29 avril : Fête de Sainte Catherine de SIENNE – Noéline FOURNIER

        Vingt-cinquième et dernière enfant d’un couple de commerçants, dans la ville  de  Sienne en Italie, Catherine, née en 1347, a une sœur jumelle, Giovanna, morte prématurément.

 

Elle chérira même un frère adoptif, Tommaso della Fonte, futur dominicain. On ne peut dire mieux, comme famille nombreuse.

 

    Cette « fille prodige » connaît une enfance merveilleusement précoce, toute baignée de surnaturel : première vision à l’âge de sept ans ; consécration à Dieu à huit ans.

            De sa vingtième année jusqu’à sa mort, à trente trois ans (pendant 13 ans), des foules d’admirateurs l’acclament. Les moqueurs disaient : « Voici venir la reine de Fontebranda avec ses encatherinés ! »

            Voici ce qu’elle nous dit : « Mes chers fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, servante des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris avec le désir de vous voir obéissants jusqu’à la mort, à l’exemple de l’Agneau sans tâche qui obéit à son Père jusqu’à l’ignominieuse mort sur la croix.  Songez qu’il est le chemin et la règle que vous devez suivre ».

            Jésus parle à son Père en lui disant : « Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’a révélé aux tout-petits » (Lc 10,21). Catherine était quasi illettrée (elle ne parle ni latin ni français, mais seulement le toscan des basses classes) et pourtant elle sera l’unique « Docteur » du XIVième siècle. De l’avis des savants, si extraordinaire que ce soit, Catherine pourrait arborer une médaille d’or assez glorieuse : « probablement, malgré sa courte vie, c’est la femme qui exerça le plus d’influence visible sur l’Église ».

            « Venez à moi !… » dit Jésus.

            Stigmatisée (marquée des cinq plaies de la Passion) en 1375, à Pise, la « souffrante » obtient du Seigneur que, sur son corps, les points douloureux restent invisibles. Et elle ne révèle tout ceci qu’à son confesseur…

                        En 1354, la fillette qui a tout juste l’âge de raison raconte naïvement à sa mère une vision dont elle vient d’être favorisée :

            « Notre Seigneur, coiffé d’une tiare, m’est apparu, au sommet de l’Église des Dominicains de SIENNE. Qu’il était beau, entouré des apôtres Pierre, Paul et Jean ! »

 –   « Et t’a-t-il parlé », interroge la maman. – « Non pas, il m’a fait signe de venir à sa suite… » La maman s’interroge : « Ma dernière-née serait-elle une manipulatrice ? »

            A sept ans, la petite s’engage par vœu de virginité. Est-ce concevable ?

            De plus la jeune demoiselle fait part de sa vocation aussi précise que précoce : « Je voudrais devenir Dominicaine pour prêcher la religion et convertir les hérétiques ». L’entourage passe outre, mais interroge avec un brin d’anxiété : « Jusqu’où vont nous conduire les pieuses folies de notre petite sœur ? ».

            Lorsque sa fille atteint ses douze ans (1359), la maman décide d’en finir avec les extravagances : « On va marier Catherine et les pieusetés ridicules cesseront ».

           Le lancement de la petite dans le monde sera réalisé par sa sœur préférée, Bonaventura. Cette dernière conduit sa cadette au bal  après l’avoir parée de bijoux et revêtue d’une belle toilette. Bientôt cependant, la pieuse Catherine se reprend et, conseillée par Tommaso della Fonte devenu prêtre, elle se coupe les cheveux et elle se coiffe d’un voile blanc.

            La mère entend briser cette résistance passive. Ella arrache le voile symbolique et déclare à la récalcitrante : « Tes cheveux repousseront, têtue, et tu auras un mari ! »

            Dans la ligne de son projet matrimonial, la maman veille au grain, voulant étouffer dans l’œuf toute tentative de révolte. Bientôt, la benjamine se trouve réduite au rôle de servante domestique. « De la sorte, du moins, tu sers ta famille au lieu de rêver. »

Le rêve de Catherine, la future « Mantellata » 

            Le mot italien « Mantellate » (porteuse de « mantello », de manteau) désigne une Communauté de Religieuse Siennoises du tiers Ordre Dominicain. On les reconnaît à leur vêtement caractéristique : robe blanche, ceinture de cuir, voile blanc, manteau noir. Comment Catherine, persécutée par sa famille, rencontre-t-elle ces « pieuses dames », qui en principe, ne reçoivent que des veuves ?

Un beau matin de 1362, Catherine réunit les siens :

            « Venez tous, je vous prie. J’ai une importante communication à vous faire. »

            Le cercle familial se trouve bientôt au grand complet, quelque peu inquiet de cette convocation insolite. C’est alors que la jeune fille de quinze ans tient aux siens ce langage :

            « Cette nuit, Saint Dominique m’est apparu en songe. Dans l’habit noir et blanc qu’il me propose, je retrouve avec joie le vêtement des Mantellate  de notre petite ville. Pour obéir à ce rêve, je désire entrer dans cette Congrégation. »

            Au nom de tous, en sa qualité de chef de famille, le père fait connaître sa décision :

            « Cette inspiration de notre chère benjamine lui vient sûrement du Ciel. Que nul ne s’avise désormais de la contrarier. Elle intercèdera pour nous tous. Nous allons, dès demain, lui ménager en guise d’oratoire, une chambrette au-dessus de la cuisine. »

            Ainsi fût fait. L’année suivante, la Prieure de la Congrégation accueille la postulante, par privilège spécial, en ce tiers Ordre Dominicain réservé aux veuves. Qui l’eût pensé ?

            En ces conditions, sans quitter le monde, la jeune Catherine devient priante perpétuelle. Elle apprend à lire pour déchiffrer, péniblement, quelques ouvrages spirituels.

            Mais l’épreuve visite cette âme exceptionnelle puisque, autour des amis de Dieu, Satan rôde (1 P 5,8) : « Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le Diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi, sachant que c’est le même genre de souffrance que la communauté des frères répandus dans le monde, supporte. »

            Il tente la recluse par d’abominables images, si éprouvantes que la souffrante en gémit lamentablement. C’est de cette période que date le dialogue sublime, entre Catherine et Jésus, rapporté et commenté par tous les biographes, jusqu’au Père  Garrigou-Lagrange. Ecoutons plutôt :

            « Quand on souffre Jésus est là », nous dit-elle. 

            – Catherine : « Bon et très doux Jésus, où étiez-vous donc, tandis que mon âme subissait de tels tourments ? »

            – Jésus : « J’étais au fond de ton cœur. En effet, je ne m’éloigne jamais du cœur de mes amis. »

            – Catherine : « Quoi donc, Seigneur, vous étiez dans mon cœur, au milieu de toutes ces horreurs et visions impures ? »

            Jésus : « Ces horreurs, te causaient-elles joies ou peines ? »

            – Catherine : « Je les exécrais : elles me contristaient au tréfonds de l’être. »

            Jésus : « J’étais dans ton cœur de même que j’étais sur la croix, dans un état de souffrance et de bonheur. »

A partir de cet instant, Catherine va se donner totalement à Dieu, unie au Christ dans ces actions.

            D’abord, un apostolat provincial en pays Siennois, puis à travers toute la Toscane. En second lieu, une sorte de mission de pastorale familiale pédestre et collégiale. Enfin, la transformation de la Papauté obtenue par cette sublime ignorante qui ne sait que Dieu seul.

« La Foi », nous dit Catherine, « est la pupille de l’œil de l’intelligence : sa lumière fait discerner, connaître et suivre la voie et la doctrine du Verbe incarné. Sans cette pupille, la vision est impossible. L’âme ressemblerait alors à un homme qui aurait des yeux mais dont la pupille serait recouverte d’un voile. L’intelligence est l’œil de l’âme ; la pupille de cet œil, c’est la Foi. »

 « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Catherine exerce d’abord son rayonnement au milieu des siens. Attentive à l’environnement immédiat, elle s’occupe prioritairement de ses proches. Sa belle‑sœur, Lisa devient sa protégée. Elle soutient son frère Giacomo.

Quel magnifique exemple filial, admiré par beaucoup, le 22 août 1368 ! A cette date, Catherine, au chevet de son père alors sur son lit d’agonie, obtient pour lui une faveur insigne : « Le patriarche entrera directement au Ciel… ». Quand à sa maman, désormais admirative de la dernière-née, elle répètera jusqu’à son trépas, à 89 ans : « Catherine nous bénit et elle nous protège tous. » La Patronne de Sienne se montre secourable à tous, également au tiers ordre dont elle est membre. Pendant longtemps, elle secourt une consoeur mantellata, Andrée, qui meurt du cancer. Elle aide les miséreux, ramène les pécheurs à Dieu.

        Catherine et son clan spirituel

 Catherine devient chef de clan spirituel grâce à sa « belle brigade ». Il s’agit de « supporters » enthousiastes qui, sur les routes, à travers villes et village, forment un cortège coloré de missionnaires itinérants. Le groupe, constamment grossi par de nouveaux pèlerins, part de Sienne et rayonne à travers l’Italie et jusqu’en Provence. Autour de cette jeune inspirée qui préconise le réarmement moral, se rassemble une foule enthousiaste. En tête, s’avancent une vingtaine de « mantellate », reconnaissables à leur costume blanc et noir. Ensuite, viennent les fervents : hommes et femmes, religieux et laïcs, jeunes et vieux, répétant de pieuses litanies. Dans le cortège, le trio des Dominicains, confesseurs de l’héroïne : Tommaso della Fonte, Raymond de Capoue, Bartolomeo di Domenico. Les « trois secrétaires, recueillent, composent, retouchent le journal spirituel de Catherine.

            Lorsque s’éloigne le cortège, un spectateur bien renseigné précise pour ses voisins ébahis : « Savez-vous que ces gens méditatifs et priants, commentent ensemble la Bible et font un partage l’Évangile ? »

 Leur chef de file de vingt-cinq ans, ils l’appellent : « Dolcissima mamma »(très douce maman) ». Avec elle, ils scrutent les mystiques, ils dissertent à partir de la « Somme Théologique de Thomas d’Aquin… »

            Avec eux, les jaloux en sont pour leurs frais : médisances et calomnies ne sauraient atteindre Catherine, la très pure « mantellate ».

 

Conseillère des Papes.

Catherine est une femme fameuse ! Elle débarque dans ce 14° siècle où l’Eglise est déchirée, pourrie, où elle semble prête à sombrer. Beaucoup souhaitaient la Réforme « dans la tête et dans les membres ». Catherine a une audace folle. Elle écrit aux Cardinaux, aux Papes, elle va les voir pour leur rappeler leurs devoirs.

Au début de l’année 1371 (l’épistolière n’a alors que vingt quatre ans), elle écrit au Pape Grégoire XI, qui réside alors à Avignon, ces lignes d’une stupéfiante  hardiesse et franchise :

« Écoutez-donc, Saint-Père, les paroles que vous adresse Jésus-Christ : « Votre cour mondaine ruine ma céleste cour. Presque toutes les âmes qui fréquentent vos palais, vous les expédiez dans la géhenne du feu »… Revenez donc à Rome, à votre siège, le plus tôt que vous pourrez ». (Révélations livre 4, chap. 142)

Cinq ans après, le 18 juin 1376, la visionnaire arrive en Avignon, escortée par sa « foule effervescente »… En trois mois d’action hardie, Catherine obtient ce que tant d’autres sollicitèrent vainement.

Le 13 septembre suivant, Grégoire XI quitte la cité des bords de Rhône. Le Pontife compte sur Catherine pour le réconforter.

Malheureusement, le décès de Grégoire XI semble remettre tout en question. Dès l’élection d’Urbain VI, Catherine exhorte celui-ci de réformer l’Église et s’offre en victime pour la paix.

Bientôt, appelée à Rome, elle habite « Via di Papa ». Obéie, suivie, respectée, la « douce Maman » dirige « la Navicella » (nef de l’Église). Cette fille modèle meurt à trente trois ans, le 29 avril 1380, sous la bénédiction de sa mère.

Rien ne l’arrête car, dit-elle, « l’âme résiste à tout avec la lumière de la très sainte FoiAussi, je vous prie, mes doux fils et filles dans le Christ Jésus, de ne jamais redouter quoi que ce soit et de mettre toute votre confiance dans le sang du Christ crucifié. Ne laissez jamais briser cette union par des tentations et des illusions, par la peur que vous pourriez avoir de ne pas persévérer, par la crainte de ne pouvoir supporter les fardeaux de l’obéissance et de l’Ordre. » 

 Cette Conseillère des Papes et des Rois, entrée en politique, y a excellé. L’humilité qui est sans doute sa vertu majeure, cette fille si avisée nous la recommande par une pensée que le grand Pascal, s’il l’a connue, a dû aimer : « Personne n’est si éclairé qu’il puisse se passer de la lumière des autres. »

« Debout donc. Il n’est aucun démon, aucune créature qui puisse vous enlever la grâce ou vous empêcher de parvenir à votre but qui est de voir et de goûter Dieu. Demeurez dans l’amour de Dieu. Aimez-vous. Aimez-vous les uns les autres. » Nous dit-elle.

             Extrait de « Les Docteurs de l’Eglise », de Jean Huscenot (Médiaspaul)

Bonne journée à vous, et Bonne Fête à toutes les Catherine.

Noéline FOURNIER.

 

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