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Jésus est mort pour notre vie à tous…

 

  Chaque année, l’Eglise nous invite à revenir longuement sur la Passion, car en elle le Mystère de Dieu se révèle avec le plus de force et d’intensité…

 

 

            En effet, la mission première de Jésus est de nous faire connaître « Qui » est Dieu : « Nul n’a jamais vu Dieu », écrit St Jean au début de son Evangile. « Le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,18).

            « Nul n’a jamais vu Dieu »… Et pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’est pas possible de le voir avec nos yeux de chair… A la Samaritaine rencontrée au bord d’un puits, Jésus dira : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Et par nature, l’Esprit échappe à la perception immédiate de nos sens. Et Jésus le sait bien. Bientôt, il va mourir sur une croix et être mis au tombeau… Désormais, ses disciples ne le verront plus comme ils en avaient l’habitude… Mais ils ne seront pas laissés à eux-mêmes… Jésus leur promet la venue d’un autre défenseur, l’Esprit de Vérité, l’Esprit Saint, qui sera avec eux tous les jours pour les guider sur les chemins de la vie : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, et je prierai le Père, et il vous donnera un autre défenseur pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît » (Jn 14,17). L’Esprit, en effet, est invisible par nature à nos yeux de chair. St Jean écrira aussi par deux fois : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). L’Amour, lui aussi, est par nature invisible à nos yeux de chair… L’Amour ne se voit pas, il se vit…

            Et Jésus vit parfaitement l’Amour… Il n’est pas touché par ce que nous appelons « le péché », c’est-à-dire tout ce qui peut amener une personne à se replier sur elle-même : l’orgueil, l’égoïsme, etc…

            Si Jésus vit parfaitement l’Amour, en le regardant, en l’écoutant, nous pouvons découvrir en ses gestes et en ses paroles, une expression bien perceptible de cet Amour qui, par nature, ne peut qu’échapper à l’emprise de nos sens…

            « Dieu est Amour »… Aussi, nous dira Jésus, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise » (Jn 3,16-17). Cette Parole va devenir acte lorsque Jésus va rencontrer une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Les scribes et les Pharisiens étaient prêts à la lapider. « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » leur dira Jésus. Et tous partiront, l’un après l’autre, en commençant par les plus vieux… Une fois seule avec elle, Jésus lui dira : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? ». « Personne, Seigneur » lui répondit-elle. « Eh bien moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus » (Jn 8,1-11).

            « Dieu est Amour », et l’Amour ne recherche que le bien de tous ceux et celles qu’Il aime… Cette réalité va se révéler avec le plus de force dans la Passion de Jésus. Les hommes vont lui faire beaucoup, beaucoup de mal, comme jamais auparavant… Et Jésus ne répondra que par l’Amour… Il ne cessera de rechercher leur bien… C’est donc en ces instants que le Mystère de Dieu se révèle avec le plus d’intensité : « Dieu est Amour », et dans son Amour, écrira St Paul, « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés », arrachés au mal qui les domine, les écrase, les blesse, les tue… Et « la preuve que Dieu nous aime », écrira-t-il encore, « c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (1Tm 2,3-7 ; Rm 5,7-9).

            Ainsi, l’Amour transparaît avec encore plus de force et de lumière dans les récits de la Passion…

            Guidés par Judas, les soldats arrivent au jardin de Gethsémani pour arrêter Jésus… Il ne fuit pas… Bien au contraire, il va au devant d’eux… « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne », avait-il déjà dit (Jn 10,17-18). Et aussi : « nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). Et tous les hommes sur cette terre sont les bien‑aimés de Dieu…

            « Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : « Qui cherchez-vous ? ». Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen ». Il leur dit : « C’est moi. » Quand Jésus leur répondit : « C’est moi », ils reculèrent, et ils tombèrent par terre ». Littéralement, là où nous traduisons « C’est moi ! », St Jean à écrit « Je Suis », le Nom que Dieu a révélé à Moïse dans le buisson ardent : « Je Suis Celui qui Est » (Ex 3,13-15). Alors que les soldats s’avancent, le Mystère du Dieu Tout Puissant se manifeste en Jésus Christ , ce Dieu qui a créé l’infini de l’univers visible qui nous entoure… Qui sont devant lui quelques soldats armés d’épées et de lances ? Rien du tout… C’est pourquoi « ils reculèrent et ils tombèrent par terre »… Ce ne sont pas les hommes qui vont mettre la main sur Dieu. Mais librement, par Amour, le Fils va se livrer entre les mains des pécheurs, pour leur salut et celui du monde entier… Et cet Amour est vraiment pour tous… Pour les disciples bien sûr, sur lesquels Jésus veille : « Je vous l’ai dit », déclare-t-il aux soldats, « c’est moi. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir ». « Quand j’étais avec eux », avait-il dit peu avant en priant son Père, « je les gardais dans ton nom que tu m’as donné », c’est-à-dire dans ton Amour. « J’ai veillé, et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition », Judas, qui a refusé l’Amour, et son apparente faiblesse devant les hommes (Jn 17,12)…

            Simon Pierre a lui aussi une épée, et face aux soldats, il est hors de question pour lui de ne pas réagir : « Il tira l’épée du fourreau, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. » Mais l’Amour de Dieu est aussi pour lui : « Remets ton épée au fourreau », ordonne Jésus à Pierre. Et St Luc nous rapporte que Jésus, « lui touchant l’oreille, le guérit » (Lc 22,51)…

            Mais personne ne réagira devant ce nouvel acte de tendresse et Jésus sera arrêté et conduit au Grand-Prêtre qui le questionnera sur sa doctrine. Jésus l’invitera alors à faire la vérité dans sa vie : « Pourquoi me questionnes-tu ? » Quelle est ton intention profonde ? Quel but poursuis-tu ? Est-ce vraiment ma doctrine que tu veux entendre ? Ne cherches-tu pas plutôt dans mes paroles des éléments qui pourraient t’aider à m’accuser pour me perdre ? Jésus sait en effet que depuis bien longtemps, lui, les scribes et les Pharisiens « cherchaient à le tuer » (Jn 7,19). Et pourtant, si le Grand Prêtre avait accepté de « faire la vérité », il serait venu à la Lumière car « celui qui fait la vérité vient à la Lumière » (Jn 3,21), la Lumière de l’Amour qui ne désire et ne cherche que le bien de tous les hommes qu’il aime… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime », avaient proclamé les Anges au moment de la naissance du Christ (Lc 2,14).

            Jésus aura la même attitude face à Pilate lorsque ce dernier lui demandera : « Es-tu le roi des Juifs ? ». Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi‑même, ou bien parce que d’autres te l’ont dit ? » Si Pilate avait cherché la vérité de tout cœur, il l’aurait trouvée car « je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci », lui a dit Jésus : « rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ». Si Pilate avait accepté de faire la vérité sur lui-même, sur sa vie, sur sa misère, sur ses blessures, aussitôt il aurait entendu en Jésus Christ la voix de l’Amour venu en ce monde pour guérir et sauver tous les hommes… « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs, au repentir », pour la vie…

            Alors, Jésus va s’offrir, en silence, pour qu’un jour le monde entier soit arraché à ses ténèbres et plongé dans la vie et la lumière de Dieu (Col 1,12‑14). Pour en bénéficier, il suffit de lui dire « Oui ! » en disant « Oui ! » à la vérité de notre vie, « Oui ! » à ses misères, « Oui ! » à ses faiblesses, « Oui ! » à ses blessures… Mais ce « Oui ! » est tout en même temps un « Non ! » à ce mal qui nous fait du mal, le plus grand étant de nous priver de la Plénitude même de Dieu, une Plénitude de Vie, de Lumière et de Paix… Mais « c’est pour nous tous que le Christ a souffert », écrit St Pierre. « Sur le bois, il a porté lui-même nos fautes dans son corps, afin que morts à nos fautes, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1P 2,21-25).

            Acceptons avec reconnaissance de bénéficier ainsi des trésors de Miséricorde qui ont été déversés en surabondance sur le monde entier par le Christ transpercé pour chacun d’entre nous… Il est mort pour cela… Souvenons-nous… « Pour que l’Ecriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif ! » Il y avait là un récipient plein de boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » » En effet, dans le Psaume 69, au verset 22, ont peut lire : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre »… Et c’est bien ce qui est arrivé… En disant, « J’ai soif ! », Jésus avait soit d’accomplir l’Ecriture qui révèle le projet de Dieu et sa volonté de salut sur le monde entier… Jésus avait donc soif avant tout de notre salut : il est mort pour que chacun d’entre nous puisse trouver la Vie en acceptant tout simplement de se laisser aimer par Lui tels que nous sommes… Et Jésus, « le Sauveur du monde » accomplira son œuvre en nous, pour nous… « Moi, Lumière, je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres, mais ait la lumière de la vie » (Jn 8,12 ; 12,46)…   D. Jacques Fournier