Veiller et se repentir (Luc 12,35-13,35)

« Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées » (Lc 12,35-48)

L’image des « reins » peut prendre plusieurs sens selon le contexte :

 

1 – Elle peut renvoyer à ce que nous appelons aujourd’hui « la conscience » :

« Je bénis le Seigneur qui me conseille :

même la nuit mon cœur (littéralement : mes reins) m’avertit.

Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;

Il est à ma droite, je suis inébranlable » (Psaume 16(15),7).

Les reins apparaissent alors comme « le siège des pensées et des affections secrètes » (Note de la Bible de Jérusalem), « le siège de la conscience morale »[1]. C’est ainsi que la TOB a traduit : « Je bénis le Seigneur qui me conseille, même la nuit ma conscience m’avertit ». Et Dieu est le seul à « sonder les cœurs et les reins », en tant qu’il connaît le cœur de l’homme jusqu’au tréfonds de ses pensées les plus secrètes (Psaume 7,10 ; 44(43),22 ; 1Rois 8,39 ; Jérémie 11,20 ; 17,10 ; 20,12 ; Romains 8,27 ; Apocalypse 2,23).

La prière intérieureDans un tel contexte, « que vos reins soient ceints » est un appel à la vigilance intérieure (1Pierre 5,8-11) : que nos mauvaises pensées ou nos mauvais désirs ne nous entraînent pas loin du Seigneur et du don continuel de sa Vie (Romains 6,23). Mais pour qu’il en soit ainsi, il nous faut d’abord « prendre conscience » que telle pensée ou tel désir n’est pas bon, ce qui suppose un certain recul. Et cela ne sera possible que si nous « rentrons en nous-mêmes » (Isaïe 44,18-22 ; Luc 15,17‑18), au plus profond de nos cœurs, là où le Seigneur désire établir sa demeure (Jean 14,23), dans le silence et dans la Paix. Alors, à la lumière de son Esprit (« Gardez vos lampes allumées »), nous pourrons discerner avec Lui, c’est-à-dire rejeter avec Lui ce qui n’est pas bon pour choisir, toujours avec Lui, le chemin de la Vie et de la Paix. Le don de l’Esprit Saint reçu à notre baptême nous permet en effet de faire la part des choses entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas : « N’éteignez pas l’Esprit… mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le ; gardez-vous de toute espèce de mal » (1Thessaloniciens 5,17-22). Et c’est toujours ce même Esprit qui nous donnera la force de choisir le bien et de rejeter le mal, « car ce n’est pas un Esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi » (2Timothée 1,7 ; cf. 1Corinthiens 10,13).

Le Seigneur nous invite ainsi à « garder nos reins ceints et nos lampes allumées », c’est-à-dire, à « prier sans cesse » (1Thessaloniciens 5,17 ; Ephésiens 6,18) en retrouvant le chemin de notre cœur, là où Il habite dans le calme et la Paix de l’Esprit. Alors son Esprit sera la Lumière qui nous permettra de faire les bons choix, et la Force qui nous donnera de les accomplir…

2 – L’image des « reins » renvoie aussi souvent à la notion de « force », mais ce n’est qu’une conséquence de ce que nous venons de voir. « L’homme fort » est en effet l’homme qui, conscient de sa faiblesse, compte sur la force du Seigneur pour rester debout et persévérer dans le bien. Mais il faut, pour cela, avoir fait l’expérience que, laissés à nous-mêmes, nous S'appuyer sur le Seigneurne pouvons pas grand chose, ce qui est toujours, quelque part, douloureux… C’est ce que vécut St Paul avec cette mystérieuse « écharde en sa chair » (faiblesse, limite… ?) qui le faisait souffrir : « A ce sujet, par trois fois, j’ai prié le Seigneur… Mais il m’a déclaré :  » Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse.  » C’est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. C’est pourquoi je me complais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les détresses, dans les persécutions et les angoisses endurées pour le Christ ; car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2Corinthiens 12,8-10).

Le fait que la notion de « force » soit liée à celle des « reins » (Job 40,16) provient le plus simplement du monde de l’expérience de la vie quotidienne.

A – C’est en effet autour des reins que le soldat attache son épée : « Un destructeur s’avance contre toi. Monte la garde au rempart, surveille la route, ceins-toi les reins, rassemble toutes tes forces » (Nahum 2,2 ; Isaïe 5,26-28).

B – C’est aussi autour des reins que le voyageur attache sa ceinture ; il rassemble toutes ses forces, prend son bâton et ses sandales, et part (Exode 12,11 ; 2Rois 4,29 ; 9,1).

C – « Se ceindre les reins » peut aussi renvoyer à l’homme invité à être pleinement lui-même en mettant en œuvre tous ses moyens. C’est ce que Dieu demandera à Job pour discuter avec lui « face à face » (Job 38,1-3)[2], et c’est ce qu’il demandera aussi à son prophète Jérémie lorsqu’il l’enverra dire à Israël ce qu’ils n’auraient certainement pas voulu entendre. Mais pour qu’il tienne bon, Dieu lui donnera la force et le courage : « Quant à toi, tu te ceindras les reins, tu te lèveras, tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai, moi. Ne tremble point devant eux, sinon je te ferai trembler devant eux. Voici que moi, aujourd’hui même, je t’ai établi comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays : les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. Ils lutteront contre toi, mais ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi – oracle du Seigneur – pour te délivrer » (Jérémie 1,17-19 ; cf. pour les adversaires Deutéronome 33,11 ; Siracide (ou Ecclésiastique) 35,19-20).

 

4 – C’est enfin autour des reins que le serviteur noue les lanières de son tablier. C’est ce que fera Jésus avant de laver les pieds de ses disciples (Jean 13,1-5). C’est, ici, ce qu’il promet de faire, au ciel, pour ceux et celles qu’il aura trouvés à son retour en train de veiller (Luc 12,37). Aussi, sommes-nous tous invités à demeurer vigilants, unis de cœur au Christ Serviteur pour recevoir de Lui, par l’Esprit Saint, la force qui nous permettra à notre tour de le servir dans nos frères (1Pierre 4,10-11 ; 2Corinthiens 3,4-6 ; 1Corinthiens 15,9-10 ; Matthieu 25,40).

priere-intercession

« Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées »… Cet appel à veiller est lancé dans une atmosphère de joie, remplie d’espérance. En effet, lorsque le Maître « viendra et frappera », il le fera « à son retour de Noces » (Lc 15,35). Or, dans le contexte des relations entre Dieu et les hommes, l’image des Noces est souvent employée dans la Bible pour évoquer le mystère d’Alliance que Dieu veut vivre avec tout homme. En effet, d’après Genèse 9,8‑17, Dieu se révèle comme Celui qui vit déjà en « alliance éternelle » avec « tous les êtres vivants, en somme toute chair qui est sur la terre », et l’arc-en-ciel est le signe de son engagement irrévocable envers nous tous… Mais que Dieu nous soit proche pour tous nous conduire dans l’aujourd’hui de notre vie sur les meilleurs chemins possibles ne nous servira à rien si, de notre côté, nous n’accueillons pas cette Présence Bienveillante et continuellement offerte. Tel est l’appel que nous lance ici Christ : « Repentez vous », détournez-vous du mal et tournez vous vers Dieu, « car le Royaume des Cieux est tout proche », Dieu est tout proche (Matthieu 3,2 ; 4,17 ; 10,7 ; Marc 1,15 ; Luc 10,8-11)… Le prophète Osée fut, vers 750 av. JC, le premier à parler de cette alliance en termes de Noces (Osée 2,16-22 ; Isaïe 54,4-10 ; 61,10-62,5). Avec lui, Dieu apparaît comme celui qui accomplit son projet créateur décrit en Genèse 1-2 (cf. Osée 2,20) : que nous puissions vraiment être un jour à son image et ressemblance en vivant le plus pleinement possible du Souffle de son Esprit. Et puisque l’homme n’arrive pas à Lui être fidèle par lui-même, c’est Lui qui arrachera les idoles de nos mains et de nos cœurs (cf. Osée 2,18-19) ; il nous donnera la justice qui nous permettra d’être justes, la tendresse qui viendra assouplir toutes nos duretés, la miséricorde qui nous apprendra à pardonner comme Dieu, chaque jour, nous pardonne, et enfin le don de la fidélité qui nous permettra de grandir dans la fidélité envers notre Dieu et Père (Osée 2,21-22)[3]. Et tout ceci s’accomplira par le don de l’Esprit Saint que le Christ a déversé sur nous en surabondance (Tite 2,6)…

Mais Jésus a bien conscience que « l’esprit est ardent mais que la chair est faible » (Matthieu 26,41). Aussi, dans ce long temps de l’attente de son retour, il sait que nous risquons toujours de nous assoupir (Matthieu 25,1-5), de défaillir, mais il se révèle aussi comme Celui qui est « avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28,20). Il sera donc toujours là, à nos côtés, comme le premier à veiller sur chacun d’entre nous pour que personne ne se perde (Jean 17,11-12), intercédant pour nous dans nos jours de faiblesse st jean(1Jean 12,1-2 ; Romains 8,31-34). Nous pouvons donc toujours espérer en son continuel soutien, car ce n’est rien de moins que la Toute Puissance de sa Miséricorde et de son Pardon qui nous environne sans cesse… Aussi le serviteur, conscient de sa faiblesse et qui se tient humblement sous sa Main Puissante (Michée 6,8), peut-il déjà se réjouir de sa Victoire (Sophonie 3,14-18) et marcher envers et contre tout dans la Joie. En effet, si notre cœur nous condamne, la Miséricorde du Seigneur est bien plus grande que tout ce que nous aurions pu commettre (1Jean 3,18-20 ; Romains 5,20). Douter du contraire serait de l’orgueil. Il suffit ensuite de s’abandonner entre ses mains et de le laisser faire. « Heureux »[4] alors le serviteur qui attendra ainsi le retour de son Maître, car il vivra déjà, dans la foi, dès ici-bas, cette Joie du Royaume des Cieux que le Père a trouvé bon de nous donner (Luc 12,32)…

Et si nous sommes tous invités à persévérer dans l’attente du retour du Christ, qui viendra à l’heure où nous ne pensons pas (Luc 12,40 ; Apocalypse 3,3 ; 16,15 ; Marc 13,33-37), ceux et celles que le Christ a choisis pour une mission particulière sont tout spécialement concernés. Le temps de l’attente n’est pas celui de l’oisiveté ou de la paresse, bien au contraire. Cet Evangile qu’ils ont reçu et accueilli dans la Joie de l’Esprit Saint, ils doivent Annoncer l'Evangile avec le souriremaintenant le transmettre : que la Bonne Nouvelle du Salut offert à tous soit proclamée dans le monde entier (Matthieu 28,18‑20 ; Marc 16,15-18 ; Jean 20,21 ; Actes 1,8). En effet, « il n’y a pas de distinction entre Juif et Grec : tous ont le même Seigneur, riche envers tous ceux qui l’invoquent. En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment entendre sans prédicateur ? Et comment prêcher sans être d’abord envoyé ? selon le mot de l’Écriture : Qu’ils sont beaux les pieds des messagers de bonnes nouvelles ! » (Romains 10,12-15). Alors grâce à cette proclamation, ce que St Paul écrivait aux Ephésiens pourra s’accomplir le plus largement possible : « C’est en lui que vous aussi, après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ephésiens 1,13-14).

Si l’annonce de l’Evangile est l’affaire de tous, Pierre, les Apôtres et tous ceux et celles qui, d’une manière ou d’une autre, participeront à sa responsabilité, auront à nourrir les communautés chrétiennes qui leur auront été confiées. Et « la ration de blé à distribuer en temps voulu » est avant tout le Christ Jésus Lui-même, ce « grain de blé tombé en terre » pour porter beaucoup de fruits (Jean 12,23-24). En tout ce qu’il était, en tout ce qu’il a vécu et supporté, il s’est manifesté comme « le Pain de Dieu, celui qui descend du ciel et donne la vie au monde » (Jean 6,33). Par sa Parole et son Corps offert sur la Croix pour notre salut, il est jésus pain vivantle seul et unique « Pain de Vie », « la vraie nourriture et la vraie boisson » qui donne « la vie éternelle » à tous ceux et celles qui le reçoivent avec confiance (Jean 6,35.51-58). Conscient de sa responsabilité et de sa mission, St Pierre décidera de se consacrer au seul service de la Parole de Dieu, et il s’entourera de nombreux collaborateurs pour le seconder dans les autres tâches (Actes 6,1-7). Et plus tard, il invitera tous les disciples du Christ à se nourrir abondamment du « lait non frelaté de la Parole, afin que, par lui, vous croissiez pour le salut, si du moins vous avez goûté combien le Seigneur est excellent ». Et il leur rappelait juste avant qu’en « obéissant à la vérité », transmise par « la Parole de vérité, l’Evangile de votre salut » (Ephésiens 1,13), « vous avez sanctifié vos âmes pour vous aimer sincèrement comme des frères. D’un cœur pur, aimez-vous les uns les autres sans défaillance, engendrés de nouveau d’une semence non point corruptible, mais incorruptible : la Parole de Dieu, vivante et permanente. Et la Parole du Seigneur demeure pour l’éternité. C’est cette Parole dont la Bonne Nouvelle vous a été portée » (1Pierre 1,22-2,3).

jésus enseignant 2Et par cette Parole de Lumière qui rend témoignage au Christ « Lumière du Monde » (Jean 8,12), « Astre d’en Haut venu nous visiter » (Luc 1,78), ceux et celles qui l’accueillent recevront avec elle « l’Esprit de Lumière » qui vient transformer les fils des ténèbres en « enfants de lumière » (Ephésiens 5,8-10). Il « illuminera leur cœur » (Ephésiens 1,17-20) pour les guider au chemin de la Paix. Aussi, « tenons ferme la parole prophétique : vous faites bien de la regarder, comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à poindre et que l’astre du matin se lève dans vos cœurs » (2Pierre 1,19)…

saint-espritPuis ils auront à transmettre à leur tour ce qu’ils auront reçu. Ils le feront en se faisant les serviteurs de la Parole de Dieu. Et lorsqu’ils donneront à chacun « en temps voulu sa ration de blé », le Christ ressuscité continuera avec eux et par eux à répandre sa Vie dans les cœurs par « l’Esprit qui vivifie ». Ainsi l’action de Dieu décrite au Psaume 104(103),27‑28.30 s’accomplira par les uns et par les autres : « Tous, ils comptent sur toi, pour recevoir leur nourriture au temps voulu. Tu donnes : eux, ils ramassent. Tu ouvres la main, ils sont comblés… Tu envoies ton Souffle, ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre » (1Corinthiens 2,1-5 ; 3,5-9 ;2Corinthiens 2,14-17 ; 3,3 ; Romains 15,18 ; Ephésiens 4,15‑16 ; Jean 6,63)…

Que chacun soit donc vigilant dans la foi, à demeurer ouvert de cœur au Seigneur pour recevoir sa Grâce sans cesse offerte et partager ensuite les dons reçus. Nous ne sommes que les « intendants » (Luc 12,42), « les gérants » de la grâce de Dieu (1Pierre 4,10-11). Aussi, « à qui on a beaucoup donné, il sera beaucoup demandé », car cette grâce porte en elle-saint_paulmême le dynamisme nécessaire à la production des fruits (Jean 15,1-5). Si St Paul a pu agir comme il le fit, la fougue de son caractère y est certainement pour beaucoup, mais la première place revient à la Grâce dont il fut comblé : « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce à mon égard n’a pas été stérile. Loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous : oh ! non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » (1Corinthiens 15,10).

Pour allumer ce Feu de l’Esprit Saint sur la terre (Luc 12,49), le Feu de l’Amour (Romains 5,5), le Christ ira jusqu’au bout du don de soi en s’offrant sur la Croix pour tous les hommes qu’il appelle « ses amis » (Jean 13,1 ; 15,13 ; Hébreux 2,9-11). Voilà le baptême dont il doit être baptisé et dont la seule perspective le remplit d’angoisse (Luc 12,50). Et en parlant avec une telle simplicité, il nous donne une fois de plus un bel exemple d’humanité… Comme nous tous, il a connu la fatigue, la faim, la soif, la tristesse, le trouble intérieur, le désarroi (Jean 4,6-7 ; 11,32-36 ; 12,27 ; 13,21 ; Matthieu 26,36-38 ; Luc 19,41-44 ; 22,44)… Et il a voulu vivre tout cela pour nous rejoindre au cœur de toutes nos épreuves et les vivre avec nous. Il nous apporte ainsi le soutien et le réconfort de sa Présence en attendant ce Jour où il n’y aura plus de peine, plus de cris, plus de pleurs, car l’ancien monde s’en sera allé (2Corinthiens 1,3-7 ; 7,4 ; Apocalypse 21,1-4)… « Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jean 16,33).

Cette souffrance pourra, hélas, nous être infligée par certains membres de nos familles qui auront refusé d’ouvrir leur cœur à la vérité. Le Christ nous prévient : la division sera alors inévitable (Luc 12,51-53). Et lui, le premier, en a fait l’expérience ! Certains parmi ses proches le considéraient en effet comme un fou (Marc 3,20-21) ou comme un vaniteux qui voulait se donner en spectacle : « On n’agit pas en secret, quand on veut être en vue. Puisque tu fais ces choses-là, manifeste-toi au monde. » Pas même ses frères (ses cousins), en effet, ne croyaient en lui » (Jean 7,2-7). Il est pourtant venu rassembler dans l’unité de l’Amour les enfants de Dieu dispersés (Jean 11,52). Il est le premier à nous presser d’honorer nos parents (Marc 7,6-13). Il veut que nous luttions contre toute forme de division en « aimant nos ennemis, en faisant du bien à ceux qui nous haïssent, en bénissant ceux qui nous maudissent, en priant pour ceux qui nous diffament » (Luc 6,27-35). Et telle devrait être d’ailleurs notre réponse à ceux et celles qui, dans nos familles, pourraient s’opposer à notre démarche de foi. Mais cette situation inévitable souligne l’importance de notre liberté et la gravité du péché : nous pouvons, oui ou non, nous ouvrir à l’Amour, l’accepter ou le rejeter. Dieu se propose toujours, il ne s’impose jamais.… Et Jésus sera « haï sans raison » (Jean 15,25) et finalement écarté et crucifié, lui qui était passé partout en faisant le bien, délivrant christ-souriant-04tous ceux et celles qui étaient aux prises avec le mal (Actes 10,38), ne cherchant qu’à réconcilier les hommes avec Dieu (Luc 5,20 ; 24,45-47 ; 2Corinthiens 5,20), à les consoler, les pacifier, les guérir (Marc 5,34), les combler de ses biens… « C’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu’on versera dans votre sein » (Luc 6,38 ; Jérémie 32,40-41 ; Jean 1,14-17; 10,10; Romains 5,20 ; 15,13 ; 2Corinthiens 1,5 ; 9,14 ; 1Thessaloniciens 1,5 ; 1Thimothée 1,12‑17 ; 2Pierre 1,2 ; Jude 1,2)… Il sera malgré tout haï sans raison … Mais ressuscité, Dieu l’enverra à nouveau vers ceux qui l’ont rejeté pour les bénir ! Et s’ils acceptent de se détourner de leur méchanceté et de leurs perversités, ils connaîtront enfin cette Paix intérieure et profonde qui est synonyme de Plénitude et de Communion, Communion avec Dieu, Communion avec les hommes (Actes 3,12‑15.25-26 ; Luc 2,14 ; 7,50 ; 19,42 ; 24,36 ; Ephésiens 3,19)…

L’appel au repentir (Luc 12,54-13,35)

Le Christ va ensuite inviter ses interlocuteurs à lire les signes des temps. Et s’ils ne le font pas, c’est qu’ils sont « des hypocrites » (Luc 12,56). Ils ne veulent pas se repentir, ils ne veulent pas « faire la vérité » (Jean 3,19-21 ; Marc 3,4-5). « Ils ont des yeux pour voir et ne voient pas ; des oreilles pour entendre et n’entendent pas ; un cœur pour comprendre et ils ne comprennent pas. Ils ne veulent pas se convertir, sinon, je les aurai guéris » (cf. Matthieu 13,14‑15 ; Marc 8,17-18 ; Jean 12,37-40 ; Isaïe 6,9-10).

Visage de JésusDieu veut, en effet, se révéler, se faire connaître grâce à la Présence et à l’action de l’Esprit Saint et il enverra son Fils Unique pour manifester son Mystère : « Nul n’a jamais vu Dieu; le Fils Unique-Engendré, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jean 1,18). Et tout à la fin de l’Evangile, le Christ promettra à ses disciples que, ressuscité, il continuera à « faire connaître le Nom du Père » : « Je leur ai fait connaître ton Nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jean 17,26). Alors, écrit St Paul, « le Christ habitera dans vos cœurs par la foi, et vous serez enracinés, fondés dans l’Amour » grâce à l’action du Père « qui vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Thessaloniciens 4,8). Et puisque « l’Amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Romains 5,5), « vous connaîtrez l’Amour du Christ qui surpasse toute connaissance et vous entrerez par votre Plénitude dans toute la Plénitude de Dieu » (Ephésiens 3,14-18).

Esprit SaintDieu se révèle donc par le don de l’Esprit Saint, et il a envoyé son Fils dans le monde pour nous le communiquer : c’est lui et lui seul qui « baptise dans l’Esprit Saint », dira Jean-Baptiste (Jean 1,33). Et la mission première de l’Esprit de Vérité sera de nous introduire dès maintenant dans la Vérité tout entière en nous donnant de participer, par notre foi et dans la foi, à la Vie de Dieu (Jean 16,13 ; Galates 5,25). Ce même Esprit était déjà à l’œuvre lorsque le Christ « rendait témoignage à la vérité » (Jean 18,37) : par sa Présence et son action dans les cœurs, il confirmait Sa Parole (Jean 15,26). C’est pourquoi, « jamais un homme n’avait encore parlé comme cet homme » (Jean 7,46), et « tous étaient en admiration devant les Paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche » (Luc 4,22). Tel est le fruit de la Présence de l’Esprit dans les cœurs qui acceptent de s’ouvrir à la vérité, car seul l’Esprit de Dieu peut nous donner de connaître Dieu, de l’accueillir, Lui et tous les cadeaux qu’Il veut nous transmettre (1Corinthiens 2,9-12).

Ne pas reconnaître la Parole du Père dans la Parole du Fils (Jean 12,50 ; 14,10-11), ne pas discerner les signes des temps, est ainsi paradoxalement pour Jésus « le signe » d’un cœur fermé à la vérité, et donc à l’action de l’Esprit de Vérité. « Qui est de Dieu entend en effet les paroles de Dieu ; si vous n’entendez pas, c’est que vous n’êtes pas de Dieu » (Jean 8,47 ; cf. 8,42-47). Cette attitude était d’autant plus grave pour les scribes et les Pharisiens qui prétendaient à l’époque être les garants de la foi en Israël ! Voilà pourquoi Jésus les appelle « Hypocrites » !

Dieu-AmourAussi va-t-il les inviter à nouveau à « faire la vérité » par une question qui renvoie encore au mystère de la liberté de l’homme face à son Dieu : « Pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est juste ? » (Luc 12,57). Dieu, qui n’est qu’Amour, ne cesse de les couvrir de ses bienfaits et pourtant, ils ne répondent pas et lui demeurent infidèles… « On les appelle en haut, pas un qui se relève !… En quoi vos Pères m’ont-ils trouvé injustes pour s’être éloignés de moi ? Pourtant, je vous avais conduits au pays du verger pour vous rassasier de ses biens » (Osée 11,7 ; Jérémie 2,5-7.29.31 ; 8,5…). « Pourquoi… ? » La question reste sans réponse… Mystère de la liberté des créatures face à leur Créateur. Mais ce dernier ne va pas cesser de les inviter à choisir dès maintenant le chemin de la Vie (Ezéchiel 18,31-32 ; 33,11 ; Deutéronome 30,15-20), en « faisant la vérité » tant qu’il en est encore temps. Pendant notre vie terrestre, nous sommes tous en effet « en chemin » vers « le magistrat » (Luc 12,58), Celui qui est Vérité et devant qui nous ne pourrons que « faire la vérité ». Mais cette démarche s’accomplira aussi dans l’atmosphère de sa Tendresse, de sa Douceur et de sa Compassion. En Lui, « Amour et Vérité se rencontrent » (Psaume 85(84),11 ; 25(24),10 ; 89(88),15), ils sont inséparables. Et Dieu s’est pleinement révélé en Jésus-Christ comme l’ami de l’homme dans son combat contre le péché (1Jean 2,1-2 ; Romains 5,6-11) et tout ce qui le détruit : l’injustice, la violence, le mensonge, la souffrance, la maladie, la mort… « L’adversaire », c’est « Satan », « le DiableVitail » « l’Accusateur », « le Prince de ce Monde », cette créature remplie de haine qui a choisi de dire « non » à l’amour et qui cherche à nous entraîner dans son refus alors que nous sommes « en chemin » vers « le magistrat ». C’est lui et lui seul qui nous juge au sens de « condamner » (cf. Jean 3,16-17 ; 8,10-11). Par une vérité sans amour et donc impitoyable sur la réalité de notre misère – « jusqu’au dernier sou » de notre dette (Luc 12,59) – il espère ainsi renforcer notre honte, nous décourager, et nous entraîner à tout laisser tomber dans le domaine de la vie spirituelle. « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps. » (Matthieu 10,28 ; Jean 10,10 ; 8,44).

prodigueAussi Jésus cherche-t-il à introduire ses interlocuteurs dans l’Amour de son Père, et là, ils pourront « faire la vérité » dans l’action de grâces envers Celui qui ne désire que « nous remettre toutes nos dettes » pour libérer notre conscience du fardeau de nos fautes (Matthieu 6,12 ; 11,28-30 ; Jean 8,31-36 ; Psaume 81(80),7). Alors Dieu accomplira son œuvre : « aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il mettra loin de nous nos péchés » (Psaume 103(102),12), et puisque l’accusateur n’a de prise sur nous que par nos fautes, nous serons libérés de ses filets (Psaume 116(114-115),1-9). Le Christ « doux et humble de cœur » nous invite ainsi à le rejoindre dans l’humilité de la vérité, et si nous lui offrons « en vérité » toutes nos misères, nous ne pourrons que faire l’expérience de la douceur de sa Miséricorde et de la délivrance apportée par son Pardon (Luc 4,18 ; 21,28). Oserons-nous accomplir cette démarche, notamment dans le sacrement de la Réconciliation ? Essayons de tout lui offrir, jusqu’à nos doutes. « Le Père de nos âmes m’enleva tous mes doutes comme avec la main et depuis je suis parfaitement tranquille » (Ste Thérèse de Lisieux ; cf. texte à la fin) …

Création nouvelleCet appel au repentir nous concerne tous. Nous sommes tous en effet, d’une manière ou d’une autre, blessés par le péché. C’est ce que St Paul s’est attaché à montrer au début de sa Lettre aux Romains (3,9-12) : « Juifs et Grecs, tous sont soumis au péché », et il cite le Psaume 14(13),1‑3: « Tous, ils sont dévoyés, tous ensemble pervertis »… Celui qui penserait être meilleur que les autres (Luc 18,9-14) et ne pas avoir besoin de repentir (Luc 15,7) serait en fait dans l’illusion la plus totale et la plus terrible, celle de l’orgueil. Dans notre lutte contre le péché, nous sommes donc tous solidaires. Pour le souligner, Jésus prendra l’exemple d’un massacre perpétré par Pilate et celui de l’accident de la Tour de Siloé (Luc 13,1-5). On croyait en effet à cette époque que rien n’arrivait sans que Dieu n’intervienne d’une manière ou d’une autre (Lamentations 3,38 ; Isaïe 45,7). Un accident, une épreuve, la souffrance, la maladie et la mort étaient interprétés comme autant de punitions que Dieu envoyait en réponse aux fautes commises (1Rois 8,32). Avec un tel raisonnement, ceux et celles qui avaient été tués par Pilate ou la chute de la Tour de Siloé étaient considérés comme des pécheurs qui avaient reçu de Dieu le juste salaire de leurs actes. Et les survivants pouvaient interpréter leur actuel bien-être comme la récompense de leur bonne conduite… Dans un tel contexte social et religieux, même les disciples de Jésus pensaient ainsi. « Maître », lui demandèrent-ils un jour en croisant un aveugle né, « qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ». Et Jésus répondra sans détours : « Ni lui ni ses parents » (Jean 9,1-3). La logique est la même dans notre passage de St Luc : ceux que Pilate a massacrés ou ceux qui sont morts à Siloé n’étaient ni meilleurs ni pires que les autres… Ils sont passés par la mort comme nous tous un jour, nous passerons par la mort … Mais à ce moment-là, le temps du repentir sera passé, et malheur à celui qui sera mort dans son péché… « Si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans vos péchés » (Jean 8,24). D’où l’invitation de Jésus à croire en Lui dès maintenant pour accueillir son Salut, son Pardon, sa Lumière et sa Vie …

Christ souriantEt ce temps actuel du repentir est celui de la Miséricorde inlassablement offerte par Celui qui n’est pas venu pour les justes mais pour les pécheurs (2Pierre 3,8-9)… Jésus le dira avec l’image du figuier (Luc 13,6-9). Le fait qu’il ne porte pas de fruit est le signe qu’il ne vit pas encore en relation de cœur avec Celui-là seul qui, par la grâce de son Esprit, peut nous donner de porter du fruit (Jean 15,1-5 ; Matthieu 3,8 ; 12,33-35 avec 13,44-46 ;13,23 ; Galates 5,25 ; Ephésiens 5,8-9 ; Philippiens 1,9‑11 ; Jacques 3,13-18). Et comment Dieu réagira-t-il face à ce figuier ? Par une patience sans limites… Aucune date n’est donnée, aucun délai n’est précisé… Une seule certitude est donnée : Dieu continuera de lui être proche. Jour après jour il s’occupera de lui et lui proposera tous ses dons dans l’espérance qu’un jour, « à l’avenir », il sera enfin accueilli… Alors, en puisant aux Sources d’Eau Vive qui jaillissent continuellement du cœur ouvert du Christ Ressuscité, le figuier donnera ses fruits (Jean 7,37-39; 19,33-35 ; 4,10-14 ; Ezéchiel 47,1-12 ; Psaume 1). Dans le cas contraire, il se condamnerait lui-même aux ténèbres, à l’insatisfaction permanente, au « mal-être » et ferait ainsi le jeu de l’adversaire qui cherche à nous couper de nos racines pour nous entraîner dans la mort (Matthieu 3,10 ; 7,19)…

Le signe accompli dans une synagogue le jour du Sabbat (Luc 13,10-17) sera encore une invitation lancée aux Scribes et Pharisiens « hypocrites » (Luc 13,15) à juger par eux-mêmes de ce qui est juste (Luc 12,57 ; Jean 7,24)… Peut-être se convertiront-ils en cette nouvelle occasion que Dieu leur offre ? Avec son Fils et par son Fils, il va en effet de nouveau se révéler comme Celui qui nous libère de tous ces liens mauvais qui nous oppriment et nous font souffrir. Il suffit de se laisser faire, de le laisser agir… Dans cet épisode, tout ne sera Sacré Coeur Vézelayqu’absolue gratuité. La femme était bien allée rencontrer Dieu dans la synagogue, mais surprise, c’est Lui qui en son Fils prendra l’initiative de la rejoindre d’une manière totalement imprévue. Elle ne demandera rien, elle ne lui adressera aucune prière. Et rien ne dit qu’elle a reconnu en cet homme d’apparence si simple le Fils Unique de Dieu envoyé dans le monde pour le sauver. Tout commence par un regard d’Amour, de Miséricorde et de Tendresse, celui que le Christ pose sur elle. Il l’interpelle et lui adresse une Parole d’autorité qui révèle le désir continuel de Dieu à notre égard : nous délivrer de tout mal, déposer le fardeau qui nous écrase. Et Jésus, par un geste concret, ici « l’imposition des mains », montrera qu’avec Lui et par Lui Dieu est effectivement à l’œuvre pour nous réconcilier avec Lui. Et cette femme ne lui opposera aucune résistance… Elle le laisse accomplir son Œuvre et ce que l’homme « ne peut absolument pas » faire par lui-même se réalisera par la Grâce et la Toute Puissance de l’Esprit Saint (Luc 13,11 ; Matthieu 19,26 ; Romains 9,16). Sa transformation corporelle sera alors le signe de cette transformation spirituelle que le Christ est venu nous offrir : libérée, elle se redresse et loue Dieu dans ce mystère de Communion, de Vie et de Paix qu’elle vient de retrouver avec le Christ. Les Pharisiens reconnaîtront-ils en elle l’action du Père ? S’ils peuvent, le jour du Sabbat, délier leurs bêtes « pour les mener boire », comprendront-ils que Dieu, en ce jour qui lui est consacré, désire plus que tout nous libérer de tous nos liens pour nous conduire à Lui, la vraie Source d’Eaux Vives (Jérémie 2,13) ? Alors, nous pourrons vraiment étancher notre soif et connaître dès ici-bas « quelque chose » de la Plénitude de la Vie… « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive » (Jean 7,37-39 ; 6,35)…

En Jésus-Christ, la Lumière de l’Amour et de la Miséricorde vient donc de se manifester. Ses adversaires sont « remplis de confusion », mais ils restent enfermés dans leur orgueil : ils refusent la Vérité et avec elle « de faire la vérité » en reconnaissant humblement leurs erreurs. Par contre, toute la foule est dans la joie, accueillant avec simplicité « les choses magnifiques qui arrivaient par Lui ». Et tel est le jugement : en Présence de la Lumière, les uns la refusent et demeurent enfermés dans leurs ténèbres tandis que les autres l’accueillent et reçoivent ainsi par leur foi cette Présence de Dieu, avec tous ses biens, qui s’offre à eux en Jésus-Christ …

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Certes, pour l’instant, cette Plénitude est cachée sous les apparences humbles et discrètes du charpentier de Nazareth. Mais, comme une toute petite graine de sénevé, sa Puissance est irrésistible, et si elle est accueillie, la petite graine deviendra un arbre que nul ne pourra déraciner (Jean 10,27-30). « Et les oiseaux du ciel s’abriteront dans ses branches », image de cette communion avec le Ciel et tous ses habitants qui est dorénavant devenue possible…

Accueillie, elle sera aussi comme du levain qui, enfoui en quantité minuscule au cœur de notre pâte humaine, la transformera tout entière. Elle la fera se lever en lui communiquant la Vie du Ressuscité. « Lève-toi, et marche », dira Jésus au paralytique étendu sur son brancard (Marc 2,9‑11). « Fillette, je te le dis, lève-toi ! », dira-t-il à la fille de Jaïre qui venait de mourir, et « aussitôt la fillette se leva et elle marchait » (Marc 5,41-42). « Les Paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont Vie » (Jean 6,63), disait Jésus. Si nous les accueillons, nous recevrons avec elles le don de l’Esprit qui a ressuscité le Christ d’entre les morts, et petit à petit, cette Puissance de Vie nous fera sortir de tous nos tombeaux et nous donnera la force de nous lever pour vivre une vie nouvelle (Romains 8,11 ; Jean 5,24-25). « On enleva la pierre du tombeau de Lazare… Alors Jésus s’écria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le et laissez-le aller» (Jean 11,41-44). A l’appel du Seigneur, Lazare se découvrait vivant et libre !

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Mais pour vivre ce cadeau, il nous faut accepter d’entrer par « la porte étroite » de la vérité, de l’humilité et d’une conversion sincère. Cela suppose de se tourner de tout cœur vers le Seigneur et d’être prêt avec le secours de sa grâce de renoncer effectivement au mal pour choisir le bien. Ce combat sera celui de toute notre vie, car, pécheurs, nous n’avons pu que constater avec St Paul : « Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais » (Romains 7,15)… Mais la grâce que nous avons reçue au jour de notre baptême est une grâce de « mort au péché » : « comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec le Christ, pour que fût réduit à l’impuissance ce corps de péché, afin que nous cessions d’être asservis au péché… Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes ; mais sa vie est une vie à Dieu. Et vous de même, considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus » (Romains 6,6.10-11). C’est donc par la grâce de Dieu et par elle seule que nous allons pouvoir, petit à petit, mourir au péché. Notre fidélité à Dieu apparaît ainsi comme un don de Dieu (cf. Jérémie 32,39-40 ; Ezéchiel 36,25-28) si nous acceptons de réellement mettre en œuvre la grâce qui nous est donnée (1Jean 3,5-10). Alors, nous demeurerons unis à Celui qui est venu s’unir à nos ténèbres pour que nous puissions l’être à sa Lumière et à sa Vie (1Thessaloniciens 5,9-10). « Quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où Je Suis, vous aussi, vous Soyez » (Jean 14,3). Si nous demeurons vraiment « là où Jésus est », ce mystère de communion en un unique Esprit ne pourra que nous pousser à choisir le bien et à renoncer au mal (Galates 5,16-26 ; 1Jean 2,6). Mais si nous commettons l’injustice, notre acte manifestera que la communion a été blessée. Nous nous serons « éloignés de lui » qui est dans la Lumière… Puissions-nous ne jamais entendre : « Je ne sais d’où vous êtes »… Mais là encore, le mystère de notre liberté demeure entier : resterons-nous « dehors » dans les ténèbres, ou choisirons-nous d’être « dedans », dans la Lumière et dans la Paix, là où le Christ veut tous nous rassembler (Luc 13,28-29 ; 13,34) ?

                                                                                                                              D. Jacques Fournier

Humilité, vérité, ouverture de cœur… et le Christ nous libère !

Therese« La veille (de mon engagement définitif au Carmel) il s’éleva dans mon âme une tempête comme jamais je n’en avais vue… Pas un seul doute sur ma vocation ne m’était encore venu à la pensée, il fallait que je connaisse cette épreuve. Le soir, en faisant mon chemin de la Croix après matines, ma vocation m’apparut comme un rêve, une chimère… Je trouvais la vie du Carmel bien belle, mais le démon m’inspirait l’assurance qu’elle n’était pas faite pour moi, que je tromperais les supérieures en avançant dans une voie où je n’étais pas appelée… Mes ténèbres étaient si grandes que je ne voyais ni ne comprenais qu’une chose : Je n’avais pas la vocation !… Ah ! comment dépeindre l’angoisse de mon âme ?… Il me semblait (chose absurde qui montre que cette tentation était du démon) que si je disais mes craintes à ma maîtresse (des novices), elle m’empêcherait de prononcer mes Saints Vœux; cependant je voulais faire la volonté du bon Dieu et retourner dans le monde plutôt que rester au Carmel en faisant la mienne; je fis donc sortir ma maîtresse et remplie de confusion je lui dis l’état de mon âme… Heureusement elle vit plus clair que moi et me rassura complètement ; d’ailleurs l’acte d’humilité que j’avais fait venait de mettre en fuite le démon qui pensait peut-être que je n’allais pas oser avouer ma tentation. Aussitôt que j’eus fini de parler mes doutes s’en allèrent, cependant pour rendre plus complet mon acte d’humilité, je voulus encore confier mon étrange tentation à notre Mère qui se contenta de rire de moi.

colombe_677Le matin du 8 Septembre, je me sentis inondée d’un fleuve de paix et ce fut dans cette paix « surpassant tout sentiment » que je prononçai mes Saints Vœux (Ph 4,7; Is 66,12)… Mon union avec Jésus se fit, non pas au milieu des foudres et des éclairs, c’est-à-dire des grâces extraordinaires, mais au sein d’un léger zéphyr, semblable à celui qu’entendit sur la montagne notre père Saint Elie (1R 19,11-13)… Que de grâces n’ai-je pas demandées ce jour-là !… Je me sentais vraiment la REINE, aussi je profitais de mon titre pour délivrer les captifs, obtenir les faveurs du Roi envers ses sujets ingrats, enfin je voulais délivrer toutes les âmes du purgatoire et convertir les pécheurs »…

                                                                            Ste Thérèse de Lisieux, « Histoire d’une âme »

 

[1] WOLFF H.W., Anthropologie de l’Ancien Testament (Labor et Fides, Genève 1974) p. 64.

[2] LEVÊQUE J., Job et son Dieu Tome II (Paris 1970) p. 514. « Dieu demande à Job de se ceindre les reins comme pour un combat, un travail ou une mission importante qui requiert puissance et mobilité ».

[3] La Bible de Jérusalem précise en effet en note pour le verbe « fiancer » : « Ce verbe est utilisé dans la Bible uniquement à propos d’une jeune fille vierge. Dieu abolit ainsi totalement le passé adultère d’Israël, qui est comme une créature nouvelle. Dans l’expression “ je te fiancerai dans (la justice) ”, ce qui suit la préposition “ dans ” désigne la dot que le fiancé offre à sa fiancée. Ce que Dieu donne à Israël dans ces noces nouvelles ce ne sont plus les biens matériels de l’alliance ancienne, mais les dispositions intérieures requises pour que le peuple soit désormais fidèle à l’alliance. Nous avons déjà ici en germe tout ce qui sera développé par Jérémie et Ezéchiel : l’alliance nouvelle et éternelle (“ pour toujours ”, cf. Osée 2,21), la loi inscrite dans le cœur, le cœur nouveau, l’Esprit nouveau (Jr 31,31-34 ; Ez 36,26-27) ».

[4] « Heureux » intervient trois fois dans notre texte (12,37.38.43), et le chiffre « trois » dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit. Telle est en effet l’œuvre par excellence de Celui qui désire plus que nous-mêmes que nous soyons là où il est (Jean 17,24), dans l’Amour de son Père, unis à Lui dans la communion d’un même Esprit grâce à la Toute Puissance de sa Miséricorde. « Et là où Je Suis, là aussi sera mon serviteur » (Jean 12,26).

 

Fiche n°16 – Lc 12,35-13,35 : en cliquant sur le titre précédent, vous accédez à cet article en format PDF pour lecture ou éventuelle impression.

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