aussi pressante qu’inévitable, aussi douloureuse que mystérieuse, aucune réponse rapide ne saura suffire. C’est l’ensemble de la foi chrétienne qui constitue la réponse à cette question : la bonté de la création, le drame du péché, l’amour patient de Dieu qui vient au devant de l’homme par ses alliances, par l’Incarnation rédemptrice de son Fils, par le don de l’Esprit, par le rassemblement de l’Église, par la force des sacrements, par l’appel à une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont invitées d’avance à consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi d’avance, par un mystère terrible, se dérober. Il n’y a pas un trait du message chrétien qui ne soit pour une part une réponse à la question du mal.
La foi peut être mise à l’épreuve. Dieu semble absent. CEC.272.
272 La foi en Dieu le Père Tout-Puissant peut-être mise à l’épreuve par l’expérience du mal et de la souffrance. Parfois Dieu peut sembler absent et incapable d’empêcher le mal. Or, Dieu le Père a révélé sa Toute-Puissance de la façon la plus mystérieuse dans l’abaissement volontaire et dans la Résurrection de son Fils, par lesquels Il a vaincu le mal. Ainsi, le Christ crucifié est » puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Co 1, 24-25). C’est dans la Résurrection et dans l’exaltation du Christ que le Père a » déployé la vigueur de sa force » et manifesté » quelle extraordinaire grandeur revêt sa puissance pour nous les croyants » (Ep 1, 19-22).
Il n’y a pas de réponse rapide à cette question. Elle concerne l’ensemble de la foi. CEC 272.
Distinguer :
Le mal physique qui tient au devenir d’une création en marche vers sa perfection. CEC.310.302.
310 Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé un monde aussi parfait qu’aucun mal ne puisse y exister ? Selon sa puissance infinie, Dieu pourrait toujours créer quelque chose de meilleur. Cependant dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu a voulu librement créer un monde » en état de voie » vers sa perfection ultime. Ce devenir comporte, dans le dessein de Dieu, avec l’apparition de certains êtres, la disparition d’autres, avec le plus parfait aussi le moins parfait, avec les constructions de la nature, aussi les destructions. Avec le bien physique existe donc aussi le mal physique, aussi longtemps que la création n’a pas atteint sa perfection.
Il faut se rappeler que le Père veut partager sa vie de créateur en faisant de l’homme le gérant de la création avec laquelle il va progresser jusqu’à sa perfection.
Avec l’intelligence que Dieu lui a donnée, l’homme découvre, notamment par la science, les lois de la nature pour la maitriser et ne plus en être la victime.
En ce sens, on peut constater que les progrès scientifiques contribuent à améliorer la condition humaine : santé, longévité, maitrise des éléments, etc…
N.B. A la condition de découvrir aussi le sens de ces lois de la nature, pour ne pas mal les utiliser.
Le mal moral qui tient au péché et qui est plus grave. CEC.311.
311 Les anges et les hommes, créatures intelligentes et libres, doivent cheminer vers leur destinée ultime par choix libre et amour de préférence. Ils peuvent donc se dévoyer. En fait, ils ont péché. C’est ainsi que le mal moral est entré dans le monde, sans commune mesure plus grave que le mal physique. Dieu n’est en aucune façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral. Il le permet cependant, respectant la liberté de sa créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien :
Le mal est présent dans l’histoire de l’homme (CEC.386)
Depuis les origines. (CEC.388)
C’est à partir de Jésus, le deuxième Adam, que Paul parle du premier Adam de la Bible.
Le péché est universel. CEC.401
Caïn sur Abel (cf. Gn 4, 3-15) ; la corruption universelle à la suite du péché (cf. Gn 6, 5. 12 ; Rm 1, 18-32) ; Après la Rédemption du Christ aussi, parmi les chrétiens, le péché se manifeste de nombreuses manières (cf. 1 Co 1-6 ; Ap 2-3). L’Écriture et la Tradition de l’Église ne cessent de rappeler la présence et l’universalité du péché dans l’histoire de l’homme :
Ce que la révélation divine nous découvre, notre propre expérience le confirme. Comme dit Saint Paul, «Je ne fais pas le bien que je voudrais faire et je fais le mal que je ne voudrais pas faire.»
C’est la parabole de l’ivraie et du bon grain dans un même champ.
Et le Concile Vatican II ajoute : « Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son coeur, se découvre également enclin au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création (Vatican II, GS 13, § 1).
A cette présence universelle du mal et du péché, on a cru pouvoir donner une explication en ayant recours à la dualité de deux principes qui s’opposent depuis le commencement : le Bien et le Mal ; La Lumière et les Ténèbres.
Un tel dualisme est incompatible avec la foi. Au Dieu créateur de l’univers. CEC 286.
Il n’y a pas un dieu du mal et un dieu du bien. CEC 394.
394 « L’Écriture atteste l’influence néfaste de celui que Jésus appelle » l’homicide dès l’origine »
(Jn 8, 44), et qui a même tenté de détourner Jésus de la mission reçue du Père (cf. Mt 4, 1-11). » C’est pour détruire les oeuvres du diable que le Fils de Dieu est apparu » (1 Jn 3, 8). La plus grave en conséquences de ces oeuvres a été la séduction mensongère qui a induit l’homme à désobéir à Dieu. »
Le mal attire et apparaît comme un bien, un bonheur.
Le démon ne saurait être mis en parallèle avec la souveraineté du Créateur. CEC.395. 2851.
2- UNE CREATION A LA FOIS INACHEVEE ET BLESSEE.
Ne pas mettre en doute la Toute Puissance de Dieu. Sur l’existence des créatures. CEC.271.272.
La création n’est pas sortie toute achevée des mains du Créateur. CEC.302.
302 La création a sa bonté et sa perfection propres, mais elle n’est pas sortie tout achevée des mains du Créateur. Elle est créée dans un état de cheminement ( » in statu viæ « ) vers une perfection ultime encore à atteindre, à laquelle Dieu l’a destinée. Nous appelons divine providence les dispositions par lesquelles Dieu conduit sa création vers cette perfection :
Dieu garde et gouverne par sa providence tout ce qu’Il a créé, » atteignant avec force d’une extrémité à l’autre et disposant tout avec douceur » (Sg 8, 1). Car » toutes choses sont à nu et à découvert devant ses yeux » (He 4, 13), même celles que l’action libre des créatures produira (Cc. Vatican I : DS 3003).
Dieu a confié aux hommes la responsabilité de se soumettre la terre et de la dominer. CEC.307. 373.
307 « Aux hommes, Dieu accorde même de pouvoir participer librement à sa providence en leur confiant la responsabilité de » soumettre » la terre et de la dominer (cf. Gn 1, 26-28). Dieu donne ainsi aux hommes d’être causes intelligentes et libres pour compléter l’oeuvre de la Création, en parfaire l’harmonie pour leur bien et celui de leurs prochains. Coopérateurs souvent inconscients de la volonté divine, les hommes peuvent entrer délibérément dans le plan divin, par leurs actions, par leurs prières, mais aussi par leurs souffrances (cf. Col 1, 24). Ils deviennent alors pleinement » collaborateurs de Dieu » (1 Co 3, 9 ; 1 Th 3, 2) et de son Royaume (cf. Col 4, 11). »
373 « Dans le dessein de Dieu, l’homme et la femme ont la vocation de « soumettre » la terre (cf. Gn 1, 28) comme » intendants » de Dieu. Cette souveraineté ne doit pas être une domination arbitraire et destructrice. A l’image du Créateur » qui aime tout ce qui existe » (Sg 11, 24), l’homme et la femme sont appelés à participer à la Providence divine envers les autres créatures. De là, leur responsabilité pour le monde que Dieu leur a confié. »
Dieu communique sa vie à l’homme et c’est pourquoi ce dernier partage la vie du Créateur en gérant le monde de plus en plus.
Il y a une seigneurie de l’homme sur la création qui légitime la science et la technique. CEC.2293.2294.
2293 « La recherche scientifique de base comme la recherche appliquée constituent une expression significative de la seigneurie de l’homme sur la création. La science et la technique sont de précieuses ressources quand elles sont mises au service de l’homme et en promeuvent le développement intégral au bénéfice de tous ; elles ne peuvent cependant indiquer à elles seules le sens de l’existence et du progrès humain. La science et la technique sont ordonnées à l’homme, dont elles tirent origine et accroissement ; elles trouvent donc dans la personne et ses valeurs morales l’indication de leur finalité et la conscience de leurs limites.
2294 « Il est illusoire de revendiquer la neutralité morale de la recherche scientifique et de ses applications. D’autre part, les critères d’orientation ne peuvent être déduits ni de la simple efficacité technique, ni de l’utilité qui peut en découler pour les uns au détriment des autres, ni pis encore, des idéologies dominantes. La science et la technique requièrent de par leur signification intrinsèque le respect inconditionné des critères fondamentaux de la moralité ; elles doivent être au service de la personne humaine, de ses droits inaliénables, de son bien véritable et intégral, conformément au projet et à la volonté de Dieu. »
Cf. L’encyclique « L’amour en vérité » de Benoit XVI.
Ne pas mettre notre mauvaise gestion du monde sur le créateur.
Dieu donne à ses créatures d’exister et la dignité d’agir elles-mêmes. CEC.306
306. Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d’exister, il leur donne aussi la dignité d’agir elles-mêmes, d’être causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à l’accomplissement de son dessein.
Les créatures doivent cheminer vers leur destinée par choix libre. CEC.311
311 Les anges et les hommes, créatures intelligentes et libres, doivent cheminer vers leur destinée ultime par choix libre et amour de préférence. Ils peuvent donc se dévoyer. En fait, ils ont péché. C’est ainsi que le mal moral est entré dans le monde, sans commune mesure plus grave que le mal physique. Dieu n’est en aucune façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral (cf. S. Augustin, lib. 1, 1, 1 : PL 32, 1221-1223 ; S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 79, 1). Il le permet cependant, respectant la liberté de sa créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien :
La liberté implique pour l’homme la possibilité de choisir entre le bien et le mal. CEC.1730-1732.
1730 Dieu a créé l’homme raisonnable en lui conférant la dignité d’une personne douée de l’initiative et de la maîtrise de ses actes. » Dieu a ‘laissé l’homme à son propre conseil’ (Si 15, 14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à Lui, parvenir à la pleine et bienheureuse perfection » (GS 17) :
L’homme est raisonnable, et par là semblable à Dieu, créé libre et maître de ses actes (S. Irénée, hær. 4, 4, 3).
1731 La liberté est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Par le libre arbitre (=jugement et choix), chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude.
1732 Tant qu’elle ne s’est pas fixée définitivement dans son bien ultime qu’est Dieu, la liberté implique la possibilité de choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en perfection ou de défaillir et de pécher. Elle caractérise les actes proprement humains.
Devenant « esclave du péché » (CEC.1733) l’homme peut faire échec à Dieu.
1733 Plus on fait le bien, plus on devient libre. Il n’y a de liberté vraie qu’au service du bien et de la justice. Le choix de la désobéissance et du mal est un abus de la liberté et conduit à « l’esclavage du péché » (cf. Rm 6, 17).
Se pose alors le problème de l’ENFER.
Brièvement, on peut dire deux choses :
1°) L’enfer, dont le Christ a parlé souvent, existe.
Si on dit qu’’il n’existe pas, cela devient une négation de notre liberté humaine, puisque nous serions sauvés même si nous ne le voulons pas.
2°) On ne peut pas dire qu’il y a quelqu’un en enfer.
Le salut apporté par le Christ est universel. Comme nous le verrons ultérieurement, il a été envoyé par son Père pour sauver l’humanité tout entière, et il n’a pas raté sa mission. Ne pas lire l’enseignement de Jésus sur l’enfer comme une description mais comme un enseignement pédagogique pour avertir des graves répercussions que peuvent avoir nos actions mauvaises.
Par ailleurs l’Eglise n’exclut personne de sa prière, ce qui serait le cas si elle considérait certains en enfer. Elle a la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle du salut universel par un amour gratuit de Dieu.
Dieu respecte la liberté. Il n’est, ni directement ni indirectement la cause du mal moral, dont il se rend vainqueur.. CEC.387. 311.