Le Message du Christ Ressuscité à l’Eglise de Smyrne (Ap 2,8-11)
À l’Ange de l’Église de Smyrne, écris : Ainsi parle le Premier et le Dernier, celui qui fut mort et qui a repris vie. (9) Je connais tes épreuves et ta pauvreté – tu es riche pourtant – et les diffamations de ceux qui usurpent le titre de Juifs – une synagogue de Satan plutôt! – (10) Ne crains pas les souffrances qui t’attendent : voici, le Diable va jeter des vôtres en prison pour vous tenter, et vous aurez dix jours d’épreuve. Reste fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie. (11) Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises : le vainqueur n’a rien à craindre de la seconde mort.
Smyrne avait été détruite dans les années 600 avant JC par les Lydiens, et elle avait repris vie vers 300 avant JC. Aussi, lorsque le Christ se présente à elle comme « celui qui fut mort et qui a repris vie », peut-être fait-il allusion à sa lointaine histoire… Quoiqu’il en soit, comme il le fit déjà pour l’Eglise d’Ephèse (2,1 à comparer avec 1,13.16 et 1,20), le Christ reprend des éléments de son apparition à Jean pour se présenter aux Eglises… Celui qui est apparu à Jean et lui a parlé est donc le même qui s’adresse désormais aux Eglises… En effet, il lui avait dit : « Je suis le Premier et le Dernier, le Vivant ; je fus mort, et me voici vivant pour les siècles des siècles » (1,17-18). Ici, il déclare à « l’Ange de l’Eglise de Smyrne » : « Ainsi parle le Premier et le Dernier, celui qui fut mort et qui a repris vie » (2,8). Il reprend donc ce titre qui autrefois était réservé à Dieu dans l’Ancien Testament (Is 44,6 ; 48,12), ce qui constitue indirectement une déclaration de divinité : le Christ, le Fils Unique, est Dieu comme le Père est Dieu…
Comme précédemment le Christ commence par un « je connais »… Lui nous connaît, à fond, et rien de notre vie ou de notre cœur ne lui est caché… Il nous connaît même mieux que nous pouvons nous connaître nous-mêmes (Jn 1,47-50 ; 2,23-25)… C’est pourquoi Lui seul peut vraiment nous montrer ce chemin où il sait que nous pourrons être le plus possible nous-mêmes… Ce chemin, c’est notre vocation personnelle, unique pour chacun. Et si nous acceptons vraiment de la recevoir du Christ, quelle qu’elle soit, heureux serons-nous ! « Tu me conduis par le juste chemin, pour l’honneur de ton nom. Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie » (cf. Ps 23(22)).
Smyrne était une ville qui ne connaissait pas le luxe et l’opulence ? Elle ne vivait pas dans une certaine richesse matérielle ? Le Christ pourtant la déclare « riche », et c’est un très beau compliment qu’il lui fait, car dans sa pauvreté, elle a su accueillir la seule vraie richesse qui compte : celle du Christ. « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,3), car ils ont su accueillir ce Royaume que Dieu a trouvé bon de donner aux hommes par son Fils (Lc 12,32). Et « le Royaume est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), cette justice de la Miséricorde qui rend justes les injustes ! Et c’est bien grâce à elle, grâce « aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu », qu’ils peuvent retrouver « le chemin de la paix » par le pardon de toutes leurs fautes (Lc 1,76-79). Et si le péché, l’égoïsme, la recherche de soi au détriment de Dieu et des autres, les avaient finalement plongés dans la tristesse, à la Lumière du Pardon reçu de l’Amour, ils découvrent qu’ « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20,35)… C’est la joie de l’amour, car « aimer, c’est tout donner et se donner soi‑même » (Ste Thérèse de Lisieux)…
« De riche qu’il était, notre Seigneur Jésus Christ s’est fait pauvre, pour vous, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (2Co 8,9). Heureuse l’Eglise de Smyrne qui a su accueillir ses cadeaux, et mettre ainsi à la première place les réalités spirituelles qui seules, peuvent nous apporter les vraies joies (Col 3,1-4). « Ne crains pas les souffrances qui t’attendent » (2,10), lui dit le Christ, car sa Présence et son soutien ne leur feront jamais défaut. « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps », disait Jésus à ses disciples, « mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps. Ne vend-on pas deux passereaux pour un as ? Et pas un d’entre eux ne tombera au sol à l’insu de votre Père ! Et vous donc ! vos cheveux même sont tous comptés ! Soyez donc sans crainte ; vous valez mieux, vous, qu’une multitude de passereaux » (Mt 10,28-31).
Certes, poursuit le Christ, « le diable », c’est-à-dire en ce contexte « les persécuteurs romains », « jetteront des vôtres en prison » (2,10)… « Vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi, pour rendre témoignage en face d’eux et des païens. Mais, lorsqu’on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10,18-20). Et la Présence de l’Esprit est toujours synonyme de Paix, de Force et de Joie. C’est ainsi que St Paul écrivait à Timothée (1,7-14) :
« Ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi. Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier, mais souffre plutôt avec moi pour l’Évangile, soutenu par la force de Dieu, qui nous a sauvés et nous a appelés d’un saint appel, non en considération de nos œuvres, mais conformément à son propre dessein et à sa grâce. À nous donnée avant tous les siècles dans le Christ Jésus, cette grâce a été maintenant manifestée par l’Apparition de notre Sauveur le Christ Jésus, qui a détruit la mort et fait resplendir la vie et l’immortalité par le moyen de l’Évangile… C’est à cause de cela que je connais cette nouvelle épreuve, mais je n’en rougis pas, car je sais en qui j’ai mis ma foi et j’ai la conviction qu’il est capable de garder mon dépôt jusqu’à ce Jour-là. (Alors, toi aussi), garde le bon dépôt avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous ».
Cet Esprit, cette grâce, habite en Plénitude les cœurs du Père et du Fils. Il est « l’Esprit du Père », mais aussi « l’Esprit du Christ » (Rm 8,9 ; 1P 1,11), et c’est en nous donnant de participer nous aussi à son Esprit, que le Christ nous permettra de sortir victorieux de nos épreuves (Jn 16,33). Ici, elles dureront « dix jours », c’est-à-dire un temps limité, aussi long puisse-t-il paraître pour celui qui doit les subir. Mais tôt ou tard, ces persécutions prendront fin, et le temps de la paix reviendra…
Dans cette espérance, le Christ invite donc les chrétiens de Smyrne à lui demeurer fidèles. Ils le pourront en continuant de s’appuyer sur Lui, de compter sur Lui… Et lorsque viendra l’heure de mourir, « je te donnerai la couronne de vie ». Tout apparaît à nouveau comme don gratuit du Christ. La notion de « couronne », c’est-à-dire de « royauté », de « force » et de « victoire » est associée à celle de « vie ». Car c’est bien « la vie » du Ressuscité qui remporte la victoire sur toute forme de mort et donne ainsi à celui et celle qui la reçoivent de « régner dans la vie ». « Je suis la lumière du monde » dit Jésus. « Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie », et « la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne peuvent la saisir » (Jn 8,12, 1,4-5).
Enfin, « le vainqueur n’a rien à craindre de la seconde mort », une « seconde mort » qui est synonyme « d’absence de Plénitude de Vie éternelle », et donc de souffrance et de mal-être éternels… En feront la douloureuse expérience, « ceux qui ne seront pas inscrits dans le Livre de Vie » (Ap 20,13-15), c’est-à-dire ceux qui auront refusé toute démarche de conversion, de repentir, nécessaire pour renoncer clairement et fermement au mal, et choisir ainsi librement le bien. Celui qui demeure quelque part attaché au mal ne peut pas en effet « entrer dans le Royaume des Cieux », car toute forme de mal est radicalement exclue de ce Mystère de Communion avec Dieu auquel nous sommes tous appelés. Et lorsqu’il sera pleinement accompli, « Dieu sera tout en tous » (1Co 15,28). Or, « Dieu est Lumière, en Lui, point de ténèbres » (1Jean 1,5). Il est donc impossible d’être tout à la fois pleinement uni à Dieu, et en même temps attaché à quelque chose qui est de l’ordre des ténèbres… Et puisque ces ténèbres sont quelque part une absence de Lumière, et donc une absence de Plénitude, tant que nous aurons des liens avec elles, nous ne pourrons goûter le bonheur parfait. Telle est l’expérience de ce riche qui, sur terre, n’avait pas vécu l’amour et le partage avec les pauvres, et notamment « Lazare qui gisait près de son portail, tout couvert d’ulcères ». Lorsque les deux moururent, Lazare trouva auprès du Père la Plénitude du Bonheur et de la Vie, tandis que le riche, encore attaché à ses richesses et prisonnier de son égoïsme, « était en proie à des tortures » (Lc 16,19-31). Son cœur n’était pas dans le repos et la Paix de Dieu… Ainsi, « les lâches, les renégats, les dépravés, les assassins, les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref, tous les hommes de mensonge, leur lot se trouve dans l’étang brûlant de feu et de soufre : c’est la seconde mort » (Ap 21,8). St Paul dit autrement la même chose : « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu’ivrognes, insulteurs ou rapaces, n’hériteront du Royaume de Dieu. Et cela, vous l’étiez bien, quelques-uns. Mais vous vous êtes lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1Co 6,9-11). Mais c’est bien parce qu’il n’y aura plus de voleurs, de rapaces, de méchants, de violents et d’injustes que le bonheur pourra enfin être parfait pour toujours… « On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme les eaux couvrent le fond de la mer » (Is 11,9 ; cf. 11,1-9 ; 65,17‑25). Et nul ne peut « connaître » Dieu s’il ne lui est uni dans la communion d’un même Esprit, un Esprit de Lumière, d’Amour, de Paix et de Vie… Alors, il n’y aura « plus de pleurs, plus de cris, plus de peines, car l’ancien monde s’en sera allé » (Ap 21,4)…
Mais c’est dès maintenant que Dieu désire faire toutes choses nouvelles par l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ Sauveur venu enlever le péché du monde en proposant le pardon total de toutes nos fautes. Celui qui se repent et accepte de le recevoir recevra grâce à ce pardon, dès maintenant, dans la foi, « quelque chose » de cette Plénitude de Vie que Dieu nous réserve dans l’éternité… « Repentez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit » (Ac 2,38). St Paul pourra alors lancer comme appel : « Cherchez dans l’Esprit votre Plénitude » (Ep 5,18)…
D. Jacques Fournier
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