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13ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 5, 21-43) – Francis Cousin

« Deux miracles … »

 Dirions-nous de Jésus … ?

Pas vraiment ! Puisque le premier des miracles racontés dans cette épisode s’accomplit à l’insu de Jésus !

Surprenant !

On parle toujours des miracles de Jésus, et il en a fait beaucoup. Mais pas celui-ci !

Quelle est donc l’origine de ce miracle, le facteur qui a fait que celui-ci se fasse ? C’est un tout petit mot de trois lettres, mais qui a une force incommensurable : la Foi.

Cette femme qui était malade depuis douze ans, qui avait dépensé tout ce qu’elle avait en traitements médicaux sans aucune amélioration (et l’évangéliste ajoute « au contraire, son état avait plutôt empiré »), et qui avait entendu parlé de Jésus et des miracles qu’il faisait, voilà qu’elle apprend qu’il est tout près de chez elle. Mais elle a honte de son mal : on ne parle pas à un homme, et devant tout le monde, de ses pertes de sang intimes !

Alors elle se dit en elle-même : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. ».

Elle y croit dur comme fer !

Et elle se faufile dans la foule, et parvient à toucher le vêtement de Jésus.

« À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. ».

C’est sa foi seule en la puissance de Jésus qui a permis qu’elle soit guérie.

Et Jésus sentit seulement qu’une force était sortie de lui, indépendamment de sa volonté.

L’autre miracle : Jaïre, chef de synagogue, a sa fille de douze ans qui « est à la dernière extrémité. ». Il se prosterne devant Jésus et lui demande qu’il vienne lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée. Jésus accepte et pars avec lui.

Mais entretemps l’autre miracle a lieu, on perd du temps … et on annonce à Jaïre que sa fille est morte : « À quoi bon déranger encore le Maître ? ».

Mais Jésus a entendu, et il dit à Jaïre : « Ne crains pas, crois seulement. » et il part chez Jaïre. À son arrivée, ce sont pleurs et cris … Jésus dit : « L’enfant n’est pas morte : elle dort. »

On se moque de lui … c’est l’expression de la non-foi en la parole de Jésus …

Jésus entre dans la chambre de la fille avec ses deux parents et trois apôtres et dit à l’enfant : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! ».

Ce qu’elle fait aussitôt.

L’évangéliste ne nous dit rien des réactions de Jaïre … parce que sans doute, il n’a rien dit. Il s’est contenté de suivre Jésus aveuglément, en toute confiance, en grande foi.

On a, dans ce passage, deux manifestations différentes de la foi en Jésus :

– Dans le premier miracle, on voit une foi active, ou plutôt une foi qui pousse à l’action, et Jésus est passif … mais pas Dieu !

– Dans le second miracle, on voit une foi passive, ou plutôt une foi qui laisse faire Jésus, qui lui est actif.

Mais dans les deux cas, c’est la foi des personnes concernées, directement ou indirectement, qui permet que le miracle ait lieu. Une foi qui est ’’une’’, mais qui peut se manifester de manières différentes.

Le problème pour nous n’est pas de savoir si nous voulons qu’un miracle ait lieu ou pas, cela n’est pas de notre domaine, mais peut-être de nous poser la question : « Quelle est notre foi ? Comment me fait-elle me comporter ? ».

Est-ce que notre foi nous pousse à l’action ? Est-ce qu’elle nous fait sortir de notre confort (de notre canapé), pour aller vers les autres, chrétiens ou pas, pour aller vers les périphéries de l’Église, … ou même aussi dans notre Église, … il y a tellement de choses à faire … ?

Ou est-ce que notre foi est une foi de confort, d’habitude sociale, … qui risque fort de nous amener à une certaine léthargie … et qui nous fait vivre des rites, des cérémoniaux où la vraie foi a presque totalement disparue … quand elle existe encore ?

Quelle est notre relation à Dieu ?

Peut-être devrions-nous répondre à la question que Jésus posait aux apôtres dimanche dernier : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »

Seigneur Jésus,

tu ne cesses de nous dire :

« Ne crains pas ! crois seulement ! »,

et tout ira bien !

Mais notre niveau de foi

est bien souvent faible,

ou seulement par intermittences !

Fais grandir en nous la Foi.

                                     Francis Cousin

 

 

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

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13ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 5, 21-43)

 » Dans son Amour, Dieu sait ce qu’il fait… »

(Mc 5, 21-43)

 

          En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer.
Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds
et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »
Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.
Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… –
elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –…
cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. »
À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela.
Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques.
Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.
Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. »
Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant.
Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur.
Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.

                        

            Un papa nommé Jaïre est bouleversé par les souffrances et la maladie de sa petite fille… Il est bien ici « à l’image et ressemblance » du Dieu Père, bouleversé lui aussi par les souffrances des hommes, ses enfants… Lorsqu’ils refusent de l’écouter et s’engagent sur des chemins qui ne peuvent que les conduire à la catastrophe, il déclare par son prophète Osée : « Mon cœur est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent » (Os 11,7-9)… Et la note de la Bible de Jérusalem précise à propos du mot « bouleversé » : « Le mot est très fort, précisément celui qui est employé à propos de la destruction », par suite du péché des hommes, « des cités coupables. Osée laisse entendre » que ces conséquences dramatiques « sont comme vécues par avance dans le cœur de Dieu ». Et ensuite, il se désole : « Toute la tête est mal-en-point, tout le cœur est malade, de la plante des pieds à la tête, il ne reste rien de sain. Ce n’est que blessures, contusions, plaies ouvertes, qui ne sont pas pansées ni bandées, ni soignées avec de l’huile » (Is 1,5-6). Description saisissante d’Israël blessée par suite de ses fautes, un portrait qui est aussi celui du Christ en Croix : avec Lui et en Lui, Dieu en personne est venu porter nos souffrances pour nous en libérer, il a été blessé de nos blessures pour les guérir ! « Par tes blessures, ô Christ, nous sommes guéris » (1P 2,21-25).

            Jésus, en effet, nous a « visités dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu », écrit St Luc (Lc 1,76-79). Syméon attendait « la consolation d’Israël » ? Il reçoit l’enfant Jésus entre ses bras, car il est tout entier « consolation » offerte à l’homme qui souffre (Lc 1,25-32 ; 2Co 1,3-11)), même si cette souffrance est la conséquence de sa désobéissance ! Mais avec le soutien indéfectible du Christ, de Miséricorde en Consolation, il trouvera avec Lui la force de rejeter ce qui le fait souffrir, pour ensuite le suivre, pour son plus grand bonheur, sur un Chemin de Plénitude et de Vie !

« Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive », supplie Jaïre… Et Jésus obéira : « Il partit avec lui »… Ainsi va l’Amour qui ne peut rester insensible face à la souffrance de celles et ceux qu’il aime… Toujours il agit, toujours il répond, mais souvent il nous déroute, car « vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies » (Is 55,8-9). Et quelle est la pensée de Dieu ? Envers et contre tout, le meilleur pour chacun d’entre nous, car Il n’Est qu’Amour (1Jn 4,8.16).

                                                                                                                      DJF




13ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 26 Juin et Dimanche 28 Juin 2021

Sagesse 1.13–15 ;2,23-24 ; 2·Corinthiens 8.7–9, 13–15 ; Marc 5,21–43

Deux chapitres avant le texte d’aujourd’hui, Marc nous dit en 3,10 à propos des malades: « [Jésus] en guérit beaucoup, si bien que tous ceux qui avaient des infirmités se jetaient sur lui pour le toucher ». Jésus a été guérisseur parmi d’autres à son époque et il devait certainement avoir une meilleure réputation que les autres. Les gens pensaient qu’il suffisait de toucher le Christ ou tout simplement ses vêtements pour être guéri. Ainsi, le chef de la synagogue, Jaïre, prie Jésus de venir imposer les mains sur sa fille malade pour qu’elle soit sauvée, et la femme au milieu de la foule dit « si je touche au moins ses vêtements, je serai sauvée. Mais le fait de toucher le Christ, en réalité, ne guérit personne. C’est la foi en Jésus-Christ qui permet de les guérir. Et la foi de Jaïre comme celle de la femme n’est qu’une foi basique, primaire, qui demande à être éclairée et reconstruite. Tous les deux ne cherchent que la guérison, l’un celle de sa fille et l’autre pour elle-même. Le mot « sauver » n’a pas le même sens pour tout le monde. Pour Jaïre comme pour la femme, « sauver » signifie « être guéri » de la maladie ou de son infirmité. Et cela ne va pas plus loin. Les deux personnages reflètent aussi la mentalité de bon nombre de chrétiens : on ne vient à Jésus que pour avoir des biens terrestres tels que « santé, bonheur, richesse » pour ne résumer que les souhaits qu’on fait au jour de l’an.  Mais pour Jésus, « sauver » va bien plus loin que cela.

La femme hémorroïsse, qui perd son sang depuis plus de douze ans et que de nombreux médecins n’arrivent pas à guérir, pense donc à toucher les vêtements de Jésus pour être sauvée. Au beau milieu de cette foule, elle arrive, venant par derrière, à toucher le manteau de Jésus. « …Aussitôt la source d’où elle perdait le sang fut tarie, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son infirmité. Jésus eut conscience de la force qui était sortie de lui, et s’étant retourné dans la foule, il disait :  « Qui a touché mes vêtements ? Et il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. 33 Alors la femme, craintive et tremblante, sachant bien ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. » La femme attendait à ce que Jésus lui fasse des remontrances, d’où cette attitude « craintive et tremblante ». Et on peut se poser la question : peut-on être craintif et tremblant devant Jésus ? Les êtres humains se trompent souvent sur les intentions de Dieu ou de Jésus. Jésus n’est pas là pour condamner les gens mais pour les sauver. Il est Amour, tout comme son Père. Et s’il est Amour, de lui ne sort que l’amour et rien d’autre. Personne ne devrait avoir peur de Jésus même s’il peut toujours nous réprimander mais il nous sauvera toujours par sa justice et sa miséricorde. Il est là pour nous justifier, c’est-à-dire pour accorder, harmoniser, réunir, ajuster notre cœur à celui de Dieu, notre volonté à celle de Dieu, etc.. La femme hémorroïsse, en agissant comme elle l’a fait, c’est-à-dire en voulant toucher secrètement le manteau de Jésus, dans son dos, elle a en quelque sorte voulu « voler sa guérison », essayant d’être guérie à l’insu de Jésus et peut-être même contre sa volonté. Et après que la femme lui ait dit la vérité, Jésus lui dit (v.34) : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton infirmité. ». Cette fois-ci, inutile de toucher Jésus pour la guérison, la foi seule suffit, une foi régénérée, plénière, totale qui dépasse largement la foi primaire. Mais pourquoi Jésus lui dit sois guérie de ton infirmité » alors qu’elle est déjà guérie ? Parce que, nous dit Jean Delorme, « une guérison volée n’est pas dans un esprit évangélique. Il va falloir que sa guérison lui soit redonnée, au terme d’une démarche de foi ». Et quand Jésus lui dit « ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix », cela a un sens : il ne s’agit plus de croire que Jésus est un simple guérisseur, mais de recevoir cette foi divine qui est force de Dieu pour lutter contre le péché, le mal et avoir le salut éternel. Car le Christ Jésus vient d’abord lui redonner non seulement la guérison selon la foi, mais aussi sa réintégration dans la société, car en perdant son sang, la femme était considérée comme impure et donc mise au ban de la société, ne devant toucher personne, et cette guérison et cette paix offertes par Jésus lui donnent la possibilité de pratiquer sa foi en Jésus, non plus d’une foi primaire, mais une foi plénière pour le salut de son âme. Cette foi nous sauve parce qu’elle nous met en relation avec Jésus-Christ, le Dieu venu sur terre pour nous donner le salut éternel.

De son côté, Jaïre ayant demandé à Jésus de venir imposer les mains sur sa fille malade, des gens viennent lui donner une mauvaise nouvelle : « ta fille est morte ». Inutile donc de déranger le Maître. « La foi de Jaïre est alors mise à l’épreuve par l’incrédulité de ceux qui lui annoncent la mauvaise nouvelle » (Jean Delorme – Lecture de l’Evangile selon Saint Marc – P.49). Mais pour Jésus, la mort n’est pas un obstacle. Réaction immédiate de Jésus à Jaïre : « sois sans crainte, aie seulement la foi ». Jésus invite Jaïre à continuer à croire en Lui et de ne pas se fier aux apparences, comme si avec la mort, tout était perdu d’avance. Cela nous arrive aussi de croire par exemple que nos prières ne servent à rien alors que Jésus nous dit en Lc18,1 qu’« il faut prier sans cesse et ne pas se décourager ». Remarquons au passage que la foi est demandée à Jaïre et non pas à la fillette malade. La foi de ceux et celles qui prient pour les autres a donc une grande importance. Arrivés à la maison de Jaïre, Jésus et ses trois compagnons voient les gens en train de pleurer. Jésus s’en étonne et affirme que l’enfant n’est pas morte, mais qu’elle dort. Ceux qui n’ont pas la foi se moquent de Jésus qui les met dehors. Dans un entretien accordé à Sœur Emmanuel Maillard, Maria Simma dit ceci ( L’étonnant secret des âmes du Purgatoire” – P.27) : « Les âmes du Purgatoire voient très bien, le jour même de leurs funérailles, si l’on prie vraiment pour elles ou si l’on fait simplement acte de présence. Elles disent que les larmes ne servent à rien, seule la prière peut les aider. Elles se plaignent de ce que les gens vont à leur enterrement sans dire une seule prière pour elles ». Dans la chambre mortuaire, avec Jésus, se trouvent ceux qui ont la foi : ses trois compagnons, Pierre, Jacques et Jean, et les parents de la fillette. Pour un rite sacré, on a besoin de gens qui ont la foi. Jésus prend la main de l’enfant et au geste de la main, Jésus ajoute une parole et dit : « Fillette, je te le dis, lève-toi ! Aussitôt la fillette se leva et elle marchait… ».

Derrière le geste visible de la main, la puissance de la Parole agit avec la grâce sanctifiante de l’Esprit de Dieu, c’est ainsi qu’agissent les sacrements. Rappelons simplement que le vrai baptême de Jésus est son sacrifice pour notre salut, sa mort et résurrection. Baptême, mort et résurrection, et sacrement de l’Eucharistie sont intimement liés. La foi en Jésus-Christ, non seulement elle guérit les malades, mais permet aussi d’être victorieux de la mort et du péché qui mène à la mort. L’évangile d’aujourd’hui est un enseignement sur la foi (Jean Delorme – Cahiers Evangile – 1/2 – « Lecture de l’Evangile selon Saint Marc » – P. 50) : « on passe de la foi originelle de Jaïre, qui a renoncé à tout espoir humain (de voir guérir sa fille), pour se confier en Jésus, puis de la foi primitive de la femme hémorroïsse, encore guidée par un calcul intéressé, à la foi renouvelée de cette femme, toute marquée par sa relation personnelle à Jésus, et enfin à la foi plénière de Jaïre, foi en celui qui ressuscite les morts ». Ce texte évangélique nous invite donc à régénérer notre foi qui, pour bon nombre d’entre nous, semble endormie. Nicolas Buttet ( L’Eucharistie à l’école des saints – P.25) nous dit  : « le mystère (divin) doit nous étonner. Si nous ne nous étonnons plus, c’est l’indifférence qui prendra la place de l’étonnement. Et l’indifférence conduit à la tiédeur. La fréquentation répétée des mystères et notamment de l’Eucharistie, peut conduire à un émerveillement croissant ou à une habitude mortelle. Il nous faut sans cesse nous ressaisir, nous laisser toucher par l’inaccessible afin de ne pas s’habituer ».

Le Pape François nous met en garde contre ce type d’endormissement de la foi (Gaudete et Exultate » – §164) : « Le chemin de la sainteté est une source de paix et de joie que nous offre l’Esprit, mais en même temps il demande que nous soyons avec « les lampes allumées » (Lc 12, 35) et que nous restions attentifs : « Gardez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5, 22). « Veillez donc » (Mt 24, 42; Mc 13, 35). « Ne nous endormons pas» (1 Th 5, 6). Car ceux qui ont le sentiment qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter (donc de s’affaiblir) et se corrompre ». Pour le Père André Nottebaert, professeur de Théologie à Rome, la régénération de la foi passe par trois étapes (Préface du livre « L’Eucharistie à l’école des saints ») : 1 – par l’inspiration de la foi vivifiée par les dons du Saint-Esprit : dons d’intelligence, de science, de sagesse etc…Il faudra donc prier pour que l’Esprit de Dieu nous vienne en aide pour que nous puissions réfléchir sur notre propre spiritualité, faire la prière du cœur à cœur à Jésus et le contempler dans sa gloire; 2 – S’inspirer de la foi vécue et transmise en Eglise par et dans l’Esprit, c’est-à-dire de la foi vécue par les saints reconnus par l’Eglise. Il faut donc connaître la vie des saints, vie qui peut nous aider à approfondir notre foi, à combattre sans cesse contre les tentations, à aimer ceux qui nous entourent… et 3 – l’étape de la réflexion théologique, étape qui ne peut s’accomplir avec bonheur qu’à la lumière de la foi ainsi transmise et nourrie. Il faut donc se former théologiquement. On n’insistera jamais assez sur la formation biblique et théologique. A chacun de voir où il en est dans sa vie spirituelle, et de demander à notre sainte Mère de nous accompagner dans notre cheminement afin que nous soyons bien uni au Christ.




13ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

 Hémorroïsse

Mc 5, 21-43

Pour bien vivre cette page d’Evangile, frères et sœurs, essayons nous aussi, de nous faufiler dans cette foule de badauds qui entoure le maître. Nous sommes dans cette foule attendant une parole, un geste inédit et nous sommes témoins de l’arrivée de Jaïre. Celui-ci n’est pas n’importe qui, un chef de synagogue. On vient chez lui pour lui demander des conseils, peut-être même vient-on lui demander des prières pour une guérison. Et c’est lui, Jaïre, qui tombe aux pieds de Jésus et le supplie instamment de venir sauver sa petite fille. L’amour d’un père pour sa fille lui donne tous les courages. Jésus est son ultime recours : il s’attend à recevoir d’un instant à l’autre la fatale nouvelle.

Sa petite fille est à toute extrémité.

« Viens, supplie-t-il, lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive ».

Il fait confiance, lui, l’homme installé dans une position officielle, à un homme qui passe. Lui, le sédentaire notable, il s’en remet à celui qui vient d’ailleurs.

Nous nous mettons en marche avec Jésus silencieux qui accompagne Jaïre, au milieu de cette foule qui l’entoure, le presse, l’écrase. Nous voici déjà témoins d’une belle foi, celle d’un père, qui par amour pour sa fille, vient s’humilier en public, tombe à genoux, est sorti de chez lui, va au-devant d’un inconnu et lui fait totalement confiance.

Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines et de nos joies : voilà qu’à côté de nous, une femme, oh, une pauvre femme, elle a l’air d’avoir bien souffert et elle essaie, elle aussi, de se faufiler, de jouer des coudes pour s’approcher un peu plus de Jésus. Qui est cette femme ? Elle perd son sang, et, selon la loi, est impure, avec l’interdiction de toucher qui que ce soit, sous peine de rendre impurs les autres.

 

C’est une intouchable alors qu’elle désire atteindre, toucher cet homme pas comme les autres. J’essaie de comprendre cette femme blessée dans sa féminité, qui a déjà beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins et qui, comme beaucoup d’autres, note St-Marc, dans une note humoristique, avait déjà dépensé tous ses biens sans aucune amélioration. Au contraire, son état avait plutôt empiré. Elle n’hésite pas à prendre tous les risques parce qu’elle sent que, de cet homme-là, Jésus, elle peut tout recevoir, elle peut se recevoir elle-même, être rendue à elle-même.

« Si je parviens seulement à toucher son manteau, je serai sauvée » (pas guérie seulement : ‘’sauvée’’).

Qui donc est Jésus pour elle ? Qui est-il, pour nous, ce Jésus au milieu de la foule ? Celui qui ne craint ni les tabous ni les misères les plus cachées, les plus honteuses ? Cet Autre parfait qui délivre chacun de sa solitude et de sa peur ?

« Aussitôt, nous est-il dit, elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal ».

Nous ne nous sommes encore aperçus de rien, mais soudain, nous voyons Jésus s’arrêter brusquement dans cette cohue et dire : « Qui m’a touché ? Qui ? »

Ben voyons, Seigneur, ce n’est pas sérieux ! La foule t’écrase et tu demandes « Qui m’a touché? ». Oui, c’est vrai, Jésus, pressé de toutes parts a été touché au cœur, une force est sortie de lui qui passe dans l’autre : double sensation profonde qui naît d’une rencontre personnelle entre le croyant et son Dieu !

Regardons Jésus : il la cherche des yeux dans la foule : il la voit ! Il la reconnait ! Alors, elle aussi, peut se reconnaître telle qu’elle est. La voici qui, elle aussi, comme Jaïre, il y a quelques instants, se jette à ses pieds et lui dit toute sa vérité, toute la vérité.

Quel bel acte d’abandon, de confiance, d’espérance qui nous fait voir que lorsque l’on se sent accepté totalement par l’autre, on se découvre « aimable » au double sens du mot : à la fois « digne d’amour » et « capable d’amour ».

« Ma fille, ta foi t’a sauvée, (« sauvée », pas guérie seulement) », « Va en paix et sois aussi guérie de ton mal ».

Nous en sommes là, devant Jésus et cette femme à ses pieds, lorsque des serviteurs arrivent et nous disent que ce n’est pas la peine d’aller plus loin, inutile de nous déranger : nous ne verrons pas une autre guérison, en effet “la fille de Jaïre vient de mourir”… inutile d’aller plus loin : la mort a le dernier mot, chacun le sait !

Cependant regardons Jésus : qui sait ? Il va peut-être quand même dire quelque chose. Avec lui, on ne sait jamais !… même avec la mort ? Eh oui, c’est bien cela ! Il dit à Jaïre : « Ne crains pas. Crois seulement ».

Encore cette fameuse foi : celle qui vient d’agir sur cette femme, peut-être aussi, agira-t-elle sur cette jeune fille morte ?

Jésus alors s’écarte de cette foule curieuse, à l’affût de l’extraordinaire, du merveilleux, du sensationnel, il ne prend avec lui que trois de ses amis : Pierre, Jacques et Jean. Ils seront témoins aussi de la Transfiguration : la gloire de Jésus et de Gethsémani : la faiblesse de Jésus.

Poursuivons notre route avec eux, pris entre le doute et la foi, jusqu’à la maison du chef de synagogue. Là encore : c’est la foule, l’agitation, des femmes qui gémissent, d’autres qui poussent des cris. En Orient, la mort est bruyante. On manifeste surtout quand il s’agit d’une petite fille de douze ans ! Le mal est là, vainqueur, victorieux, tout puissant, arrogant, contre lequel on ne peut rien faire : c’est fini, il n’y a plus rien à espérer.

Jésus, lui, le maître de la vie ; lui, le futur vainqueur de la mort définitive, celle provoquée par le péché ; Jésus, le futur Ressuscité, prend la parole. Ecoutons-le : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs : l’enfant n’est pas morte, elle dort ».

Pour celui qui a la foi, la mort n’est plus la mort ! Elle est un sommeil, une  » dormition « . Et que voyons-nous ? Des gens qui, au fond de leur douleur et de leur révolte contre le mal « se moquent de lui » : ils ne savent pas encore que Jésus est le maître de la vie ! Au milieu de ces quolibets de rires et de plaisanteries pénibles, Jésus poursuit sa route : entrons dans la maison où repose la petite fille. Jésus lui prend la main, il lui dit : « Talitha Koum », « Petite fille, je te le dis, lève-toi ! »

Marc emploie le vocabulaire qui est utilisé pour raconter la Résurrection de Jésus. « Dormir », « s’éveiller », « se lever » : vocabulaire des 1ers chrétiens pour désigner le Baptême. Rappelez-vous les mots de St-Paul dans l’Epître aux Ephésiens :

« Eveille-toi, ô toi qui dors ! Relève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera ! »

Regardons toujours : la fille se lève, se met à marcher.

« Elle avait douze ans » : il y avait aussi « douze ans » que la femme guérie par Jésus avait des hémorragies.

Douze ans : la plénitude des temps selon l’Ecriture : le temps de la vie, le temps de la foi est arrivé, le salut est là, à notre porte !

Regardons encore autour de nous : les gens sont bouleversés.

Ils ne savent plus que faire, comme paralysés par ce miracle ! Jésus, tout simplement, lui remet les pieds sur terre et leur dit : « Faites-la manger ».

Guéris, sauvés par le Christ, nous le sommes au Baptême qui a tué la mort du péché en nous, qui nous éveille à la foi et qui fait de nous des chrétiens, des hommes debout, des hommes qui se mettent à marcher. Nous avons encore besoin, après cette Résurrection, d’une nourriture : « Faites-la manger ».

L’Eucharistie sera notre nourriture spirituelle pour continuer à vivre.   AMEN




12ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 4, 35-41) – Francis Cousin

« La tempête apaisée. »

Tout le monde connaît bien l’épisode de la tempête apaisée, et souvent, on se souvient de la fin, quand Jésus s’écrit : « Silence, tais-toi ! », et que « Le vent tomba, et il se fit un grand calme. », et la question des apôtres : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Mais il y a au début de ce passage un bout de phrase qui m’a interrogé : « Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque ».

Pourquoi saint Marc donne-t-il cette précision ? Quel sens peut-elle avoir pour nous ?

Habituellement, quand on dit « comme il était » en parlant de quelqu’un, c’est pour dire qu’il est parti sans changer de vêtement, en costume ou en salopette, dans la précipitation …

Mais cela ne peut pas s’appliquer à Jésus. Parce qu’a-priori il n’avait pas beaucoup de changes, s’il en avait …

Jésus avait parlé toute la journée, en montant sur une barque pour mieux se faire entendre, il avait expliqué la parabole du semeur aux apôtres, parlé du royaume des cieux … Il était fatigué, il avait besoin de repos. C’est pourquoi il demande aux apôtres de passer sur l’autre rive.

Le regard qui est porté sur Jésus est un regard humain. Et savoir si quelqu’un est fatigué, c’est à la portée des apôtres …

Et quand quelqu’un est fatigué, il s’endort … C’est ce que fait Jésus, à l’arrière de la barque.

Les apôtres voient Jésus comme un homme, ce qui n’est pas faux, mais ils n’ont pas encore compris qu’il n’est pas qu’un homme. Et il faudra attendre la résurrection pour qu’ils comprennent qu’il est plus qu’un homme ! Qu’il est aussi Dieu !

Or, c’est Dieu qui parle à Job dans la première lecture, au milieu d’une tempête, à propos de la mer : « Et je dis : “Tu viendras jusqu’ici ! tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots !” ». Dieu est le maître des éléments, de sorte que « même le vent et la mer lui obéissent ».

Ce regard humain, c’est ce dont saint Paul parle dans la deuxième lecture, mais pour nous inviter à aller plus loin vis-à-vis de Jésus, à avoir sur lui un regard autre, que l’on pourrait appelé spirituel : « Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. ». Et il ajoute : « Si nous avons connu le Christ de cette manière (humaine), maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. ». Regard spirituel …

Posons-nous des questions :

– Quel est notre regard sur Jésus ? Un homme ? Un philosophe ? Un Dieu ? Un Dieu qui s’est fait homme et qui retourne à son Père ?

– Est-ce que nous sommes une « créature nouvelle », « quelqu’un qui est dans le Christ » … ou est-ce que nous restons dans l’ancien monde ?

– Est-ce que nous pensons que Jésus est vraiment là, au milieu de nous, qu’il peut nous aider, voire même faire des miracles … ?

À regarder la vie de l’Église en ce moment, et des chrétiens qui en font partie, je me demande si vraiment le Christ ressuscité est en nous ? Vit en nous ? Est-ce que nous laissons l’Esprit nous pousser à aller de l’avant ?

Ou est-ce que nous sommes sécularisés à tel point que nous ne croyons pas que, même maintenant, il puisse nous aider et faire des miracles ?

Mais pour cela, il faut que nous nous réveillons, que nous sortions de notre torpeur, pour lui dire : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? ».

Dans notre situation actuelle, avec le Covid-19, je ne me souviens pas avoir entendu que des processions aient été organisées pour nous protéger …

On reste béats, on attend …

Peut-être pensons-nous que seule la science pourra nous sauver … ?!

Mais les miracles existent. Il faut les demander.

On en sait quelque chose à La Réunion : l’église Notre-Dame de la Délivrance, ou la chapelle Notre-Dame de la Salette, à Saint-Leu, en sont des témoins … peut-être même aussi l’église de Piton-Sainte-Rose épargnée par les laves du volcan en 1977 …

Et puisque l’on parle de tempête apaisée, souvenons-nous du miracle qui a eu lieu à l’île de Tumaco, en Colombie, le 31 janvier 1906 :

« Ce jour-là, la terre trembla pendant plus de dix minutes. Tous les habitants se rassemblèrent devant l’église et supplièrent leur curé, le père Gerardo Larrondo et son vicaire d’organiser immédiatement une procession avec le Saint-Sacrement.

La mer devenait de plus en plus agitée et avait déjà couvert une partie du littoral. Une énorme montagne d’eau s’était formée et allait devenir très vite une immense vague. Le père Gerardo sortit l’ostensoir et dit aux gens : « Allons tous à la plage, mes enfants, et que Dieu ait pitié de nous ! ». Tous le suivirent en acclamant Dieu.

Arrivé à la plage, le père Larrondo descendit courageusement avec l’ostensoir jusque là où se brisent les vagues, et le cœur plein de foi il éleva d’une main ferme l’hostie consacrée devant tout le monde, traçant en l’air un signe de croix.

La vague avança encore un peu, mais avant que le père Larrondo et son vicaire ne se rendent compte de ce qui arrivait, la population, émue et abasourdie, criait « Miracle ! Miracle ! »

L’immense vague qui menaçait de détruite le village de Tumaco s’arrêta soudainement comme bloquée par une force invisible plus grande que celle de la nature, pendant que la mer revenait à son état normal. »

Les habitant de Tumaco s’était comporté comme il est dit dans le psaume : « Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui les a tirés de la détresse, réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues»

Une fois encore, Dieu, maître de la nature, avait dit à la mer :

« Tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! »

Posons-nous encore la question : Est-ce que nous sommes une « créature nouvelle », « quelqu’un qui est dans le Christ » ?

Seigneur Jésus,

tu es grand et puissant,

nous le disons …

mais est-ce que nous le croyons vraiment ?

Est-ce que, comme le dit saint Paul,

nous sommes centrés sur nous,

ou centré sur Toi,

mort et ressuscité pour nous ?

À chacun de répondre !

 

                                     Francis Cousin

 

 

 

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12ième dimanche du temps ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

Vivre dans la confiance (Mc 4,35-41)

Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule. Le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. »
Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d’autres barques l’accompagnaient.
Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait.
Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »
Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme.
Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »
Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

 

 Jésus barque 2

          En mars 1986, le niveau du lac de Tibériade baissa considérablement suite à une sécheresse exceptionnelle. Deux jeunes, en marchant sur le fond habituellement recouvert par les eaux, découvrirent, enfouie dans la vase, une barque du 1° siècle d’environ 9 m de long sur 3 m de large, la barque de Ginnosar. A l’arrière, une zone couverte abritait des sacs de sable utilisés comme contrepoids, et des filets…

            C’est là que Jésus s’installa lorsqu’il monta, « comme il était », avec ses disciples, dans une barque semblable. Il avait passé « toute la journée à parler à la foule en paraboles. Le soir venu », il était fatigué. On l’imagine étendu sur les filets, la tête calée sur « le coussin, à l’arrière ». « Survient une violente tempête » ? Jésus sait que son Père veille sur lui et que son Heure n’est pas encore venue… Il est en confiance, il dort…

            Mais « les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait ». Ces professionnels de la mer le savent : ils sont « perdus »… Le naufrage est inévitable… Mais deux Paroles du Christ suffiront à l’empêcher : « Silence, tais-toi ! ». Et il s’étonnera de ne pas trouver en eux la confiance qui l’habite…

            Cet épisode a maintenant valeur de parabole pour l’Eglise. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », a-t-il promis à ses disciples (Mt 28,20). Et sa Présence se réalise très concrètement, dans l’invisible et le silence de la foi, par le Don de l’Esprit Saint répandu sur l’Eglise au jour de la Pentecôte : « Dieu vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8). C’est donc au plus profond de nos cœurs, dans le secret de la prière, que nous sommes tous invités à chercher et à chercher encore cette Présence douce, discrète, paisible et silencieuse qui nous dit, au-delà des mots : « Confiance, je suis là…  et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur mon Eglise » (Mt 16,18).

            Aussi, « quand on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10,19-20)… Oui, « la détresse que nous avons connue en Asie », écrivait St Paul, « nous a accablés à l’extrême, au-delà de nos forces, au point que nous ne savions même plus si nous allions rester en vie. Mais c’est Dieu qui nous en a arrachés et nous avons l’espérance qu’il le fera encore » (2Co 1,8-10)…                                                                    

   DJF




12ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

La tempête apaisée

Mc 4, 35-41

Une lecture trop rapide de l’Evangile pourrait nous faire croire que cet épisode de la tempête apaisée ne raconte qu’un « miracle de la nature » et qu’il n’a guère de lien et d’impact sur notre existence à nous, sur notre vie quotidienne. En fait, dans ce texte, presque toutes les expressions ont un sens symbolique. Voilà, une fois de plus, un évangile qui éclaire l’Eglise d’aujourd’hui, et notre vie chrétienne actuelle.

« Passons sur l’autre rive », dit Jésus aux apôtres. Voilà qui apparait bien anodin. En fait, c’est une invitation redoutable : tout d’abord, parce que, nous dit St-Marc : « le soir est venu », la traversée va se faire de nuit, ce qui n’est jamais commode, après une journée chargée, les apôtres sont, tous, y compris Jésus, recrus de fatigue.

« Passer sur l’autre rive », c’est s’embarquer pour le pays des Géraséniens, territoire païen s’il en est, où Jésus aura à maîtriser un possédé et où les habitants l’inviteront à aller voir ailleurs.

« Le soir venu » dans l’Evangile, rappelons- nous aussi la scène de Judas : le soir, c’est l’heure du péché, l’heure des ténèbres. Or, c’est précisément pendant cette traversée vers un pays païen, la nuit tombée, que se déclenche une violente tempête : les marins du lac savent combien ses accès de colère sont redoutables.

Mais la tempête aussi a une valeur symbolique : les Juifs n’ont jamais été et ne sont pas encore des marins et dans toute la tradition biblique, la mer est le réceptacle des forces du mal que Dieu seul peut dompter ; elle est le lieu symbolique de l’adversité. Rappelez-vous le déluge, rappelez-vous Jonas, le passage de la Mer Rouge.

C’est le projet du Christ d’aller porter la Bonne Nouvelle en territoire païen, ce qui provoque ce sursaut de colère des puissances maléfiques. Tandis que les vagues se ruent à l’assaut de la barque qui se remplit d’eau, Jésus dort sur le coussin à l’arrière.

C’est une manière pour Marc d’évoquer la grande tempête du Vendredi Saint qui menaça d’engloutir Jésus endormi dans la mort pendant que les apôtres vacillent dans leur foi.

 

 

 

« Maitre, nous sommes perdus, cela ne te fait rien? », lui crient ses compagnons et soudain un renversement s’opère : Jésus se réveille. Voilà un de ces verbes que la 1ère génération de chrétiens emploie pour désigner le Résurrection du Christ surgissant du sommeil de la mort. Il interpelle le vent, il impose silence à la mer, sa parole est immédiatement efficace : « Le vent tomba et il se fit un grand calme ».

Jésus se retourna alors vers ses compagnons pour leur reprocher leur peur : « Pourquoi avoir peur ? »

Rappelez-vous la 1ère rencontre de Jésus avec les apôtres après la Résurrection : « N’ayez pas peur, ne craignez pas. C’est bien moi », « vainqueur du mal, triomphateur de la mort ».

Pourquoi le nier, frères et sœurs, cette peur, elle nous habite encore et Jésus continue à nous demander à nous aussi : « Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? »

Cette peur, c’est celle de toutes les générations dans la barque de l’Eglise qui se voit affrontée, Elle aussi, à toutes les forces du mal. Nous avons peur que cette barque de l’Eglise ne sombre sous les assauts répétés de l’athéisme, du matérialisme, de l’égoïsme des nations, des sectes de toutes sortes.

Mais dans cette barque de l’Eglise, nous sommes rassemblés autour de Jésus et à chaque fois qu’une nouvelle vague nous atteint, nous nous étonnons du silence de Jésus : « Maître, nous sommes perdus, cela ne te fait rien ? »

Et, nous aussi, nous nous effrayons de ne pas le voir agir, avant même que les vraies difficultés ne soient réellement apparues. Alors Jésus accomplit par lui-même ce que l’on disait de la prérogative de Dieu :

« Il commande aux vents et à la mer » de sa propre autorité et sa parole est instantanément efficace.

« Qui est-il donc pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Il faudra que Jésus s’endorme du sommeil de la mort et qu’il se « réveille » du tombeau pour que ses disciples, enfin, répondent à leur propre question, faisant leur, la profession de foi du centurion romain :

« Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu! »

Ce récit de la tempête apaisée, alors que Jésus se rend sur « l’autre rive » : celle de la mission aux païens, nous conduit à purifier notre foi. C’est en passant au Baptême, par le sommeil de la mort et en se réveillant ressuscité que le Christ nous a délivrés des puissances infernales et mortelles.

Ce n’est pas n’importe quelle foi qui apaise nos tempêtes : c’est la foi en Jésus-Christ, mort et ressuscité. Comme chrétiens, nous ne  pourrons pas échapper, par miracle, de façon privilégiée, aux tempêtes de notre temps. Nous serons dedans, nous aussi, mais avec la présence de Jésus ressuscité à qui le vent et la mer obéissent.

La certitude de sa souffrance n’a pas empêché Jésus de passer par le sommeil du tombeau et nous aussi, nous-mêmes, un jour ou l’autre, nous passerons, par l’épreuve, sur l’autre rive, mais Jésus est là, avec nous, dans nos épreuves.

Cet Evangile de la tempête apaisée, nous permet, à nous aussi, comme pour les apôtres, d’avancer vers la vraie foi… en nous posant loyalement la question : « Mais qui est-il donc ? »

Notre interrogation porte sur l’essentiel : nous acceptons en même temps de chercher honnêtement qui est Jésus-Christ et de nous remettre en cause. A partir de là, on peut progresser.

En rapportant  cette scène, Marc pense aussi, vraisemblablement, à la situation de l’Eglise, petite barque fragile, malmenée par les assauts du mal et des persécutions.

 Les premiers chrétiens, comme nous-mêmes, peuvent être tentés d’être paralysés par la peur : alors ils doivent regarder vers leur Seigneur qui semble dormir, avoir foi en lui, avec une telle assurance que nous ne puissions pas entendre Jésus nous dire : « Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? »

Lorsque nous voyons s’assombrir l’horizon intérieur ou extérieur de nos vies, que nous sommes, nous aussi, comme dans une barque, sur une mer déchaînée, ayons le même réflexe que les apôtres, tournons-nous vers lui.

Le désir de Dieu, c’est que l’homme ne cède pas au découragement, qu’il soit avec Jésus, debout et ferme quel que soit la violence de la tempête. AMEN




11ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 14, 26-34) – Francis Cousin

« Le juste grandira …

dans la maison de notre Dieu. »

Grandir !

C’est ce qui ressort de tous les textes de ce jour.

Mais pour grandir, il faut d’abord être tout petit

Comme la tige au sommet du grand cèdre, « une toute jeune » que le Seigneur plantera « sur la haute montagne d’Israël ». Elle aura de nouveaux rameaux, puis des fruits et « deviendra un cèdre magnifique » où habiteront « toutes sortes d’oiseaux ». (Première lecture)

Le juste, celui qui se sait petit devant Dieu, qui est humble et ne cherche pas à se faire voir, il « grandira comme un palmier, … comme un cèdre du Liban … dans la maison de notre Dieu. Vieillissant, il fructifie encore, garde sa verdeur » et annonce « Le Seigneur est droit » c’est « mon rocher ». (Psaume)

Le règne de Dieu « est comme une graine de moutarde … la plus petite de toutes les semences » mais qui « grandit et dépasse toutes les plantes potagères » … et les oiseaux font « leur nid à son ombre ».

Grandir !

Mais grandir pour quoi ?

Saint Paul nous dit : « nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur. Mais de toute manière, que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. »

Et comment plaire au Seigneur ?

« Jésus appela un petit enfant ; il le plaça au milieu d’eux, et il déclara : « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux. » (Mt 18,2-4)

Un petit enfant est humble, il fait confiance à ses parents, et il ne lui faut pas grand-chose pour être heureux. Il connaît l’amour de ses parents, il leur sourit … Il ne fait pas de grandes choses, car cela le dépasse … mais il sait rendre l’amour à ses parents : une simple fleur cueillie au bord du chemin, un petit dessin bien colorié, aider à mettre la table ou ranger la vaisselle …

Toutes des petites attentions simples …  mais faites avec amour

C’est ce que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus avait bien compris : « Il nous revient dene laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour. »

Le problème, c’est que dans notre vie de tous les jours, nous faisons bien sûr des actions par amour, mais bien souvent, et sans doute le plus souvent, nous faisons des choses par obligation, pour faire comme les autres, pour se faire voir, pour faire l’intéressant … ou pour critiquer les actions des autres …

Nous agissons par rapport aux autres humains … et nous oublions bien souvent la parole de Jésus : « Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ? » (Mc 8,36)

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus nous dit aussi : « Jésus ne regarde pas tant la grandeur des actions ni même à leur difficulté qu’à l’amour qui fait faire ces actes. »

Apprenons à mettre de l’amour dans toutes nos actions !

Comme Jésus l’a toujours fait !

 

Seigneur Jésus,

tu as beaucoup parlé du règne de Dieu,

avec beaucoup de paraboles.

Un règne qui part de peu de choses,

un rameau, une petite graine …

et qui devient un grand arbre.

Parce qu’il y a l’amour qui le fait grandir,

l’amour donné par les hommes,

mais surtout l’amour de Dieu :

Père, Fils et Esprit.

 

                                     Francis Cousin

 

 

 

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11ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 4, 26-34)

« La Force de l’Esprit »

(Mc 4, 26-34).

 

          En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence :
nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment.
D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi.
Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »
Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ?
Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences.
Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »
Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre.
Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.

                         

           Pour commenter cette parabole du grain jeté en terre et qui pousse tout seul, la Bible de Jérusalem écrit en note : « Le Royaume de Dieu porte en lui-même un principe de développement, une force secrète qui l’amènera à son complet achèvement ». Or, « le Royaume de Dieu est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Recevoir le Don gratuit de l’Esprit Saint, c’est donc vivre le Royaume qui est Mystère de Communion dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,3)…

            Dieu avait dit à Jean-Baptiste : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint » (Jn 1,33). Or, le verbe baptiser, « en grec βαπτίζω, baptizô », signifie « plonger, immerger »… Si nous comparons l’esprit de l’homme à un flacon façonné pour contenir un parfum de grand prix, nous pourrions dire que Dieu nous a tous créés pour nous remplir du Trésor le plus précieux, ce qu’Il Est en Lui-même, l’Eau Vive de son Esprit… Souvenons-nous du jour de la Pentecôte : « Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint », écrit St Luc (Ac 2,4).

            Or, « ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de Force, d’Amour et de Maîtrise de soi » (2Tm 1,7). Cet « Esprit d’Amour et de Force » est alors comme du levain enfoui au plus profond de la pâte de nos cœurs et de nos vies : une petite pincée apparemment insignifiante suffit pour tout faire « lever » (Lc 13,20-21). « Lève-toi et marche », dit souvent Jésus aux infirmes qu’il rencontre et qui nous représentent tous… Or, ce même verbe « se lever » sera employé pour décrire le Mystère de sa Résurrection que le Père a mis en œuvre par la puissance du même Esprit d’Amour et de Force, l’Esprit Saint…

            La vie chrétienne pourrait donc se résumer par l’accueil, envers et contre tout, du Don de Dieu, cette Eau Vive de l’Esprit Saint offerte gratuitement à tout homme qui consentira à la recevoir. Il est pécheur ? L’Esprit le purifiera… Il est mort par suite de ses fautes ? L’Esprit le vivifiera… Il est faible ? L’Esprit le fortifiera, l’affermira, le fera grandir et lui donnera d’atteindre sa pleine stature de fils vivant de la Vie du Père. Telle est notre vocation à tous…

                                                                                                                                  DJF




11ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Parole créatrice de Dieu

Mc 4, 26-34

Tous ceux qui parmi vous ont, un jour, semé dans un jardin ou dans un champ, le savent par expérience : on met une petite graine en terre… et puis… il n’y a qu’à attendre et souvent à attendre longtemps… à croire parfois qu’on n’a rien semé !… Dans la terre, à sa surface, on ne voit rien surgir… et puis, un jour, un petit point vert…

Oh ! Que c’est long avant de devenir une toute petite tige !

Et cette tige, à son tour, comme elle est longue à se diversifier, à donner elle-même d’autres tiges ! Et ces petites feuilles ! Comme elles sont longues à s’épanouir et nous savons que ça n’est pas fini ! Que cette petite plante de rien du tout doit être repiquée pour prendre une nouvelle allure, un nouvel aspect !

Qu’il y a « loin », qu’il y a « long » entre la graine et le grand arbre sous lequel nous nous allongeons : c’est tout le temps de la germination, tout le temps de la croissance, tout le temps du travail invisible, intérieur, souterrain. On a l’impression que ça n’en finit pas !

Les parents ont fait la même expérience avec leurs enfants avant qu’ils ne deviennent des hommes. Un chanteur le disait, il y a quelques années : « Pour faire un homme, pour faire un homme, mon Dieu, que c’est long ».

Ça nous parait d’autant plus long, à nous les hommes d’aujourd’hui, que « nous voulons tout et tout de suite » : des ordinateurs à haut débit, une lessive en 12 mn, des muscles en 3 semaines, apprendre une langue en 3 mois, des voitures qui font du 250 km/h pour rouler à 80.

Les rythmes s’accélèrent, il semble qu’il n’y ait plus que la terre, la nature qui aille à son rythme et nous l’estimons beaucoup trop lente. Il y a la nature… Il y en a aussi un autre : Dieu.

 Dans la vie spirituelle, dans notre vie chrétienne, nous voudrions tellement, nous aussi, avoir tout et tout de suite. Nous voudrions tant mettre Dieu à notre rythme : « Seigneur, viens vite, dépêche-toi, hâte-toi », le temps d’un « Notre Père » ou d’un « Je vous salue Marie », débité rapidement, une neuvaine ! « Oh ! C’est bien long, Seigneur, un trentain ! Oh là, là ! Une année Sainte ! Mais tu n’y es plus, Seigneur ! »

Maintenant, comme on dit : « La vie n’attend pas ». Il faut brûler les étapes… Nous sommes comme des enfants qui essaient de tirer sur la tige de la plante pour la faire grandir et qui écartent les pétales de roses avec les doigts pour l’épanouir !…

La grande leçon de cette parabole, c’est celle du temps : oui, Dieu qui est éternel, lui, travaille avec le temps.

Un artisan qui fait un chef-d’œuvre ne compte pas avec le temps. Ce qui compte pour lui, c’est la réussite, c’est la beauté de ce qu’il produit. Ce n’est pas le « rendement », la cadence de production qui l’intéresse, c’est ce qu’il est en train de faire.

Comme la graine sous terre, le travail de Dieu, son travail à lui, sera secret, intime, souterrain et il faudra le temps qu’il faut, un temps que nous estimons trop long, pour qu’elle sorte de terre, qu’elle soit visible à nos yeux. Dieu ne fait pas dans le quantitatif surtout lorsqu’il travaille en nous par sa grâce, mais dans le qualitatif comme l’artisan en train de mettre au jour son chef-d’œuvre.

Dans la vie spirituelle, plus encore que dans la vie intellectuelle ou le développement physique ou la maturation affective, il faut « donner du temps au temps » d’autant plus, et la parabole nous le rappelle, que c’est surtout Dieu qui travaille et que nous sommes spectateurs, étonnés du travail de Dieu.

Le grain, une fois qu’il est en terre : il pousse tout seul, nous rappelle le Christ, indépendamment de celui qui l’a mis en terre. Le paysan, qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, n’a qu’à attendre. La semence germe et grandit pendant tout ce temps-là et si vous lui demandez comment, il sera bien en peine de vous répondre. Ce n’est pas son travail à lui, c’est à un Autre que cette tâche est confiée. Lui, maintenant, il attend la moisson mais pour cela, il faut être patient. Oui, c’est bien cela la patience de Dieu qui, lui, de son côté, attend notre conversion, attend une amélioration, attend de notre part, un regard tourné vers lui, lui qui nous regarde sans cesse.

Si Dieu était aussi impatient de nous voir porter du fruit que nous de le voir agir pour nous ! Trop souvent, n’est-il pas vrai, nous nous impatientons : « Mais que fait Dieu dans tout cela ? Qu’attend-il pour intervenir ? » ; « Ah ! Mon père, si Dieu existait, il serait intervenu ? Pourquoi a-t-il permis cela ? »

Le temps de Dieu n’est pas le nôtre et sa patience aussi n’est pas la nôtre ! Il est là… même quand nous le croyons absent et il travaille en nous, sans bruit, obscurément, secrètement.

– On ne voit rien, comme sur un champ qui vient d’être semé, mais le paysan, lui, ne s’inquiète pas ! Il sait tout le travail intérieur qui se fait sous terre ; toute cette germination, il la confie à la terre et d’elle-même, la terre produit l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi.

Nous aussi, une fois que nous avons confié à la terre de Dieu, une fois que nous lui avons déposé ce que nous avons de plus cher, ce qui nous tient le plus à cœur, faisons comme le paysan : attendons, attendons dans la foi, dans l’espérance de la moisson.

A la patience de Dieu, doit répondre la nôtre. En fin de compte, c’est cela avoir la foi : être persuadé que sur le terrain de notre vie cette semence infime et ridicule, ce grain minuscule, est capable, par la force de Dieu, de devenir moisson ou forêt.

La parole de Dieu, dans notre terre humaine, est elle-même à l’œuvre, puissance créatrice. Dieu nous livre sa parole comme une petite semence. Si nous avons le courage et la patience de la laisser murir, elle est capable de transformer le monde.

Entre nos semailles et la moisson, il y a tout le travail lent et discret de la germination spirituelle dont Marc énumère les étapes : herbe, épi, blé … Jésus, les apôtres, l’Eglise : petite plante au départ, mais capable de devenir le grand arbre où tous les oiseaux du ciel pourraient faire leurs nids à l’ombre de ses branches.

 

« Mon Père travaille et moi aussi je suis au travail », déclare Jésus. L’Esprit de Dieu nous travaille et travaille le monde et travaille dans le cœur des hommes, préparant activement le jour de la moisson : la rencontre entre le germe divin et la terre a eu lieu ; Jésus, mis en terre, est ressuscité. Il n’y a plus qu’à attendre le fruit.

A travers des chemins que l’homme ne contrôle pas, c’est Dieu qui opère la croissance et la mène à son épanouissement si nous avons compris la parabole. Par la foi, nous nous en remettons à cette force de croissance qui nous dépasse. Certes, la peur est toujours là et l’égoïsme et la souffrance, mais la vie aussi… elle est là, à l’œuvre, capable de percer et de briser cette croûte terreuse qui ne révèle rien au départ…

Parents, grands-parents, vous qui parfois avez l’impression d’avoir raté une éducation, déçus par la petitesse des résultats apparents, nous tous, chrétiens, qui trouvons que nos efforts ne sont pas payants… nous sommes les invités à l’espérance.

La petite histoire de Jésus, au départ, bien modeste, elle est devenue la grande aventure de maintenant… et à la fin, enfin, vous verrez ! AMEN