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13ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 26 Juin et Dimanche 28 Juin 2021

Sagesse 1.13–15 ;2,23-24 ; 2·Corinthiens 8.7–9, 13–15 ; Marc 5,21–43

Deux chapitres avant le texte d’aujourd’hui, Marc nous dit en 3,10 à propos des malades: « [Jésus] en guérit beaucoup, si bien que tous ceux qui avaient des infirmités se jetaient sur lui pour le toucher ». Jésus a été guérisseur parmi d’autres à son époque et il devait certainement avoir une meilleure réputation que les autres. Les gens pensaient qu’il suffisait de toucher le Christ ou tout simplement ses vêtements pour être guéri. Ainsi, le chef de la synagogue, Jaïre, prie Jésus de venir imposer les mains sur sa fille malade pour qu’elle soit sauvée, et la femme au milieu de la foule dit « si je touche au moins ses vêtements, je serai sauvée. Mais le fait de toucher le Christ, en réalité, ne guérit personne. C’est la foi en Jésus-Christ qui permet de les guérir. Et la foi de Jaïre comme celle de la femme n’est qu’une foi basique, primaire, qui demande à être éclairée et reconstruite. Tous les deux ne cherchent que la guérison, l’un celle de sa fille et l’autre pour elle-même. Le mot « sauver » n’a pas le même sens pour tout le monde. Pour Jaïre comme pour la femme, « sauver » signifie « être guéri » de la maladie ou de son infirmité. Et cela ne va pas plus loin. Les deux personnages reflètent aussi la mentalité de bon nombre de chrétiens : on ne vient à Jésus que pour avoir des biens terrestres tels que « santé, bonheur, richesse » pour ne résumer que les souhaits qu’on fait au jour de l’an.  Mais pour Jésus, « sauver » va bien plus loin que cela.

La femme hémorroïsse, qui perd son sang depuis plus de douze ans et que de nombreux médecins n’arrivent pas à guérir, pense donc à toucher les vêtements de Jésus pour être sauvée. Au beau milieu de cette foule, elle arrive, venant par derrière, à toucher le manteau de Jésus. « …Aussitôt la source d’où elle perdait le sang fut tarie, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son infirmité. Jésus eut conscience de la force qui était sortie de lui, et s’étant retourné dans la foule, il disait :  « Qui a touché mes vêtements ? Et il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. 33 Alors la femme, craintive et tremblante, sachant bien ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. » La femme attendait à ce que Jésus lui fasse des remontrances, d’où cette attitude « craintive et tremblante ». Et on peut se poser la question : peut-on être craintif et tremblant devant Jésus ? Les êtres humains se trompent souvent sur les intentions de Dieu ou de Jésus. Jésus n’est pas là pour condamner les gens mais pour les sauver. Il est Amour, tout comme son Père. Et s’il est Amour, de lui ne sort que l’amour et rien d’autre. Personne ne devrait avoir peur de Jésus même s’il peut toujours nous réprimander mais il nous sauvera toujours par sa justice et sa miséricorde. Il est là pour nous justifier, c’est-à-dire pour accorder, harmoniser, réunir, ajuster notre cœur à celui de Dieu, notre volonté à celle de Dieu, etc.. La femme hémorroïsse, en agissant comme elle l’a fait, c’est-à-dire en voulant toucher secrètement le manteau de Jésus, dans son dos, elle a en quelque sorte voulu « voler sa guérison », essayant d’être guérie à l’insu de Jésus et peut-être même contre sa volonté. Et après que la femme lui ait dit la vérité, Jésus lui dit (v.34) : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton infirmité. ». Cette fois-ci, inutile de toucher Jésus pour la guérison, la foi seule suffit, une foi régénérée, plénière, totale qui dépasse largement la foi primaire. Mais pourquoi Jésus lui dit sois guérie de ton infirmité » alors qu’elle est déjà guérie ? Parce que, nous dit Jean Delorme, « une guérison volée n’est pas dans un esprit évangélique. Il va falloir que sa guérison lui soit redonnée, au terme d’une démarche de foi ». Et quand Jésus lui dit « ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix », cela a un sens : il ne s’agit plus de croire que Jésus est un simple guérisseur, mais de recevoir cette foi divine qui est force de Dieu pour lutter contre le péché, le mal et avoir le salut éternel. Car le Christ Jésus vient d’abord lui redonner non seulement la guérison selon la foi, mais aussi sa réintégration dans la société, car en perdant son sang, la femme était considérée comme impure et donc mise au ban de la société, ne devant toucher personne, et cette guérison et cette paix offertes par Jésus lui donnent la possibilité de pratiquer sa foi en Jésus, non plus d’une foi primaire, mais une foi plénière pour le salut de son âme. Cette foi nous sauve parce qu’elle nous met en relation avec Jésus-Christ, le Dieu venu sur terre pour nous donner le salut éternel.

De son côté, Jaïre ayant demandé à Jésus de venir imposer les mains sur sa fille malade, des gens viennent lui donner une mauvaise nouvelle : « ta fille est morte ». Inutile donc de déranger le Maître. « La foi de Jaïre est alors mise à l’épreuve par l’incrédulité de ceux qui lui annoncent la mauvaise nouvelle » (Jean Delorme – Lecture de l’Evangile selon Saint Marc – P.49). Mais pour Jésus, la mort n’est pas un obstacle. Réaction immédiate de Jésus à Jaïre : « sois sans crainte, aie seulement la foi ». Jésus invite Jaïre à continuer à croire en Lui et de ne pas se fier aux apparences, comme si avec la mort, tout était perdu d’avance. Cela nous arrive aussi de croire par exemple que nos prières ne servent à rien alors que Jésus nous dit en Lc18,1 qu’« il faut prier sans cesse et ne pas se décourager ». Remarquons au passage que la foi est demandée à Jaïre et non pas à la fillette malade. La foi de ceux et celles qui prient pour les autres a donc une grande importance. Arrivés à la maison de Jaïre, Jésus et ses trois compagnons voient les gens en train de pleurer. Jésus s’en étonne et affirme que l’enfant n’est pas morte, mais qu’elle dort. Ceux qui n’ont pas la foi se moquent de Jésus qui les met dehors. Dans un entretien accordé à Sœur Emmanuel Maillard, Maria Simma dit ceci ( L’étonnant secret des âmes du Purgatoire” – P.27) : « Les âmes du Purgatoire voient très bien, le jour même de leurs funérailles, si l’on prie vraiment pour elles ou si l’on fait simplement acte de présence. Elles disent que les larmes ne servent à rien, seule la prière peut les aider. Elles se plaignent de ce que les gens vont à leur enterrement sans dire une seule prière pour elles ». Dans la chambre mortuaire, avec Jésus, se trouvent ceux qui ont la foi : ses trois compagnons, Pierre, Jacques et Jean, et les parents de la fillette. Pour un rite sacré, on a besoin de gens qui ont la foi. Jésus prend la main de l’enfant et au geste de la main, Jésus ajoute une parole et dit : « Fillette, je te le dis, lève-toi ! Aussitôt la fillette se leva et elle marchait… ».

Derrière le geste visible de la main, la puissance de la Parole agit avec la grâce sanctifiante de l’Esprit de Dieu, c’est ainsi qu’agissent les sacrements. Rappelons simplement que le vrai baptême de Jésus est son sacrifice pour notre salut, sa mort et résurrection. Baptême, mort et résurrection, et sacrement de l’Eucharistie sont intimement liés. La foi en Jésus-Christ, non seulement elle guérit les malades, mais permet aussi d’être victorieux de la mort et du péché qui mène à la mort. L’évangile d’aujourd’hui est un enseignement sur la foi (Jean Delorme – Cahiers Evangile – 1/2 – « Lecture de l’Evangile selon Saint Marc » – P. 50) : « on passe de la foi originelle de Jaïre, qui a renoncé à tout espoir humain (de voir guérir sa fille), pour se confier en Jésus, puis de la foi primitive de la femme hémorroïsse, encore guidée par un calcul intéressé, à la foi renouvelée de cette femme, toute marquée par sa relation personnelle à Jésus, et enfin à la foi plénière de Jaïre, foi en celui qui ressuscite les morts ». Ce texte évangélique nous invite donc à régénérer notre foi qui, pour bon nombre d’entre nous, semble endormie. Nicolas Buttet ( L’Eucharistie à l’école des saints – P.25) nous dit  : « le mystère (divin) doit nous étonner. Si nous ne nous étonnons plus, c’est l’indifférence qui prendra la place de l’étonnement. Et l’indifférence conduit à la tiédeur. La fréquentation répétée des mystères et notamment de l’Eucharistie, peut conduire à un émerveillement croissant ou à une habitude mortelle. Il nous faut sans cesse nous ressaisir, nous laisser toucher par l’inaccessible afin de ne pas s’habituer ».

Le Pape François nous met en garde contre ce type d’endormissement de la foi (Gaudete et Exultate » – §164) : « Le chemin de la sainteté est une source de paix et de joie que nous offre l’Esprit, mais en même temps il demande que nous soyons avec « les lampes allumées » (Lc 12, 35) et que nous restions attentifs : « Gardez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5, 22). « Veillez donc » (Mt 24, 42; Mc 13, 35). « Ne nous endormons pas» (1 Th 5, 6). Car ceux qui ont le sentiment qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter (donc de s’affaiblir) et se corrompre ». Pour le Père André Nottebaert, professeur de Théologie à Rome, la régénération de la foi passe par trois étapes (Préface du livre « L’Eucharistie à l’école des saints ») : 1 – par l’inspiration de la foi vivifiée par les dons du Saint-Esprit : dons d’intelligence, de science, de sagesse etc…Il faudra donc prier pour que l’Esprit de Dieu nous vienne en aide pour que nous puissions réfléchir sur notre propre spiritualité, faire la prière du cœur à cœur à Jésus et le contempler dans sa gloire; 2 – S’inspirer de la foi vécue et transmise en Eglise par et dans l’Esprit, c’est-à-dire de la foi vécue par les saints reconnus par l’Eglise. Il faut donc connaître la vie des saints, vie qui peut nous aider à approfondir notre foi, à combattre sans cesse contre les tentations, à aimer ceux qui nous entourent… et 3 – l’étape de la réflexion théologique, étape qui ne peut s’accomplir avec bonheur qu’à la lumière de la foi ainsi transmise et nourrie. Il faut donc se former théologiquement. On n’insistera jamais assez sur la formation biblique et théologique. A chacun de voir où il en est dans sa vie spirituelle, et de demander à notre sainte Mère de nous accompagner dans notre cheminement afin que nous soyons bien uni au Christ.