Karol Jozef Wojtyla, devenu le Pape Jean-Paul IIen 1978, est né le 18 mai 1920 en Pologne, à Wadowice.
En 1939, il entre à l’Université de Cracovie, où il suit un cours de théâtre ; après la fermeture de celle-ci par l’occupant nazi, le jeune Karol échappe à la déportation en Allemagne. Dès 1942, il suit les cours de formation du Séminaire clandestin de Cracovie.
Après la Seconde Guerre Mondiale, il poursuivit ses études de Théologie à l’Université, jusqu’à son Ordination Sacerdotale en 1946.
A la suite d’études doctorales, il entre comme Professeur de Théologie morale et d’éthique sociale au Grand Séminaire de Cracovie et à la Faculté de Théologie de Lublin.
En 1958, Pie XII le nomme Évêque Auxiliaire de Cracovie ; en 1964, il est nommé Archevêque de Cracovie par Paul VI et élevé au Cardinalat en 1967.
Depuis le début de son pontificat, le 16 octobre 1978, le Pape Jean-Paul II a accompli de multiples voyages apostoliques à travers le monde. Il a écrit de nombreux documents religieux (encycliques, exhortations) parmi lesquels une autobiographie, « Entrez dans l’Espérance » (1994) et « Levez-vous ! Allons ! » (2003), une réflexion sur sa vie et sur son ministère épiscopal.
Jean-Paul II s’est éteint au Vatican le 2 Avril 2005.
Il écrit :« A l’occasion du quarante-cinquième anniversaire de mon Ordination et du vingt-cinquième anniversaire de mon Pontificat, il m’a été demandé de mettre par écrit ces souvenirs à partir de 1958, année où je suis devenu Évêque.
J’ai cru devoir accueillir cette invitation !
J’offre ces pages comme signe d’amour envers mes frères dans l’épiscopat et envers tout le peuple de Dieu.
Puissent-elles éclairer tous ceux qui désirent connaître la grandeur du ministère épiscopale et la peine qu’il comporte, mais aussi la joie qui l’accompagne dans son accomplissement quotidien !
En définitive, l’amour est le lien qui unit tout : il unit de manière substantielle les Personnes Divines, il unit aussi, bien que sur un plan très différent, les personnes humaines et leurs multiples vocations.
L’Appel
C’était en 1958. Avec un groupe de passionnés de canoë, je me trouvais dans le train en direction d’Olsztyn (Centre culturel et touristique, capitale de la Mazurie dans le nord-est de la Pologne).
Nous allions commencer les vacances selon le programme qui était le nôtre depuis 1953, nous en passions une partie en montagne et l’autre partie aux lacs de Mazurie. C’est pour cela que nous nous trouvions dans le train ; c’était en juillet. M’adressant à celui qui faisait fonction d’« amiral », je lui dis :
« D’ici peu je devrais quitter le canoë parce que le primat m’a appelé (après la mort en 1948, du cardinal August Hlond, le primat était le Cardinal Stefan Wyszinski) et je dois me présenter à lui. »
L’ « amiral » me répondit : « D’accord, je m’en occupe ».
C’est ainsi que le jour venu, nous avons quitté le groupe pour rejoindre la gare ferroviaire la plus proche.
A Varsovie, je me présentai à l’archevêché, à l’heure convenue. Je constatai à l’évêché que trois autres prêtres avaient été convoqués avec moi. Sur le moment, je ne me rendis pas compte de la coïncidence. Ce n’est que plus tard que je compris que nous avions été convoqués pour le même motif.
Entré dans le bureau du primat, le cardinal Stefan, j’appris par lui que le Saint-Père m’avait nommé Évêque Auxiliaire de l’archevêché de Cracovie.
En effet, en février de cette même année (1958) était mort Mgr Stanislas ROSPOND.
En entendant les paroles du primat qui m’annonçait la décision du Siège Apostolique, je répondis :
« Eminence, je suis trop jeune : j’ai à peine trente huit ans ! »
Mais le primat répliqua :
« C’est une faiblesse dont vous vous libèrerez bien vite ! Je vous prie de ne pas vous opposer à la volonté du Saint-Père. »
Je dis alors un seul mot :
« J ‘accepte ».
« Alors allons déjeuner », conclut le primat.
Après cette audience si importante pour ma vie, je me rendis compte que je ne pouvais retourner tout de suite auprès de mes amis et de mon canoë ; je devais d’abord me rendre à Cracovie pour informer l’Archevêque Baziak, mon ordinaire.
En attendant le train de nuit qui devait qui devait me conduire à Cracovie, j’ai prié durant des heures dans la Chapelle des Sœurs Ursulines à Varsovie.
Le lendemain, arrivé à Cracovie, je me présentai à Mgr Baziak, et je lui remis la lettre du Cardinal primat. Je me rappelle comme si c’était aujourd’hui que l’Archevêque me prit par le bras et me conduisit dans le salon d’attente, où quelques prêtres étaient assis ; il s’exclama alors :
« Habemus papam ! »
A la lumière des évènements qui ont suivi, on pourrait dire que ce furent des paroles prophétiques.
Je confiai à l’archevêque que je désirais retourner en Mazurie pour retrouver le groupe d’amis qui naviguaient sur la Lyna. Il me répondit :
– « Cela, désormais, ne convient peut-être plus ! »
Plutôt attristé par cette réponse, j’allai dans l’église des Franciscains et je fis un Chemin de Croix. Je me rendais volontiers dans cette église pour le Chemin de Croix parce que j’aimais ces stations originales, modernes. Après quoi, je retournai chez Mgr BAZIAK, renouvelant ma demande. Je lui dis :
« Je comprends votre préoccupation, Excellence. Mais je vous demande tout de même de me permettre de retourner à Mazurie. »
Cette fois, il répondit :
– « Oui, oui, allez donc. Toutefois je vous prie, ajouta-t-il avec un sourire, de revenir pour la Consécration. »
Le soir même je repris donc le train pour Olsztyn.
J’avais emporté le livre d’Hemingway, « Le vieil homme et la mer ».
Je le lus presque toute la nuit, ne réussissant à m’assoupir que quelques instants.
Je me sentais plutôt habité par un sentiment étrange…
Je retrouvais mes amis du groupe qui y étaient arrivés en naviguant avec le canoë sur le cours de la Lyma. L’« amiral » vint me chercher à la gare et me dit :
– « Alors, oncle, ils vous ont fait évêque ? »
Je lui répondis que oui.
Et lui d’ajouter : « C’est bien ça… Dans mon cœur j’imaginais exactement cela et je vous le souhaitais. »
Le jour de ma nomination comme évêque, j’avais un peu moins de douze ans de sacerdoce. J’avais peu dormi et à mon arrivée j’étais donc fatigué.
Toutefois, avant d’aller me reposer, je suis allé à l ‘église célébrer la messe. L’église était administrée par l’aumônier de l’Université, qui était alors l’abbé Ignacy, futur évêque. Après quoi, je pus enfin m’abandonner au sommeil. A mon réveil, je me rendis compte que la nouvelle de ma nominations’était répandue, car l’Abbé Ignacy m’apostropha par ces paroles :
« Eh bien, nouvel évêque, félicitations ! »
J’ai souri, puis je suis parti pour rejoindre le groupe de mes amis. J’ai récupéré mon canoë, mais quand je me suis mis à pagayer, de nouveau, un sentiment un peu étrange m’envahit.
La coïncidence des dates m’avaient frappé : la nomination m’avait été notifié le 4 juillet, et c’était la date de la Consécration de la Cathédrale du Wawel. C’est un anniversaire qui a toujours eu un grand écho dans mon esprit. Il me semblait que cette coïncidence voulait dire quelque chose. Je pensais que c’était peut-être la dernière fois que je pouvais faire du canoë.
En réalité, je dois ajouter que bien souvent j’ai pu encore naviguer, reprenant des forces en canoë sur les eaux des rivières et des lacs de Mazurie. Pratiquement, il en fut ainsi jusqu’en 1978.
Après les vacances estivales, je retournais à Cracovie ; commencèrent alors les préparatifs pour la Consécration, fixée au 28 septembre, fête de Saint Venceslas, patron de la Cathédrale de Wawel.
« N ‘ayez pas peur ! »
Quand, le 22 octobre 1978, sur la place Saint-Pierre j’ai lancé : « N’ayez pas peur », je ne pouvais évidemment pas savoir jusqu’où ces paroles nous entraineraient, moi et l’Eglise.
Le message qu’elles transmettaient venait bien plus de l’Esprit Saint, ce « Consolateur » promis par le Seigneur Jésus à ses apôtres, que de l’homme qui les prononçait. Au fils des années, j’ai eu maintes occasions de renouveler cet appel.
Ce « N’ayez pas peur ! » doit être pris dans son acceptation la plus large.
C’était un encouragement adressé à tous les hommes, afin qu’ils surmontent la peur que leur inspirait l’état du monde contemporain, aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, au Nord qu’au Sud : N’ayez pas peur de ce que vous avez vous-mêmes créé, n’ayez pas peur de tout ce qui, dans ce que l’homme a produit, risque de se retourner contre lui !
En un mot, n’ayez pas peur de vous-mêmes ! Pourquoi ne devons-nous pas avoir peur ? Parce que l’homme a été racheté par Dieu !
Quand j’ai prononcé ces mots sur la place Saint-Pierre, il m’apparaissait déjà clairement que ma première encyclique et tout mon Pontificat devaient donner la priorité à la véritésur la Rédemption. C’est dans cette vérité que s’enracine ce : « N’ayez pas peur ! » :
« Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils Unique ! » (Jn. 3,16)
Ce Fils demeure au cœur de l’histoire de l’humanité comme le Rédempteur.
La Rédemption imprègne toute l’histoire humaine, y compris celle qui se situe avant le Christ, elle prépare l’avenir eschatologique de l’homme. Elle est cette Lumière qui « brille dans les ténèbres et que les ténèbres ne parviennent pas à étouffer » (Jn. 1,5).
La Puissance de la Croix du Christ et de sa Résurrection est toujours plus grande que tout le mal dont l’homme pourrait et devrait avoir peur.
C’est ici qu’il faut revenir à la devise « Totus Tuus, tout à toi« .
Dans une de vos précédentes questions, vous m’interrogiez sur la Mère de Dieu et les nombreuses révélations privéesqui ont eu lieu, principalement aux cours des deux derniers siècles. Je vous ai répondu en vous racontant comment la dévotion à Marie s’étaitdéveloppée dans ma vie personnelle, d’abord dans ma ville natale, ensuite au Sanctuaire de Kalwaria, puis à Jasna Gora .
Jasna Gora a fait irruption dans l’histoire de ma Patrie au XVIIèmesiècle comme une sorte de « N’ayez pas peur ! » venu du Christ par la bouche de sa Mère.
Quand le 22 octobre 1978, j’ai reçu l’héritage romain du Ministère de Pierre, cette expérience Mariale vécue, sur ma terre polonaise, était déjà profondément inscrite dans ma mémoire.
C’est l’expérience traversée par mon pays qui m’a, la première, fait comprendre comment Marie participe à la victoire du Christ. J’ai aussi appris directement du Cardinal Stefan Wyszynski, que son prédecesseur, le Cardinal Auguste Hlond, avait prononcé avant de mourir cette parole prophétique :
« La victoire, si elle vient, viendra par Marie… »
Au cours de mon Ministère Pastoral en Pologne, j’ai été témoin de l’accomplissement de cette parole.
Une fois élu Pape, confronté aux problèmes de l’Eglise entière, cette intuition, cette conviction m’a toujours habité : dans cette dimension universelle aussi, la « victoire, si elle venait, serait remportée par Marie.
Le Christ vaincra par Marie.
Il veut qu’elle soit associée aux victoires de l’Eglise, dans le monde d’aujourd’hui et dans celui de demain.
J’en étais donc intimement persuadé, même si à l’époque j’ignorais presque tout de Fatima.
Je pressentais seulement qu’il y avait là une certaine continuité, de la Salette à Fatima en passant par Lourdes, sans oublier, dans un passé plus lointain Jasna Gora de Pologne.
Et puis le 13 mai est arrivé.
Quand j’ai été atteint par la balle de mon agresseur sur la place Saint-Pierre, je ne me suis pas rendu compte immédiatement que nous fêtions juste ce jour là l’anniversaire du jour où Marie était apparue aux trois enfants de Fatima, au Portugal, pour leur transmettre les messages qui, alors que la fin de ce siècle approche, se révèlent sur le point d’être pleinement confirmés.
Lors d’un tel événement, le Christ n’a-t-il pas encore une fois prononcé son « N’ayez pas peur ! » ?
N’a-t-il pas répété à cette occasion son message Pascal à l’intention du Pape, de l’Eglise et, au-delà, à l’attention de toute la famille humaine ?
Il faut que, dans la conscience de chaque être humain, se fortifie la certitude qu’il existe Quelqu’un qui tient dans ses mains le sort de ce monde qui passe ; Quelqu’un qui détient les clefs de la mort et des enfers ; Quelqu’un qui est l’Alpha et l’Oméga de l’histoire de l’homme, qu’elle soit individuelle ou collective. Et surtout, la certitude que ce Quelqu’un est Amour, l’Amour fait l’homme, l’Amour Crucifié et Ressuscité, l’Amour sans cesse présent au milieu des hommes ! Il est l’Amour Eucharistique. Il est source inépuisable de Communion. Il est le seul que nous puissions croire sans la moindre réserve quand Il nous demande : « N’ayez pas peur ! »
Il confirme par là toute la Vérité de l’Évangile et toutes les obligations qui en découlent. Mais il révèle en même temps que ces exigences ne dépassent pas les forces de l’homme. Si l’homme accepte ces implications de sa Foi, il trouve alors, dans la grâce que Dieu ne lui refuse pas, la force qui lui permet de faire face.
Le monde déborde de preuves de l’action de cette force rédemptrice, que les Évangiles annoncent avec bien plus de clarté qu’ils n’imposent des exigences morales.
Il y a dans le monde tant d’hommes et de femmes dont la vie témoigne qu’il est possible de mettre en pratique tout ce que demande la morale évangélique ! De plus, l’expérience prouve qu’une vie humaine ne peut réussir qu’à leur exemple.
Accepter les exigences évangéliques, c’est assumer toute les dimensions de sa propre humanité, y discerner la beauté du dessein de Dieu, en reconnaissant la réalité de toutes les faiblesses humaines, à la Lumière de la Puissance même de Dieu : « Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu ». (Luc 18,27)
On ne peut séparer les exigences morales proposées à l’homme par Dieu de l’exigence de l’amour rédempteur, c’est-à-dire du don de la grâce que Dieu lui-même en un sens s’est engagé à accorder.
Qu’est-ce que le salut apporté par le Christ, si ce n’est précisément cela ?
Dieu veut sauver l’homme. Il veut l’accomplissement de l’humanité selon la mesure qu’Il a Lui-même fixée. Et le Christ est fondé à dire que le joug qu’Il met sur nos épaules est doux et son fardeau, en fin de compte, léger.
Il est capital pour l’homme d’entrer dans l’Espérance, de ne pas s’arrêter sur le seuil, et de se laisser guider.
Le grand poète Polonais Cyprian, qui décrivait ce qu’il découvrait au plus intime de l’existence chrétienne, a parfaitement exprimé cette réalité :
« Nous ne marchons pas à la suite du Sauveur en portant sa Croix, mais nous suivons le Christ qui porte la nôtre. » Voilà pourquoi la Vérité sur la Croix peut être qualifiée de « Bonne Nouvelle »…
« N’ayez pas peur, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! »
Voici le témoignage de Monseigneur Stanislaw DZIWISZ, le plus proche témoin de l’attentat contre Jean Paul II.
Le soir du 11 mai, à la demande du Pape, je rendis visite – en Pologne, à sa résidence – au Cardinal WYSZYNSKI. Le « Primat du Millénaire » étais alors contraint de garder la chambre, à cause d’une grave maladie. Le cardinal m’avait retenu pour un long entretien au cours duquel il voulut transmettre au Saint-Père ses dernières volontés. Il lui écrivit également une lettre. Il était conscient de pouvoir mourir. Il me sembla très faible et totalement abandonné à la volonté de Dieu.
Dans l’après-midi à 17 heures, sur la place Saint-Pierre, devait se tenir l’habituelle Audience Générale du mercredi.
17h17. Au cours du second tour de la place, on entendit les coups de feu tirés contre Jean Paul II.
Ali Mehmet Agca, un tueur professionnel, tire avec un pistolet, blessant le Saint-Père au ventre, au coude droit et à l’index. Un projectile traversa le corps et tomba entre le Pape et moi. J’entendis deux coups. Les balles blessèrent deux autres personnes. Je fus épargné, bien que leur force ait été telle qu’elles auraient pu traverser plusieurs personnes. Je demandai au Saint-Père :
– OÙ ?
Il me répondit :
– Au ventre.
– Vous avez mal ?
Il répondit :
– J’ai mal.
C’est à cet instant qu’il commença à s’affaisser.
Me trouvant derrière lui, je pouvais le soutenir. Il perdit ses forces.
Ce fut un moment dramatique. Aujourd’hui, je peux dire qu’à cet instant entra en action une puissance invisible, qui permit de sauver la vie du Saint-Père, en danger de mort. Il n’y avait pas de temps pour penser et il n’y avait pas de médecin à porter de main. Une seule décision erronée pouvait avoir des conséquences catastrophiques. Nous n’avons pas tenté de donner les premiers soins, pas plus que nous avons pensé à porter le blessé à ses appartements. Chaque minute était précieuse. Immédiatement donc, nous l’avons transporté dans l’ambulance, où se trouvait aussi son médecin personnel, le Dr Renato RUZONNETTI et nous nous rendîmes très vite à la Polyclinique GEMELLI. Au cours du trajet, le Saint-Père était encore conscient ; il perdit connaissance en entrant dans la Polyclinique. Tant que cela fut possible, il pria à voix basse.
Le chirurgien, le professeur Francesco CRUCITTI, eut un rôle particulier. Il me confia par la suite que, ce jour-là, il n’était pas de service, il se trouvait chez lui, mais une force mystérieuse l’avait poussé à se rendre à la Polyclinique. Au cours du trajet, il apprit par la radio la nouvelle de l’attentat. Immédiatement, il proposa de réaliser l’intervention, d’autant plus que le chef du service de chirurgie, le Professeur CASTIGLIONI, se trouvait à Milan et arriva à la Polyclinique vers la fin de l’intervention.
La situation était sérieuse. L’organisme avait perdu beaucoup de sang. Le professeur CRUCITTI était assisté par d’autres médecins. La salle d’opération était pleine de monde. Le sang destiné à la transfusion n’était pas adapté. Toutefois, à la Polyclinique, on trouva des médecins du même groupe sanguin qui, sans hésiter, donnèrent leur sang au Saint-Père pour sauver sa vie.
La situation était très grave. A un certain moment, le Dr BUZZONETTI se tourna vers moi, me demandant d’administrer au patient l’Onction des Malades, car celui-ci était dans un état très grave : la pression diminuait et le pouls se sentait à peine.
La transfusion le ramena alors à une condition dans laquelle il était possible de débuter l’intervention chirurgicale qui se présentait comme extrêmement compliquée. L’opération dura cinq heures et vingt minutes. De minute en minute, toutefois, les chances de survie augmentaient.
De très nombreuses personnes accoururent à la Polyclinique.
Arrivèrent également des hommes politiques, au nombre desquels le Président Sandro PERTINI qui demeura aux côtés du Saint-Père jusqu’à deux heures du matin. En effet, il se refusa de partir tant que le Pape n’eut quitté la salle d’opération. Le comportement du Président fut émouvant, loin de tout calcul.
Après l’intervention chirurgicale, le Saint-Père fut transféré dans une salle de réanimation. Les médecins craignaient une infection et d’autres complications. Après avoir repris connaissance, le Saint-Père demanda :
– « Avons-nous récité Complies ? »
Nous étions désormais au lendemain de l’attentat. Pendant deux jours, le Pape souffrit beaucoup, mais ses chances de survie augmentaient elles aussi. Il demeura en réanimation jusqu’au 18 mai.
Le premier jour après l’opération, le Saint-Père reçut la Sainte Communion et, au cours des jours qui suivirent, il participait, depuis son lit, à la Concélébration Eucharistique.
Le dimanche matin, 17 mai, le Saint-Père enregistra un bref discours. Il s’agissait de paroles de remerciement pour les prières de nombreux fidèles, de pardon pour l’auteur de l’attentat et d’abandon à la Madone. L’attentat avait uni l’Eglise et le monde autour du Saint-Père. Ce fut le premier fruit de sa souffrance. La Pologne le veillait à genoux. A Cracovie eut lieu l’inoubliable Marche Blanche des jeunes.
Entre-temps, de Varsovie, nous arrivaient les nouvelles de l’agonie du Primat WYSZYNKI. Le Pape participait très intensément à ses derniers moments.
Le 24 mai – par téléphone – il lui transmit encore ses salutations et la bénédiction.
Le lendemain, à 12h15, le Saint-Père put parler une dernière fois avec le Primat mourant. La conversation fut brève. Me restèrent gravés en mémoire les mots :
« Je vous envoie ma bénédiction et mon baiser.»
Toutefois, il se sentait fatigué. Il se plaignait d’une douleur au cœur. L’état du patient s’aggravait. Il fut soumis à un contrôle approfondi. Pendant toute la nuit, les cardiologues veillèrent. Les problèmes cardiaques, comme l’expliquaient les médecins, s’était manifestés du fait d’une légère embolie pulmonaire qui disparut progressivement. Au fil des jours, les signes préoccupants disparurent de l’électrocardiogramme.
Le 28 mai – solennité de l’Ascension – l’état de santé s’améliora. Ce jour-là à 4h40 du matin s’éteignit le Primat WYSZYNSKI. L’annonce officielle arriva vers dix heures. J’en informai le Saint-Père un peu plus tard. Il accueillit cette annonce avec une grande émotion.
Le 3 juin fut la date du retour à la maison. Nous célébrâmes la messe à 12h30. Avant de quitter la Polyclinique, le Pape reçut le professeur LAZATTI, Recteur de l’Université Catholique et, dans l’après-midi, les médecins, ainsi que le personnel paramédical. A 19 heures, il partit pour le Vatican.
Le 10 juillet, son état de santé se détériora de nouveau. Un processus inflammatoire se manifesta dans les poumons.
Le 16 juillet, jour de Notre-Dame du Mont-Carmel, marqua un tournant décisif de la maladie et l’on enregistra une amélioration des conditions générales