Sur l’éducation chrétienne dans l’Année de la famille – Fr. Manuel Rivero O.P.

Sur l’éducation chrétienne dans l’Année de la famille

Des propositions concrètes

Fr. Manuel Rivero O.P.

Le pape François a fait de cette année 2021 une année de lumière à la suite de saint Joseph. Il a aussi voulu que l’Église approfondisse le mystère de la famille voulue par Dieu.

Attentif aux besoins et aux souffrances de la jeunesse, le pape François exhorte les jeunes à l’audace vécue de manière communautaire. De nouveaux modèles économiques sont possibles. Il leur propose de travailler ensemble comme des frères afin de ne pas succomber au désespoir engendré par le chômage. Lors de la célébration des 25 ans du Projet Policoro[1], le pape a cité le laïc dominicain, Giorgio La Pira (+1977), ancien maire de Florence, Serviteur de Dieu : le chômage est « un gaspillage de forces de production[2] ». Dieu veut que la jeunesse vive et devienne protagoniste de l’économie et de la vie sociale, politique et ecclésiale. Aucun enfant, aucun jeune n’est de trop sur la terre.

  • La communication dans le couple 

L’enfant participe aux sentiments positifs et négatifs de ses parents. Quand le couple communique bien, l’enfant va bien. C’est pourquoi le plus beau cadeau qu’un parent puisse offrir à son enfant, c’est d’aimer son conjoint.

Les Équipes Notre-Dame[3], fondées par le prêtre lyonnais Henri Caffarel (+1996), manifestent la grandeur de l’amour conjugal appelé au perfectionnement, à la conversion et à la sainteté.

L’une des spécificités des Équipes Notre-Dame est le dialogue fréquent du couple dans la prière. Appelé « le devoir de s’asseoir », il favorise le dépassement des « non-dits », véritable cancer de la relation conjugale qui se reproduit rapidement s’il n’est pas arrêté à temps.

Le « devoir de s’asseoir » consiste à prendre rendez-vous, même si les conjoints se voient tout le temps, dans un cadre propice au dialogue et à la disponibilité, en absence des enfants, sans téléphone et sans bruit. Il faut bien avouer que sa pratique exige courage car le « devoir de s’asseoir » chasse les tabous et il libère la parole : « est-ce que ça va ? » ; « y a-t-il quelque chose qui te dérange ? » ; « est-ce que tu aimerais quelque chose que tu n’oses pas demander ? » …

Chaque conjoint prend la parole à tour de rôle sans interrompre l’intervention de l’autre et en lui disant à la fin « merci » même si les propos étaient durs ou inexacts. Le merci correspond à l’expression sincère. Évidemment, éviter tout règlement de comptes, le devoir de s’asseoir ne peut se vivre que dans un climat de prière et d’humilité.

La fréquence de ce rendez-vous où « amour et vérité se rencontrent » (Psaume 84,11) relève de la liberté des époux. À l’image du proverbe qui affirme que « l’appétit vient en mangeant », les couples des Équipes Notre-Dame témoignent de la richesse inépuisable de cet exercice de communication spirituelle. Plus les conjoints partagent et plus ils ont des choses à se dire. Honoré de Balzac (+1850) déclarait : « En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie ». Le « devoir de s’asseoir » offre une expérience opposée à l’ennui et il permet aux conjoints d’avancer « de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin » (saint Grégoire de Nysse, mort vers l’an 395).

 

  • L’importance de la parole 

Dans l’Évangile, lors des tentations au désert, Jésus répond au diable qui lui demande de manifester sa divinité en changeant les pierres en pain : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4).

J’aime à commenter cette phrase : L’homme ne vit pas seulement d’argent et de loisirs mais de toute parole qui sort de la bouche de sa femme. La femme ne vit pas seulement de robes à la mode et de voyages mais de toute parole qui sort de la bouche de son mari. L’enfant ne vit pas seulement de jeux vidéo mais de toute parole qui sort de la bouche de son père et de sa mère.

En Roumanie, des expériences ont été faites dans certains orphelinats : des enfants étaient partagés en deux groupes qui recevaient la même nourriture ; mais aux enfants d’un groupe les adultes parlaient avec affection, tandis que l’autre groupe demeurait en silence, mais bien nourri. La différence ne tarda pas à se manifester : les enfants à qui on parlait grandissaient plus vite et mieux.

La parole est une nourriture. Le langage n’a pas pour unique fonction de transmettre des messages ; il est aussi créateur de relation et de développement psychologique et affectif.

Il m’arrive de demander aux enfants dans les écoles : Est-ce que vous parlez avec votre papa et votre maman ? Les réponses sont variables : certains enfants se disent contents de leurs échanges avec leurs parents, tandis que d’autres regrettent que leur mère soit toujours occupée et que leur père ne leur adresse pas la parole.

Très souvent, les filles se plaignent de la pauvreté du dialogue avec leur père. Mon père ne sait dire que deux choses : « Ça va à l’école ? Et les notes ? »

Éduquer, c’est aimer. Lors d’une homélie dialoguée avec des enfants, je leur demandais : « Et qu’est-ce que l’on fait quand on aime quelqu’un ? » Après un temps de réflexion, une petite fille leva le bras pour dire : « Quand on aime quelqu’un, on lui parle. »

Aimons nos enfants et prenons le temps de leur parler.

À La Réunion, avant l’arrivée de la télévision et d’Internet, les mamans avaient l’habitude de parler avec leurs enfants au retour de l’école : « Raconte-moi ta journée. » Et l’enfant de reprendre, de relire et d’interpréter pour sa maman chaque heure passée à l’école. Exercice profond qui apprend la communication, le dialogue et le discernement.

  • Ne jamais se contredire devant l’enfant

L’enfant agit comme les politiques qui cherchent à diviser pour régner. C’est ainsi qu’il va opposer l’avis du père à celui de la mère, ou l’inverse dans le but d’obtenir ce qu’il veut.

Certains parents qui n’ont pourtant pas suivi de longues études peuvent faire preuve de cette sagesse éducative. Je pense ici à mes propres parents qui ne se sont jamais contredits ni discrédités devant leurs enfants. Si ma mère disait « non », mon père aussi disait « non ». Il n’y avait plus matière à discussion. Pas de négociations sans fin !

La multiplication des divorces et des séparations favorise les réactions de critique et de mépris de la part d’un parent par rapport à l’autre : « Ton père t’a dit cela ! Il ne comprend rien ! » ; « Ta mère t’a dit non, c’est idiot, bien sûr que tu peux le faire. »

De ce jeu, ce sont les deux parents qui sortent disqualifiés aux yeux de l’enfant.

  • Dire du bien de son conjoint, dire du bien de l’enfant

La foi chrétienne repose sur la bénédiction et la louange divines. Il convient de prendre l’habitude de dire du bien de son mari, de son épouse et des enfants.

Parfois, je demande aux parents dans les groupes de formation chrétienne : « Quand avez-vous dit du bien de votre mari, de votre femme ? » Souvent je me heurte à un silence d’étonnement : « Qu’est-ce que vous voulez dire ? » Et moi de continuer : « Quand avez-vous dit : mon mari est merveilleux, je l’aime beaucoup » ? Les épouses éclatent de rire.

Alors je leur pose une autre question : « Quand avez-vous critiqué votre mari ou votre femme ? » La réponse jaillit tout de suite : « Hier soir, il m’a agacée parce que… »

Parfois, une épouse dit en public : « Mon mari est idiot. » Je lui dis alors : « Madame, si vous étiez intelligente vous ne l’auriez pas choisi ! ».

Il convient non seulement de dire du bien de son conjoint – vive la théologie de la bénédiction – mais aussi de souligner les qualités des enfants. Quand j’étais enfant moi-même, j’entendais certains parents faire l’éloge de leur enfant comme étant intelligent, mais mon expérience dans la même classe me disait que cela n’était pas vrai. Pourtant, les gens considéraient cet enfant comme étant intelligent à la suite des propos des parents. Il arrivait aussi que des enfants travailleurs et intelligents soient sous-estimés publiquement par leurs parents qui en attendaient davantage. Du coup, l’enfant subissait injustement le regard de réprobation ou de mépris de la part des autres.

Nous avons à traiter les problèmes, face à face, cœur à cœur, à la maison. En revanche, à l’extérieur, nous avons à bénir et à louer notre prochain : conjoint ou enfant.

 

  • L’enfant vient après le couple

Des mères et des pères disent aimer leur conjoint à cause de l’enfant qu’ils ont eu ensemble. L’enfant occupe alors la première place ; il passe avant le père ou la mère. D’ailleurs, nous voyons l’enfant vouloir se mettre au milieu des parents sous prétexte d’être entouré par leur amour.

En bonne éducation, il convient de rappeler à l’enfant qu’il est le fruit de l’amour de ses parents et qu’il vient après le conjoint. L’époux n’est pas aimé à cause de l’enfant mais l’enfant est aimé à cause de l’époux. D’ailleurs, la nature fait ici merveilleusement les choses : l’enfant relève, à part égale, du père et de la mère : 50% chacun dans la science biologique.

  • Père spirituel, mère spirituelle

En tant qu’aumônier de jeunes il m’est arrivé d’entendre : « Mon père n’est pas mon père ; ce n’est pas lui qui m’a appris à vivre. » Les parents sont parents génétiques, psychologiques et aussi spirituels.

Dans le mystère de l’amour humain divinisé par le Christ, l’épouse conduit l’époux à Dieu. L’époux révèle à l’épouse le visage de Dieu. En s’aimant, ils se transmettent l’amour de Dieu. Au cœur du quotidien qui pourrait paraître matérialiste, monotone et plat, ils grandissent en sainteté : « Dieu est présent dans les marmites », s’exclamait sainte Thérèse d’Avila.

Les parents sanctifiés dans le sacrement du mariage, sanctifient les enfants et les enfants les sanctifient.

Par le bon exemple de leur foi et de leur amour, les parents mettent l’enfant sur le chemin de l’Évangile.

La prière en famille favorise la réconciliation, la paix et l’harmonie dans les familles.

Aujourd’hui, l’école laïque n’éveille pas l’enfant à la vie intérieure. Pour être tranquilles, les parents imposent parfois à leurs enfants de multiples activités qui les épuisent : sport, musique, danse…

Mais l’enfant a une âme, et soif de Dieu. C’est dans la prière avec Jésus qu’il reçoit paix et plénitude.

  • « Que nos enfants ne manquent de rien »

Des parents avouent souvent travailler et se sacrifier pour que leurs enfants ne manquent de rien. Peine perdue ! Ils manqueront toujours de quelque chose. L’expérience prouve que l’aventure humaine comporte toujours des échecs, des souffrances et des insatisfactions, sur le plan physique, affectif ou professionnel. Ce serait se faire illusion que de croire que l’enfant aura toujours ce qu’il veut pour réussir. L’éducation consiste à former l’enfant à traverser les épreuves et les manques, en allant à l’essentiel.

Réussir dans la vie ne veut pas dire réussir sa vie. Réussir dans la vie équivaut à posséder de l’argent, du prestige et du pouvoir, au risque de devenir le jour de la mort « le plus riche du cimetière ». Réussir sa vie à la lumière de l’Évangile représente une autre démarche que celle de la possession et de la domination. Tout au long de son existence, le chrétien grandit en foi, espérance et amour, en marchant à la suite de Jésus, « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6), afin d’atteindre la plénitude de son humanité par Jésus et en Lui.

Jésus, l’homme parfait, communicateur et éducateur parfait, purifie et divinise ses disciples qui participent à la gloire de son Père.

Réussir sa vie équivaut à apprendre à aimer auprès de Jésus et devenir amour en Dieu par sa grâce.

« L’homme ne se trouve qu’en se donnant », enseigne le Concile Vatican II dans Gaudium et Spes (n° 22). C’est le don de soi par amour qui donne le discernement et l’intelligence sur le mystère de la vie (cf. Philippiens 1, 9-10). Les bons choix s’accomplissent dans la lumière de l’amour. Éduquer, c’est aimer et conduire à l’amour de Dieu, d’autrui et de soi-même.

  • Éduquer au bonheur 

Dans un souci de bien faire, des parents peuvent transmettre à leur enfant non pas le sens de la responsabilité et du travail mais la peur et l’angoisse : « Fais attention ! Tu ne vas pas vivre comme maintenant ni comme tes grands-parents. Demain ce sera pire ! »

Malheureusement, au lieu de se réveiller et d’apprécier ce qu’il a, l’enfant peut se dire : « Puisque le futur sera catastrophique, profitons du présent. »

Les grandes traditions philosophiques ont toujours visé le bonheur : les philosophes grecs, Jésus dans l’Évangile, la théologie de saint Thomas d’Aquin et même Freud. L’homme cherche le bonheur. Dans ses actes, c’est-à-dire dans sa morale, l’homme cherche le bonheur.

Il reste à en préciser le contenu et la méthode.

Le bonheur n’est pas une destination mais une manière de marcher, une manière d’être, un style de vie.

Le bonheur ne se trouve pas dans le monde extérieur mais à l’intérieur de la personne.

Pour le chrétien, le bonheur est un don de Dieu : Vérité et Amour.

Des amis m’ont raconté comment leurs grands-parents finissaient chaque journée avec une prière d’action de grâces au Seigneur : « Nous te rendons grâce car nous sommes heureux. » Heureux de partager l’amour de Dieu, heureux de s’aimer, heureux de marcher vers la plénitude de la Résurrection où il n’y aura plus de maladie, ni de deuil, ni de larmes, ni de séparation.

Dans la lumière de la foi, les parents peuvent dire à l’enfant : « Nous sommes heureux, tu es heureux, tu peux l’être, non seulement demain mais maintenant, dans la vérité et l’amour. »

Il est rare d’entendre des parents tenir ces propos sur le bonheur.

Le bonheur commence avec la bonne humeur. Commençons nos journées avec un signe de croix, dans la présence de Dieu, avec le souci d’accomplir sa volonté. Ayons comme pédagogie la joie. Un frère des Écoles chrétiennes, bon pédagogue, conseillait aux professeurs et aux parents, trois choses : « La joie, la joie, la joie ! » Soyons des éducateurs de la joie, de la joie intérieure que personne ne pourra ravir.

  • Ni coqs, ni guerriers

Beaucoup d’enfants sont tristes. Pas de père à la maison, leur propre père du moins.

Des enfants sont parfois traumatisés par la violence de leur père.

Des filles nées de mère célibataire deviennent parfois filles-mères à leur tour.

Des garçons battus deviennent parfois des pères qui battent femme et enfants.

Mimétisme, identification au modèle parental, que sais-je ?

Pourquoi ne pas travailler cette question si grave ?

Un jour, en Guadeloupe, une dame m’a expliqué la raison pour laquelle les mères engendraient des enfants « coqs » alors qu’enfants elles en avaient souffert. Voici l’hypothèse énoncée par cette mère de famille : « Quand une mère veut rester la première femme dans la vie de son fils, elle gagne à éduquer son enfant comme un coq qui ayant plusieurs relations ne s’attachera pas vraiment à l’une d’entre elles. »

Au début de la Bible, le livre de la Genèse transmet la volonté de Dieu pour le couple : « L’homme quittera son père et sa mère ; il s’unira à sa femme et ils ne feront qu’une seule chair. » Des épouses se plaignent que leur mari n’a pas quitté sa mère, ce qui met en cause la construction du couple.

Il importe que le père et la mère éduquent le garçon au respect de la femme et à la construction du couple et de la famille.

Les « coqs » et les « guerriers » ne rendent pas les familles heureuses !

C’est quoi un homme ? Il arrive que des femmes déclarent désabusées : « L’homme a un problème ! ».

« Voici l’homme !» (Jn 19,5), s’était exclamé Pilate le Vendredi saint. Il ne pensait pas si bien dire.

« Voici l’homme ! » Cette déclaration prophétique de Pilate interpelle l’homme contemporain. Qu’est-ce qu’un homme ? Où se trouve la grandeur de l’homme ? Tout au long de l’histoire de l’humanité, les peuples ont célébré les héros qui ont versé leur sang pour Dieu, pour la patrie, pour défendre la justice et les faibles … L’Église célèbre avec éclat ses martyrs. Le plus grand des martyrs est Jésus, le témoin fidèle de Dieu.

Pilate a eu raison de dire à la foule « Voici l’homme ! » En effet, Jésus est l’homme parfait qui a donné sa vie pour sauver l’humanité.

Le philosophe français, Blaise Pascal (1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger [4]».  La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie.

La femme a connu des évolutions et des révolutions qui ont modifié considérablement son statut social et sa mentalité. Elle ne votait pas, maintenant elle assume les plus hautes responsabilités dans l’État. Elle restait souvent à la maison accomplissant un véritable labeur de gestion et d’éducation des enfants, maintenant elle assume et le travail professionnel et la prise en charge de la maison et des enfants. Elle dépendait de l’homme dans sa vie sexuelle et pour la maternité, maintenant elle décide d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants et de gérer sa sexualité sans lien direct avec la maternité. Il arrive que l’homme demande dans le couple à avoir un enfant et la femme refuse. La femme peut aussi vivre la maternité sans mener une existence conjugale par les techniques artificielles de fécondation. Il arrive que des femmes déclarent ouvertement : « Nous allons prendre le pouvoir. »

En revanche, l’homme continue son travail, sa vie sexuelle et sa participation à la politique comme dans les siècles précédents.

Il ne se passe pas un jour sans que les moyens de communication sociale racontent des faits de violence conjugale qui peuvent aller jusqu’au meurtre.

Comment dépasser les rapports de domination qui ne conduisent qu’au malheur ? Comment harmoniser les relations homme et femme et sur quelles valeurs ? En quoi consiste le pouvoir et la force ? Quel est le but de l’existence ?

Ces questions ne sont pas inutiles. Elles s’avèrent même indispensables.

Quel est l’image de l’homme aujourd’hui ? Quelle est son identité ?

La publicité et les films nous montrent un idéal masculin qui repose sur l’avoir : des richesses, le pouvoir, la musculation, des tatouages, des vêtements et des voitures de luxe … Tout cela constitue des moyens. Les médias exaltent aussi l’image de l’homme séducteur, fêtard, avec la mentalité d’un adolescent qui ne s’engage pas et qui critique tout sans construire grand-chose. Parmi ces exemples, il y a James Bond. Image affligeante d’un irresponsable stérile.

Où se trouve donc le sens de la vie de l’homme ?

« Voici l’homme ! » Jésus représente la perfection de la masculinité, pleinement homme et pleinement Dieu. Jésus est l’homme qui est allé le plus loin dans l’amour des autres parce qu’il est allé le plus loin dans sa relation à Dieu le Père. Comme la croix comporte une dimension verticale vers le Ciel et une dimension horizontale, ainsi l’homme trouve son équilibre et sa perfection dans la relation verticale avec Dieu et dans la relation horizontale avec ses frères et ses sœurs en humanité.

Le saint pape Jean Paul II nous a donné une belle formule pour le mystère de Jésus qui éclaire le mystère de tout homme : « Jésus est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme. » (Ecclesia in America, n° 67). L’homme a une vocation à partager la vie de Dieu et à protéger la vie du prochain.

Le philosophe italien Jules Evola a parlé de l’homme « crustacé » pour évoquer la dureté extérieure et la mollesse intérieure qui peuvent menacer l’homme. D’ailleurs, plus l’homme sent sa faiblesse et plus il fait montre de force et l’inverse. Comme dit le proverbe : « Dis-moi de quoi tu te vantes et je te dirai ce qui te manque ! ».

Il convient de parler de la virilité spirituelle, de cette force d’âme au service de la vie sans peur ni mollesse. D’ailleurs la virilité spirituelle est vécue par des femmes qui aiment de manière désintéressée en faisant face à de nombreuses épreuves et souffrances pour protéger la vie.

L’homme aime les défis que ce soit dans le sport, dans la politique, dans l’économie ou dans l’amour. Aujourd’hui, l’homme à un défi à relever pour harmoniser les relations familiales dans la force de l’amour et de la vérité.

L’historien anglais Arnold Joseph Toynbee (1975), après avoir étudié l’histoire des civilisations, est arrivé à la conclusion que les civilisations naissent en réponse à un défi. Des « minorités créatrices » apportent alors une vision et elles conçoivent des plans d’action pour l’ensemble de la société. Les civilisations déclinent quand le défi disparaît. D’où sa phrase lapidaire : « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre. »

L’Église catholique a aussi un défi à relever dans la pastorale des hommes. Ils sont rares dans les églises par rapport au nombre de femmes. Pourquoi ? Pour quel motif les hommes ne sont-ils pas attirés par la prière communautaire et la catéchèse ? Faut-il renouveler la pastorale et la spiritualité masculine ?

Dans son Exhortation apostolique catholique aux hommes, mes fils spirituels du diocèse de Phoenix , datée du 29 septembre 2015, Monseigneur Thomas J. Olmsted, évêque de Phoenix (États-Unis), analyse l’évolution de l’identité masculine et il propose des pistes pour un renouveau de l’évangélisation de l’homme et de sa mission dans l’Église.

Chaque diocèse gagnerait à contextualiser la réflexion sur le plan local.

Les jeunes garçons ont besoin de « tuteurs » pour grandir dans la droiture aussi bien dans les quartiers que dans les paroisses.

Certaines activités peuvent être vécus entre hommes. Nous avons des exemples dans le pèlerinage des pères de famille, ou dans le cycle de formation biblique à l’île Maurice « Jésus, vrai homme ».

Il faudrait aussi travailler l’image de l’homme dans le cœur des femmes et des enfants. Je me souviens de cet enfant qui disait en catéchèse, probablement en reprenant des propos de sa mère : « Les hommes, on n’en a pas besoin ! » Déclaration qui renvoyait à des souffrances : alcoolisme, irresponsabilité, violences, infidélité …

Des études statistiques récentes en Martinique signalaient que 60% d’enfants grandissaient sans père. L’absence du père a des conséquences négatives profondes sur l’enfant. La mère doit accomplir les rôles du père et de la mère.

En prison, des personnes détenues avouent toujours souffrir de l’absence du père : « Je n’ai jamais appelé un homme en lui disant ‘papa’ ».

« Voici l’homme Jésus ! » Il est le modèle de masculinité réussie !

Il s’avère nécessaire de travailler l’identité masculine et de la mettre en valeur.

  • Ne pas cacher la mort aux enfants

L’historien de la mort, Philippe Ariès, disait, il y a déjà une quarantaine d’années, que la mort avait remplacé la pornographie comme sujet tabou à ne pas évoquer en société.

L’enfant a besoin d’aborder le réel et d’en recevoir des explications sur la vie et la mort, autrement il plonge dans des silences d’angoisse et de refoulement, tout en passant des heures à « tuer » sur les jeux vidéo.

  • La généalogie de Jésus

Saint Matthieu commence son Évangile avec la généalogie de Jésus où figurent le roi David, adultère et assassin, ainsi que des femmes de mœurs douteuses et d’origine étrangère : Tamar qui se déguise en prostituée ; Rahab, étrangère de la ville de Jéricho, prostituée professionnelle ; Bethsabée, adultère, mariée à Urie, le Hittite ; Ruth, étrangère de Moab.

Dans toutes les familles, il y a des sujets de honte et de scandale.

La Bible appelle « une histoire sainte » les histoires des hommes et des femmes pécheurs que Dieu a sanctifiés dans sa miséricorde.

À la lumière de la généalogie de Jésus, toute famille peut être fière de la vie reçue et de la vocation universelle à la sainteté.

À proprement parler, il n’y a pas de bonnes familles et de mauvaises familles. Toutes les familles sont aimées de Dieu, revêtues de la dignité sacrée de fils et de filles de Dieu et destinées à partager la gloire de Dieu, par pure grâce, moyennant la foi en Jésus le Christ, né d’une femme, Marie, qui a été enfant et adulte pour récapituler l’histoire de l’humanité l’élevant par sa Croix à la lumière de sa Résurrection.

  • Participer à des projets humanitaires

La doctrine sociale de l’Église met en lumière des valeurs fondamentales : la participation à la vie politique, sociale et économique, le développement des talents et le bien commun, le souci prioritaire des pauvres et des personnes vulnérables …

Il convient de valoriser le travail en équipe et le sens des responsabilités. Avec les parents, premiers responsables de l’éducation des enfants, l’Église forme un grand nombre d’enfants dans la catéchèse, les paroisses et l’Enseignement catholique. L’esprit missionnaire comprend la culture du projet humanitaire. Il reste beaucoup à faire pour développer la culture de la participation. Des formations à la gestion des projets pourraient être insérées dans les cours donnés aux enfants et aux jeunes, de façon à écrire ensemble des projets et à les mener à bien de manière rigoureuse et honnête. Il y aurait alors, non seulement de bons résultats matériels dans les domaines de l’économie et de la santé, mais aussi un recul de la peur de s’engager et la croissance du sens de la responsabilité. En réussissant dans l’accomplissement de petits projets, les enfants et les jeunes accepteront d’assumer des responsabilités de plus en plus importantes.

Qu’il est dommage de voir des projets échouer faute de formation [5]! Par ailleurs, de bons projets pourraient voir le jour dans une culture du projet où l’Église a un rôle important à jouer.

Dans l’Évangile, ce qui est partagé est aussi multiplié. Les cinq pains et les deux poissons apportés par un enfant ont nourri la foule (cf. Jn 6,1-16). Jésus déploie sa puissance dans le partage et la faiblesse des moyens.

La foi en Jésus se manifeste dans la confiance mise dans des projets au service de ceux qui en ont besoin.

Saint-Denis (La Réunion), le 21 juin 2021.

 

 

 

 

[1] Cf. ZENIT, 5 juin 2021 « Ce sont les audacieux qui changent le monde ». Le pape reçoit le « Projet Policoro ».

[2] Giorgio La Pira, L’attesa della povera gente, LEF, Firenze 1978, 20.

[3] Cf. https://www.equipes-notre-dame.fr/

[4] Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.

[5] DOMUNI universitas (https://www.domuni.eu/fr/) , université dominicaine numérique, propose une formation à la gestion des projets : Ancrer le changement en mode de projet. Fr. Manuel Rivero O.P., professeur de théologie, doyen de la faculté des sciences sociales de « DOMUNI universitas ». D.E.A en sciences économiques. Docteur en théologie et en sciences de la communication. Madame Marie-Laure Dufour, formatrice consultante, directrice de « Faire plus » (http://www.faireplus.com/) et fondatrice de « Lab to Be » (abtobe.com).

 

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