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3ième Dimanche de Carême – Homélie du Père Louis DATTIN

Le figuier

Lc 13, 1-9

Beaucoup de faits divers remplissent actuellement nos journaux, nos journaux de papier ou nos journaux télévisés. Souvent, ce sont des mauvaises nouvelles : décès, accidents, crises. « Pourquoi, pourquoi tant de malheurs ? ». Alors, à chaque  fois, la  même  question  revient : « Qui  est responsable ? »

Pas étonnant, l’écroulement de cet HLM ! Les promoteurs l’avaient construit en matériaux trop légers… Pas étonnant ce jeune qui s’est tué au volant de sa voiture ! Il conduisait comme un fou… il avait bu.

 Et puis, il nous arrive aussi, lorsque nous comprenons moins encore, de chercher le coupable du côté de Dieu : «  S’il y avait un bon Dieu, cela n’arriverait pas ! »

Et puis, encore plus grave, il nous arrive de penser que les épreuves nous arrivent comme une sorte de punition : « Qu’est-ce-que j’ai fait au bon Dieu pour qu’il m’arrive une chose pareille ? »

Dans l’Evangile de Jésus, ce matin, tout le monde parle de deux nouvelles qui font grand bruit :

.  La 1ère : Pilate qui fait massacrer les Galiléens en train d’offrir un sacrifice au temple ; et le Christ leur pose la question : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que les autres pour avoir subi un tel massacre ? »

.  La 2e nouvelle : une tour, à Siloé, un quartier de Jérusalem, qui vient de s’écrouler. Dans sa chute, elle a fait 18 morts. « Est-ce-que vous croyez, dit Jésus, que ces 18 personnes-là étaient plus coupables que celles qui étaient à côté ? Non, elles n’étaient pas plus coupables que les autres ? »

Et nous le savons bien : le mal est la conséquence des lois naturelles de la matière, regardez un tremblement de terre, un cyclone mais aussi la conséquence du non-respect de la loi des hommes ou celle de Dieu.

Croyez-vous qu’il y aurait actuellement autant de sida, s’il n’y avait pas eu auparavant un dérèglement des mœurs qu’on a appelé la « permissivité sexuelle ». Cette permissivité, nous la payons actuellement dans les hôpitaux, chez les séropositifs souvent innocents qui payent pour ceux qui ont péché.

Croyez-vous qu’il y aurait tant de « malades mentaux » à l’hôpital de St-Paul ou tant de procès à la cour d’assises si l’alcool, dans l’île coulait moins ? On se laisse entraîner et on a ensuite des enfants fragiles.

 

 

« Qu’est-ce-que j’ai fait au bon Dieu ? »

« Au bon Dieu ? Rien. Mais à tout ton entourage, tu as bien fait des misères ! »

Rappelez-vous le slogan antialcoolique « les parents boivent, les enfants trinquent ». Un gosse mal élevé à qui l’on n’a jamais osé refuser une permission, à qui on a laissé tout faire et qui devient un cagnard… A qui la faute ? Au bon Dieu ?

Regardez plutôt du côté des parents qui ont démissionné : « Oh !  Il n’a qu’à regarder son écran. Pendant ce temps-là, il nous laissera tranquille ». Mais, que voit-il à Facebook pendant ce temps-là ? Voilà pourquoi le Seigneur nous dit, en voyant tous ces malheurs qui arrivent : « Convertissez-vous », « Luttez de toutes vos forces pour vaincre le mal que vous pouvez éviter ».

A entendre les gens parler autour de nous, on a toujours l’impression que ce sont « les autres » qui sont coupables, et jamais nous : chaque événement, chaque nouvelle devrait nous rappeler que ça n’arrive pas qu’aux autres et que si nous ne nous convertissons pas, ça pourrait bien nous arriver à nous aussi. Il ne s’agit pas de faire le procès des autres, il s’agit de nous mettre en question, nous-mêmes. Jésus nous renvoie à notre propre conscience.

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez ! » De quelle mort s’agit-il ? Jésus n’est ni fou, ni naïf. Il sait très bien, que de toute façon, tout le monde meurt: les bons et les méchants, les saints et les fripouilles. Lui-même, le Vendredi Saint, il va mourir sur une Croix, le supplice des brigands, des malfaiteurs.

Non, Jésus pense à une « autre mort », celle à laquelle nous ne pensons pas assez, celle que le pécheur provoque et dont on ne peut se sauver que par la conversion.

Alors le Seigneur nous dit aujourd’hui : « Quand vous voyez toutes ces catastrophes : réveillez-vous, changez  de  vie. Ça  doit  être  un  signe  pour vous ». Que savez-vous du temps qui vous reste à vivre sur cette terre : trois jours, un an, vingt ans ? Vous n’en savez rien !

 Rester dans le péché, ne pas vouloir se convertir, c’est se condamner à mort et à une mort beaucoup plus grave que la fin de notre vie sur terre, à une mort spirituelle qui nous privera de la vie de Dieu pour toujours.

C’est pour cela que l’on dit qu’un péché peut être « mortel ». Il peut faire mourir la grâce de votre Baptême, la vie de Dieu en vous.

   C’est vraiment pour notre bien que Jésus nous invite à nous convertir  et c’est pour cela qu’il nous donne du temps supplémentaire comme   dans l’Evangile d’aujourd’hui,  pour l’arbre qui n’a pas donné de fruits.

 Ce figuier stérile, c’est nous. « Le propriétaire vint chercher du fruit sur ce figuier et il n’en trouva pas ».

Souvent, nous pouvons aussi dire au Seigneur :

« Qu’est-ce-que j’ai fait de bien pour toi dans ma vie ? Quels fruits t’ai-je donnés ? Qu’est-ce-que je t’ai offert ? Rien ou pas grand-chose ».

« Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier ».

Le Seigneur, lui, ça fait plus de trois ans qu’il attend quelque chose de nous : un changement, une amélioration, une conversion et nous continuons à profiter de la vie qu’il nous donne, sans rien faire pour lui !

« Allez, coupez-le, c’est un parasite ». Il se dit chrétien, baptisé, confirmé mais que fait-il ? Qu’a-t-il fait jusqu’à maintenant dans mon église ? Dans sa famille, dans sa profession, pour faire voir ce qu’est un vrai chrétien ?

C’est comme un manguier dont on s’est bien occupé, bien greffé et qui ne donne jamais une mangue. On va mettre un autre arbre à la place qui, lui, va donner quelque chose. A quoi bon épuiser le sol. Mais Jésus dit à son Père :

« Seigneur, laisse-le encore cette année. Je vais m’en occuper. Peut-être à l’avenir donnera-t-il du fruit ? ».

Et vous, frères et sœurs, qu’allez-vous donner ? Qu’allez-vous produire ? Quels fruits de conversion allez-vous offrir à Dieu ? Le Carême, votre Carême qui est commencé depuis plus de deux semaines : maintenant, c’est le temps du changement, le temps du réveil, le temps de l’action. Qu’avez-vous fait de plus pendant ces trois semaines ?

Le temps passe. Pâques va approcher, alors il est urgent, il est indispensable de nous secouer, de faire le point, de penser sérieusement à ce que vous allez faire pour devenir un peu mieux, un peu plus ?

Pendant cette messe, voulez-vous, nous allons demander à Jésus-Christ, qui est notre jardinier, qui va s’occuper de nous et qui ne demande qu’à nous sauver, qui ne demande qu’à nous aider à porter du fruit, à nous laisser faire par lui pour qu’il nous change. Le Christ se fait jardinier de chacun de nous : il se penche sur chacun de nous pour assainir nos racines, fortifier le tronc, reverdir les feuilles de notre vie chrétienne pour qu’un jour, le plus tôt possible, nous poussions des fleurs et puis des fruits. Mais il ne peut pas le faire sans nous ! Il faut se confier à lui, lui dire : « Seigneur, moi tout seul, je ne peux rien faire, mais je sais qu’avec toi tout est possible ! »

Alors, vous verrez, la vie de Dieu en vous sera féconde. Vous verrez, et il verra les premiers bourgeons ! Pourvu que nous sachions nous convertir, changer quelque chose dans ma vie : préparer ma confession pascale.

 Que le Christ ne ressuscite pas tout seul :

mais moi, aussi, avec lui, à Pâques !  AMEN




17ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Père Rodolphe EMARD

Homélie du dimanche 13 mars 2022

2ième dimanche de Carême / Année C

 

Textes bibliques : Gn 15, 5-12. 17-18 ; Ps 26 ; Ph 3, 17 – 4, 1 ; Lc 9, 28b-36

Frères et sœurs, les lectures de ce 2ème dimanche de Carême nous invitent clairement à regarder le Ciel, les choses célestes, ce qui concerne Dieu car cela nous concerne aussi.

Regarder le ciel à l’instar d’Abraham dans la première lecture, tirée du livre de la Genèse. Dans l’Ancien Testament, Abraham est la figure emblématique de la foi pure et entière.

Le Seigneur lui avait promis une descendance au chapitre XII. Dans le passage que nous avons proclamé du chapitre XV, le Seigneur l’invite à contempler le nombre infini d’étoiles et lui promet une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Dieu scelle une Alliance avec Abraham : « Abraham eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste ».

Abraham est le père dans la foi, le père d’une multiple de croyants. Il est un exemple pour nous en ce temps de Carême. Abraham nous invite à l’aventure toujours inconnue de la foi, oser un vrai pas… La foi peut apporter une réelle fécondité à nos vies… Repensons à l’Alliance que Dieu a fait avec nous depuis notre baptême…

Le Psaume 26 est un psaume de confiance et de foi ferme en Dieu. Par ce psaume, le psalmiste exprime la solidité de son espérance en Dieu : « Le Seigneur est ma lumière est mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ? » Quels moyens allons-nous nous donner durant ce Carême pour mieux miser notre vie sur la foi ?

Dans la deuxième lecture, saint Paul reproche à certains membres de la communauté de Philippes de se conduire « en ennemis de la croix du Christ ». L’apôtre exhorte les Philippiens à ne pas penser « qu’aux choses de la terre » et à considérer surtout leur « citoyenneté dans les cieux » et l’attente du Christ, « lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ».

L’espérance en la Résurrection des corps est ici mise en évidence : La Résurrection du Christ est la promesse de notre propre Résurrection à la Parousie. Le croyons-nous vraiment ? Le croyons-nous suffisamment ? Cette espérance nous fait elle vivre ? Durant ce Carême, nous avons sans doute à demander au Seigneur de nous donner plus de foi en la Résurrection.

 

Saint Paul nous exhorte à considérer notre « citoyenneté dans les cieux ». Ici, sur terre, nous sommes des pèlerins, nous sommes de passage vers la demeure éternelle, ne l’oublions pas…

Dans l’Évangile, nous avons le récit de la Transfiguration. La Transfiguration est l’œuvre de Dieu. Dans la Bible, la montagne est le lieu de la rencontre avec Dieu (L’Horeb pour Élie, le Sinaï pour Moïse). La nuée est un phénomène qui marque la manifestation de Dieu.

Cette Transfiguration annonce la Résurrection future de Jésus à Jérusalem. Comme pour la deuxième lecture, nous sommes invités à vivre plus profondément de l’espérance de la Résurrection, ce mystère qui donne sens à notre vie, ce mystère qui est le but ultime de nos existences.

Seigneur Jésus, augmente en nous la foi. Donne-nous la lumière de ta Résurrection pour que nous puissions avancer en enfants de lumière. Donne-nous de mieux d’écouter, toi la Parole de Vie, aujourd’hui et pour les siècles des siècles. Amen.




2ième Dimanche de Carême – par Francis COUSIN (Lc 9, 28-36)

« Transfiguration. »

 

La semaine dernière, nous avions vu Jésus face au Démon, au Diable.

Cette semaine, nous rencontrons Jésus dans sa Gloire, déjà ressuscité, ou plutôt, comme il était depuis toujours auprès de son Père et de l’Esprit Saint. Et Jésus n’est pas seul : on voit autour de lui, par ordre d’arrivée, Moïse qui rencontra Dieu sur le mont Sinaï et transmit la Loi de Dieu au peuple Hébreu, le Prophète Elie qui rencontra Dieu sur le mont Horeb, deux personnages morts depuis longtemps et qui représentent la Loi et les Prophètes, c’est-à-dire pour les juifs tout l’ancien testament. Puis, au-dessus d’eux, dans la nuée, Dieu qui parle : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! ».

Dans cette parole, il y a d’une part la reconnaissance que Jésus est le Fils de Dieu, ce qu’il avait déjà dit lors du baptême de celui-ci, mais il ajoute « Écoutez-le ».

« Un Père qui prend la parole, mais pour s’effacer derrière la parole de son Fils : ’’Écoutez-le’’. » (André Louf).

Mais, pour que cette parole de Dieu soit entendue, il fallait qu’il y ait des témoins, des hommes qui puissent l’entendre pour pouvoir la redire par la suite, le moment voulu !

Jésus avait l’habitude de se retirer, seul, pour prier, à l’écart, et plusieurs fois sur une montagne ou une colline. Il avait emmené avec lui Pierre, Jacques et Jean, trois de ses apôtres en qui il avait toute confiance, les mêmes qu’il avait emmené chez Jaïre pour redonner vie à sa fille, les mêmes qu’il emmènera pour prier à l’écart au jardin de Gethsémani …

Et les voilà tout quatre qui montent sur le mont Thabor …

Jésus se met en prière … et les trois apôtres, fatigués par l’ascension, s’endorment … comme ils le feront au jardin de Gethsémani, où par trois fois Jésus dût les réveiller alors qu’il leur avait dit : « Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation » (Mc 14,38).

On ne sait rien des prières de Jésus à son Père. Ce qu’il a dit. Ce que son Père lui a dit. S’il lui arrivait de rencontrer Moïse, Elie, ou d’autres prophètes … C’est son secret, comme c’est le nôtre pour nos prières …

Mais le visage de Jésus se transforma, « devint autre » … et son vêtement aussi …

Sans doute la lueur émise réveilla-t-elle les trois apôtres … et ils purent entendre des bribes de la conversation autour de Jésus …

« Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. »

Son départ … ἐξοδος en grec = exode.

Exode avec Moïse pour quitter la terre de servitude et aller vers la terre promise …

Exode de Jésus pour quitter le monde humain et retourner dans le Royaume de Dieu … et nous y emmener. « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » (Jn 14,6).

Mais entretemps, il y aura la Passion et la Croix … qui sont annoncés avant le passage de la transfiguration, et encore après …

Et puis, on ne peut s’empêcher de penser à toutes ces personnes qui quittent l’Ukraine pour retourner dans leur pays … et ceux qui s’en vont, et ils sont beaucoup plus nombreux, des ukrainiens, et qui ne savent pas où aller … qui quittent tout ce qu’ils ont, … mais qui n’ont que peu d’espoir de pouvoir se reconstruire loin de leur patrie … et de leurs amis … ceux qui ne sont pas morts dans la guerre …

Que faire pour eux ?

Comme l’a dit le pape François : le jeûne et la prière … et se laisser aller, pousser dans la puissance de l’Esprit Saint à faire tout ce qui peut se faire … seul, ou à plusieurs !

Mais toujours en lien avec Dieu.

Là-haut tu es apparu aux tiens dans toute la vérité :

celle du Fils lumineux !

Peut-être tes amis croyaient-ils te connaître

à partir de tout ce qu’ils avaient pu observer de toi

dans le quotidien des jours ?

Mais la puissance de Dieu

leur a soudain permis de réaliser

que tu étais bien plus

que ce qu’ils pouvaient imaginer.

En cet instant d’intensité maximale s’est révélé à eux

– mais aussi à toi, probablement -,

en toute clarté, celui que tu es vraiment :

« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi. Écoutez-le ! »

(Christian Delorme)

                                                                                   Francis Cousin

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant : Image dim Carême C 2°




2ième Dimanche de Carême – par le Diacre Jacques FOURNIER (Lc 9, 28-36)

Tous appelés à la Gloire (Lc 9,28-36) !

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.
Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.
Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,
apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.
Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.

 

            « Pendant que Jésus priait, son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante… Pierre Jean et Jacques étaient accablés de sommeil ; mais, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus »… Le Fils prie. Il se tourne avec une intensité toute particulière vers le Père, et son Mystère apparaît, resplendissant, aux yeux de ses disciples. « Je Suis la Lumière du monde » (Jn 8,12), leur avait-il dit. Et ils constatent ici, dans le cadre de cette prière qui est bien référence à un Autre, le Père, à quel point Jésus est bien « Lumière née de la Lumière » : « Ils virent sa gloire ».

            Or, la notion de « gloire » dans la Bible vient d’un mot hébreu, kabôd, dont la racine évoque l’idée de ‘poids’ : peser lourdement, être lourd. Pour l’hébreu donc, la gloire ne désigne pas tant la renommée que la valeur réelle d’un être estimée à son poids, et c’est ce poids qui définit ensuite l’importance de cet être dans l’existence… Pour les hommes, ce ‘poids’ peut être celui de la richesse, d’un talent particulier, de la position sociale, etc… Pour Dieu, il renvoie à ce qu’Il Est en Lui-même, à sa nature divine, son Être divin… Ce que nous appelons « gloire de Dieu » n’est donc rien d’autre que la manifestation, d’une manière ou d’une autre, de ce que Dieu Est en Lui-même… Pas de gloire de Dieu sans la nature divine qui en est la source…

            Dans un tel contexte, la notion de « gloire » est alors indissociable de celle de « nature divine ». Ainsi par exemple : « Et le Verbe s’est fait chair, et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique » (Jn 1,14). Et juste avant sa Passion, Jésus dira : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant même la création du monde » (Jn 17,24). Ainsi, de toute éternité, le Père donne au Fils « la gloire », c’est-à-dire la nature divine, et cela gratuitement, par amour… Et c’est ainsi qu’il l’engendre « avant tous les siècles » en « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père ».

            Mais en percevant ainsi le Mystère du Fils, vrai Dieu et vrai homme, les disciples prennent conscience également de ce à quoi Dieu appelle tous les hommes : participer à sa gloire en recevant, comme le Fils et par le Fils, le Don de sa nature divine (2P 1,4). « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22)…                              DJF




2ième Dimanche de Carême – Homélie du Père Louis DATTIN

Transfiguration

Lc 9, 28-36

Pour bien comprendre la Transfiguration, il faut se rappeler ce qui s’est passé avant. Jésus a commencé à susciter des oppositions sérieuses : on ne l’accepte plus, on fait des réserves à son égard. Il est même chassé de l’entourage de certains, on l’abandonne. Il a fallu que Pierre, sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, ait un sursaut de foi et se mettant à genoux devant  Jésus  qui  leur  demande  qui  il  est :

« Pour vous, qui suis-je ? », que Pierre donc déclare: « Tu es le Messie, le Fils de Dieu ». Mais Jésus n’en continue pas moins à annoncer sa mort : « Il doit monter à Jérusalem ; là- bas, être jugé, mis à mort », si bien que le moral des apôtres est à zéro.

Ils se demandent s’ils ne se sont pas trompés, s’ils ne se sont pas engagés dans une mauvaise aventure, sur une fausse piste : Jésus le sent bien et il veut les réconforter. Ils sont tellement habitués à voir le « Jésus ordinaire », le « Jésus quotidien ». L’homme qu’ils côtoient, ils ont tendance à oublier qui il est : Dieu, Fils de Dieu, Parole éternelle du Père, Lumière du monde, Sauveteur de l’humanité.

Nous aussi parfois, dans notre religion, j’allais dire « ordinaire », nous aurions facilement tendance à ne plus voir Dieu en Jésus-Christ : il s’est tellement fait proche de nous que nous ne voyons plus que ce qu’il nous présente ! Un homme avec ses fatigues, ses humeurs, ses réactions humaines, son tempérament. Mais Dieu en lui, le Fils éternel du Père, le Fils bien aimé, Créateur de l’homme, Sauveteur de l’Humanité : ça nous avons tendance à l’oublier

Attention, si Dieu s’est fait l’un de nous, tellement  l’un de nous, que  beaucoup  ne   l’ont  considéré  que   comme  un  homme, il reste, et il est le Tout-autre, le Transcendant. Il y a, entre nous et lui, cet énorme fossé creusé par sa sainteté totale à lui et notre condition de pécheurs à nous, si bien qu’à certains moments de lucidité, Pierre va se prosterner devant lui et lui dire : « Eloigne-toi de moi, je ne suis qu’un pauvre pécheur », alors que justement, c’est parce que nous sommes pécheurs que Jésus veut se rapprocher de nous. Jésus a tellement bien réussi à se faire l’un de nous  que nous en arrivons à oublier qui il est.

La Transfiguration, pour les apôtres, comme pour nous, est là pour nous le rappeler : nous avons tellement vu Jésus dans sa bassesse, dans sa condition humaine, que nous avons besoin, nous aussi, de nous réveiller, de reprendre conscience de la véritable identité de Jésus.

La Transfiguration, c’est un temps fort voulu par Dieu, où pendant quelques instants, les apôtres et nous-mêmes, nous réalisons subitement, nos yeux s’étant ouverts, qui est Jésus, ce qu’il est pour Dieu, ce qu’il est pour nous.

Alors nous sommes en pleine vision de sa gloire c’est-à-dire de la vision permanente que nous aurons de lui, au ciel. C’est à la fois la manifestation de la vraie nature de Dieu, qu’on appelle sa « gloire », et pour nous, l’avant-goût de la « vision béatifique », c’est-à-dire de ce que nous serons appelés à vivre. Cette vision, avant la lettre, va redonner aux apôtres un moral, un réconfort dont ils vont avoir bien besoin pour s’en souvenir, au moment de la Passion de Jésus : son agonie, sa mort en Croix. D’ailleurs ce sont ces trois mêmes apôtres Pierre, Jacques et Jean qui seront témoins, et de l’agonie de Jésus et de sa Transfiguration :

 

« Avec moi dans la peine, avec moi dans la gloire ».

Les deux scènes d’ailleurs se passent dans la prière pour Jésus et dans le sommeil pour les apôtres.

Les deux scènes se passent aussi sur la montagne. Il alla sur la montagne, le haut-lieu, le lieu saint pour prier : le Thabor, mont de la Transfiguration ; le Mont des oliviers, lieu de l’agonie. Pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre.

Vous avez été parfois témoins de ces brusques changements de visage à l’annonce d’une grande douleur ou d’une grande joie :

– le visage de celui qui apprend le deuil de quelqu’un qui lui est cher,

– d’un étudiant qui vient d’être reçu à son examen,

– d’un sportif qui vient de battre un record,

– d’une jeune fille qui devient amoureuse.

On dit qu’ils sont  « Transfigurés« . C’est l’âme qui transparaît et qui illumine ou défait la figure. Et pour bien montrer que Jésus n’est pas seul, un solitaire messager, le voilà qui s’entretient avec Moïse et Elie, c’est-à-dire avec Moïse, la Loi, et Elie, le prophète : avec la Loi et les prophètes pour bien marquer la continuité du plan de Dieu sur la terre. Moïse, rappelez-vous, s’entretenant avec Dieu sur le Sinaï, Elie, lui  aussi, emporté dans le ciel avec son char.

De quoi parlaient-ils tous les trois ? St-Luc est le seul à nous dire : « Ils s’entretenaient avec lui de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem ». En pleine glorification, Jésus parle de sa Passion, de ce qui va se passer à Jérusalem dans quelques semaines. 

Indissociable mystère pascal où l’on ne peut parler du triomphe de Pâques sans parler de la mort sur la Croix ! Où l’on ne peut pas  dissocier l’agonie du jardin des Oliviers de la joie fraîche du matin de Pâques ! Mystère  qui  va  se jouer  aussi  en chacun d’entre nous ! Mystère indissociable aussi pour chacun d’entre nous où nous ne pourrons pas suivre Jésus sans participer à ses douleurs, mais aussi à son triomphe. Jésus sait pourquoi il est venu, il sait où il va : il va vers le Père et « entre dans la gloire en passant par la mort ».

Et  c’est aussi le résumé de ma propre destinée. Que je le veuille ou non, que j’en sois conscient ou non, je suis sur le chemin qui me conduit vers Dieu en passant par la mort.

Je suis en état d’exode, quittant  la terre d’esclavage  pour aller vers la terre promise. Il y a quelques jours, on nous a dit :

« Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ».

La Transfiguration de Jésus nous annonce aujourd’hui notre propre transfiguration : perspective glorieuse qui est la nôtre, réduits en poussière, nous passons en Dieu. La foi en Jésus est d’un optimisme fantastique :

«Se réveillant, ils virent la gloire de Jésus : Lumière des hommes ».

Nous, aussi, nous marchons vers Dieu.

Pour bien montrer qu’ils ne rêvaient pas, que ce n’était pas une hallucination collective, une voix se fait entendre, la même qu’au Baptême de Jésus : 

« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le  ».

Au début de notre Carême, au cours de nos réunions, dans nos volontés de changement, dans notre prière accrue et plus vraie, nous réentendons cet avertissement du Père :

« Celui-ci est mon Fils bien aimé ».

Oui, c’est bien lui, c’est bien le Fils de Dieu qui est notre compagnon de route.             

Oui, c’est bien lui qui est là, dans le quotidien de nos vies, dans la  grisaille de nos jours, dans la vie que je mène, dans mon emploi du  temps  de  tous  les  jours où il ne se transfigure pas, dans  la  vallée  de  l’ordinaire  et non sur le sommet du Thabor : « Ecoutez-le ».

Oui, écoutons-le.   

 . C’est avec sa parole que nous pouvons nous diriger.

 . C’est avec sa parole que nous pouvons nous nourrir.

 . C’est avec sa parole que nous entretenons notre foi et notre espérance pour monter avec lui à Jérusalem, pour monter avec lui dans la gloire de la Jérusalem céleste. AMEN




1er Dimanche de Carême – Homélie du Père Louis DATTIN

Tentations au désert

Lc 4, 1-13

Avez-vous bien écouté, frères et sœurs, la dernière phrase du passage d’Evangile que nous venons de lire ? « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentation ». Il semble que le démon manque nettement  d’imagination. Nous  sommes, nous, beaucoup  plus doués  que lui en matière de tentation. Comment peut-il en avoir épuisé “toutes les formes” avec ces trois propositions faites à Jésus ?

 

Regardons de plus près. Tout d’abord, le texte parle de « Diable », Diabolos : “celui qui divise, sépare, désunit”. Attention, cette « puissance du mal » que les évangiles appellent aussi “Démon”, “ Satan” (mot hébreu qui signifie « l’adversaire »), ce ne sont pas des diablotins cornus et fourchus que les images représentent, mais ce mal qui habite notre propre cœur, l’adversaire de notre Dieu.

Le récit d’aujourd’hui est admirablement construit : il nous donne le résumé des choix et des combats que les Hébreux ont rencontré dans le désert et où ils ont échoué là où Jésus a été victorieux. A notre tour, chacun de nous doit se battre sans cesse. La vraie vie spirituelle, la vie évangélique à la suite du Christ, n’est pas une existence de tout repos, et le Carême est un temps privilégié pour ce combat spirituel.

Reprenons ces 3 tentations au désert et vous verrez qu’elles recouvrent toutes les autres, toutes les nôtres, tentations permanentes pour toutes les époques. Traduisons-les avec nos mots d’aujourd’hui.

  • Première tentation : « Que ces pierres deviennent du pain ». Le pain satisfait nos désirs. C’est la tentation la plus banale, facile : ma relation aux choses, posséder, manger, satisfaire mes instincts, consommer. Tout cela est parfaitement légitime, mais doit être maîtrisé. Nos faims corporelles peuvent devenir nos maîtresses et faire de nous des esclaves comme dit maître Jacques  dans « l’Avare » de Molière : « Il  faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger ». Le verbe « être » doit toujours passer avant le verbe « avoir » : l’ »avoir » n’est qu’au service de « l’existence » et pas plus.

Où est la vraie vie de l’homme ? Dans le pain ? Dans le bien acquis ? Ou ailleurs ?

« Que ces pierres deviennent des pains », comme c’est tentant quand on a faim, quand le désir est là, exacerbé par la publicité, de s’engouffrer dans la consommation « non-stop ». Mais la vraie vie de l’homme est-elle là ?

Ce n’est même pas son besoin le plus fondamental. Allons-nous satisfaire tous nos besoins, nos addictions corporelles jusqu’à en « crever spirituellement » et même physiquement ? : Obésité, cholestérol, sida, MST, alcool jeux, drogues, tabac… Nous consommons trop et mal. Une bonne partie de nos maladies vient de nos excès et nous devenons des ruines. Regardez les dernières photos de Serge Gainsbourg, quelques mois avant sa mort : une déchéance, d’autant plus lamentable que c’était un esprit brillant !

Si seulement le Carême pouvait nous inciter, à la suite de Jésus, et avec sa grâce, à nous rassasier un peu plus de l’essentiel : la Parole de Dieu. « L’homme ne vit pas seulement de pain,  mais de la Parole de Dieu ».

Interrogeons-nous clairement : avons-nous un Evangile à la maison ? Où est-il ? L’ouvrons-nous parfois ? Que connaissons-nous  de  la  Bible ? Que  décidons-nous  pendant  les  quarante jours  d’ici-Pâques  pour lire un passage de la Parole de Dieu ?

Rétablir l’universelle coutume du jeûne (les musulmans et les autres religions le font bien) pour maîtriser notre chair et nous adonner davantage à la prière ?

  • Deuxième tentation : le pouvoir, dominer les autres, être au-dessus. Cette tentation-là est beaucoup plus grave : c’est la perversion de notre relation aux personnes. Ne voir les autres que par rapport à soi. Dominer, exercer le pouvoir sur les autres : qui d’entre nous n’a pas rêvé d’exercer une autorité, un pouvoir sur les autres, que ce soit en famille, l’homme ou la femme, les enfants entre eux dans une classe, dans les associations ? Toutes les jalousies et les rivalités dans les bureaux des fonctionnaires ou des entreprises, les peaux de bananes glissées sous les pas des concurrents, la carrière où l’on marche sur les autres pour les dépasser et se trouver devant eux, au-dessus d’eux, « l’homme un loup pour l’homme ». Jésus lui-même a été tenté de devenir un roi des royaumes de la terre, en exerçant le pouvoir selon les habitudes des puissants de ce monde qui font peser leur pouvoir.

Voici donc cette terrible envie de dominer : les élections nous le font bien voir avec sa multitude de listes, sa pléthore de candidats et aussi, ne l’oublions pas, son cortège d’opprimés, de torturés, d’abimés, ceux qui n’ont pas le droit à la parole et que l’on fait taire avec un billet ou quelques tôles ondulées ; les faibles, les petits, les êtres qui ne peuvent pas se défendre, à commencer par le problème tragique des suppressions des fœtus d’enfants vivants, ils n’ont pas droit à la parole ; on ne leur a jamais demandé leur avis, ils sont victimes des forts, des adultes.

Comment traitons-nous les handicapés physiques ou les débiles mentaux dans notre société, dans nos écoles, dans nos relations, dans nos familles et nous-mêmes ?

Comment nous laissons-nous dominer par les puissances des médias, la propagande, la publicité, les idées toutes faites, les courants d’idées à la mode ? Ne faisons-nous pas le jeu des sondages de toutes sortes qui nous indiquent, dans les questions elles-mêmes, ce qu’il nous faut répondre ?

Si seulement le Carême pouvait nous inciter à retrouver la vérité de toutes nos autres relations en retrouvant devant Dieu le « devoir d’Adoration ».

« Tu te prosterneras devant DIEU seul et c’est lui seul que tu adoreras » : se situer humblement devant Dieu, c’est apprendre du même coup à servir humblement les autres, au lieu de dominer.

  • Troisième tentation : la magie : mettre Dieu à notre service au lieu de nous mettre nous-mêmes à son service. C’est la plus grave des tentations : elle est perversion de notre rapport à Dieu, mettre Dieu en demeure de faire ce qui nous plaît.

Dans cette tentation-là, ce sont les rôles qui sont inversés : au lieu de nous mettre au service de Dieu, nous mettons Dieu à notre service. Mettre Dieu à l’épreuve, faire de Dieu l’objet d’un chantage, sommer Dieu de nous faire réussir, de nous éviter des ennuis : « Si Dieu existe, cela n’aurait pas dû arriver », comme si Dieu était mon domestique et qu’il n’était là que pour être à ma disposition.

Suprême tentation : nous ériger en conseiller de Dieu, lui dire ce qu’Il devrait faire. Nos prières ne sont-elles pas parfois des ordres que nous donnons à Dieu :

 « Seigneur, fais ceci, obtiens-moi  cela, accorde-moi  tel  avantage ».

 « Si tu es Dieu, fais ceci. »

 «  J’ai prié et tu ne m’as pas exaucé. »

 « Tu n’as pas fait ma volonté donc tu n’existes pas ».

Qui est Dieu ? Est-ce lui ou moi ?

Tentation de provoquer Dieu, de le faire obéir à mes désirs.

Si seulement ce Carême pouvait nous inciter à nous décentrer de nous-mêmes pour nous tourner résolument vers le « Tout autre » pour dire, comme le Christ au jardin des Oliviers : 

« Que  ce  soit  ta  volonté  qui  se  fasse, Père, et  non  la mienne ! »

Ne croyez-vous pas, maintenant, que ces tentations-là, sont bien les plus fortes auxquelles l’homme soit affronté ? Ces tentations de Jésus sont toujours les nôtres. Plus encore, elles résument tous nos désirs de possession et de puissance.

  • Avec Jésus, vainqueur de ces invitations de Satan, notre Carême pourrait être un temps merveilleux de croissance, d’épanouissement du meilleur de nous-mêmes, un vrai renouvellement de notre vie filiale et fraternelle de baptisés.

Lorsque nous sommes tentés, St-Ignace nous conseille de faire le contraire de la suggestion de Satan :

  –  Je désire avoir : je donne la primauté à l’être.

  – Je veux dominer : je me mets à la disposition de l’autre.

  – Je veux mettre Dieu à mon service : je me mets alors à son service à Lui.

Alors, ayant épuisé, nous aussi, toutes les formes de tentations, notre cœur pourra être prêt à rencontrer le Dieu-amour.  AMEN




1er Dimanche de Carême – par Francis COUSIN (Lc 4, 1-13)

« Jésus v/s Satan. »

 

« Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. ».

Jésus vient d’être baptisé par Jean-Baptiste, et, alors qu’il priait, l’Esprit Saint descendit sur lui et la voix du Père se fit entendre depuis les cieux. Première théophanie où les trois personnes de la Trinité sont ensemble en un même lieu de manière visible et audible par les personnes présentes.

Aussitôt, l’Esprit pousse Jésus dans le Désert.

Le désert, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu, et la durée de ce séjour, quarante jours, invite à faire le parallèle avec la pérégrination du peuple hébreu (quarante ans) au sortir de l’Égypte pendant laquelle Moïse rencontra Dieu sur le mont Sinaï.

Mais le désert, avec sa vie rude, c’est aussi le lieu des tentations. Dès le départ des hébreux, ce furent les regrets de la bonne nourriture avec les viandes grasses et les oignons, puis le désir de se créer un dieu que l’on voit avec le veau d’or.

Jésus, vrai homme, fut d’abord tenté par les sens : au bout de quarante jours, il eut faim !

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je n’aurai pas attendu quarante jours pour avoir faim … et comme je n’ai pas le pouvoir de transformer les pierres en pain, je ne serai pas resté longtemps au désert …

La plupart des tentations commencent par les sens. On a entendu il n’y pas longtemps : « Si ta main (ton pied, ton œil) est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot (estropié, borgne) dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains (pieds, yeux), là où le feu ne s’éteint pas. » (Mc 9,43-47). Les besoins primaires d’abord.

Mais Jésus est aussi vrai Dieu, et son Père vient de le lui rappeler : « Tu es mon Fils bien-aimé. », et à l’amour du Père pour son fils répond l’amour du fils pour son Père.

Est-ce à dire que les tentations subies par Jésus ont été plus douces que celles que nous pouvons subir ? Certainement pas. N’oublions pas la tentation, à Gethsémani, quand le diable revient « au moment fixé » : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. (…) et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. » (Lc 22,42.44).

Comment Jésus répond-il aux tentations du diable ?

Avec ce qu’il a : Avec l’Esprit Saint qui est en lui, l’Esprit qui « vient au secours de notre faiblesse » (Ro 8.26) et qui lui fournira par trois fois les Paroles de l’écriture qui ’’cloueront le bec’’ au diable, et avec l’amour pour son Père qui le soutien.

Les deux autres tentations, d’abord celle du pouvoir, du tout tout-de-suite, et puis celle de forcer Dieu à faire quelque chose ou de se prendre pour Dieu, ne sont pas seulement pour Jésus, elles sont aussi pour nous, mais le diable ne va pas nous les présenter de la même façon.

Mais quand on voit certaines choses qui se passent actuellement dans notre monde, on peut être sûrs que le diable continue à tenter les gens (il ne sait faire que cela !)… et que certains se laissent tenter, malheureusement …

Que ce soit l’invasion de l’Ukraine (deuxième tentation) …

Ou toutes les lois sur la bioéthique (troisième tentation) …

Mais le diable s’intéresse aussi à chacun de nous, à tous nos petits défauts … et il va faire le maximum pendant ce carême pour que nous succombions à ses tentations, que nous n’allions pas au bout de nos efforts de carême prévus …

Pour le contrer, deux choses : la prière, et le jeûne

C’est-à-dire, se mettre au désert … même si on est entouré de plein de gens …

Seigneur Jésus,

nous voici au début de ce carême,

en marche vers la fête de Pâques.

Et tout commence par le désert,

là où je suis,

avec d’autres personnes,

pour s’entraider,

dans la prière et le jeûne,

avec l’aide de l’Esprit Saint.

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant : Image dim Carême C 1°°




« Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? » (Lc 6,41) (DJF).

Dans sa Première Lettre aux Corinthiens (1Co 15,54-58), St Paul évoque l’accomplissement de notre vie, par delà notre mort : « Quand cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans la victoire » (1Co 15,54). Cette notion de mort englobe ici :

1 – la mort physique qui fait partie de notre cheminement de créatures ici-bas ; nous avons mis neuf mois pour ‘naître à la terre’, nous mettrons la durée de notre vie pour ‘naître au ciel’. Cette étape n’est pas la conséquence du péché puisque la Vierge Marie, l’Immaculée Conception, préservée par grâce de toute souillure inhérente au péché originel, s’est endormie dans la mort pour vivre ensuite son Assomption, « esprit, âme et corps » (1Th 5,23) et entrer ainsi, en « tout son être », dans la Plénitude de la vie éternelle…

2 – la mort spirituelle, qui est, elle, la conséquence directe du péché, puisqu’elle est le fruit de la rupture de relation de cœur avec Dieu, Lui qui est Source éternelle de Vie (Jr 2,13 ; Jn 7,37-39), Don gratuit de la Plénitude même de sa Vie, et nous avons tous été créés comme « capacité d’accueil » de ce Don : tel est notre « esprit » appelé, comme Elisabeth (Lc 1,41), Zacharie (Lc 1,67), Jean Baptiste, son fils (Lc 1,15), Jésus, vrai homme et vrai Dieu (Lc 4,1), les Apôtres (Ac 2,4), St Pierre (Ac 4,8), St Paul (Ac 9,17)… à être « rempli d’Esprit Saint », cet « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6).

Or, puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), il est Don éternel de tout ce qu’il Est en Lui-même, car « le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner » (Pape François, mercredi 14 juin 2017).… « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), un Esprit qui est vie ? Il est Don éternel de l’Esprit Saint, et donc Source de Vie… Consentir à la relation avec Lui, s’ouvrir de tout cœur à Lui, c’est recevoir ce Don gratuit de l’Amour, c’est vivre pleinement… Le refuser, se fermer à Lui, c’est se condamner soi-même à la mort, alors que Dieu, Lui, est toujours Source de Vie, Don offert gratuitement, mais qui se heurte à une porte fermée… Il n’empêche, ce Don déjà offert « frappe » toujours à la porte des cœurs (Ap 3,20), et avec Lui, c’est Dieu qui nous invite à lui ouvrir, à nous repentir, et à nous laisser pardonner, purifier, sanctifier par ce Don qui, seul peut nous combler puisque nous avons tous été créés pour le recevoir et trouver en Lui le vrai Bonheur, la vraie Plénitude, la vraie Joie…

Ainsi, « revêtir l’incorruptibilité, revêtir l’immortalité », c’est laisser, au terme de notre vie, le Don de l’Esprit Saint accomplir pour nous son œuvre de résurrection et de vie… En effet, le Père a ressuscité le Fils par cette Puissance de l’Esprit Saint : il fut ainsi « établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de Sainteté par sa résurrection des morts » (Rm 1,4). « Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11).

Et la dynamique est la même pour les fondements de notre vie chrétienne ici-bas. St Paul emploie ainsi le même verbe « revêtir » pour évoquer les conséquences du baptême : « Vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,27-28). Autrement dit « revêtir le Christ », c’est recevoir le Don du Saint Esprit qui nous unit au Christ et nous introduit, « rempli du Saint Esprit », dans « la communion du Saint Esprit » (2Co 13,13), « dans l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3) : nous sommes alors « un dans le Christ Jésus », tous unis au Christ et entre nous dans la communion d’un même Esprit…

La volonté de Dieu est alors accomplie : « Père », priait Jésus juste avant sa Passion en évoquant ses disciples et à travers eux tout être humain sur cette terre, « que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,21-23). E c’est bien parce que le Père aime le Fils de toute éternité qu’il lui donne sa gloire : « Père, ceux que tu m’as donnés », c’est-à-dire tout être humain, où qu’il soit, quel qu’il soit (Jn 3,16-17 ; 4,42 ; 12,32 ; 1Tm 2,3-6), « je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jn 17,24). Et le Père « donne la gloire » au Fils en lui donnant « l’Esprit de Dieu, l’Esprit de gloire » (1P 4,14), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), cet « Esprit qui est vie » (Ga 5,25). Voilà ce que le Fils est venu nous communiquer, tout aussi gratuitement, par amour : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22) et avec Lui le Don de la vie éternelle…

Ainsi, avec et par ce Don, « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Si « le salaire du péché, c’est la mort, le Don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle, dans le Christ Jésus » (Rm 6,23) par le Don de « l’Esprit qui vivifie »… « La mort est alors engloutie dans la victoire » de l’Amour…

Or puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), donner l’Esprit, c’est donner l’Amour : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Rm 5,5), « l’amour dont Dieu nous aime » précise en note la Bible de Jérusalem. C’est pourquoi « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,25). Et si Paul invite à « se montrer bienveillant », il présente cette attitude comme une conséquence directe du baptême : « le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur » (Tt 3,1-7).

En effet, Dieu, dans son Amour, est toujours « bienveillant » : « il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout » (1Co 13,7). Il regarde plus les qualités que les défauts. Il encourage plus qu’il ne reproche… « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? » (Lc 6,39-45). En effet agir ainsi, c’est manifester que la soi disant lumière qui habite nos cœurs n’est que ténèbres… Certes, tel défaut, telle faiblesse, telle fragilité, tel péché est peut-être bien réel, vrai, indiscutable… Il n’empêche, le mettre en lumière pour discréditer, juger, condamner, sans amour, ni miséricorde, ni bienveillance, c’est adopter l’attitude du prince des ténèbres… Avec lui, la vérité est sans amour… Se comporter ainsi manifeste donc que notre regard est malade, car notre cœur est malade : « Si ton œil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6,23). Autrement dit, c’est « la poutre » de nos ténèbres en nous qui nous fait voir « la paille », le détail imparfait dans la vie de nos frères… N’ayant pas en nous la Lumière de Dieu, nous manifestons alors par nos jugements à l’emporte-pièce, durs et sans pitié, à quel point nous sommes « aveugles de cœur »…

Demandons au Seigneur de pouvoir prendre conscience de nos ténèbres ; que sa Lumière nous permette de reconnaître en nos cœurs ces « poutres » qui nous aveuglent… Nous constaterons alors la gravité de notre état, et déjà, « la paille » de notre frère apparaîtra comme un détail par rapport à notre poutre… La situation est identique dans la Parabole du débiteur impitoyable (Mt 18,21-35). Jésus commence par inviter ses disciples à une miséricorde continuelle : «  Pierre lui dit : Seigneur, combien de fois mon frère pourra-t-il pécher contre moi et devrai-je lui pardonner ? Irai-je jusqu’à sept fois ? Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix-sept fois », c’est-à-dire encore et toujours… Et pour illustrer cette invitation, il prend l’exemple d’un homme qui devait dix milles talents à son roi, c’est-à-dire 260 tonnes d’argent, ce qui, au cours actuel équivaut à 182 millions d’euros. « Cet homme n’ayant pas de quoi rendre, le maître donna l’ordre de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, et d’éteindre ainsi la dette. Le serviteur alors se jeta à ses pieds et il s’y tenait prosterné en disant : Consens-moi un délai, et je te rendrai tout. » Il n’est vraiment pas conscient de la gravité de son état : même avec un délai, aussi grand soit-il, il ne pourra jamais rembourser l’énormité de cette dette… Au Smic net actuel de 1231 €, il lui faudrait près de 150 000 ans pour tout rembourser, et cela sans jamais dépenser un centime pour se nourrir, se loger, etc… « Bouleversé de compassion jusqu’au plus profond de ses entrailles, le maître de ce serviteur le relâcha et lui fit remise de sa dette. 

En sortant, ce serviteur rencontra un de ses compagnons, qui lui devait cent deniers », c’est-à-dire 455 grammes d’argent, soit 318,50 €. Certes, c’est une somme non négligeable, mais quelle est-elle par rapport à 182 millions d’euros ? « Ce serviteur le prit à la gorge et le serrait à l’étrangler, en lui disant : Rends tout ce que tu dois. Son compagnon alors se jeta à ses pieds et il le suppliait en disant : Consens-moi un délai, et je te rendrai. Mais l’autre n’y consentit pas ; au contraire, il s’en alla le faire jeter en prison, en attendant qu’il eût remboursé son dû. » Apprenant cela, le Roi le convoqua et lui dit : « Ne devais-tu pas, toi aussi, faire miséricorde à ton compagnon comme moi je t’ai fait miséricorde ? »

Apprenons donc à reconnaître notre poutre avant de dénoncer la paille de nos frères… Ce qui ne signifie pas du tout fermer les yeux sur le mal et faire comme si celui là n’existait pas. C’est ce que Jésus déclare juste après cette parabole de la paille et de la poutre : « Chaque arbre se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raison sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon », ce Trésor étant le Don de l’Esprit Saint reçu dans un état de prière le plus continuel possible : « Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l’Esprit; apportez-y une vigilance inlassable » (Ep 6,18). Et ce même Esprit nous aidera à aimer comme Dieu aime, à grandir dans ce regard de bienveillance qu’il nous invite à porter les uns sur les autres, sans jamais répondre au mal par le mal (1P 2,18-25)…

                                                                                                   D. Jacques Fournier




8ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire d’Evangile du samedi 26/2/2022 et Dimanche 27/2/2022

 

Siracide 27 4–7 ; 1Corinthiens 15 54–58 ; Luc 6 39–45

Dans le premier texte d’aujourd’hui, il est dit que « dans le crible qu’on secoue, il reste des saletés, de même les défauts de l’homme dans ses discours ». Le crible est un tamis, une passoire qui permet de faire un tri entre ce qui est bon à garder ou à jeter. Le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. « La parole est un acte qui peut guérir ou blesser profondément les gens, elle peut détruire ou construire. Elle dévoile (ou révèle) le cœur et dit qui est la personne qui parle. Celui qui parle beaucoup dévoile ses qualités mais aussi ses défauts. Quand on pense à soi uniquement, souvent ce sont les défauts qui se révèlent parce que l’on ne fait pas un cas de l’autre. Et quand on pense véritablement à l’autre, ce sont les qualités qu’on met en avant, même sans en avoir conscience, parce qu’on veut le bien de l’autre » (Achille Degeest – Pain du Dimanche). Les paroles de l’homme révèlent les pensées de son cœur. Et si son cœur a plein de défauts, cela ressortira dans ses paroles. Mt 15,18-19 : « 18 ce qui sort de la bouche procède du cœur, et c’est cela qui souille l’homme ? 19 Du cœur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations ». C’est pour cela qu’il sera difficile de dire du bien d’une personne avant qu’elle n’ait parlé.  (Si 24,7) : « Ne loue personne avant qu’elle n’ait parlé ». Sœur Faustine (§92) nous dit : « Les fautes que commet la langue sont graves. L’âme ne parviendra pas à la sainteté si elle ne maîtrise pas sa langue ….(§118) : « l’âme bavarde est vide à l’intérieur. Il n’y a en elle ni vertu fondamentale, ni intimité avec Dieu. Il n’est pas question pour elle, d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure le Seigneur. Celui qui n’a jamais goûté à la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet qui trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui étaient dans les gouffres de l’enfer pour n’avoir pas su garder le silence … (§374 – IV). En un seul cas, elle sera totalement libre : pour la proclamation de la gloire de Dieu. A chaque fois que je communie, je prie Jésus qu’il daigne fortifier et purifier ma langue, pour que je ne blesse pas mon prochain …(§476) L’âme silencieuse est forte. Si elle persévère dans le silence, aucune contrariété ne la touchera. L’âme silencieuse est capable de s’unir à Dieu de la façon la plus profonde, elle vit presque toujours sous l’inspiration du Saint-Esprit. Dans l’âme silencieuse, Dieu agit sans rencontrer d’obstacle ».

Le silence intérieur dont parle Sœur Faustine n’est pas un silence morne, maussade, triste, c’est un silence rempli de Dieu, un silence qui est recueillement en Dieu. « Le langage de l’amour ne possède pas de paroles », n’a pas besoin de paroles (Sœur Faustine – 1488). Le silence devient la condition de rencontre avec Dieu. Cette attitude n’est rien d’autre que celle de la contemplation qui est un don de Dieu, répandu dans le cœur de celui qui croit (Nicolas Buttet – « L’Eucharistie à l’école des saints » – P.17). La contemplation nous introduit…sur la découverte de notre vraie nature et du but de notre vie. Saint François de Sales nous dit que « la contemplation n’est rien d’autre qu’une amoureuse, simple et permanente attention de l’esprit aux choses divines ». Le philosophe grec Cicéron découvre que « notre âme est tendue vers le Ciel. Elle est tendue vers le Ciel par la contemplation née du silence ». Et l’on revient à ce silence intérieur constamment rempli de Dieu dont nous parle sœur Faustine. Nicolas Buttet nous dit : « Il y a bonheur dans la mesure où il y a contemplation … Mais le bonheur né de la contemplation dépend de ce que nous contemplons ». Et Aristote précise que le bonheur suprême dépend de la perfection de l’objet contemplé. Ce bonheur suprême c’est donc de contempler Dieu et de Le servir, puisque Dieu est le Parfait et le Bien heureux par excellence. Cette contemplation qui se porte sur Dieu Lui-même s’appelle une contemplation théologique qu’on ne peut avoir que par la grâce de Dieu, par un don de Dieu. Cette contemplation n’a qu’un but (saint Jean de la Croix) : c’est l’union à Dieu dans l’amour. Elle produit différents effets dont la connaissance, connaissance de Dieu dans le secret du cœur, au plus profond de soi-même, mais elle vise surtout à la ressemblance d’amour avec Celui qui est contemplé. On ne peut pas contempler Dieu quand on cultive péché sur péché. Alors de temps en temps, pour ne pas dire « souvent »,  il vaut mieux demeurer dans son silence intérieur, pour mieux contempler Dieu dans le secret du cœur plutôt que de parler inlassablement au risque de blesser les uns et les autres parce que le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. Et c’est surtout ce qui est mauvais que l’autre perçoit.

Il est difficile à un aveugle d’être un guide. Et quand un être humain ne voit jamais ses propres défauts, ses propres faiblesses, ses propres péchés, comment peut-il guider les autres dans le bon chemin ? Si nous avons des difficultés à connaître nos propres péchés, nos misères, demandons à Dieu la grâce de les découvrir. Et des péchés, nous en avons bien plus que nous ne pouvons le penser. A une messe de l’Archevêque de Cochabamba, en Bolivie, et au moment du rite pénitentiel, la Sainte Vierge dit à Catalina Rivas, qui a reçu les stigmates du Christ en 1994 : « Du fond de ton cœur, demande au Seigneur de pardonner tes fautes qui L’ont offensé. De cette manière, tu seras en mesure de participer dignement au privilège d’assister à la Sainte Messe ». En une fraction de seconde, j’ai pensé : « Bien sûr que je suis en état de grâce avec Dieu car je me suis confessée hier soir ». La Sainte Vierge lui répondit : « Penses-tu que depuis hier soir tu n’as pas offensé le Seigneur ? Laisse-moi te rappeler certaines choses. Quand tu es partie pour venir ici, la fille qui t’aide s’est approchée de toi pour te demander quelque chose et puisque tu étais en retard et pressée, tu n’as pas été très délicate dans ta façon de lui réponse. Il y avait manque de charité de ta part et tu dis que tu n’as pas offensé Dieu…- Alors que tu étais en route pour venir ici, un autobus a empiété sur ta ligne et t’a presque frappée. Tu t’es exprimée d’une façon peu recommandable contre ce pauvre homme plutôt que de dire tes prières et te préparer pour la messe. Tu as manqué de charité et tu as perdu ta paix et ta patience. Et tu dis que tu n’as pas offensé le Seigneur ? Tu arrives à la dernière minute quand la procession du célébrant est déjà en route pour célébrer la messe…et tu vas participer sans t’être préparée »… J’ai répondu : »Très bien ma Mère, ne dis plus rien. Ne me rappelle pas autre chose car je mourrais de chagrin et de honte… – Mgr Fourrey (« Jean Marie Vianney, curé d’Ars », D.D.B., 1981, P.129-130) nous raconte qu’en 1822 Dieu avait donné au Curé d’ARS une très vive conscience de sa propre misère (c’est-à-dire de ses faiblesses, de ses défauts, de ses péchés). « Il en fut si effrayé qu’il pria le Tout-Puissant de répandre une lumière moins vive sur son âme, de crainte d’avoir des pensées de désespoir. » C’est pourquoi il dira un jour à la baronne de Belvey : « Ne demandez pas à Dieu la connaissance totale de votre misère. Je l’ai demandée une fois et je l’ai obtenue. Si Dieu ne m’avait alors soutenu, je serais tombé à l’instant même dans le désespoir».

Le grand Saint Curé d’Ars prêt à succomber sous le poids de ses faiblesses, de ses fautes et péchés. Si chacun veut bien se comparer au Saint Curé d’Ars, on voit bien le chemin que nous avons encore à parcourir. C’est pour cela qu’il ne faut pas juger les autres, car nous-mêmes nous avons plein de défauts et faiblesses. Et le Curé d’Ars, malgré toutes ses faiblesses, cela ne l’a pas empêché d’être saint. Tous, sans exception, nous sommes appelés à être saints, malgré nos faiblesses. A chacun de faire de son mieux pour se mettre véritablement à la suite du Christ. Et l’une des premières choses à faire, c’est de ne pas juger l’autre. Il suffit de lire les évangiles pour voir que le Christ n’a pas jugé la femme adultère qu’on voulait lapider (Jn 8,1-11), il n’a pas jugé les brigands qui étaient sur la croix à ses côtés, il n’a pas jugé ses bourreaux ; au contraire, il a même demandé à son Père de leur pardonner. L’abbé Pierre Descouvemont nous dit (Guide des difficultés de la foi catholique – P. 430) : « Comment des chrétiens peuvent-ils chanter au cours de leurs liturgies : « Je pense à Toi le jour, la nuit, ô Seigneur »… « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse en ma bouche », alors qu’ils oublieront si rapidement Celui qu’ils auront célébré, ou qu’il leur arrivera même de médire de leur prochain sur le parvis de l’église ! ». Il vaut rester silencieux plutôt de dire ce qu’on pense des autres. Il faut s’occuper des autres que lorsqu’ils ont besoin d’aide, toutes sortes d’aide, afin de les faire progresser, de les tirer vers le haut, de les aider à s’en sortir physiquement, moralement, intellectuellement, spirituellement. Si on n’est pas dans l’action pour aider les gens, il vaut mieux rester dans le silence intérieur et avoir les yeux et le cœur fixés sur Dieu ou les choses divines. Dieu nous a donné la vie, il nous a fait don de la Vie, et à notre tour, nous devons donner la vie aux gens en les aidant à s’en sortir, en les faisant progresser, et jamais en les rabaissant car cela nous fait entrer dans cette atmosphère de mort ou de culture de mort qui ne vient pas de Dieu. Nous devons regarder notre propre intérieur pour faire le ménage et choisir les options de vie offertes par le Christ dans les évangiles ou dans la Bible entière. Lisons la Bible. Nous y trouverons mille conseils, mille sagesses qui nous donneront la paix, signe de la présence de Dieu en nos cœurs, en sachant que la Sagesse personnifiée est le Christ lui-même. Les conseils bibliques nous obligent à la réflexion sur nous-mêmes. Pour ceux qui n’auraient jamais ouvert une bible, voici, par exemple, quelques versets : Dt 31,17 : « Si ces maux (m – a – u – x) m’ont atteint, n’est-ce pas parce que mon Dieu n’est pas au milieu de moi ? » ; Ecclesiaste 9,18 : « un seul péché annule beaucoup de bien » ; Sg 4,20 et 5,1: « quand s’établira le compte de leurs péchés, ils viendront plein d’effroi…Alors, le juste se tiendra debout, plein d’assurance, en présence de ceux qui l’opprimèrent » ; Is 30,15 : « Dans la conversion et le calme était votre salut, dans la sérénité et la confiance était votre force, mais vous n’avez pas voulu ! vous avez dit « non… » ; Ez 36,26.31 : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau…Alors vous vous souviendrez de votre mauvaise conduite et de vos actions qui n’étaient pas bonnes. Vous vous prendrez vous-mêmes en dégoût à cause de vos fautes et de vos abominations… » ; Osée 11,2-3 : « Plus je les appelais, plus ils s’éloignaient de moi…ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux » ; et un dernier exemple avec Joel 2,12-13 : « Revenez à moi de tout votre cœur…revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce ». Des conseils de ce genre, il y en a des milliers dans la Bible. Ces paroles divines ne doivent pas rester des paroles extérieures à nous, mais être intégrées en notre intérieur pour nous permettre de vivre comme Dieu le veut pour nous, selon sa sagesse, ses commandements, sa volonté. Tous, nous pouvons progresser dans la foi et nous devons encourager le monde chrétien, et même des non-chrétiens à lire la parole de Dieu comme nous l’enseigne Paul en 1Tm4, 12-16 : 12 …, montre-toi un modèle pour les croyants, par la parole, la conduite, la charité, la foi, la pureté. 13 En attendant que je vienne, consacre-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement. 14 Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi, … 15 Prends cela à cœur. Sois-y tout entier, afin que tes progrès soient manifestes à tous. 16 Veille sur ta personne et sur ton enseignement; persévère en ces dispositions. Agissant ainsi, tu te sauveras, toi et ceux qui t’écoutent ». Demandons à Marie de nous aider à vivre la parole de Dieu.




8ième Dimanche du Temps Ordinaire (Luc 6, 39-45)

« On reconnaît l’arbre à ses fruits. »

 

L’un des grands maux de la société de notre temps est de toujours vouloir paraître, c’est-à-dire de vouloir se comparer aux autres, avec bien entendu comme objectif de montrer que l’on est meilleur que les autres, supérieur à eux, que l’on connaît plus de choses qu’eux, que l’on a tout mieux que les autres …

Et cela amène presque naturellement à dire : « Ah, tu fais comme cela, tu devrais faire comme ceci, c’est nettement mieux. » … mais ce n’est pas toujours vrai.

C’est ce que nous dit Jésus dans la parabole de la paille et de la poutre : « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? »

Il faut dire que, d’une manière générale, nous sommes davantage portés à l’indulgence vis-à-vis de nous-même et beaucoup plus tentés par l’exigence vis-à-vis des autres. Alors que c’est le contraire que nous devrions faire : être exigeants avec nous-même et indulgents avec les autres.

Toujours indulgent avec les autres … parce qu’ils ont peut-être des raisons qui font qu’ils agissent de telle ou telle manière que je ne peux pas connaître et que je n’ai pas à connaître …

Pourquoi toujours se comparer avec d’autres ?

La plupart du temps, c’est pour assouvir son orgueil personnel : « Je suis meilleur qu’eux ! »

Alors qu’on pourrait très bien reconnaître : « Celui-là, il est fort ; je ne lui arrive pas à la cheville ! » ou encore, pessimiste : « J’en ai marre. Je rate tout. Je ne vaux rien ! ».

Dieu ne nous demande pas (et ne nous demandera pas à la fin des temps) si je suis meilleur ou pire que les autres …

Il regardera ce que moi j’ai dit, ce que moi j’ai fait, sans tenir compte de ce qu’ont fait les autres … et il jugera si cela est conforme à l’Évangile … ou si ce ne l’est pas …

Il regardera l’état de mon cœur …

Dans le cœur de chaque humain, il y a, comme dans le jardin d’Éden, plusieurs sortes d’arbres : ceux qui donnent du fruit, et ils sont nombreux … Ils trouvent leurs racines dans les Paroles de Jésus et des saints …

Et puis il y a l’arbre de la connaissance du bien et du mal … dont les fruits font que nous nous croyons des dieux … et qui nous amènent à faire découvrir le mal … non pas vraiment en nous-mêmes, mais chez les autres.

Dieu aura vite fait de faire le choix … comme dans la parabole du pharisien et du publicain : « Quand le publicain redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que le pharisien. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 18,14).

Se reconnaitre pécheur, et demander pardon aux hommes et à Dieu…, c’est parfois difficile, mais c’est nécessaire.

« Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser :

tu trouveras grâce devant le Seigneur.

Beaucoup sont haut placés et glorieux,

mais c’est aux humbles que le Seigneur révèle ses secrets. » (Si 3,19)

Seigneur Jésus,

Tu connais bien notre cœur

et tout ce qui s’y trouve,

sans doute un peu de bien,

et peut-être plus de moins bien,

pour ne pas dire du mauvais.

Aide-nous à rester

accrocher à ta vigne

pour y puiser ta force.

                                                                                   Francis Cousin

 

 

 

 

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