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« La victoire du Christ, le Verbe de Dieu » (Ap 19,11-21)

Toutes les illustrations de cet article ont été prises dans la crypte de la Cathédrale d’Auxerre où l’on peut voir cette magnifique fresque du Christ à cheval, peinte à la fin du 11e siècle ou au début du 12e siècle sous l’évêque Humbaud. Le grand Christ en majesté est d’inspiration byzantine. Il est nimbé, porte le sceptre et est vêtu d’un manteau blanc et d’une tunique rouge. Une telle représentation comme cavalier sur un cheval blanc est unique. Le Christ est flanqué de quatre anges cavaliers, figurant les armées du ciel. La scène illustre le triomphe du Christ selon le chapitre 19 de l’Apocalypse de saint Jean (Photos J. Fournier ; cf. http://www.bourgogneromane.com/edifices/auxerreCat.htm). 

 

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Crypte d’Auxerre, déambulatoire

            Ap 19,11-21 : Alors je vis le ciel ouvert, et voici un cheval blanc ; celui qui le monte s’appelle Fidèle et Vrai , il juge et fait la guerre avec justice. (12) Ses yeux ? Une flamme ardente ; sur sa tête, plusieurs diadèmes ; inscrit sur lui, un nom qu’il est seul à connaître ; (13) le manteau qui l’enveloppe est trempé de sang ; et son nom ? Le Verbe de Dieu. (14) Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de lin d’une blancheur parfaite. (15) De sa bouche sort une épée acérée pour en frapper les païens ; c’est lui qui les mènera avec un sceptre de fer ; c’est lui qui foule dans la cuve le vin de l’ardente colère de Dieu, le Maître-de-tout. (16) Un nom est inscrit sur son manteau et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

 (17)    Puis je vis un Ange, debout sur le soleil, crier d’une voix puissante à tous les oiseaux qui volent au zénith : Venez, ralliez le grand festin de Dieu ! (18) Vous y avalerez chairs de rois, et chairs de grands capitaines, et chairs de héros, et chairs de chevaux avec leurs cavaliers, et chairs de toutes gens, libres et esclaves, petits et grands !

 (19)    Je vis alors la Bête, avec les rois de la terre et leurs armées rassemblés pour engager le combat contre le Cavalier et son armée. (20) Mais la Bête fut capturée, avec le faux prophète – celui qui accomplit au service de la Bête des prodiges par lesquels il fourvoyait les gens ayant reçu la marque de la Bête et les adorateurs de son image -, on les jeta tous deux, vivants, dans l’étang de feu, de soufre embrasé. (21) Tout le reste fut exterminé par l’épée du Cavalier, qui sort de sa bouche, et tous les oiseaux se repurent de leurs chairs.

 

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            La vision de Jean se poursuit. « Et voici un cheval blanc »… Nous l’avions déjà rencontré en Ap 6,1-8, premier de quatre chevaux : « Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval blanc ; celui qui le montait tenait un arc (symbole de jugement) ; on lui donna une couronne et il partit en vainqueur, et pour vaincre encore ». C’est ainsi que St Jean présentait déjà le Jugement du Roi : condamnation du mal, mais salut offert aux pécheurs. En effet, si « le Prince de ce monde est jeté dehors » (Jn 12,31), les pécheurs qui acceptent de se repentir et de renoncer au mal sont saisis par Dieu qui les « arrache à l’empire des ténèbres et les transfère dans le Royaume de son Fils Bien-Aimé, en qui nous avons la Rédemption, la rémission des péchés » (Col 1,12-14 ; Ac 26,17-18). L’Amour et la Miséricorde de Dieu se révèlent alors victorieux de tout mal : « et il partit en vainqueur et pour vaincre encore »… Suivent en les chevaux de la guerre, de la famine et de la mort, tous vaincus (Ap 6,3-8). Cette même victoire contre toute forme de mal continue ici à se mettre en œuvre : « il juge et fait la guerre avec justice »…

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            Et qui est-il ? Il s’appelle « Fidèle »… Au tout début du Livre de l’Apocalypse, St Jean nous avait présenté « Jésus Christ, le témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre. Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père : à lui donc la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen » (Ap 1,5-6). C’est bien Lui, « le Verbe de Dieu » (Ap 19,13 ; Jn 1,1.14 ; 1Jn 1,1), « le Fils Unique » (Jn 1,14.18 ; 3,16.18) qui est venu parmi les hommes leur transmettre la Parole du Père (Jn 3,34 ; 7,16-17 ; 8,26.28.40 ; 12,49-50 ; 14,10.24 ; 15,15 ; 17,7-8). Il est « le Prince des Rois de la terre » qui porte « sur sa tête plusieurs diadèmes » (Ap 19,12), « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » (19,16), lui qui mène les nations avec « un sceptre de fer » (19,15), la Toute Puissance de l’Esprit de Vérité, de Douceur et d’Amour… « Il s’appelle Fidèle et Vrai », « le Témoin fidèle et vrai » (Ap 3,14), « le Saint, le Vrai » (Ap 3,7), celui qui dit toujours « la vérité qu’il a entendue de Dieu » son Père (Jn 8,40 ;18,37).

 Auxerre j           Est « inscrit sur lui un nom qu’il est seul à connaître », et l’on se souvient que dans la Bible, le nom vise le Mystère de la personne qui le porte… Ici, il ne s’agit rien de moins que du Mystère de Dieu, Jésus étant tout à la fois vrai Dieu et vrai homme… « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jn 1,1). « Il était de condition divine » (Ph 2,6), et ressuscité, il a reçu du Père « le Nom qui est au dessus de tout nom », le Nom de Dieu Lui-même (Ph 2,9)… Tel est le Mystère du Fils qui, de toute éternité, se reçoit du Père : « Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, il est de même nature que le Père » (Crédo)… Si le Père est Dieu, lui aussi est Dieu : « en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité » (Col 2,9). Si, dans le buisson ardent, Dieu révèle son nom à Moïse et lui dit « Je Suis » (Ex 3,14), Jésus peut dire lui aussi de lui-même : « Je Suis ». « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham existât, Je Suis » (Jn 8,58.28.24)… Et « il est seul à connaître » pleinement ce Nom car « qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu » (1Co 10,11), cet Esprit qu’en tant que vrai Dieu il reçoit de son Père en Plénitude de toute éternité… Mais le Fils est venu nous partager son Mystère. Il est venu nous offrir son Esprit de Fils pour que nous devenions à notre tour des fils et des filles de Dieu à son image et ressemblance (Rm 8,9 ; Ga 4,6 ; Rm 8,15-17) ; 8,29-30 ; 1Co 15,49 ; 2Co 3,18). Et nul ne peut connaître ce « nom nouveau » hormis celui ou celle qui le reçoit par sa foi au Fils : « Au vainqueur, je donnerai de la manne cachée et je lui donnerai aussi un caillou blanc, un caillou portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit » (Ap 2,17). 

Auxerre k« Le manteau qui l’enveloppe est trempé de sang », une allusion à cette Passion qu’il a vécue pour chacun d’entre nous, versant son sang, donnant sa vie pour que nous, pécheurs, nous puissions recevoir sa vie éternelle en surabondance… « C’est lui », en effet, « qui foule dans la cuve le vin de l’ardente colère de Dieu » (Ap 19,16). Et l’on se souvient que, dans la Bible, la notion de « colère de Dieu » décrit les conséquences du péché des hommes, de leur résistance à Dieu, de leur refus de croire, d’obéir à Celui qui ne désire que les combler de sa Vie : « Qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui résiste au Fils ne verra pas la vie ; mais la colère de Dieu demeure sur lui » (Jn 3,36). Et le Christ est celui qui, par amour, a voulu prendre sur lui toute cette « colère » (Is 53,4-6 et 11-12 ; 2Co 5,21 ; 1P 2,21-25) pour nous en délivrer. Il est « celui qui nous délivre de la colère qui vient » (1Th 1,10), c’est-à-dire des ténèbres et de la mort… 

                    Anges cavaliers…

Auxerre m            « Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs », eux aussi, car les Anges et les saints, les pécheurs sauvés, participent, à leur mesure de créature, à « la nature divine » (2P 1,1-4) que symbolise le blanc dans le Livre de l’Apocalypse (cf. Ap 1,14 ; 6,2 ; 14,14 ; 19,11 ; 20,11 ; et donc, de par la volonté et l’agir de Dieu en son Fils Jésus Christ : Ap 7,13-17 ; 2,17 ; 3,4‑5.18 ; 4,4 ; 6,11 ; 7,9 ; 19,6-8). « Ils sont vêtus de lin d’une blancheur parfaite », conséquence du don de cette « nature divine », l’Esprit de Dieu (Jn 4,24), qui leur a permis d’accomplir de bonnes actions. Auxerre n« On lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante» – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints » (Ap 19,8). En effet, « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau » (Ap 7,10), « c’est par grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2,5), « c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu » (Ep 2,8). Et ce Don de Dieu, c’est l’Esprit Saint offert gratuitement aux pécheurs pour les purifier, les arracher aux ténèbres, les fortifier, les vivifier (Jn 4,10 avec 7,37-39 et Ap 21,6 ; 22,17 ; 1Th 4,8)… Le fruit de l’Esprit reçu avec foi et dans la foi est ensuite « amour, joie, paix… » (Ga 5,22-23), « bonté, justice et vérité » (Ep 5,9)… Telles sont « les bonnes actions » que peuvent accomplir les pécheurs pardonnés grâce au Don de l’Esprit qu’ils ont reçu de la Miséricorde de Dieu (Ac 2,37‑39). Car « en dehors de moi », dit Jésus, en dehors de ce mystère de communion avec moi dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,1-4 ; 1Jn 1,1‑4 ; 1Co 1,9 ; 6,17 ; 1Th 5,9-10), « vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5)… 

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          « De sa bouche sort une épée acérée pour en frapper les païens », la Parole de Dieu, « plus tranchante qu’un glaive à deux tranchants » (Hb 4,12). Cette « Parole de Dieu est Vivante » par l’Esprit qui se joint toujours à elle (Jn 3,34 ; 15,26 ; 1Jn 5,5-13). Accueillant de tout cœur la Parole de Jésus et donc avec elle l’Esprit de Lumière et de Vie, Pierre pouvait dire à Jésus : « Tu as les Paroles de la Vie éternelle » (Jn 6,68). Et la Vie de Dieu remporte la victoire sur la mort, conséquence de nos péchés (Rm 6,23 avec 5,12 et 5,20), « et la Lumière de Dieu brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,4-5). Si nous reprenons « l’homme plein de lèpre » de l’Evangile (Lc 5,12s) qui représente l’humanité touchée par la maladie mortelle du péché, Jésus le « frappa » de sa Parole : « Je le veux, sois purifié ». « Aussitôt la lèpre le quitta »… Reste l’homme, pleinement homme, délivré de tout ce qui pouvait l’abîmer, le blesser, le tuer… 

salut de dieu            Suit « un rassemblement plutôt insolite pour « le grand festin de Dieu » (Ap 19,17-18), repas auquel sont convoqués « tous les oiseaux qui volent en plein ciel ». Repas insolite, en effet, et guère édifiant à première vue, puisqu’on y mange « la chair des rois » et de leurs acolytes. La scène revêt toutefois un sens symbolique, qu’on doit comprendre à la lumière d’un texte d’Ezéchiel (Ez 39,17-20 : Ez 39,17-20 : « Et toi, fils d’homme, ainsi parle le Seigneur Dieu. Dis aux oiseaux de toute espèce et à toutes les bêtes sauvages : Rassemblez-vous, venez, réunissez-vous de partout alentour pour le sacrifice que je vous offre, un grand sacrifice sur les montagnes d’Israël, et vous mangerez de la chair et vous boirez du sang. Vous mangerez la chair des héros, vous boirez le sang des princes de la terre. Ce sont tous des béliers, des agneaux, des boucs, des taureaux gras du Bashân. Vous mangerez de la graisse jusqu’à satiété et vous boirez du sang jusqu’à l’ivresse, en ce sacrifice que je vous offre. Vous vous rassasierez à ma table, de chevaux et de coursiers, de héros et de tout homme de guerre, oracle du Seigneur Dieu. »), selon lequel « la chair des héros », représentée par la figure mythique du Prince de Gog, est offerte en pâture aux oiseaux de proie et aux animaux sauvages » (PRÈVOST Jean-Pierre, « L’Apocalypse » p. 152)… « Figure mythique », car, écrit en note la Bible de Jérusalem, « il semble vain de chercher à l’identifier. Empruntant peut-être des traits à plusieurs personnages contemporains, il est présenté comme le type du conquérant barbare », source d’épreuves pour Israël… St Jean reprend donc ce texte d’Ezéchiel et l’applique au contexte de la persécution romaine pour annoncer une fois de plus la victoire prochaine de Dieu… Et c’est bien ce qu’il explique juste après (Ap 19,19-21) avec l’image de la Bête qui, en Ap 13, renvoyait déjà à « l’empire romain qui représente toutes les forces dressées contre le Christ et l’Eglise en s’arrogeant des pouvoirs divins » (Note Bible de Jérusalem). Et comme en Ap 16,13s, « le faux prophète » symbolise tous « les faiseurs de prodiges » qui, par leurs signes mensongers, égarent non seulement tous ceux et celles qui « portent la marque de la Bête et adorent son image », mais aussi, « s’il était possible, même les élus » (Mt 24,23-25). Mais tout ce mal est « exterminé par l’épée du Cavalier », la Parole de Dieu « qui sort de la bouche » de Jésus. Comme nous l’avons vu précédemment, Dieu remporte avec elle et par elle la victoire sur le mal en sauvant tous ceux et celles qui faisaient le mal… Mais pour cela, il faut qu’ils se repentent de tout cœur pour recevoir le pardon de Dieu toujours offert. Alors, avec le Christ et grâce au Christ, ils pourront repartir sur des chemins nouveaux où ils trouveront enfin la vraie Paix, la vraie Vie, la vraie Joie.

                                                                                                                       D. Jacques Fournier

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