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Tous créés pour accueillir gratuitement, par amour, le Don de l’Esprit Saint (D. Jacques Fournier)

Un jour, Jésus disait à ses disciples (Luc 11,5-13) :

« Si l’un de vous, ayant un ami,

        s’en va le trouver au milieu de la nuit, pour lui dire:

                 Mon ami, prête – moi trois pains,

(6)                   parce qu’un de mes amis m’est arrivé de voyage

                               et je n’ai rien à lui offrir,

(7) et que de l’intérieur l’autre réponde:

         Ne me cause pas de tracas;

                 maintenant la porte est fermée,

                         et mes enfants et moi sommes au lit;

                                je ne puis me lever pour te les donner

(8) je vous le dis,

             même s’il ne se lève pas pour les lui donner en qualité d’ami,

                     il se lèvera du moins à cause de son impudence

                              et lui donnera tout ce dont il a besoin.

(9)                  « Et moi, je vous dis:

                                   (a) demandez et l’on vous donnera;

                                               (b) cherchez et vous trouverez;

                                                          (c) frappez et l’on vous ouvrira.

(10)                            (a’) Car quiconque demande reçoit;

                                               (b’) qui cherche trouve;

                                                          (c’) et à qui frappe on ouvrira.

(11) Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

                 et qui, à la place du poisson, lui remettra (ἐπιδίδωμι) un serpent?

(12) Ou encore s’il demande un oeuf,

                  lui remettra-t-il un scorpion?

(13) Si donc vous, qui êtes mauvais,

                  vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

                           combien plus le Père du ciel

                                   donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent! »

Jésus va donc prendre des exemples de la vie quotidienne, au niveau des différentes relations entre les hommes, pour mieux introduire ses disciples dans une relation la plus confiante possible vis à vis de leur Père qui est au ciel. Remarquer d’ailleurs l’alternance significative entre les réalités de la « terre » et celles du « ciel » en 11,1-13.

Les v.5-8 nous présentent donc le premier exemple. Nous sommes dans le cadre « ami – ami », mais le contexte général va déjà nous introduire dans celui du v.13 où Jésus déclare tous ses auditeurs, et donc tous les hommes de tous les temps, comme étant « mauvais, méchants » :

1 – « L’un de vous », face à une visite imprévue, n’hésite pas à aller déranger en plein milieu de la nuit, et donc en plein milieu de son sommeil, un de ses amis. Luc décrit une telle attitude par le terme assez péjoratif de ἀναίδεια: « absence de pudeur, de retenue; insistance déplacée » (Carrez), « impudence, manque de pitié, ressentiment implacable » (Bailly). Néanmoins, la nécessité (éventuelle!) d’offrir à manger à son visiteur nous pousse à lui accorder quelques circonstances atténuantes…

2 – Son « ami », réveillé, semble lui répondre de son lit même, et il « rouspète », il rechigne à se déranger, à se lever, une réaction qui nous est bien commune… Si l’un est « impudent », l’autre est peu serviable et assez égoïste…

Néanmoins, face à l’insistance (supposée) de son « ami impudent », il va finir par se lever « afin de lui donner tout ce dont il a besoin », non pas par amitié, mais pour qu’il arrête de lui ‘casser les pieds’ ! La demande du premier est donc exaucée, malgré le climat général peu favorable du fait de l’égoïsme du second, c’est à dire du fait qu’il est « mauvais » pour reprendre ce terme que Jésus utilisera plus tard…

Ce contexte sert donc de contraste pour inviter à une prière confiante… En effet, si la demande précédente a été exaucée dans un tel contexte qui n’est pas celui d’un amour pur et sincère, combien plus (formule ici sous entendue, qui résulte du contraste et que Jésus emploiera explicitement au v.13) celle adressée à Dieu obtiendra-t-elle satisfaction, du fait de l’indéfectible bonté de Dieu, Lui qui est vraiment « L’ami des hommes »…

Remarquons au passage que le v.8c ne reprend pas explicitement la mention des « trois pains » mais emploie l’expression « donner tout ce dont il a besoin ». Reprenons le contraste évoqué précédemment: si « l’ami égoïste » a donné à son « ami impudent » « tout ce dont il a besoin », combien plus Dieu donnera « tout ce dont il a besoin » à celui qui le prie… et nous sommes ici dans le contexte très concret d’une demande de pain… Cette situation fait écho à une demande du Notre Père (11,3): « Donne-nous chaque jour notre pain quotidien« , et Dieu le donnera bien à celui qui le lui demande… Nous retrouvons et l’expression et la même idée dans l’invitation à s’abandonner à la Providence en 12,30, où il était aussi très concrètement question de nourriture et de vêtements, le nécessaire pour toute vie… :

Lc 12,29-32 : « Ne cherchez pas ce que vous mangerez et ce que vous boirez ; ne vous tourmentez pas. Car ce sont là toutes choses dont les païens de ce monde sont en quête; mais votre Père sait que vous en avez besoin. Aussi bien, cherchez son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume.  »

La première partie, 9 (a), du principe général des versets 11,9-10, « demandez et il vous sera donné » est donc en lien direct avec la parabole précédente… Noter l’universalité chère à Luc, qui ouvre la perspective à « tout (homme) » en 9 (a’): « quiconque demande reçoit », au présent…

La deuxième partie, 9 (b), s’inscrit dans le cadre identique d’une confiance sans limite envers Dieu, mais il s’agit de « chercher », sans aucune précision… Devons‑nous chercher « nourriture et vêtement »? Non, d’après 12,29-31, car Dieu sait que nous en avons besoin pour vivre, et il assure à ceux qui lui obéissent qu’ils auront toujours le nécessaire en ce domaine. Ces mêmes versets nous renseignent sur ce qu’il faut chercher avant tout: « cherchez le Royaume de Dieu », et 12,32 affirme qu’il est déjà donné…

Ce thème de la recherche est d’ailleurs très important pour St Luc. En effet:

Mt

Mc

Lc

Jn

Ac

ζητέω, chercher

14

10

25

34

10

ἀναζητέω, chercher, rechercher

2

1

συζητέω, chercher ensemble, discuter

(Marc: se demander)

6

2

2

On peut classer les différents usages du verbe « chercher » en trois catégories principales:

1 – Le premier à chercher, c’est Dieu. En effet, en Lc 19,10 Jésus résume toute sa mission de sauveur en ces quelques mots : « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

Ce terme « perdu », n’intervient, dans l’Evangile de Luc, qu’ici, en 19,10, et en Lc 15, dans deux des « trois paraboles de la miséricorde »:

– Le berger recherche sa brebis perdue (15,4.6).

– Le Père de l’enfant prodigue se réjouit car son fils qui était mort est revenu à la vie, il était perdu, il est retrouvé (15,24.32).

Dans la parabole de la drachme, on retrouve deux fois le même verbe conjugué, en 15,8 et 15,9, et il est dit que cette femme « cherchait avec soin » sa drachme perdue jusqu’à ce qu’elle la retrouve…

Telle est donc l’attitude de Dieu vis à vis de tout homme pêcheur : Il le cherche avec soin jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvé…

2 – La majorité des autres emplois du verbe « chercher » concerne une recherche en lien avec le Christ. Outre Lc 11,9-10 et Lc 12,29-31, nous avons:

        Lc 2,44.45.48.49 où, retournant de Jérusalem à Nazareth à l’occasion d’une fête de Pâque, Marie et Joseph recherchent Jésus âgé de 12 ans… Ne le trouvant pas dans la caravane des parents et des amis, ils reviennent à Jérusalem et le découvrent dans la maison de son Père… Qui cherche Jésus le trouve…

        Lc 4,42: Jésus est dans un endroit désert… Les foules le cherchent… et le trouvent, tant et si bien qu’elles veulent le retenir… Mais Jésus a été envoyé (sous entendu par Dieu) pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu… Il doit partir, car les autres villes doivent bénéficier « aussi » de cette Bonne Nouvelle… Qui cherche Jésus le trouve donc, et avec Lui le Royaume de Dieu…

        Lc 5,18: les porteurs du paralytique cherchent à l’introduire auprès de Jésus, et ils y parviennent… Qui cherche Jésus le trouve… et qui demande la guérison du corps, reçoit celle de tout son être par le pardon des péchés… Qui demande à Jésus le pardon de ses fautes le recevra de fait effectivement: Jésus est venu pour cela…

        Lc 6,19 : « Toute la foule cherchait à toucher Jésus, et la fin du verset suggère que tous y parvinrent, car Luc ajoute: « … parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous« … Qui cherche Jésus le trouve…

        Lc 9,9, Luc nous dit qu’Hérode cherchait à voir Jésus. En 23,8 « Hérode, en voyant Jésus, fut tout joyeux, car depuis assez longtempsil désirait le voir pour ce qu’il entendait dire de lui ». Mais sa recherche n’est pas pure… Hérode cherche un magicien, un prestidigitateur, il veut voir du merveilleux, « il espérait lui voir faire quelque miracle » (23,8), mais Jésus ne répond rien à toutes ses paroles… Qui cherche Jésus le trouve, mais qui cherche en Jésus ce que Jésus n’est pas ne trouve rien…

        Lc 11,16, où l’on retrouve une attitude identique à la précédente: certaines personnes présentes dans la foule « réclamaient de lui un signe venant du ciel pour le mettre à l’épreuve »… Réponse en 11,29:

« Cette génération est une génération mauvaise; elle demande un signe, et il ne lui sera donné que le signe de Jonas. Car, tout comme Jonas devint un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l’Homme en sera (futur : certainement une allusion à la résurrection) un pour cette génération ».

Comme le précise une note de la TOB, la Personne même de Jésus et son action est toute entière « signe » de la Présence de Dieu au milieu des hommes. S’ils ne croient pas en écoutant les Paroles de Jésus ou à la vue des signes qu’il a déjà opérés, quoiqu’il fasse, ils ne croiront pas davantage… Jésus est donc tout entier « signe »… Ils demandent à Jésus un signe? Qui demande reçoit: ils l’ont en Jésus présent devant eux… Sauront‑ils reconnaître en Jésus le signe que Dieu leur donne, et qui est bien différent de ce à quoi ils s’attendaient?

        Lc 13,24 : à l’occasion d’une question portant sur le nombre de personnes qui seront sauvées, Jésus répond par l’image de la porte étroite:

« Luttez pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas ».

La perspective est essentiellement eschatologique. Le v.25 fait allusion à la résurrection : « Dès que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte, et que, restés dehors, vous vous serez mis à frapper à la porte en disant : Seigneur, ouvre-nous , il vous répondra : Je ne sais d’où vous êtes. »

Tout le temps après la résurrection est donc envisagé ici, et tout spécialement celui où chacun, au dernier jour, frappera à la porte du Royaume en demandant d’entrer… Le Seigneur répond, mais il est impossible à ceux qui font le mal d’entrer dans le Royaume de l’Amour où Dieu sera tout en tous… Si eux « commettent l’injustice », c’est qu’ils sont séparés de Dieu, étrangers à sa vie qui est communion dans l’Esprit, communion à son être même, d’où la réponse de Jésus: « Je ne sais d’où vous êtes »

Pour entrer dans le Royaume des cieux, il est donc nécessaire de rejeter tout ce qui porte la trace d’une injustice, de se détourner du mal et de se tourner vers Dieu, c’est à dire de se convertir en mettant effectivement en pratique la Parole de Jésus, ce qui suppose de l’avoir accueilli et d’avoir cru en lui…

La porte étroite est bien celle du Royaume de Dieu, qui est aussi le Royaume de Jésus: il est bien le « maître de maison » qui répond à ceux qui frappent à la porte, eux qui lui disent qu’ils ont mangé et bu devant lui, et entendu son enseignement sur les places (13,26). Nous rejoignons dans cette parabole la troisième partie de notre principe, 11,9 (c) sur laquelle nous reviendrons juste après…

Le mélange des temps des verbes, présent et futur, laisse entendre qu’il faut chercher dès maintenant à entrer dans le Royaume de Dieu, déjà présent au milieu des hommes, par la porte étroite, c’est à dire en essayant de ne pas commettre l’injustice, le mal étant incompatible avec le Royaume.

Relisons Lc 18,24-27 qui fait aussi allusion à une porte étroite, en faisant spécialement attention à la finale:

« En le voyant, Jésus dit : Comme il est difficile à ceux qui ont des richesses de pénétrer dans le Royaume de Dieu! Oui, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu! Ceux qui entendaient dirent : Et qui peut être sauvé? Il dit : Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu. »

La conversion n’est possible que par la force de Dieu… Il ne s’agit pas de multiplier les efforts de volonté pour se débarrasser définitivement de toute injustice, et avoir ainsi accès au Royaume de Dieu… Ceci est impossible à l’homme. Il s’agit plutôt de reconnaître sa faiblesse, d’accepter de ne pas arriver tout seul à pratiquer la justice, et de se présenter ainsi à Dieu tel qu’on est… C’est l’Esprit Saint qui a relevé Jésus d’entre les morts, et c’est ce même Esprit qui remportera en nous la victoire sur tous nos penchants mauvais, nous entraînant dans son dynamisme en nous offrant la possibilité d’agir selon la justice…

        Lc 19,3 nous présente Zachée « qui cherchait à voir qui était Jésus »… Or qui cherche Jésus de tout son coeur le trouve… Zachée petit de taille monte sur un sycomore pour apercevoir Jésus malgré la foule… et Jésus le voit et lui parle : « Zachée, descend-vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi ». Et vite il descendit et le reçut avec joie (19,5-6).

Zachée s’est ouvert à Jésus, il a obéi à sa Parole, il l’a accueilli chez lui et aussi dans son coeur; son désir de partager ses biens avec les pauvres et de rendre le quadruple à celui à qui il aurait pu avoir extorqué quelque chose le prouve. Notons bien que tout ceci est dit après la mention de l’accueil de Jésus chez Zachée, et c’est debout, dans l’attitude de la résurrection, que Zachée fait cette déclaration solennelle au Seigneur. Jésus ne peut que constater que « le salut est arrivé aujourd’hui pour cette maison » (19,9).

Ainsi, qui cherche Jésus le trouve, et qui l’accueille trouve en lui le salut qu’il est venu apporter aux hommes: salut qui est pardon des fautes passées et dynamisme d’amour et de partage qui va infiltrer toute la vie du croyant…

        Lc 24,5: la découverte du tombeau vide par les femmes: elles cherchent le corps de Jésus, elles cherchent ce Jésus qu’elles ont vu mourir sur la croix, mais cette fois-çi, elles ne trouveront rien (24,3). Par contre, elles vont trouver ce qu’elles ne cherchaient pas, deux hommes en habits éblouissants qui vont leur annoncer la résurrection du Christ (24,5-6): « Et tandis que, saisies d’effroi, elles tenaient leur visage incliné vers le sol, ils leur dirent : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts? Il n’est pas ici; mais il est ressuscité. »

Maintenant, seule la foi leur permettra de trouver sa présence dans leur vie…

     Le verbe « chercher » avec Jésus pour objet apparaît encore quatre fois dans les récits précédents la passion, en 19,47; 20,19; 22,2 pour décrire les Grands Prêtres, et les scribes qui « cherchaient » à porter la main sur Jésus afin de le tuer. Lc 22,6 montrera enfin Judas « cherchant » une occasion favorable pour le livrer…

3 – Deux textes utilisent enfin le verbe « chercher » appliqué à Dieu, mais cette fois vis à vis de la réponse qu’Il attend, avec une infinie patience, de la part l’homme:

Lc 12,48 : « Quant à celui qui, sans la connaître, aura par sa conduite mérité des coups, il n’en recevra qu’un petit nombre. À qui on aura donné beaucoup il sera beaucoup demandé, et à qui on aura confié beaucoup on réclamera davantage. »

Lc 13,6-9: « Il disait encore la parabole que voici : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher des fruits et n’en trouva pas. Il dit alors au vigneron : Voilà trois ans que je viens chercher des fruits sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le; pourquoi donc use-t-il la terre pour rien? L’autre lui répondit : Maître, laisse-le cette année encore, le temps que je creuse tout autour et que je mette du fumier. Peut-être donnera-t-il des fruits à l’avenir… Sinon tu le couperas . »

L’étude de ce verbe « chercher » en St Luc nous a ainsi conduit à découvrir trois étapes successives et complémentaires dans l’Histoire du Salut:

1 – C’est tout d’abord Dieu Lui-même en Jésus Christ qui part à la recherche de l’homme perdu, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvé. Ces retrouvailles entre Dieu et l’homme constituent pour ce dernier « le salut », le passage de la mort à la vie (cf Lc 6,9), une joie et une fête pour son Dieu et Père (Lc 15)…

2 – Le bien réel et suprême de tout homme est alors Jésus Christ Lui‑même, « venu pour chercher et sauver ce qui était perdu ». La recherche par excellence est donc celle qui se focalise sur la Personne de Jésus, et la certitude de le trouver s’enracine dans le fait que c’est Dieu qui le premier est « parti », avec Lui et en Lui, à notre recherche. Qui cherche Jésus de tout son coeur ne peut donc que le trouver… Il est impossible qu’il en soit autrement…

En trouvant Jésus, il trouvera le salut, c’est à dire le pardon de ses péchés, la restauration de sa relation avec Dieu qui est en fait un retour à la vie et qui peut être décrite en terme d’entrée dans le Royaume de Dieu… d’où l’appel à chercher le Royaume (12,31)…

 

3 – Accueillir le Christ, son salut, le Royaume de Dieu, c’est donc vivre en relation avec ce Dieu qui ne peut commettre l’injustice… L’accueil de Dieu en son coeur est ainsi simultanément et nécessairement un rejet de tout mal pour une vie tournée vers le bien, et telle est l’aventure de notre conversion quotidienne : « L’homme bon, du bon trésor de son coeur, tire ce qui est bon » (Lc 6,45) Cette nécessité est décrite en St Luc en terme d’attente, d’espérance et de recherche de la part Dieu d’une réponse (l’éthique) de l’homme qui s’inscrive petit à petit et toujours davantage dans la dynamique des dons reçus, à l’exemple de Zachée…

La troisième partie de notre texte, Lc 11,9 (c), invite à frapper (sous entendu, à la porte) dans la certitude que celle-çi s’ouvrira… Le contexte de la relation à Dieu invite donc, dans les termes mêmes de l’image, à comprendre cette porte comme étant celle de la maison de Dieu (Jn 14,2), c’est à dire du Royaume de Dieu (Mc 1,15)… Nous retrouvons par ce parallélisme l’équivalence entre la recherche de Jésus et la recherche du Royaume, le seul bien véritable débouchant sur la vie éternelle (10,25; 18,18.30). L’image du « Royaume de Dieu » en effet renvoie à un Mystère de Communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit (Rm 14,17; Ep 4,3), et donc d’une même vie (Jn 6,63; 2Co 3,6; Mc 9,43.45.47).

Le verset 10 reprend en parallèle le verset 9 avec une précision supplémentaire: outre l’insistance, les verbes du v.10 sont au présent, évoquant le « déjà là » du Royaume:

9 « Demandez et l’on vous donnera… » 10 « Le demandant reçoit »…

« Cherchez et vous trouverez… » »Le cherchant trouve… »

« Frappez et on vous ouvrira… » »Au frappant on ouvre… »

Les versets 11 et suivant développent une nouvelle image, celle d’un père et de son fils. Ce dernier lui demande de la nourriture, poisson ou oeuf, c’est à dire ce qui lui permettra de vivre… A travers le poisson ou l’oeuf, c’est la vie qui est visée. Son père va-t-il répondre à sa demande en lui offrant ce qui pourrait le conduire à la mort, un serpent ou un scorpion? Certainement pas… Or tout homme étant pêcheur, c’est à dire « mauvais », c’est à dire encore peu préoccupé du bien de celles et ceux qui l’entourent, malgré cela, le père se préoccupe de la vie de son enfant… Combien plus le Père du ciel qui Lui est bon (6,35 ; 18,19), donnera-t-il lui aussi ce qui conduit à la Vie, à la Vie éternelle: l’Esprit Saint « qui vivifie » (Jn 6,63; 4,10-14; 7,37-39; 2Co 3,6; Rm 8,2; Ga 5,25).

Luc a ainsi compris que Dieu ne pouvait pas nous donner plus que l’Esprit Saint, car avec ce don, Dieu offre à l’homme ce que l’homme lui-même n’aurait certainement jamais osé demander: toutes les richesses et toutes les virtualités de son être (cf. 2P 1,4), ainsi que la possibilité concrète de réaliser sa vocation: vivre uni à Lui dans la paix et l’amour. L’Esprit Saint résume, englobe tous les dons que Dieu veut faire à l’homme… En nous donnant l’Esprit Saint, Dieu nous donne tout… Et ce n’est que dans l’accueil de ce Don que nous trouverons le seul vrai bonheur qui dure : nous avons tous été créés pour cela…

Demandez l’Esprit Saint, et il vous sera donné, car le Père du ciel donne l’Esprit Saint à tout homme qui le lui demande (11,13)… Cherchez le Christ et vous le trouverez, car le Père a envoyé (4,18; 4,43) le Fils de l’Homme chercher et sauver ce qui était perdu (19,10)… Frappez à la porte du Royaume de Dieu, et elle s’ouvrira, var votre Père du ciel s’est complu à vous donner ce Royaume (12,32). Le Royaume de Dieu est en effet arrivé jusqu’à nous en la personne de Jésus Christ, car ce dernier chasse les esprits mauvais par le doigt de Dieu, c’est à dire l’Esprit de Dieu (11,20), et ce même Esprit nous est donné…

                                                                                                           D. Jacques Fournier