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« C’est Lui qui m’as aimé le premier alors que je n’avais rien fait pour mériter son amour » (Jacques Fesch)…

Jacques Fesch est né le 6 avril 1930 dans une famille bourgeoise à St Germain en Laye. Son adolescence et sa jeunesse sont très désordonnées… Il a le projet de faire le tour du monde en bateau mais il sait que son père refusera de lui donner l’argent nécessaire. Il décide alors de braquer un marchand d’or mais l’agression tourne mal. En fuite, paniqué, ayant perdu ses verres de contact, il tire au jugé à travers la poche de son imperméable vers un policier et le tue d’une balle en plein cœur. Nous sommes le 25 février 1954. Rattrapé, emprisonné, jugé, il sera guillotiné trois ans plus tard le 1° octobre 1957. Mais il va rencontrer le Christ en prison, et son témoignage, paru dans le livre « Dans cinq heures, je verrai Jésus » est d’une incroyable beauté. En voici quelques extraits en lien avec cette démarche de conversion à laquelle nous sommes tous invités pendant ce temps de carême…

 

« Oui, c’est lui qui m’a aimé le premier alors que je n’avais rien fait pour mériter son amour…

J’essayais de croire par la raison, sans prier ou si peu ! Et puis, au bout d’un an de détention, il m’est arrivé une douleur affective très forte qui m’a fait beaucoup souffrir et brutalement, en quelques heures, j’ai possédé la Foi, une certitude absolue. J’ai cru et ne comprenais plus comment je faisais pour ne pas croire. La grâce m’a visité, une grande joie s’est emparée de moi et surtout une grande paix. Tout est devenu clair en quelques instants. C’était une joie sensible très forte que j’ai peut-être trop tendance à rechercher maintenant alors que l’essentiel n’est pas l’émotion, mais la foi »…

« Je sens maintenant une nouvelle force en moi, une certitude absolue que mon seul salut et devoir est de me donner entièrement à son Amour. Mais j’y arrive encore bien mal ; il est dur de se désengluer de tous ses vices »…

« Voici que Dieu est maintenant le seul qui compte. Il est au centre du monde… Il m’envahit tout entier et ma pensée ne peut plus éviter Sa rencontre. Une main puissante m’a retourné. Où est-elle, que m’a-t-elle fait ? Je ne sais, car son action n’est pas comme celle des hommes, elle est insaisissable et elle est efficace ; elle me contraint et je suis libre, elle transforme mon être et je n’ai pourtant pas cessé de devenir ce que je suis. Puis la lutte est venue, silencieusement tragique entre ce que je fus et ce que je suis devenu. Car la créature nouvelle qui a été greffée en moi implore de moi une réponse à laquelle je reste libre de me refuser. J’ai reçu le principe, il me faut passer aux conséquences. Mon regard a changé, mais mes habitudes de pensée et de conduite n’ont pas changé : Dieu les a laissées là où elles étaient. Il me faut abattre, adapter, reconstruire les installations intérieures et je ne puis être en paix que si j’accepte cette guerre. Je suis moi-même émerveillé et étonné du changement que la grâce a opéré en moi. Comme le dit Claudel, « l’état d’un homme qu’on arracherait d’un seul coup de sa peau pour le planter dans un corps étranger, au milieu d’un monde inconnu », est la seule comparaison que je puisse trouver pour exprimer cet état de désarroi complet. J’ai trouvé la paix, mais en même temps la lutte, lutte perpétuelle qui me fait progresser et plus je progresse, plus je m’aperçois de ma misère et du chemin infini qu’il me reste à parcourir. Si je reste stationnaire, je redescends. Dans cette expérience principale qui vient de bouleverser ma vie, je découvre pour finir une exigence permanente de réforme spirituelle. La conversion engendre un esprit, et cet esprit m’apprend que la religion n’est pas le confort, mais qu’elle sera toujours en un sens une conversion. Mais Dieu est là ; en Lui, j’ai la force d’apercevoir et d’accomplir ce que je dois être, à son image. Il associe ma prière à Sa volonté. La vocation qu’il me donne suscite une invocation que je lui adresse ».