QUADRAT, ARISTIDE ET ATHENAGORE :
LES APOLOGISTES ATHENIENS
Au IIème siècle, un nouveau type de littérature chrétienne apparaît, l’apologétique, destiné à défendre la foi dans le Christ face au phénomène de persécution de plus en plus accru. Ce genre littéraire, fondé sur l’exercice de la rhétorique, marque un premier virage de l’écriture patristique hors du cadre judaïque ayant vu naître l’enseignement de Jésus, de ses disciples et de Paul de Tarse. C’est en Grèce Attique, et plus particulièrement à Athènes, berceau probable de l’Evangile de Luc, que les premières figures d’apologistes vont se manifester, notamment à travers trois personnages importants : Quadrat, Aristide et (plus tard) Athénagore.
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Quadrat, épiscope d’Athènes et certainement membre des soixante-dix disciples (d’après les listes transmises), a adressé un écrit aujourd’hui perdu à l’Empereur Hadrien (vers 124-125). On ne sait quasiment rien de cette œuvre si ce n’est un unique fragment transmis par Eusèbe de Césarée dans son Histoire Ecclésiastique ; cette précieuse citation atteste aux yeux de l’Empire le témoignage vivant des contemporains de Jésus dont certains seraient encore en vie à l’époque de Quadrat.
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Aristide (mort dans les années 130) est contemporain de Quadrat. Philosophe athénien converti au Christianisme, il est l’un des premiers à prendre par écrit la défense de sa foi afin de faire cesser les persécutions, lors de la visite d’Hadrien à Athènes en 125. Œuvre d’abord perdue et citée pour la dernière fois au IXème siècle (Martyrologe d’Adon de Vienne), l’Apologie d’Aristide a été redécouverte en syriaque au Monastère Sainte-Catherine du Sinaï (1889), après la mise au jour en 1878 d’un fragment arménien. Des parcelles de l’original grec seront mises au jour sur papyrus à Oxyrhynchos (Egypte). L’ouvrage témoigne de la grande fraîcheur d’esprit de son auteur et insiste particulièrement sur la fraternité manifestée par les Chrétiens (face aux « Barbares, Grecs et Juifs », les autres catégories de croyances selon Aristide).
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Athénagore nous permet de faire un bond dans le temps. Né dans les années 130 et décédé vers 190, nous savons peu de choses le concernant, sinon qu’il fut philosophe. Il rédigea deux ouvrages – la Supplique au sujet des Chrétiens (destinée à l’Empereur Marc-Aurèle vers 177) et le traité Sur la Résurrection des morts – témoignant d’une grande érudition et d’une maîtrise des concepts philosophiques au service de la foi chrétienne. Athénagore sera le premier auteur à réaliser une démonstration rationnelle de la réalité du Christ afin de mieux dénoncer les calomnies dont sont victimes les Chrétiens ; par ailleurs, dans son second ouvrage, il va s’attacher à souligner que la résurrection est nécessaire pour expliquer la finalité de l’Homme dans le dessein de Dieu.
Lectures pouvant paraître ardues, les apologistes témoignent en réalité de la première immersion de la foi chrétienne en monde grec, selon les catégories de la pensée grecque, afin de défendre la validité et la légitimité de la foi chrétienne au sein de l’humanité entière. Ce sont des écrits d’une incroyable actualité.
Bibliographie élémentaire
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EUSEBE DE CESAREE, Histoire Ecclésiastique T. I, G. Bardy (éd. et trad.), Paris, Cerf, 1978, pp. 162-163.
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ARISTIDE, Apologie, B. Pouderon et M.-J. Pierre (éd. et trad.), Paris, Cerf, 2003.
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ATHENAGORE, Supplique au sujet des chrétiens et Sur la résurrection des morts, B. Pouderon (éd. et trad.), Paris, Cerf, 1992.
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.E. NORELLI – C. MORESCHINI, Histoire de la littérature chrétienne ancienne grecque et latine. I, Labor et Fides, Genève, 2000, pp. 239-240 et 249-251.