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L’année saint Joseph et la spiritualité conjugale et familiale par Fr. Manuel Rivero O.P.

Pape François

Le pape François nous donne pour modèle de foi et de vie familiale le père adoptif de Jésus, Joseph, l’époux de Marie (1). Marie et Joseph ont partagé la même foi dans le Dieu d’Israël (2). Chacun, à sa manière et selon sa mission, a adhéré à l’annonce de l’ange en servant Dieu de manière fidèle : « Dans chaque circonstance de sa vie, Joseph a su prononcer son « fiat », tout comme Marie à l’Annonciation, et comme Jésus à Gethsémani [3]».

 

 

La prière conjugale de Marie et de Joseph

Mariés en Dieu, Marie et Joseph ont été sanctifiés par Jésus, le Fils de Dieu fait homme. Époux aimants et respectueux, Marie et Joseph ont vécu la prière conjugale en reprenant la Loi de Moïse, les Psaumes et les enseignements des Prophètes. Leur prière était riche de leur foi et de leur amour, de leurs soucis et de leurs joies.

Mgr Jacques-Bénigne Bossuet (+1704), évêque, a mis en lumière la prière conjugale de Joseph et de Marie qui se sont confiés réciproquement leur virginité[4]. Habités par la Parole de Dieu et vivant dans la prière, Marie et Joseph ont partagé leur vie spirituelle à laquelle a participé Jésus enfant. Ils représentent ainsi un modèle de prière conjugale pour les couples chrétiens qui veulent vivre la sainteté dans le sacrement du mariage.

 

Les Équipes Notre-Dame

Les Équipes Notre-Dame[5], fondées par le prêtre lyonnais Henri Caffarel (+1996), manifestent la grandeur de l’amour conjugal appelé au perfectionnement, à la conversion et à la sainteté.

 

L’oraison

La prière représente la respiration de l’âme, le repos en Dieu et le ciment du couple. Les Équipes Notre-Dame proposent aux conjoints de consacrer chaque jour un temps au cœur à cœur avec Dieu dans l’oraison, prière silencieuse et intime. Le mot oraison, du latin « os-oris » représente la bouche et par extension le visage. L’oraison devient le « bouche à bouche » avec Dieu dans le partage du Souffle Saint, donné par Dieu à ceux qui croient en Jésus-Christ.

Plus un conjoint se rapproche de Dieu et plus il se rapproche de l’autre. Plus un conjoint s’éloigne de Dieu et plus il s’éloigne aussi de l’autre. Jésus est allé très loin dans l’amour des hommes car il est allé très loin dans l’amour de son Père.

L’amour de Dieu et du conjoint se nourrissent de manière réciproque. Il arrive qu’une personne qui se dit amoureuse devienne jalouse de l’amour de son conjoint envers Dieu manifesté dans la prière, au point de déclarer : « Est-ce que je ne suffis pas ? ». Ceci est absurde. Dieu garantit et fait grandir l’amour des amoureux.

Dans l’Ancien Testament, Moïse parlait avec Dieu sur le mont Sinaï, face à face, comme un ami parle à son ami (cf. Exode 33,11). La prière n’est rien d’autre qu’un échange amical où l’on se sait aimé de Dieu.

À l’image de la nappe phréatique dont dépende la fertilité de la végétation, l’oraison, prière cachée en Dieu, transforme et vivifie toutes les actions et relations du couple. D’ailleurs, la première fécondité du couple n’est pas l’enfant mais le couple lui-même comme source de rayonnement et de vie dans la société.

 

La prière conjugale

Nombreux sont les couples qui avouent leur difficulté à prier ensemble. La prière en famille, avec leurs enfants, leur semble en revanche plus aisée. Pourtant la prière conjugale apporte à ceux qui la vivent rapprochement, réconciliation, force et joie. Chaque couple choisit sa manière de prier ensemble, l’essentiel est de prier : le Notre Père, le partage de l’Évangile, les Psaumes, le chapelet … C’est ainsi que chaque conjoint parle à Dieu de l’autre et à l’autre de Dieu. Une grande communion jaillit dans le partage de la prière. Le « nous » du couple s’enracine dans le « nous » de l’Esprit Saint, amour du Père et du Fils, au cœur de la Trinité sainte.

La prière conjugale est souvent vécue par le couple comme un chemin de guérison des blessures anciennes demeurées ouvertes. Les plaies de l’esprit et de l’âme mettent longtemps à cicatriser ! Dans le couple, chacun a besoin de la vérité de l’autre.

La prière conjugale favorise l’ouverture du cœur à l’autre, la rencontre en vérité et en profondeur : deux chercheurs de Dieu sur le même chemin, deux priants avec Dieu.

 

 

Le dialogue dans le couple

L’une des spécificités des Équipes Notre-Dame est le dialogue fréquent du couple dans la prière. Appelé « le devoir de s’asseoir », il favorise le dépassement des « non-dits », véritable cancer de la relation conjugale qui se reproduit rapidement s’il n’est pas arrêté à temps.

Le « devoir de s’asseoir » consiste à prendre rendez-vous, même si les conjoints se voient tout le temps, dans un cadre propice au dialogue et à la disponibilité, en absence des enfants, sans téléphone et sans bruit. Il faut bien avouer que sa pratique exige courage car le « devoir de s’asseoir » chasse les tabous et il libère la parole : « est-que ça va ? » ; « y a-t-il quelque chose qui te dérange ? » ; « est-ce que tu aimerais quelque chose que tu n’oses pas demander ? » …

Chaque conjoint prend la parole à tour de rôle sans interrompre l’intervention de l’autre et en lui disant à la fin « merci » même si les propos étaient durs ou inexacts. Le merci correspond à l’expression sincère. Évidemment, éviter tout règlement de comptes, le devoir de s’asseoir ne peut se vivre que dans un climat de prière et d’humilité.

La fréquence de ce rendez-vous où « amour et vérité se rencontrent » (Psaume 84,11) relève de la liberté des époux. À l’image du proverbe qui affirme que « l’appétit vient en mangeant », les couples des Équipes Notre-Dame témoignent de la richesse inépuisable de cet exercice de communication spirituelle. Plus les conjoints partagent et plus ils ont des choses à se dire. Honoré de Balzac (+1850) déclarait : « En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie ». Le « devoir de s’asseoir » offre une expérience opposée à l’ennui et il permet aux conjoints d’avancer « de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin » (saint Grégoire de Nysse, mort vers l’an 395).

 

Amour « chaste » : non possessif

Le pape François rappelle la tradition catholique qui se réjouit de l’ «amour très chaste » de saint Joseph : « Ce n’est pas une indication simplement affective, mais c’est la synthèse d’une attitude qui exprime le contraire de la possession. La chasteté est le fait de se libérer de la possession dans tous les domaines de la vie. C’est seulement quand un amour est chaste qu’il est vraiment amour. L’amour qui veut posséder, devient toujours à la fin dangereux, il emprisonne, étouffe, rend malheureux. Dieu lui-même a aimé l’homme d’un amour chaste, en le laissant libre même de se tromper et de se retourner contre lui. La logique de l’amour est toujours une logique de liberté, et Joseph a su aimer de manière extraordinairement libre. Il ne s’est jamais mis au centre. Il a su se décentrer, mettre au centre de sa vie Marie et Jésus. » (Avec un cœur de Père, n°7).

 

Les Équipes Notre-Dame n’ont d’autre but que de rendre l’amour conjugal et familial, à l’image de l’amour de Joseph et de Marie, toujours plus grand, plus libre, plus fort et plus sacré.

 

 

 

Saint-Denis (La Réunion), le 27 janvier 2021.

 

 

 

 

[1] Le pape François a ouvert une « Année saint Joseph » (8 décembre 2020-8 décembre 2021) et il a publié sa lettre apostolique sur saint Joseph « Patris Corde », « Avec un cœur de père », le 8 décembre 2020, à l’occasion du 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph patron de l’Église universelle, par le décret « Quemadmodum Deus » du bienheureux pape Pie IX, le 8 décembre 1870. Cf. ZENIT, 8 décembre 2020. https://fr.zenit.org/2020/12/08/avec-un-coeur-de-pere-lettre-du-pape-sur-saint-joseph-et-annee-saint-joseph/

[2] Le Fr. Manuel Rivero O.P. est assistant religieux d’une Équipe Notre-Dame ainsi que du Secteur des Équipes Notre-Dame de La Réunion (France).

[3] Pape François, « Patris corde », n° 3.

[4] Jacques-Bénigne Bossuet. Sermon prêché d’abord devant vingt-deux évêques réunis pour l’Assemblée du clergé de France le 19 mars 1657, puis devant le reine Anne d’Autriche, le 19 mars 1659.  https://www.icrsp.org/Calendriers/Mois-St-Joseph/Textes/Bossuet-Panegyrique1-St-Joseph.htm

[5] Cf. https://www.equipes-notre-dame.fr/