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Tous appelés à la Vie par la Miséricorde de Dieu (Lc 5,1-11) – DJF

« La foule serrait de près Jésus et écoutait la Parole de Dieu »… En effet, nous dit Jésus, « ce n’est pas de moi-même que j’ai parlé, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui‑même prescrit ce que j’avais à dire et à faire connaître. Ainsi donc ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis » (Jn 12,50).

Or qu’est-ce que le Père a dit à Jésus ? Les Evangiles nous permettent de pressentir le cœur de ce message. En effet, au jour de son baptême par Jean Baptiste, Marc, Matthieu et Luc nous retransmettent la Parole que ce jour là le Père dit au Fils : « Tu es mon Fils bien aimé ; tu as toute ma faveur » (Mc 1,11 ; cf Mt 3,17 ; Lc 3,22). De même, au jour de sa Transfiguration sur le Mont Thabor, les trois Evangélistes nous ont rapporté la Parole que le Père a adressée cette fois-ci aux trois disciples présents avec Lui, et à travers eux à nous tous : « Celui-ci est mon Fils bien aimé ; écoutez-le » (Mc 9,7 ; cf. Mt 17,5 ; Lc 9,35).

Et de fait, Jésus ne fera que rendre témoignage (Ap 1,5 ; Jn 3,11 ; 3,31-33 ; 5,31-32) à cette « vérité qu’il a entendue de Dieu » pour Lui‑même (Jn 8,40), « Tu es mon Fils bien-aimé », une vérité qui nous concerne tous nous aussi car, nous dit-il, « le Père lui-même vous aime » (Jn 16,27). Oui, « Père », dira-t-il juste avant de mourir sur une croix pour chacun d’entre nous, « il faut que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,22). Tel est le cœur de l’Evangile, le cœur de la Bonne Nouvelle…

Dieu aime toute femme, tout homme sur cette terre, et rien ni personne ne pourra l’empêcher de nous aimer… Cette réalité, en effet, est propre à ce qu’il est, et rien, absolument rien ne pourra empêcher Dieu d’être ce qu’Il Est… Or « Dieu est Amour » nous dit St Jean par deux fois (Jn 4,8.16). Ainsi, « Dieu nous aime parce qu’il est amour, et l’amour tend de nature à se répandre, à se donner » déclare le Pape François (Audience du mercredi 14 juin 2017). Alors, si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), il est ce Soleil qui se lève sur « les méchants et sur les bons » (Mt 5,45), car « Dieu ne fait pas acception des personnes » (Ac 10,34 ; Rm 2,11). Il est cette « Lumière véritable qui éclaire tout homme venant dans le monde » (Jn 1,9), ce « Soleil qui donne la grâce, qui donne la gloire » (Ps 84,12), en donnant « l’Esprit de la grâce » (Hb 10,29), « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14), cet Esprit Saint qui est Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) et Vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25)…

C’est ce Mystère d’Amour et de Don gratuit qui se vit entre le Père et le Fils de toute éternité : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), tout ce qu’il est, « tout ce qu’il a » (Jn 16,15 ; 17,10). Et qu’a-t-il, sinon « l’insondable richesse » de sa divinité (Ep 3,8), ce qui fait qu’il est Dieu de toute éternité… Voilà ce qu’il donne au Fils, gratuitement, tout simplement parce qu’il l’aime. Et c’est par ce Don éternel de son Amour que le Père engendre le Fils en « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père » (Crédo)…

Or si le Fils rend témoignage à cet Amour du Père dont il est l’heureux bénéficiaire depuis toujours et pour toujours, c’est pour nous permettre de prendre conscience à notre tour que toute femme, tout homme sur cette terre est aimé du même amour, totalement gratuit, « inconditionnel » (Pape François). En nous révélant qu’il est le Fils, éternellement engendré par le Père, comblé par le Don de son Amour qui lui donne d’Être de la Plénitude même du Père, Jésus nous révèle au même moment quelle est notre vocation de créatures (Gn 1,26‑28), car nous sommes tous appelés à « reproduire l’image du Fils » (Rm 8,29) en accueillant nous aussi avec le Fils ce que le Fils reçoit du Père de toute éternité, ce par quoi le Père l’engendre en Fils de même nature que Lui… « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 5,26). « Je vis par le Père » (Jn 6,57), éternellement, ce qui pour nous, dans le temps, se traduit par un « instant après instant ». Autrement, c’est le Père qui, par le Don de la Plénitude de son Esprit Saint, donne au Fils d’être ce qu’il est : « Lumière » (Jn 8,12 ; 12,46) par le Don de cet « Esprit » (Jn 4,24) qui est « Lumière » (1Jn 1,5), « Seigneur de la Gloire » par le don de « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14), « Prince de la vie » par le Don de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), « le Saint » (Ac 3,14) par le Don de l’Esprit Saint (Lc 4,1)… Sans le Père, le Fils n’est rien, le Fils ne peut rien (Jn 5,19-20.30)…

Or cette dynamique concerne tout être humain, par le simple fait qu’il existe et donc qu’il a été créé par « Dieu, le Père Tout Puissant, Créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible » (Crédo). En effet, écrit St Paul, nous avons tous été « prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,29-30) et cela par le Don de ce même Esprit, « l’Esprit de Dieu, l’Esprit de gloire », avec lequel et par lequel le Père engendre le Fils depuis toujours et pour toujours. C’est pour cela que le Christ ressuscité déclare à ses disciples, et à travers eux à nous tous : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), ce même Esprit qu’il reçoit Lui-même du Père de toute éternité…

Mais pour cela, il va nous inviter à adopter la même attitude que la sienne : Lui, en effet, est « toujours tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), recevant ainsi ce Don du Père qui l’engendre en Fils… Alors, la première parole qu’il nous adresse, à nous, pécheurs, est : « Repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » de cet « Amour Inconditionnel » (Pape François). Avec l’aide de la grâce de Dieu, détournez-vous de tout cœur du mal, et « apprenez à faire le bien » (Is 1,16). Alors, en le laissant nous « arracher aux ténèbres » (Col 1,13), nous pardonner, nous purifier (Ez 36,24-28) et nous retourner vers le Père (Ac 5,31 ; 11,18), nous pourrons dire avec Lui « Père » (Lc 10,21 ; Jn 11,41 ; 17,1), « notre Père » (Mt 6,9 ; 6,1). Et nous recevrons alors avec Lui ce Don de l’Esprit qui nous communiquera à nous aussi sa Plénitude de vie, de paix (Jn 14,27), de joie (Jn 15,11 ; Ac 13,52 ; Ga 5,22 ; 1Th 1,6) et nous établira ainsi en communion avec Lui et entre nous dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), dans « la communion du Saint Esprit » (2Co 13,13). Cette joie, cette Plénitude expérimentée sont un avant goût du vrai Bonheur qui nous attend : elles ne peuvent que nous attirer encore et encore vers Jésus (Jn 6,44 ; 6,65 ; 12,32)… et c’est pourquoi les foules se pressent ici autour de Lui pour l’écouter, car « jamais homme n’a parlé comme cela » (Jn 7,46) : il a « les Paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68).

Et pour aider Pierre à le reconnaître, Jésus va lui donner de vivre l’impensable pour un pécheur professionnel : lui qui sait que les poissons ne remontent en surface que la nuit, il va capturer, à son invitation, et cela en plein jour, une telle « multitude de poissons que leurs filets se rompaient ». Pierre est bouleversé : « il se jeta aux genoux de Jésus et lui dit : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Mais Jésus le sait bien ! Et cette misère sera l’occasion pour Pierre de découvrir à quel point Dieu l’aime gratuitement, et cela sans aucun mérite de sa part… Bien plus : il lui semblerait normal d’être rejeté, écarté, délaissé, mis de côté… Mais Dieu fait tout le contraire car il sait à quel point ce mal qui domine l’homme le fait finalement souffrir, et il est « bouleversé » de compassion (Os 11,7‑9) face aux ravages qu’il occasionne dans les vies… Pour Dieu, un pécheur est avant tout un souffrant, qu’il veut consoler, guérir, relever, fortifier, sanctifier… « Quand nous sommes infidèles, Dieu, lui reste à jamais fidèle » car il est Amour, il n’est qu’Amour (2Tm 1,13), ne cessant de rechercher le meilleur pour tous les hommes qu’il aime (Lc 2,14). Voilà le témoignage que St Pierre sera invité à lui rendre, témoignage avec lequel et par lequel Dieu agira dans les cœurs pour les attirer à Lui et les sauver… pour leur plus grand bonheur… éternel…

D. Jacques Fournier