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29ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN (St Luc 18,1-8)

 La prière 

Lc 18, 1-8

Le geste de Moïse dont on tient les bras levés vers Dieu pour la prière, durant une bataille, peut nous paraître naïf et proche de la magie. En fait, il contient une profonde vérité de foi : tout ce que nous faisons, c’est Dieu qui nous donne le pouvoir de le faire. Et Jésus ne nous dira pas autre chose : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ».

Moïse en était convaincu, il persévérait dans la prière tandis que Josué combattait dans la plaine, car la prière ne dispense pas d’agir, mais l’action ne dispense pas de prier.

 « Laisser tomber les bras ». Voilà une expression que nous employons encore pour parler de quelqu’un qui n’y croit plus, qui renonce : « Il a baissé les bras ». Moïse, lui, n’a pas baissé les bras, il a tenu dans la foi, il a persévéré dans la prière jusqu’au bout… Aussi, à travers ce geste de Moïse, c’est la question de la foi qui nous est posée.

Sur qui comptons-nous ? Sur Dieu ? Ou seulement sur nous-mêmes ? Est-ce-que nous nous estimons assez forts pour nous passer de lui ? Et c’est tout le sens de la dernière phrase de l’Evangile d’aujourd’hui. Une question à laquelle Jésus ne répond pas parce qu’il ne peut pas répondre à notre place.

« Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? »

A voir le petit nombre que nous sommes à prier, chaque dimanche, la question se pose en effet et nous-mêmes, dans nos journées, quelle place laissons-nous à la prière ?

Il faut avoir vécu en pays musulman, avoir été témoin de la prière d’un peuple, pour mesurer avec honte à quel point nos sociétés  occidentales  sont  des « déserts  de  Dieu ». Psichari, un officier français, écrivait  après  un voyage au  Maroc : « Tu ne sais  pas ce que c’est que de vivre dans un pays où tout le monde prie ». Et vous connaissez peut-être la maxime de Gandhi : « La prière est la clé du matin et le verrou du soir ».

Frères chrétiens, avons-nous un rendez-vous quotidien avec Dieu ? Oh ! Je sais, on dit « Je n’ai pas le temps », ayons plutôt le courage de reconnaitre « Je ne prends pas le temps ». Prier, c’est d’abord « prendre du temps pour Dieu », lui accorder un peu de notre temps parce que nous estimons que c’est vital pour notre foi. Vous le savez bien, si on aime quelqu’un, on prend le temps d’être avec lui, de l’écouter, de lui parler, de l’aimer.

La prière est ce « Rendez-Vous » avec Dieu. Elle nous rend présents à Dieu, elle nous expose au rayonnement de son amour. On prend bien des « bains de soleil ». Certaines personnes passent des heures et des heures sur la plage pour bronzer-idiot. Il serait plus utile de prendre des « bains de Dieu ». Notre âme n’en sera pas bronzée, mais plus forte, plus solide dans sa foi.

 Au milieu de l’agitation trépidante de notre vie, la prière est également un « bain de silence » qui permet une décantation de nous-mêmes, comme une eau qui lorsqu’elle est au repos, se clarifie peu à peu, et alors, mais alors seulement, nous pouvons entendre Dieu qui nous parle doucement.
Son Esprit nous souffle la direction à prendre, nous éclaire sur la voie à suivre, purifie notre regard et notre cœur, pour mieux voir et mieux juger ce que nous faisons et aussi ce que nous devons faire, en nous-mêmes et avec les autres. Nous découvrons alors l’action de Dieu  à travers les événements, à travers notre histoire à nous. La prière apaise notre cœur, nous remplit d’indulgence pour nos proches, fortifie notre volonté à les servir, la vraie prière nous relie à Dieu mais aussi aux autres…

 

Souvent nous avons une fausse idée de la prière : nous adressant à Dieu, nous croyons que notre prière va le fléchir, le faire changer d’avis, le mettre à notre service comme ce juge avec cette veuve qui insiste. En fait, ce n’est pas nous qui mettons Dieu à notre service, c’est le contraire qui se produit dans la vraie prière : nous nous mettons au service de Dieu. Nous ne changeons pas Dieu, c’est Dieu qui nous change, qui nous modifie, qui nous modèle à son image comme pour une nouvelle création intérieure. Ce n’est pas nous qui agissons sur Dieu, c’est Dieu qui agit sur nous, en nous, pour nous rendre un peu mieux, un peu plus : fils du Père. Si bien que dans une vraie prière, nous avons moins à parler qu’à écouter. « Parle Seigneur, ton serviteur écoute », disait Samuel à Dieu.

C’est à lui de parler, ce n’est pas tellement à nous ! Et Dieu n’attend que cette ouverture pour nous remplir de sa lumière, de son amour, de sa force. Julien Green, dans son journal, compare Dieu à l’eau arrêtée par le barrage de notre égoïsme et qui, dès que le barrage cède, s’engouffre avec force, avec fougue, dans la vallée de nos existences.
Mais c’est peut-être cela qui nous fait peur : n’être plus le maître de nos vies pour laisser le Seigneur l’envahir d’abord et ensuite la diriger : « Celui qui veut protéger sa vie la perdra, celui qui consent à l’exposer la sauvera ». Il sait de quoi nous avons besoin tout comme il savait pourquoi Moïse avait les bras levés tandis que Josué combattait mais il désire notre persévérance, notre insistance, notre foi dans la prière  comme cette veuve  avec ce juge qui pourtant n’est pas comme Dieu, puisque lui, c’est par lassitude qu’il consent à rendre justice à cette veuve, tandis que notre Père ne nous fera pas attendre pour nous rendre justice.

La prière est à la mesure de notre foi : elle se prolonge et dans ce cas, elle a raison du cœur de Dieu, comme pour Moïse qui avait bien de la peine à maintenir ses bras tendus vers Dieu. Dans la difficulté de la prière, aurions-nous tendance à baisser les bras ? Savons-nous nous ménager des moments de prière, seul, en foyer, mari et femme, en famille aussi avec les enfants ? Car ne l’oublions pas, il y a une grâce spéciale à prier ensemble : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ».

Chaque dimanche, l’Eglise nous rassemble pour la prière par excellence, celle de la messe, celle de l’Eucharistie où c’est Jésus-Christ lui-même qui vient au milieu de nous pour prier pour nous son Père du ciel. Prière variée que celle de la messe qui nous rassemble aussi pour le pardon, la louange, l’action de grâces, l’adoration.

Chaque semaine, l’Eglise nous apprend à donner du temps à Dieu dans une prière communautaire : que cela nous entraîne à une prière personnelle chaque jour.  AMEN