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Homélie de la messe télévisée de ce 5° Dimanche de Pâques (Jn 14,1-12 ; P. Sébastien Vaast S.J.).

Paumés. Nous voyons que les disciples sont complètement paumés. Et encore, ils n’ont pas touché le fond car le pire reste à venir, puisque nous sommes à quelques heures de l’arrestation de Jésus. Ils ressentent ce que nous nous ressentons quand nous devons laisser partir un proche, un être cher… Quand nous sommes remplis d’interrogation, de peur, d’anxiété…

Et Jésus a bien senti que les disciples étaient inquiets puisqu’il commence par leur dire « Ne soyez donc pas bouleversés ». Oui les disciples sont complètement désemparés… On peut les comprendre, eux qui avaient laissé leur cœur s’attendrir par Jésus, eux qui s’étaient attaché à lui…  Ce que Jésus veut leur dire leur parait totalement incompréhensible. Et Thomas, le jumeau, celui qui nous ressemble ose dire son incompréhension sans chercher à la cacher : « Seigneur, on sait même pas où tu vas ; comment on pourrait connaitre le chemin ? ». Cette réaction de Thomas nous touche. Et elle rejoint nos propres doutes et interrogations. Oui, les disciples sont bien comme nous devant la promesse de Jésus. Une promesse difficile à recevoir pour celui qui souffre, qui n’a plus d’espoir, qui est seul et qui ne comprend pas.

Cette page d’Evangile peut, nous aussi, nous laisser déboussolés aujourd’hui, et nous faire nous poser beaucoup de questions… Par exemple, quand Jésus dit « Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ». Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ?

De même quand Jésus dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie (…) Personne ne va vers le Père sans passer par moi ». Est-ce que ça veut dire que seuls ses disciples iront au ciel ?

Moi aussi je suis perdu, je ne comprends pas, je suis comme mon jumeau Thomas. Et devant cet enseignement de Jésus je suis déconcerté comme les disciples. Alors quand on est perdu, déboussolé, angoissé, une seule solution : revenir à l’école du maître et tenter de rentrer dans sa logique, dans ses pensées car « mes pensées ne sont pas vos pensées, dit le Seigneur, et mes chemins ne sont pas vos chemins ».

Et la seule pensée, la seule logique de Jésus, c’est celle de l’Amour…

Nous savons que nous n’aurons jamais fini d’apprendre jusqu’où va l’amour, et particulièrement l’amour tel que Jésus l’a manifesté tout au long de sa vie…

Alors, cela nous invite nous, disciples du XXIème siècle, à revenir sans cesse à ce qu’a dit et fait Jésus, à constamment méditer ses paroles et contempler sa vie. Car Jésus est habité par un seul raisonnement : celui de l’Amour. Il nous dit une seule chose : Dieu est Amour. Il fait une seule chose : nous montrer son Amour. Il nous donne un seul commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. ». Il nous laisse un seul signe : « A ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples, à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. »

Jésus qui vient de Dieu et qui retourne à Dieu, connaît la profondeur du cœur du Père. Et cet amour du Père qu’il porte pleinement en lui, lui permet déjà de voir plus loin que sa Passion et que sa mort. Grâce à cet amour il est déjà capable d’annoncer son retour après les évènements douloureux qu’il va vivre : « Quand je serai allé, je reviendrai vous prendre avec moi ». Promesse d’un futur…

Il sait que dans ce cœur de Père il y a toujours de la place, c’est pourquoi Jésus nous invite à une très grande et paisible confiance… « Quand je serai allé, je reviendrai vous prendre avec moi ». Cette parole nous promet une place auprès du bon Dieu. Elle sème en nous espérance et consolation, surtout chez ceux qui ont le sentiment de ne pas trouver leur place en ce monde.

Et pour ne pas laisser ses disciples perdus et désemparés, Jésus leur donne 3 mots, 3 clés : chemin, vérité, Vie. Au moment où les disciples sont bouleversés, ces 3 mots-clés sont pour eux, comme pour nous aujourd’hui, révélateurs de l’identité de Jésus, et message d’espérance pour tous. Ces 3 mots-clés sont sa signature et résument tout son témoignage d’amour : Jésus est le chemin qui conduit vers Dieu ; il est la vérité qu’est Dieu ; il est la vie de Dieu, et cette vie il nous la donne.

Chemin, Vérité, Vie, le programme de toute une existence.

Dit autrement, si Jésus était une fleur, l’amour en serait le cœur, et ces 3 mots-clés en seraient les pétales.

A tous ceux qui reconnaissent qu’ils ne savent pas aimer ou se laisser aimer, Jésus dit : je suis le chemin. À tous ceux qui craignent de se tromper en choisissant l’amour, Jésus dit : je suis la vérité. À tous ceux qui s’inquiètent que l’amour puisse ne pas avoir le dernier mot, même sur la mort, Jésus dit : je suis la vie. À tous ceux qui croient que le paradis ce n’est pas pour eux, Jésus dit : je vais vous préparer une place et je reviendrai vous prendre avec moi. À tous ceux qui doutent que leur foi puisse changer le monde, Jésus dit : celui qui croit en moi accomplira des œuvres encore plus grandes que moi.

Que ces 3 mots-clés du maître : Je suis le chemin, la vérité et la vie, nous permettent de faire l’expérience de l’amour de Dieu dans nos vies. L’expérience d’un Dieu qui nous a tout donné en son Fils. Ainsi nous pourrons passer, de la peur à la confiance, de la désespérance à la joie, et de la mort à la Résurrection. Amen

                                                                                                           P. Sébastien VAAST




En mai, le Pape François invite à prier pour les diacres…

Ce mardi 5 mai 2020, le Pape François a invité à prier pour les diacres :

« Les diacres ne sont pas des prêtres de seconde catégorie. Ils font partie du clergé et vivent leur vocation en famille et avec la famille. Ils sont consacrés au service des pauvres qui portent sur eux le visage du Christ souffrant. Ils sont les gardiens du service de l’Eglise.

Prions pour que les diacres, fidèles à leur charisme au service de la Parole et des pauvres, soient un signe vivifiant pour toute l’Eglise. »

 

Pour accéder à la vidéo où le Pape François exprime cette prière, cliquer sur le lien suivant :

https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2020-05/intention-de-priere-pape-francois-mois-de-mai-diacre.html




 » Le pape François, avocat de la dignité sacrée des personnes détenues  » (Fr Manuel Rivero O.P.)

Un investissement exceptionnel

Rarement dans l’histoire de l’Église, un pape s’est autant investi dans l’évangélisation des personnes détenues comme le fait le pape François. Il se rend dans les prisons de Rome, d’Italie, du Mexique et du Chili. Il aime les rencontrer, hommes et femmes, pour les écouter, leur apporter la Parole de Dieu, défendre leur dignité sacrée et leurs droits, leur laver les pieds, partager leur repas[1], leur ouvrir un chemin d’espérance : « ‘Courage’. Ce mot vient du cœur. Courage, parce que vous êtes dans le cœur de Dieu, vous êtes précieux à ses yeux, et même si vous vous sentez perdus et indignes, ne perdez pas courage. (…) Ne vous laissez jamais emprisonner dans la cellule sombre d’un cœur sans espérance, ne cédez pas à la résignation. Dieu est plus grand que tout problème, et il vous attend pour vous aimer. Mettez-vous devant le Crucifix, sous le regard de Jésus »[2].

La croix

La croix et le chapelet sont très demandés par les personnes détenues. Prier devant le Crucifix leur donne d’entrer dans le cœur de Jésus qui manifeste l’amour du Père pour l’humanité, jusqu’au supplice de la croix et la mort. Le chapelet comporte une croix, avec laquelle commence et finit la méditation des mystères du Rosaire. Le pape François prêche le mystère de la croix de Jésus. La croix dit l’amour libérateur de Dieu. La croix exprime l’amour de Dieu, sans domination ni calcul. En prison, comme à l’extérieur des murs, la libération de l’homme passe par l’amour et le pardon qui représente un don par-dessus tout : par-don : « L’amour vrai est la vraie liberté. Il rend libre, même en prison si l’on est faible et limité »[3]. L’ego rend prisonnier, prisonnier de soi-même. Le pape aime citer dans ses enseignements le théologien allemand Romano Guardini (1968), pour qui la libération de l’homme passe par « l’ancrage sur quelqu’un de plus grand que lui-même ». Pour y parvenir, l’homme doit s’appuyer sur Dieu, pour vaincre le mal par le bien, à l’exemple de Jésus en croix.

En traversant la porte des prisons, il avoue se demander : « Pourquoi eux et pas moi ? »[4]Il aurait pu se retrouver en prison, mais la miséricorde de Dieu l’en a libéré et il ne se considère pas meilleur que ceux qui sont en prison : « Nous faisons tous des erreurs dans la vie et nous sommes tous pécheurs »[5]. Sa devise épiscopale à Buenos Aires : « Miserando atque aligendo »[6](ayant pitié de lui, il le choisit) qui trouve son origine dans la vocation de Matthieu, le publicain, manifeste l’expérience de la miséricorde de Dieu par le pape François. Il raconte sa confession le 21 septembre 1953 au père Carlos Duarte Ibarra : « Je me suis senti accueilli par la miséricorde de Dieu en me confessant à lui ». La honte lui apparaît à la suite des enseignements de saint Ignace de Loyola, une grâce à demander à Dieu, car elle fait passer le pécheur de la culpabilité, qui enferme, au pardon qui libère.

Amour de Dieu pour les personnes détenues

Dans la prison San Vittore de Milan, le pape avait déclaré aux détenus le 25 mars 2017 : « Le Seigneur aime autant vous que moi, le même Jésus est en vous et en moi[7]. (…) Je me sens chez moi parmi vous » (…) Vous êtes le cœur de Jésus blessé ».

Le pape recommande aux chrétiens de pratiquer des œuvres de miséricorde en allant visiter les détenus, en rappelant l’importance des gestes comme le sourire, la poignée de main … Ces petites attentions peuvent illuminer les visages des personnes détenues sur lesquels coulent souvent beaucoup de larmes : « Combien de larmes ai-je vu couler sur les joues de prisonniers qui n’avaient peut-être jamais pleuré de leur vie ; et ceci, seulement parce qu’ils se sont sentis accueillis et aimés[8] ».

Le pape invite les chrétiens à ne pas juger les détenus. Qui connaît les souffrances et le cœur de l’homme ? Il est juste de punir ceux qui ont commis des crimes, mais le plus important pour les croyants est de ne pas « se laver les mains trop facilement affirmant qu’ils se sont trompés. Un chrétien est plutôt appelé à les prendre en charge, pour que celui qui s’est trompé comprenne le mal commis et rentre en lui-même. (…) Que personne, donc, ne pointe le doigt contre quelqu’un [9] ».

Le pape François parle en mystique qui a goûté la douceur du Christ Jésus : « Dieu ne force pas la porte, il demande la permission d’entrer[10] ». C’est Jésus qui prend l’initiative de rencontrer l’humanité : « La vie de Jésus, surtout dans les trois dernières années de son ministère public, a été une rencontre incessante avec les personnes[11]. »

Proche des détenus

L’ambiance des prisons n’a rien de réjouissant. Tout au contraire, les personnes détenues en parlent comme d’un lieu sans vie, un parfum de mort, une sorte de cimetière, sans liberté, oppressant, stressant. Pourtant le pape François déclare se sentir à l’aise dans les bâtiments des prisons. Il se dit proche de ceux qui y sont incarcérés et de ceux qui y travaillent. Il est resté fidèle aux liens créés avec des détenus d’une prison de Buenos Aires auxquels il téléphone, le dimanche, tous les quinze jours[12].

 

En rentrant en prison, la personne perd la liberté mais non sa dignité : « La prison est le lieu de la peine dans la double signification de punition et de souffrance, et elle nécessite beaucoup d’attention et d’humanité. C’est un lieu où tous, Police pénitentiaire, chapelains, éducateurs et bénévoles, sont appelés à la difficile tâche de soigner les blessures, de ceux qui, à cause des erreurs qu’ils ont commises, se retrouvent privés de leur liberté personnelle. Il est connu qu’une bonne collaboration entre les différents services dans la prison permet une action d’un grand soutien pour la rééducation des détenus. (…) Personne ne peut condamner l’autre pour les erreurs qu’il a commises, et encore moins infliger des souffrances en offensant la dignité humaine. Les prisons ont besoin d’être toujours plus humanisées. (…) Pour la société, les détenus sont des individus qui dérangent. Ils sont un rebut, un poids. C’est douloureux, mais l’inconscient collectif nous conduit là. (…) Mais l’expérience montre que la prison, avec l’aide du personnel pénitentiaire peut devenir un lieu de rachat, de résurrection et de changement de vie : et tout ceci est possible à travers des parcours de foi, de travail et de formation professionnelle[13] ».

Le pape connaît la puissance des mots : « Soyez des personnes détenues : le substantif doit passer toujours avant l’adjectif, la dignité humaine doit toujours précéder et éclairer les mesures de détention[14] ».

Visiter les prisonniers

Le pape, successeur de saint Pierre qui a subi la prison à Rome, oriente l’Église vers les prisons pour mettre en pratique l’enseignement de Jésus qui s’identifie aux personnes détenues : « J’étais en prison et vous êtes venus me voir » (Mt 25,36). Il rappelle cet événement pour sensibiliser les chrétiens au monde de la prison : « Et n’oublions pas que Jésus et les apôtres ont fait l’expérience de la prison. (…) Et saint Pierre et saint Paul aussi ont été en prison (cf. Ac 12,5 ; Ph 1, 12-17). Dimanche dernier, qui était le dimanche du Jubilé des détenus, dans l’après-midi, est venu me trouver un groupe de détenus de Padoue. Je leur ai demandé ce qu’ils allaient faire le lendemain, avant de rentrer à Padoue. Ils m’ont dit : « Nous irons à la prison Mamertine pour partager l’expérience de saint Paul ». C’est beau, entendre cela m’a fait du bien. Ces détenus voulaient trouver Paul prisonnier. La page des Actes des apôtres où est racontée la prison de Paul est émouvante : il se sentait seul et désirait que quelques-uns de ses amis lui rendent visite (cf. 2 Tm 4, 9-15). Il se sentait seul parce que la grande majorité l’avait laissé seul … le grand Paul[15] ».

Confucius (479 av. J.-C), le grand philosophe chinois, pensait que l’empereur ressemblait à l’étoile polaire qui ne bouge pas, et pourtant tout le monde agit par rapport à elle. Ce penseur humaniste exigeait des responsables politiques la vertu car ils sont regardés et imités par le peuple ; d’où l’importance de leur exemple.

Le pape François oriente l’Église vers la miséricorde envers les personnes détenues par son exemple. Il ne peut pas exercer un ministère d’aumônier de prison, mais il suscite l’évangélisation des prisons par sa parole, ses visites et ses gestes prophétiques et symboliques.

Le pape pousse l’Église à « sortir vers les périphéries ». Les chrétiens sont souvent interpellés : « D’où parles-tu ? » Le souverain pontife qui réside au Vatican tient à parler dans les prisons et depuis les prisons, entouré de ses frères et de ses sœurs détenus.

En prison, les hommes et les femmes privés de liberté redoutent l’oubli de leurs proches et de la société qui les a condamnés. Le pape agit en avocat qui défend la dignité inaliénable des personnes en détention. À l’image des avocats, non seulement il plaide en faveur des détenus mais il prend la parole en leur nom. Ils ne peuvent pas crier leurs souffrances dans les moyens de communication sociale ni dénoncer des abus de pouvoir. Le pape le fait pour eux et en leur nom, au nom de Jésus-Christ. À l’occasion de l’Année de la Miséricorde, le pape avait demandé un geste de clémence pour les détenus au cours de l’Angélus du 6 novembre 2016, place Saint-Pierre[16].

Dieu accomplit des merveilles

Dans ses prises de parole, le pape prêche la dignité sacrée des personnes détenues et l’amour de Dieu à leur égard : « Ne perdez pas courage (…) vous êtes importants pour Dieu qui veut accomplir des merveilles en vous[17] ».

En prison, comme à l’extérieur des murs, l’homme risque de devenir prisonnier de lui-même, esclave de ses passions, victime de ses propres mensonges. En prison, comme à l’extérieur des murs, l’homme peut faire l’expérience de la liberté, de l’amour et du bonheur.

Le père Lataste (1832-1869)[18], dominicain, apôtre des prisons, a découvert les merveilles de Dieu dans le cœur des femmes détenues dans la prison de Cadillac (Gironde), à la suite de sa prédication de la miséricorde du Christ et à une nuit d’adoration: « J’ai vu des merveilles ! J’ai vu des merveilles !  Ah ! Ce que j’ai vu ? J’ai vu cette prison, objet de tristesse et d’effroi pour les hommes, transformée cette nuit en un lieu de délices, en un séjour de gloire et de bonheur ! Je l’ai vu, grand Dieu, ce Dieu de toute gloire et de toute pureté (…) passer toute la nuit comme un Père, comme un ami, au milieu de pauvres femmes et de pauvres filles que la société dédaigne et dont les hommes ne veulent pas. (…) Il a lavé leurs souillures, il a pansé leurs plaies, il a guéri leur lèpre, il leur a rendu leur antique beauté, leur antique innocence ; il s’est fait prisonnier au milieu des prisonnières pour les guérir, les consoler et les aimer. Oh ! Merveille ! Merveille ! » (Sermon 202). Moments de fulguration qui illumineront à jamais sa mission.

Il avait été envoyé par ses supérieurs dominicains pour prêcher aux femmes de la prison de force de Cadillac, près de Bordeaux, dans le sud de la France, il s’y était rendu, le cœur serré, avec « la pensée que ce serait sans doute inutile. »

En voyant ces femmes plongées dans des conditions misérables dans une prison sordide, son premier mouvement avait été de reculer. Mais le père Lataste s’était repris pour dire : « Mes chères sœurs ».

Mais ces femmes au visage fermé s’ouvrirent à la grâce, se relevant « à l’image des fleurs qui se relèvent fraîches après la pluie ».

Sainte Catherine de Sienne (1380), la grande mystique dominicaine, avait contemplé les merveilles de Dieu dans l’oraison. Le père Lataste a perçu les merveilles de Dieu dans le cœur des femmes détenues qui adoraient le Saint-Sacrement au point d’en devenir rayonnantes.

Conversion culturelle

Évêque de Rome, le pape a pour mission de conduire son diocèse et l’Église catholique dans l’esprit de l’Évangile. Annoncer Jésus-Christ, sanctifier par les sacrements et gouverner le Peuple de Dieu constituent les trois missions des évêques. Les moyens financiers restent bien limités par rapport aux besoins de l’humanité. Mais le pape compte sur la grâce du Christ ressuscité et sur la puissance de la communication qui façonne l’opinion publique, les lois et les pratiques. Il vise la conversion culturelle[19]des mentalités pour passer de la peur et de l’indifférence à la fraternité et à la proximité.

L’étymologie du mot « pontife » (faire des ponts) montre le sens de sa mission. Le pape s’évertue à créer des ponts entre le monde à l’intérieur des prisons et le monde de l’extérieur, car l’humanité est une et l’Église aussi. L’Église qui vit dans les prisons ne fait qu’un seul corps, le Corps du Christ, avec l’Église de l’extérieur. Dans ses prises de parole à Rome comme dans ses voyages apostoliques, le pape relie les hommes libres et ceux qui ont été privés de liberté, les condamnés et ceux qui jouissent de la reconnaissance de tous leurs droits civiques. Le pape bâtit des ponts entre les différentes personnes concernées par la prison : magistrats, employés de l’administration pénitentiaire et des services médicaux et éducatifs, les personnes détenues et leurs familles, les aumôniers et les intervenants bénévoles de l’Église …

Le pape exprime sa proximité envers les détenus en parole et en actes. Il se plaît à partager leur repas lors des visites aux prisons. Il les écoute. Les familles ont aussi accès au pape. Les enfants des détenus sont près de lui. Ah ! Les enfants des parents en prison m’ont toujours impressionné, aussi bien en France métropolitaine, qu’en Haïti et à La Réunion. Comment ne pas être ému devant un enfant qui vous fait part à voix basse de l’emprisonnement de son père ou de sa mère ou des deux ! L’enfant participe à la prison des parents. Il y pense tout le temps.

 

Chemin de croix du Vendredi saint 2020

 

Lors du Chemin de croix du Vendredi saint du 10 avril 2020[20], il a été rappelé à l’Église que la famille rentre en prison quand un de ses membres y est condamné. Le pape François rencontre ces enfants des mères en prison ou les familles des détenus quand cela s’avère possible.

En choisissant des membres de la prison de Padoue pour rédiger le Chemin de croix du Vendredi saint 2020, le pape a donné la parole non seulement à l’aumônier et à l’équipe de la pastorale mais aussi aux personnes détenues, aux familles des victimes, aux surveillants, éducateurs, magistrat et à un détenu reconnu innocent après avoir purgé une longue et dure peine de prison… L’aumônier de la prison, le père Marco Pozza, théologien et écrivain, a œuvré avec la journaliste Tatiana Mario pour aboutir à un Chemin de croix riche de quatorze histoires des personnes concernées par la justice : « J’ai choisi la prison dans sa totalité, pour faire en sorte que, cette fois-ci encore, ce soit les plus petits qui nous donnent le rythme. Avec Don Marco Pozza, que vous connaissez bien, nous avons pensé les méditations comme l’œuvre d’un chœur, en unissant les différents visages qui composent le monde des prisons. » (Lettre du pape François à Monsieur le directeur Paolo Possamai. ZENIT, le 10 mars 2020).

Les familles des détenus

L’approche pastorale du pape comprend les familles. Les personnes détenues ont besoin du soutien des familles. En particulier, les mères de famille en prison ont besoin de l’amour des enfants. L’enfant peut apporter un grand réconfort aux parents en détention. Les parents peuvent soutenir leurs enfants depuis la détention. Le pape François aide les familles à grandir dans l’amour et l’espérance. Lors de sa visite à la prison pour femmes, Saint Joaquin à Santiago du Chili, le 16 janvier 2018, le pape a béni les enfants des femmes détenues. Il a exhorté l’assemblée à enlever les étiquettes et à dépasser le fatalisme : « abandonner la logique simpliste de diviser la réalité entre bons et mauvais, pour entrer dans cette autre dynamique à même d’assumer la fragilité, les limites y compris le péché, pour nous aider à aller de l’avant » ; « Aujourd’hui, vous vous trouvez devant un défi très semblable (à celui de la maternité) : il s’agit aussi de donner la vie. Aujourd’hui, on vous demande d’engendrer l’avenir… Vous, les femmes, vous avez une capacité incroyable de pouvoir vous adapter aux situations et d’aller de l’avant » ; « lutter contre tout type de carcan, d’étiquette selon lesquels on ne peut pas changer, ou que cela ne vaut pas la peine, ou que tout revient au même[21] ». Quand on achète des vêtements, nous enlevons les étiquettes. Il en va de même dans les relations sociales.

Le pape encourage les chrétiens à ne pas se laisser « voler l’espérance[22] ».

En prison, les femmes et les hommes ont un défi à relever : engendrer l’avenir. Cervantes (1616), l’auteur du Don Quijote de la Mancha, disait que « nous sommes fils de nos actes ». Des actes répréhensibles conduisent en prison. Des actes de foi et d’amour conduisent à la liberté. Fils de nos actes mauvais, nous pouvons renaître aussi à une vie nouvelle, comme le disait Jésus à Nicodème : « Il vous fait naître d’en haut » (Jn 3, 7). Cette nouvelle naissance en prison est rendue possible par la foi en Jésus et par l’aide des personnes aimantes qui se mettent au service des détenus.

 

Les enfants des détenus

En tant qu’aumônier de prison, je constate la joie des enfants qui rencontrent leurs parents et la consolation des parents qui voient leurs enfants. Je pense à cette petite fille, habillée en blanc pour sa Première communion, et qui attendait son père un dimanche matin sur le parking de la prison. Il avait obtenu une permission pour la journée afin de participer à la messe de la Première communion de sa fille. Celle-ci était rayonnante en attendant la sortie de son père. Les rencontres des détenus avec leurs enfants au parloir des prisons aident à supporter l’épreuve quotidienne. Il arrive aussi que les détenus ne veuillent pas que leurs enfants les voient en prison pour qu’ils ne soient pas traumatisés par ce souvenir négatif. Parfois, l’un des conjoints fait tout son possible pour punir l’autre conjoint, le privant de la présence des enfants. Le pape François rencontre les familles pour les fortifier dans la foi et l’espérance.

Différents moyens de communication

Le pape transmet ses messages de plusieurs manières : audiences au Vatican, rencontres avec les groupes représentants la justice et les prisons, visites pastorales dans son diocèse de Rome, en Italie et à l’étranger (Mexique, Chili), lettres et messages écrits, catéchèses, communications téléphoniques et vidéos, comme il l’a fait avec un groupe d’étudiants de Buenos Aires qui accompagne des personnes détenues … Le pape a encouragé le projet de ces étudiants argentins en faveur de la réinsertion par la musique sous l’égide de l’université de Buenos Aires[23].

Hypocrisie

Le pape dénonce « une certaine hypocrisie[24] » dans le regard porté sur les personnes détenues réduites à leur faute sans possibilité de changement[25]. En tant qu’aumônier de prison, je constate aussi que d’aucuns à l’intérieur et à l’extérieur de la prison jugent et méprisent les personnes détenues, afin de se valoriser de manière injuste, car tout le monde commet des fautes. Ce mépris apparaît dans le langage : « ces gens ! » ;  « ils ont beaucoup de choses à se faire pardonner » ; « racaille ». Le pape François prêche la Bonne Nouvelle du Salut pour tous les hommes car ils sont tous pécheurs. La Première épître de saint Jean dénonce l’hypocrisie de celui qui se dit juste, sans péché, et qui fait de Dieu un menteur[26]. Pour les chrétiens, les hommes sont des condamnés à mort à cause de leur péché, mais amnistiés par la miséricorde du Christ qui a cloué l’acte de notre condamnation à la Croix[27]pour nous rendre libres et justes. Les hommes ne sont pas justes. Ils sont justifiés, ajustés à Dieu par le seul Juste, Jésus, le Fils bien-aimé du Père. L’Église n’est pas composée de purs, mais des pécheurs justifiés par le Sang de Jésus : « L’Église n’est pas une communauté de parfaits mais de disciples en chemin, qui suivent le Seigneur parce qu’ils reconnaissent qu’ils sont pécheurs et qu’ils ont besoin de pardon. La vie chrétienne est donc une école d’humilité qui nous ouvre à la grâce. (…) J’ai entendu une fois ce beau dicton : ‘Il n’y a pas de saint sans passé et il n’y a pas de pécheur sans avenir’[28] ».

Pour le pape François, les prisons sont un « symptôme » de la société et de « la culture du rejet[29] ». Au Mexique, le pape a rappelé que « le problème de la sécurité ne se résout pas par le seul emprisonnement, mais il est un appel à intervenir pour faire face aux causes structurelles et culturelles de l’insécurité qui touchent tout le tissu social[30] ».

Le père Carré, dominicain, avait intitulé l’un de ses livres : « Chaque jour, je commence ». Cette devise dit bien le sens de la vie chrétienne qui n’est pas écrite à l’avance comme un destin inexorable, mais qui ressemble à une page blanche à écrire chaque matin ou bien à un chemin à parcourir, comme le disait le poète castillan, Antonio Machado : « Voyageur, il n’y a pas de chemin, on fait le chemin en marchant ». Lors du Jubilé des prisonniers, le pape François a encouragé à ne pas s’enfermer dans le passé : « L’histoire qui commence aujourd’hui, et qui regarde l’avenir, est encore toute à écrire, avec la grâce de Dieu et avec votre responsabilité personnelle. Ne tombons pas dans la tentation de penser de ne pouvoir être pardonné[31] ». Cela me fait penser à une parole d’espérance qu’un surveillant de prison dit aux détenus dans « le quartier des arrivants » : « Ici, tout commence ». Ce n’est pas la fin mais la possibilité d’une vie nouvelle.

En célébrant le Jubilé de la Miséricorde, le pape François a exhorté les détenus à se tourner vers le Père : « Dieu espère ! Sa miséricorde ne le laisse pas tranquille »[32].

Communication symbolique : cristal, chaîne rompue , la Porte et le lavement des pieds

Son langage passe aussi par les symboles, comme il l’a manifesté en offrant un crucifix en cristal aux membres d’une prison au Mexique : « Le Christ sur la croix est la plus grande fragilité de l’humanité. Pourtant, avec cette fragilité, il nous sauve[33] ». Par ailleurs, la libération de l’homme a été symbolisée par une chaîne rompue : « Aujourd’hui, nous vénérons la Vierge Marie dans cette statue qui la représente comme la Mère qui porte dans ses bras Jésus avec une chaîne rompue, la chaîne de l’esclave et de la détention[34] ». La traversée de la Porte de la Miséricorde a été aussi une étape marquante, non seulement à Rome dans la basilique Saint-Jean-du-Latran, la cathédrale des papes, mais sur les cinq continents où les croyants ont traversé les différentes portes de la miséricorde prévues à cet effet. Le Jubilé de la Miséricorde a été inauguré le 8 décembre 2015. Dans les prisons, les détenus chrétiens ont pu vivre aussi cette démarche en signe de leur foi dans « l’amour du Père céleste, qui recrée, transforme et redonne vie » (homélie du pape François le 13 décembre 2015)[35].

Le geste du lavement des pieds, le Jeudi saint, parle de lui-même. Le jeudi 29 mars 2018, le pape a lavé les pieds de douze détenus loin des caméras : « Je suis un pécheur, mais je viens à vous comme un ambassadeur du Christ[36] ». Parmi eux, il y avait deux musulmans, un orthodoxe et un bouddhiste. Ce choix montre le souci du pape en faveur de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux.

Jubilé de la Miséricorde et Journée Mondiale des Pauvres

Le « Jubilé de la miséricorde » et le lancement de la « Journée mondiale des pauvres » ont marqué l’Église et la société civile sensibilisée ainsi à la souffrance des personnes détenues : « Les pauvres nous évangélisent, en nous aidant à découvrir chaque jour la beauté de l’Évangile[37] » ; « Si aux yeux du monde, [les pauvres] ont peu de valeur, ce sont eux qui nous ouvrent le chemin du ciel, ils sont nos « passeports pour le paradis » … notre véritable richesse[38] » ; « personne ne peut penser être inutile », a-t-il déclaré dans son homélie au cours de la messe pour la première Journée mondiale des pauvres.

Réinsertion possible

Face à la culture du « jetable », le pape propose l’espérance dans la réinsertion et la miséricorde : « En Dieu, il y a toujours une place pour recommencer, pour être consolé et réhabilité par la miséricorde qui pardonne[39]. À la sortie de prison, le détenu peut devenir témoin et prophète[40]. Les blessés peuvent agir en « guérisseurs » ayant fait l’expérience de la souffrance et de l’ ‘enfer’ : « blessés-guérisseurs ». Dans son homélie du 22 mai 2015[41], le pape François parlait des trois regards de Jésus : celui de l’élection, celui du pardon et celui de la mission. L’apôtre Pierre a rencontré ces trois regards. Comme lui, chaque chrétien bénéficie de ces trois regards d’amour de Jésus. La personne détenue est appelée, pardonnée et envoyée comme témoin de la résurrection de Jésus.

« Recoudre ensemble l’Italie » était la devise choisie par la ville de Padoue, « Capitale européenne du volontariat 2020 ». Le pape François a relié cette démarche à la guérison des blessures et des déchirures physiques, psychologiques et spirituelles. À ce propos, je pense au prêtre de Marseille, Jean Arnaud (2000), qui appelait le Saint-Esprit « la couturière de l’Église », celui qui recoud les tissus déchirés pour qu’elle devienne un jour « la tunique sans couture » du Christ, dans l’unité de la foi et de l’amour.

Les journalistes rappellent aux responsables religieux qu’ils ne sont pas chargés de transmettre des croyances ni de faire de la catéchèse ; leur travail concerne les événements. « Les faits sont sacrés, les commentaires sont libres », dit une devise des journalistes. En créant des événements, le pape François rend possible la communication non seulement dans les médias de l’Église mais aussi et surtout dans les moyens de communication sociale de la société civile.

Dans la doctrine sociale de l’Église, nous avons un principe de progrès moral qui correspond à l’histoire humaine et à l’expérience de l’Église : « Que la charité d’aujourd’hui devienne la justice de demain. » L’Église s’est occupée des enfants des rues, sans possibilité d’aller à l’école. L’Église a pris soin des malades, sans moyens financiers. Aujourd’hui, l’État prend souvent en charge et l’école et les soins médicaux.

Contre la peine de mort

Le pape François plaide pour l’abolition de la peine de mort et pour des peines de prison qui ne détruisent pas l’espoir des personnes détenues : « Le commandement ‘tu ne tueras pas’ a une valeur absolue et concerne l’innocent comme le coupable… Même un criminel garde le droit inviolable à la vie[42] » ; « Pour que la peine soit féconde, elle doit avoir un horizon d’espérance[43] ». Le pape aspire ainsi à faire reculer la culture de la peur pour que celle de la paix avance[44].

Il demande à « repenser sérieusement l’emprisonnement à vie[45] ». Devant 11 000 surveillants pénitentiaires et des fonctionnaires des prisons, le pape a souligné l’importance de l’espérance pour le détenu : « La réclusion à perpétuité n’est pas la solution aux problèmes … parce que si l’on enferme l’espérance en cellule, il n’y a pas d’avenir pour la société[46] ». Il a exhorté aussi les pouvoirs publics à remédier à la surpopulation carcérale, comme il le disait aux surveillants de prison, car elle « fait grandir en chacun un sentiment de faiblesse, sinon d’épuisement. Quand les forces diminuent, la méfiance augmente. Il est essentiel de garantir des conditions de vie décentes, sinon les prisons deviendront des poudrières de colère, à la place de lieux de réinsertion[47] ».

La mission des surveillants

Les aumôniers de prison ne sont pas les aumôniers des surveillants qu’ils rencontrent quotidiennement et avec lesquels ils échangent de manière respectueuse et cordiale. Le pape tient à mettre en valeur leur travail qui n’est pas toujours compris, ni estimé, comme l’évoque l’utilisation du mot « maton » en argot. En prenant le contre-pied de cette mentalité, le pape leur a déclaré : « N’oubliez pas, s’il vous plaît, le bien que vous pouvez faire chaque jour. Votre comportement, vos attitudes, vos regards sont précieux[48] ».

Le pape a exprimé sa reconnaissance envers les surveillants : « Merci pour toutes les fois où vous vivez votre service non seulement comme une surveillance nécessaire, mais comme un soutien à celui qui est faible. Je sais que ce n’est pas facile, mais lorsque, en plus d’être gardiens de la sécurité, vous êtes une présence de proximité pour celui qui est tombé dans les filets du mal, vous devenez constructeurs de l’avenir. : vous posez les bases pour une cohabitation plus respectueuse et donc pour une société plus sûre[49] » ; «  Vous êtes ainsi appelés à être des ponts entre la prison et la société civile : par votre service, en exerçant une compassion juste, vous pouvez dépasser les peurs réciproques et le drame de l’indifférence. Merci.[50] »

Le philosophe français, Blaise Pascal (1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger[51] ». La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie. Le surveillant défend la vie des personnes détenues qui lui sont confiées. L’étymologie du mot « évêque », en grec, veut dire « surveillant », « veiller sur ». Le pape, évêque de Rome, veille sur l’Église. Le surveillant veille sur les personnes détenues. La force d’une civilisation, aussi bien que d’une personne, se manifeste dans la défense des faibles. Àce propos, il est bon de rappeler le préambule de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres[52] ».

Le pape François ne s’immisce pas dans les affaires juridiques des pays, mais il plaide pour un humanisme intégral et pour le bien commun.

Le code pénal français signale les trois buts des peines en prison : sanctionner le non-respect de la loi ; protéger la société et parfois le condamné lui-même et la réinsertion[53]. Le pape François rappelle sans cesse cette troisième finalité de la prison : la réinsertion dans la société. Il ne s’agit pas de torturer le condamné ni de l’abattre mais de lui rendre possible une nouvelle vie en société. Le pape évoque l’image de « la fenêtre ouverte[54] » pour réveiller l’espoir de réinsertion : « Une peine sans espérance ne sert pas, n’aide pas, elle provoque dans le cœur des sentiments de rancœur, bien souvent de vengeance et la personne qui sort est pire qu’en entrant[55].

Un avenir bouché risque de pousser au suicide. Pour réussir la réinsertion, tous les membres présents et agissant dans les prisons sont appelés à œuvrer ensemble, en synergie : la personne détenue doit faire un travail sur elle-même ; elle est responsable de sa propre libération ; les magistrats et les employés de l’administration pénitentiaire ainsi que les éducateurs et les psychologues, les membres de l’équipe de la pastorale, bref, tous gagnent à travailler de manière harmonieuse pour atteindre la cible de la réinsertion.

En France, l’administration pénitentiaire nomme un aumônier titulaire qui devient son interlocuteur pour le culte en question, sur proposition de l’aumônerie catholique nationale des prisons, à partir de la lettre de mission envoyée par l’évêque du diocèse. D’autres aumôniers, dits bénévoles, ainsi que des auxiliaires et des intervenants forment l’équipe de la pastorale. Le pape encourage ces équipes à porter l’Évangile : « Continuez avec le cœur qui écoute. Continuez, à vous charger des fardeaux des autres et à les porter dans la prière. Continuez, au contact avec la pauvreté que vous rencontrez, à voir vos pauvretés. C’est un bien, parce qu’il est essentiel de reconnaître, avant tout, que l’on a besoin de pardon. Alors ses propres misères deviennent des réceptacles de la miséricorde de Dieu : alors, de personne, l’on devient des témoins crédibles du pardon de Dieu. (…) Continuez alors, avec Jésus sous le signe de Jésus, qui vous appelle à être des semeurs de sa Parole (cf. Mt 13, 18-23), des chercheurs infatigables de Celui qui est perdu, des annonciateurs de la certitude que chacun est précieux pour Dieu, des pasteurs qui portent les brebis les plus faibles sur leurs épaules fragiles (cf. Lc 15, 4-10). Continuez, avec générosité et joie : par votre ministère, vous consolez le cœur de Dieu[56] ».

Le pape agit aussi en faveur des personnes détenues par sa prière dont il rappelle la puissance. Quand Pierre était en prison, la communauté chrétienne priait avec insistance (cf. Ac 12,5)[57].

Les membres des équipes de pastorale en prison avouent avec joie qu’ils reçoivent beaucoup de la part des personnes détenues, soit par des témoignages de repentir et de vérité, soit parce que les détenus mettent tout simplement à leur place ceux qui risqueraient de s’estimer justes. Le pape François a écrit dans son Exhortation post-synodale adressée aux jeunes, datée du 25 mars 2019 : « On apprend et mûrit beaucoup lorsqu’on ose entrer en contact avec la souffrance des autres. De plus, il y a chez les pauvres une sagesse cachée, et ils peuvent, avec des mots simples, nous aider à découvrir des valeurs que nous ne voyons pas[58] ».

Sagesse des détenus

Cet enseignement du pape correspond à l’expérience des intervenants catholiques en prison qui disent « recevoir plus qu’ils ne donnent ». Nombreux sont les témoignages reçus de cette sagesse des personnes détenues parfois jeunes et analphabètes. Je pense à deux exemples. Une femme détenue avait écrit un poème : « Je dirai toujours au Seigneur : Merci pour ta miséricorde qui a défait mes cordes ». Une autre fois, un jeune détenu est venu me poser des questions sur un mot rare que j’avais utilisé dans la prédication à la messe, « acédie », pour évoquer la perte du goût des choses spirituelles, le découragement, l’abandon de la prière … Il me dit : « Si j’ai bien compris, ‘acédie’ est le contraire d’‘assidu’ » ? Je lui ai répondu : « Tout à fait ! ». Les mots simples dont parle le pape !

Le pape François affectionne l’expression « fréquenter l’avenir », de l’écrivain italien Antonio Tabucchi (2000) : « Fréquenter l’avenir, c’est fréquenter cet horizon d’attente et fréquenter ce qui est en devenir dans l’Histoire. », dit le pape en commentant le livre du cardinal A. Bocos sur la vie consacrée[59].

L’expérience du confinement, à cause de la pandémie du coronavirus, fait toucher du doigt à l’ensemble de la population la souffrance de l’enfermement. Il est facile de demander de longues peines pour les infracteurs au risque de leur faire perdre le goût de l’effort, la confiance en eux-mêmes et la faculté de vivre en société après de longues années d’isolement.

Personnellement, j’ai connu des jeunes qui se sont suicidés, en partie à cause de la longueur de la peine. Par ailleurs, il convient de penser au coût d’une journée de prison, tous frais confondus, qui s’élève en moyenne en France à 100,00 euros par jour. Le contribuable paye ces frais, et il est en droit de s’attendre à une amélioration des personnes à la sortie de la prison, et non à voir des personnalités cassées ou des fauves.

La justice française s’efforce de réduire les mandats de dépôt en les remplaçant par des travaux d’intérêt général (TIG).

Justice restaurative

Le pape François a rappelé l’apport de la justice restaurative[60], lors de l’audience accordée aux membres du XXèmeCongrès mondial de l’association international de Droit Pénal le 15 novembre 2019[61] : « Nos sociétés sont appelées à avancer vers un modèle de justice fondé sur le dialogue, la rencontre, afin que, dans la mesure du possible, les liens affectés par le crime soient rétablis et le préjudice réparé. » ; « Je ne pense pas que ce soit une utopie, mais certainement un grand défi. Un défi que nous devons tous relever si nous voulons aborder les problèmes de notre coexistence civile de manière rationnelle, pacifique et démocratique. »

La justice restaurative repose sur le dialogue entre les infracteurs et les victimes, en présence des représentants de l’administration pénitentiaire, de la psychiatrie et de la société civile, car celle-ci est concernée par les infractions aux lois. Le but de ces rencontres, autour de six fois, entre infracteurs et victimes, est d’accorder la parole surtout aux victimes qui peuvent exprimer le ressenti et les conséquences des violences et des crimes bien au-delà des moments du délit. Les infracteurs, non concernés directement par des délits touchant aux victimes présentes, peuvent mieux prendre conscience de la gravité de leurs actes. La justice restaurative fait partie du droit français depuis le 15 août 2014.

À l’occasion de cette même audience sur le droit pénal, le pape a dénoncé la gravité des délits économiques qui ont à ses yeux « la gravité de crimes contre l’humanité » : « la macrodélinquance des entreprises », les conduites « écocides » contre l’écologie qui détruisent les écosystèmes, les « paradis fiscaux », la spéculation …

Par ailleurs, le pape François a signalé « l’usage impropre de la détention préventive » qui garde en prison pendant un temps excessif celui qui jouit, a priori, de la présomption d’innocence tant qu’il n’est pas condamné. Il a rappelé le pourcentage démesuré dans certains pays où les détenus en attente de jugement dépasse largement cinquante pour cent de la population carcérale.

Nous voyons comment l’action pastorale du pape François ne se cantonne pas à l’annonce explicite de l’Évangile et aux sacrements, mais comment elle comporte des enseignements sur la justice et la paix, qui relèvent de la doctrine sociale de l’Église.

                                                               Saint-Denis (La Réunion), le 4 mai 2020.

                                              Fr. Manuel Rivero O.P., aumônier de la prison de Domenjod.

 

 

 

[1]Cf. ZENIT, 25 mars 2017. Le pape a partagé avec les détenus de la prison San Vittore de Milan le repas préparé par eux-mêmes. Le menu était typiquement milanais : riz au safran, côtelette et frites, et comme dessert la « pana cotta ».

[2]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[3]Cf. ZENIT, 12 septembre 2018. Audience générale.

[4]Cf. ZENIT, 6 novembre 2016.

[5]Cf. Lettre du pape François aux détenus italiens de l’île de Gorgone (Toscane). Cf. ZENIT 24 juin 2019.  Cf. Le nom de Dieu est miséricordedu vaticaniste Andrea Tornielli sur le pape François. Voir ZENIT, 10 janvier 2016.

[6]Cf. Homélies de saint Bède le Vénérable sur saint Matthieu. Cf. Maison Sainte-Marthe . Miserando atqueeligendoJeudi 21 septembre 2017.http://www.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2017/documents/papa-francesco-cotidie_20170921_miserando-atque-eligendo-fr.html

[7]Cf. ZENIT, 25 mars 2017.

[8]Cf. ZENIT, 9 novembre 2016.

[9]Cf. ZENIT, 9 novembre 2016.

[10]Cf. https://fr.zenit.org/articles/dieu-ne-force-pas-la-porte-il-demande-la-permission-d-entrer/. Catéchèse sur la famille. 18 novembre 2015.

[11]Cf. ZENIT, 9 novembre 2016.

[12]Cf. ZENIT, 7 février 2019. Audience au personnel de la maison d’arrêt « Regina Coeli » de Rome le jeudi 7 février 2019.

[13]Cf. ZENIT, 7 février 2019.

[14]Cf. ZENIT, 23 janvier 2017. Lettre du pape François au centre de détentions « Due Palazzi » de Padoue (Italie).

[15]Cf. ZENIT, le 9 novembre 2016.

[16]Cf. ZENIT, le 6 novembre 2016.

[17]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[18]Monique Longueira. Le père Jean-Joseph Lataste, dominicain, apôtre des prisons.Paris. Nouvelle Cité. 2012. P. 59.Jean-Marie Gueulette, « Ces femmes qui étaient mes sœurs … », Vie du père Lataste, apôtre des prisons (1832-1869),Paris. Cerf. 2012.

 

[19]Cf. ZENIT, 23 janvier 2017. Lettre du pape François au centre de détention « Due Palazzi » de Padoue (Italie).

[20]Cf. http://www.vatican.va/news_services/liturgy/2020/documents/ns_lit_doc_20200410_via-crucis-meditazioni_fr.html

[21]Cf. ZENIT, 16 janvier 2018.

[22]Cf. ZENIT, 17 janvier 2017.

[23]Cf. ZENIT, 24 août 2017.

[24]Cf. ZENIT, 9 novembre 2016.

[25]Cf. ZENIT, 6 novembre 2016. Le pape cite 1 Jn 3,20 : « Dieu est plus grand que notre cœur » ; et Rm 2, 1-11, sur le jugement des autres et la justice.

[26]Cf. 1 Jun 1, 19.

[27]Cf. Colossiens 2,14.

[28]Cf. ZENIT, 13 avril 2016. Catéchèse.

[29]Cf. ZENIT, le 17 février 2016. Au Mexique.

[30]Cf. ZENIT, le 17 février 2016.

[31]Cf. ZENIT, 6 novembre 2016.

[32]Cf. ZENIT, 6 novembre 2016.

[33]Cf. ZENIT, le 17 février 2016. Au Mexique.

[34]Cf. ZENIT, 6 novembre 2016.

[35]Cf. ZENIT, le 14 décembre 2015.

[36]Cf. ZENIT, 14 juin 2018.

[37]Cf. ZENIT 14 juin 2018. Sur la Journée mondiale des pauvres du 18 novembre 2018.

[38]Messe du 19 novembre 2017 pour la première Journée mondiale des pauvres. Cf. ZENIT, 19 novembre 2017.

[39]Cf. ZENIT 23 janvier 2017. Lettre du pape François au centre de détention « Due Palazzi » de Padoue (Italie).

[40]Cf. ZENIT 17 février 2016. Voyage au Mexique, à Ciudad Juarez. Les détenus l’ont accueilli avec chants et de la musique.

[41]Cf. ZENIT, le 25 mai 2015.

[42]Cf. ZENIT, 22 février 2016. À l’occasion du congrès « Pour un monde sans la peine de mort », organisé à Rome le 22 février 2016 par la Communauté de Sant ‘Egidio, à la Chambre italienne des députés.

[43]Cf. ZENIT, 24 août 2017.

[44]Cf. ZENIT, 21 février 2016.

[45]Cf. ZENIT, le 18 novembre 2019.

[46]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[47]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[48]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[49]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[50]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[51]Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.

[52]Cf. https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html

[53]Cf. Article 130-1, créé par Loi n°2014-896 du 15 août 2014 – art. 1 : « Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° De sanctionner l’auteur de l’infraction ; 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion.

[54]Cf. ZENIT, 7 février 2019.

[55]Cf. ZENIT, 7 février 2019.

[56]Cf. ZENIT, 14 septembre 2019.

[57]Cf. ZENIT, 16 novembre 2015.

[58]Cf. https://fr.zenit.org/articles/le-christ-vit-texte-integral-de-lexhortation-apostolique/

[59]A. Bocos, Un relato del Espíritu. La vida consagrada postconciliar, 2 edición. Publicaciones Claretianas, Madrid, 2018. P. 104.

[60]Sur les principes de la justice restaurative : https://www.justicerestaurative.org/les-principes-de-la-justice-restaurative/

[61]Cf. ZENIT, le 18 novembre 2019.




« Pas de vocations, à qui la faute ?  » (Fr Manuel Rivero O.P.)

Les vocations à la prêtrise et à la vie religieuse se raréfient. C’est avec tristesse que nous apprenons la fermeture de certains séminaires et de quelques couvents de religieuses qui ont marqué des générations de chrétiens.

À qui la faute ?

Nous pouvons nous demander : Dieu n’appelle-t-il pas aujourd’hui ?

Serait-ce que les hommes et les femmes sont trop pécheurs pour être appelés ?

Mais Dieu a appelé Moïse qui avait tué un Egyptien qui frappait l’un de ses frères juifs. Jésus a appelé Judas qui l’a vendu et Pierre qui l’a renié. Il a appelé Matthieu, voleur public, et Marie Madeleine, la femme habitée par sept démons.

Visiblement, ce ne sont pas les fautes des hommes qui arrêtent l’appel de Dieu.

Serait-ce que les hommes appelés étouffent leur vocation parce qu’ils préfèrent les ténèbres à la lumière à cause de leurs œuvres mauvaises ? C’est possible. Cela relève du mystère des consciences humaines que seul Dieu connaît.

Serait-ce que les mauvais exemples dans l’Église démotivent de manière viscérale ceux qui sont appelés à aimer Jésus, son Église et l’humanité ? Peut-être. Les scandales peuvent refroidir les cœurs mais parfois ils deviennent des défis à relever.

Nous voyons tous les jours de mauvais exemples et des scandales dans les familles et dans la vie des couples : mensonges, infidélités, manipulations, humiliations, violences physiques et psychologiques … Pourtant ni les hommes ni les femmes ne renoncent à aimer ni à croire que l’amour est possible et passionnant.

Où est alors le problème ?

Il me semble que la lumière à cette réponse se trouve dans les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité.

Il nous manque la foi. Ah, si nous avions la foi comme une graine de moutarde ! Nous ferions des merveilles.

Le nombre de pratiquants diminue parce que la foi s’éteint comme la flamme d’une bougie sans cire, faute de nourriture : la connaissance de la Parole de Dieu et la prière. La foi vient de la prédication, nous dit saint Paul. Pour renouveler l’Église, Dieu a appelé saint François et saint Dominique, prêcheurs de l’Évangile du Crucifié. Le peintre Giotto a représenté le rêve du pape Innocent III : l’Église s’écroulait et un petit frère, humble et pauvre, la soutenait. C’était François d’Assise. Innocent III devint alors le protecteur des Franciscains et des Dominicains.

Il nous manque l’amour. Le sage chinois Confucius au Vème siècle avant Jésus-Christ avait déjà remarqué que les hommes bons ne se retrouvent pas seuls. Leur bonté attire.

Ce sont les communautés chrétiennes, ferventes et fraternelles, qui attirent les vocations à la prêtrise et la vie religieuse.

Demandons au Seigneur d’augmenter notre foi et notre charité.

Ceux qui chérissent les chiffres et les statistiques découvrent que les vocations naissent souvent dans les familles chrétiennes qui prient et qui témoignent de la solidarité envers les pauvres.

Un grand nombre de séminaristes ont été servants de messe. Le service de l’autel et l’adoration du Saint-Sacrement rapprochent de Dieu.

Par ailleurs, le nombre de vocations à la prêtrise et à la vie religieuse a légèrement augmenté par rapport au nombre de pratiquants. Hier, il y avait plus de vocations parce que beaucoup plus de pratiquants. Aujourd’hui, les enfants et les jeunes sont rares dans nos églises le dimanche et par conséquent ils sont moins nombreux à devenir prêtres ou religieux.

Que faire concrètement ?

Le Seigneur Jésus nous a demandé de prier : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson » (Mt 9,38) . Alors, prions !

Si nous voulons que les enfants et les jeunes vivent la foi et la louange, nous devons aller les chercher là où ils sont ; ils ne viendront pas d’eux-mêmes, sauf exception dans nos églises. D’où l’importance d’accompagner les enfants et les jeunes dans nos paroisses, dans l’Enseignement catholique et public et dans les universités.

Si nous voulons que les familles soient des matrices aussi pour les vocations. Nous avons à soutenir le mariage et l’éducation des enfants alors que le concubinage devient la norme, le mariage rare, et que les enfants subissent trop souvent le traumatisme des conflits parentaux.

Si nous voulons des vocations, n’hésitons pas à appeler les jeunes et à leur proposer la voie de la sainteté.

L’Église est là pour aider chacun dans l’aventure la plus passionnante qui existe sur la terre : chercher Dieu, le trouver, le prier et le servir, pour partager son amour dans l’éternité, comme le dit le catéchisme.

Antoine de Saint-Exupéry (+1944) disait déjà en son temps que les églises se vidaient parce que les chrétiens ne savaient pas exalter le mystère chrétien. Mettons en valeur la foi en Jésus par nos pensées, nos sentiments, nos paroles et nos actes.

Que celui qui sent l’appel de Dieu dans son cœur ne l’étouffe pas. S’il pense qu’il en est indigne, il a bien raison, mais Jésus est digne de l’appeler. Qu’il se laisser guider par Jésus le Bon Berger ! Qu’il n’hésite pas à passer par Jésus, la Porte qui conduit à l’amour du Père.

Que celui qui estime honorer et rendre un grand service à l’Eglise en entrant au séminaire ou dans une congrégation, reste chez lui. L’Église n’a pas besoin d’hypocrites mais de pécheurs pardonnés, témoins de la miséricorde de Dieu et au service du Christ Jésus.

Le père Pedro Arrupe S.J. (+1991), ancien général de la Compagnie de Jésus, donnait déjà ce discernement dans une interview du journal L’Avvenire sur les conseils à donner à un jeune qui voudrait devenir jésuite : « Ne viens pas si tu penses aider la Compagnie »[1].

Chez saint François d’Assise, l’amour pour le Christ s’exprima de manière particulière dans l’adoration du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie. Dans les Sources franciscaines, on lit des expressions émouvantes, comme celle-ci: « Toute l’humanité a peur, l’univers tout entier a peur et le ciel exulte, lorsque sur l’autel, dans la main du prêtre, il y a le Christ, le Fils du Dieu vivant. O grâce merveilleuse! O fait humblement sublime, que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie ainsi au point de se cacher pour notre salut, sous une modeste forme de pain » (François d’Assise, Ecrits, Editrice Francescane, Padoue 2002, 401).

Vivons maintenant, grâce à la vocation des prêtres, ce grand mystère de l’eucharistie : Dieu en nous, nous en Dieu, pour ne que faire qu’un en Jésus ressuscité !

[1]Cf. Orar con el padre Arrupe, Selección y adaptación de los textos : José A. Garcia, S.J. Bilbao. Ediciones Mensajero. 2013, p. 133 : « Si piensas hacerte jesuita … No vengas si piensas hacer un favor a la Compañía ».

                                                                                               Fr Manuel Rivero (O.P.)




« Je vous prendrai près de moi afin que là où je suis, vous aussi vous soyez » (Jn 14,1-12 ; 5° Dimanche de Pâques – D. Jacques FOURNIER)…

Sa Passion approche… Jésus sait que face à ces évènements tragiques, ses disciples seront complètement désorientés, bouleversés… Alors il va leur parler longuement pour les encourager… Plus tard, ils se rappelleront ses paroles, et cela les aidera : « Je vous le dis maintenant avant que cela n’arrive, pour qu’au moment où cela arrivera, vous croyiez » (Jn 14,29). Aussi leur dit-il ici : « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi »… Mais il le sait bien, ils seront troublés ! Rien que de penser à tout ce qui va arriver, il l’est lui-même : « Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père glorifie ton nom ! » (Jn 12,27). Et c’est bien ainsi qu’il commencera sa prière juste avant d’être arrêté : « Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie » (Jn 17,1)… Mais si ses disciples prient, eux aussi, ils ne pourront que constater à quel point ce qu’il va leur dire est vrai…

Ces versets sont certainement parmi les plus beaux des Evangiles. Nous qui n’avons jamais vu Jésus dans sa chair, il nous promet ici qu’il est possible de le connaître, dans la foi certes, mais bien réellement, bien concrètement, dans une relation vivante que Lui-même rend possible et construit, jour après jour : « Je vais vous préparer une place. Et quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi afin que là où je suis, vous aussi vous soyez »…

Comment aller vers celui que nous ne voyons pas ? « Nous ne savons pas où tu vas, comment saurions-nous le chemin ? » lui dit Thomas… Heureusement, ce n’est pas à nous d’aller à lui, mais c’est d’abord Lui qui vient à nous et qui agit pour que, petit à petit, dans l’invisible de la foi, nous puissions reconnaître tout à la fois et sa Présence et son Action… Si nous y sommes attentifs, de tout cœur, alors nous pourrons dire avec St Jean : « ça », « c’est le Seigneur » (Jn 21,7)…

Certes, nous sommes dans l’insaisissable et l’invisible pour nos seuls sens matériels, corporels. Mais Jésus ne fait pas de promesses en l’air. Et avec Lui, paradoxalement, nous découvrons la réalité la plus forte et la plus dense qui soit cer elle concerne notre vie même… C’est ce qu’il déclare un peu plus loin en reprenant cette même promesse, et s’il se répète, s’il insiste, c’est pour nous aider à accueillir cette réalité si déconcertante – il n’y a rien à voir ! – mais en fait si simple, très simple, trop simple peut-être : « Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus ». De fait, il sera bientôt déposé dans un tombeau, et on roulera la pierre devant la porte… « Mais vous, vous me verrez car moi je vis et vous aussi vous vivrez » (Jn 14,18-19).

On peut noter qu’il n’a pas dit : « Vous me verrez » tout court… Non… Ce qui suit permet de préciser le sens qu’il donne à ce « vous me verrez ». La Bible de Jérusalem, pour l’exprimer tout de suite, a traduit : « Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi vous vivrez » (Jn 14,19). Autrement dit, il nous donnera de pouvoir prendre conscience qu’il est vivant… Mais comment ? En nous donnant tout simplement de vivre de sa vie : « Vous aussi, vous vivrez. » Autrement dit, c’est par ce que le Christ nous donnera de vivre que nous pourrons reconnaître qu’il est vivant… Telle est l’expérience de foi : vivre de la vie même de Jésus, une vie expérimentée, une Plénitude reconnue très concrètement dans la foi…

 

Tout ceci est son œuvre, et non la nôtre… Il s’agit donc de l’inviter dans son cœur et dans sa vie, de consentir à son action, jour après jour, de le laisser faire, et, dans cette attitude d’abandon, d’être attentifs à ce qu’il nous donne de vivre… Il n’est pas question de se regarder soi-même… Non, c’est tout le contraire : il s’agit d’ouvrir notre regard intérieur à un autre que nous-mêmes pour percevoir ce qui se révèle au cœur de notre vie, alors même que nous le vivons… Cette aventure nous engage tout entiers… Nous le chantons dans la liturgie : « Un cœur brûlé d’attention, les yeux tournés vers ton Mystère »…

Un des plus beaux témoignages qui soit est celui de Ste Thérèse de Lisieux, entrée au Carmel à quinze ans en 1888, décédée à 24 ans de cette tuberculose que l’on ne savait pas soigner à l’époque, et déclarée « Docteur de l’Eglise » par Jean Paul II en octobre 1997 : « La vie est bien mystérieuse », écrivait-elle dans son cahier avec un crayon de papier. « Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme ». Ce « je ne sais quoi », c’est la vie de Jésus qui se déploie dans les cœurs, sans bruit…

Et Jésus la met en œuvre, c’est encore Lui qui nous le dit, par une Troisième Personne divine, « l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo). Toute notre vie spirituelle, intérieure, est le fruit direct de son action en nous… Et il nous donne cette vie nouvelle en nous communiquant ce qu’il est lui-même de toute éternité, « Esprit » (Jn 4,24), un « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), et qui, donné, « vivifie » tous ceux et celles qui consentent à le recevoir (Jn 6,63 ; 2Co 3,6). Et cette Plénitude communiquée habite tout à la fois les cœurs du Père, du Fils et bien sûr du Saint Esprit dont toute la mission consiste justement à nous la communiquer (Jn 16,4b-15 (TOB)). C’est ainsi que tous les trois vivent de toute éternité dans « la communion d’un même Esprit » (2Co 13,13), « dans l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), vivant de la même vie, étant Lumière de la même Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), etc… En nous donnant cet « Esprit » qui est « vie », Jésus, par l’action de l’Esprit Saint, nous introduit nous aussi dans cette même communion. Certes, ici-bas, nous ne voyons rien de nos seuls yeux de chair, mais dans les cœurs, cette communion qu’il construit est bien réelle. C’est ce qu’il déclare juste après la phrase citée précédemment : « Ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et moi en vous et vous en moi » (Jn 14,20), « dans l’unité » d’un même « Esprit »… C’est « là » où est Jésus de toute éternité… C’est « là » où il veut nous introduire : « Quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi, vous soyez » (Jn 14,3). Et tout se fera « ce jour-là », une expression, précise en note la Bible de Jérusalem, qui « peut désigner ici tout le temps qui suivra la résurrection de Jésus », et donc cet « aujourd’hui » de l’Eglise qui est le nôtre, comme il le sera demain, et cela jusqu’à la fin des temps (cf. Hb 13,8)…

Et tout ceci n’est pas notre œuvre à nous, pécheurs blessés, fragiles et inconstants, mais l’œuvre de Dieu qui, Lui, est éternellement ce qu’il est : Amour Pur toujours offert pour notre seul bien… Nous sommes tombés ? Il nous relève… Souillés ? Il nous lave… Affaiblis ? Il nous fortifie… Enténébrés ? Il nous éclaire… et cela inlassablement, comme si c’était toujours la première fois ! Et c’est par son pardon, offert chaque jour en surabondance aux brebis continuellement blessées et si souvent perdues que nous sommes, que cette aventure peut se mettre en œuvre (Lc 15,4-7) :

« Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une, n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? Et, quand il l’a retrouvée », il la prend, « je vous prendrai près de moi » (Jn 14,3), et par le Don de l’Esprit Saint, « il la met, tout joyeux, sur ses épaules », avec lui, sur lui, et il la ramène « chez lui », « là où il est » (Jn 14,3), « dans cette maison du Père » (Jn 14,2) qui est aussi la sienne depuis toujours et pour toujours… Cette « maison », dont il est « le chemin » qui y mène (Jn 14,6) et « la porte » qui en donne accès (Jn 10,7-10) est aussi son « Royaume », un Royaume qui est Mystère de Communion dans l’unité d’un même Esprit (Rm 14,17)… C’est « là » où Ste Thérèse de Lisieux, dans son Carmel, avait reconnu « être » : « « Je ne vois pas bien ce que j’aurai de plus après la mort que je n’ai déjà en cette vie. Je verrai le Bon Dieu, c’est vrai ! Mais pour être avec Lui, j’y suis déjà tout à fait sur la terre »…

                                                                                        D. Jacques Fournier

 




« Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas … » (Jn 14,1-12 ; 5° Dimanche de Pâques – Francis COUSIN)

Un reproche de Jésus à ses disciples, … mais un reproche plein de tendresse et d’amour, mais qui montre malgré tout une certaine tristesse en ce soir du jeudi saint … la fin de la vie terrestre de Jésus est très proche, et les apôtres n’ont pas encore compris qui il est malgré trois ans passés avec lui …

Ils en restent à l’image physique de Jésus qui est là devant eux … et à un Père lointain qui est dans les cieux … différent de Jésus …

Pourtant, Jésus avait déjà parlé des liens étroits entre son Père et lui : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. » (Jn 5,19), « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. » (Jn 6,38), « Je ne suis pas venu de moi-même ; c’est lui (le Père) qui m’a envoyé. » (Jn 8,42), « Le Père et moi, nous sommes UN. » (Jn 10,30) …

Alors Jésus est encore plus clair : « Celui qui m’a vu a vu le Père (…) Je suis dans le Père et le Père est en moi ! », et pour bien insister, il reprend cette dernière phrase une deuxième fois.

Nous qui vivons maintenant, pouvons-nous voir le Père ? Non bien sûr, puisqu’il est un être spirituel …

Mais nous pouvons comme les apôtres le voir par l’intermédiaire de Jésus.

Vous allez dire : « Mais nous, on n’a jamais vu Jésus ! »

Sans doute, mais si nous croyons en Jésus, si nous croyonsqu’il est le Fils de Dieu, alors nous pouvons le voir, car croire, c’est voir.

Bien sûr, ce n’est pas une ’’vision’’ réelle, physique, touchable …

Ce n’est pas non plus une ’’vision’’ comme un rêve, irréelle …

Mais c’est une ’’vision’’, une ’’vue’’, une ’’image’’ qui se fait dans notre cœur, … une image qui commence à se former quand on entend parler de Jésus la première fois, pour certains il y a longtemps, pour d’autres moins, … et qui évolue petit à petit, au fur et à mesure que l’on apprend à connaître Jésus, …

– Par la lecture de son Évangile, connu par quatre récits qui présentent des différences, qui insistent sur un point plus que sur d’autres, qui donnent des renseignements qu’on ne trouve pas chez les autres, tout cela en fonction de la personnalité de l’auteur, de l’image qu’il avait lui-même de Jésus, et en fonction de la communauté à laquelle il s’adresse …

– Par la prière, cette rencontre entre nous et Dieu, nous et Jésus, nous et l’Esprit, nous et Marie, Joseph, et … qu’elle soit personnelle ou collective …

– Par les sacrements qui sont une rencontre forte entre chaque personne et l’une des personnes de la Trinité …

– Par les témoignages que l’on peut recevoir, qu’ils soient écrits, oraux, factuels, artistiques (peintures, chants, danses, films …) …

Et qui se terminera avec ’’notre’’ vision au moment où nous seront au bout du chemin de notre vie, le chemin de Jésus, quand nous arriverons à la porte du Paradis …

C’est seulement alors que nous pourrons … ou pas … comparer notre ’’image’’ de Jésus avec ce qu’il est en réalité …

Et, à mon avis, on sera vraiment en dessous de la ’’réalité’’ …

Cette image de Jésus, dans la foi, en notre cœur, est une image personnelle. Chacun a la sienne, et sans doute il n’y en a pas deux pareilles. Elle dépend de l’histoire de notre vie, spirituelle, mais aussi notre vie humaine, avec tous ses aspects, familiaux, économiques, sociaux, politiques ; tout ce qui fait ce que nous sommes.

Et quelle que soit la manière dont nous ’’voyons’’ l’image de Jésus, nous sommes capables de reconnaître l’image de Jésus quand elle se fait voir, principalement dans les œuvres d’arts :

– en peinture : l’image de Jésus n’est pas la même chez Philippe de Champaigne, Rembrandt, Utrillo, Chagall, Arcabas, ou chez Hé Qi, mais on le reconnaît toujours … et on le reconnaît aussi quand il s’agit d’une caricature outrageante …

– en musique : Bach n’est pas Mozart, Gianadda n’est pas Gelineau ou Glorious …

– en sculpture : l’art roman est différent de l’art gothique, de l’art de la Renaissance ou de l’art contemporain …

– en poésie : Rimbaud ou Verlaine ne sont pas Marie Noël ; ou en littérature Victor Hugo n’est pas Amélie Nothomb …

Mais cette image que nous avons dans notre cœur se fait voir aussi dans nos propres actions, dans la manière que nous avons de voir et d’agir avec les autres : les petits, les humbles, les pauvres, ceux qui ont besoin d’aide, et ceux qui pensent qu’ils n’ont jamais besoin d’aide ou de Dieu …

Et la manière dont nous vivons de Jésus peut aussi être, et est même, un témoignage pour les autres, et modifier l’image qu’ils ont de Jésus, en bien … ou en mal …

On ne se rend souvent pas compte à quel point notre façon d’agir est un témoignage ou un contre-témoignagevis-à-vis de Jésus.

Seigneur Jésus,

nous vivons souvent

sans faire vraiment attention

à l’importance de notre foi

dans nos manières d’agir,

à l’image que nous donnons de toi

pour les autres.

Fais que nous y soyons attentifs.

 

                                                                                           Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim Pâques A 5°




« Voici l’homme ! » De l’homme « crustacé » à l’homme qui protège et fait grandir la vie (Fr Manuel Rivero O.P.)

« Voici l’homme !» (Jn 19,5), s’était exclamé Pilate le Vendredi saint. Il ne pensait pas si bien dire. Couronné d’épines, son corps déchiré par les coups de fouet des soldats romains, Jésus manifeste la puissance fidèle de Dieu dans l’amour et la vérité.

« Voici l’homme ! » Cette déclaration prophétique de Pilate interpelle l’homme contemporain. Qu’est-ce qu’un homme ? Où se trouve la grandeur de l’homme ? Tout au long de l’histoire de l’humanité, les peuples ont célébré les héros qui ont versé leur sang pour Dieu, pour la patrie, pour défendre la justice et les faibles … L’Église célèbre avec éclat ses martyrs. Le plus grand des martyrs est Jésus, le témoin fidèle de Dieu.

Pilate a eu raison de dire à la foule « Voici l’homme ! » En effet, Jésus est l’homme parfait qui a donné sa vie pour sauver l’humanité.

Le philosophe français, Blaise Pascal (1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger [1]».  La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie.

La femme a connu des évolutions et des révolutions qui ont modifié considérablement son statut social et sa mentalité. Elle ne votait pas, maintenant elle assume les plus hautes responsabilités dans l’État. Elle restait souvent à la maison accomplissant un véritable labeur de gestion et d’éducation des enfants, maintenant elle assume et le travail professionnel et la prise en charge de la maison et des enfants. Elle dépendait de l’homme dans sa vie sexuelle et pour la maternité, maintenant elle décide d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants et de gérer sa sexualité sans lien direct avec la maternité. Il arrive que l’homme demande dans le couple à avoir un enfant et la femme refuse. La femme peut aussi vivre la maternité sans mener une existence conjugale par les techniques artificielles de fécondation. Il arrive que des femmes déclarent ouvertement : « Nous allons prendre le pouvoir. »

En revanche, l’homme continue son travail, sa vie sexuelle et sa participation à la politique comme les siècles précédents.

Il ne se passe pas un jour sans que les moyens de communication sociale racontent des faits de violence conjugale qui peuvent aller jusqu’au meurtre.

Comment dépasser les rapports de domination qui ne conduisent qu’au malheur ? Comment harmoniser les relations homme et femme et sur quelles valeurs ? En quoi consiste le pouvoir et la force ? Quel est le but de l’existence ?

Ces questions ne sont pas inutiles. Elles s’avèrent même indispensables.

Quel est l’image de l’homme aujourd’hui ? Quelle est son identité ?

La publicité et les films nous montrent un idéal masculin qui repose sur l’avoir : des richesses, le pouvoir, la musculation, des tatouages, des vêtements et des voitures de luxe … Tout cela constitue des moyens. Les médias exaltent aussi l’image de l’homme séducteur, fêtard, avec la mentalité d’un adolescent qui ne s’engage pas et qui critique tout sans construire grand-chose. Parmi ces exemples, il y a James Bond. Image affligeante d’un irresponsable stérile.

Où se trouve donc le sens de la vie de l’homme ?

« Voici l’homme ! » Jésus représente la perfection de la masculinité, pleinement homme et pleinement Dieu. Jésus est l’homme qui est allé le plus loin dans l’amour des autres parce qu’il est allé le plus loin dans sa relation à Dieu le Père. Comme la croix comporte une dimension verticale vers le Ciel et une dimension horizontale, ainsi l’homme trouve son équilibre et sa perfection dans la relation verticale avec Dieu et dans la relation horizontale avec ses frères et ses sœurs en humanité.

Le saint pape Jean Paul II nous a donné une belle formule pour le mystère de Jésus qui éclaire le mystère de tout homme : « Jésus est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme. » (Ecclesia in America, n° 67). L’homme a une vocation à partager la vie de Dieu et à protéger la vie du prochain.

Le philosophe italien Jules Evola a parlé de l’homme « crustacé » pour évoquer la dureté extérieure et la mollesse intérieure qui peuvent menacer l’homme. D’ailleurs, plus l’homme sent sa faiblesse et plus il fait montre de force et l’inverse. Comme dit le proverbe : « Dis-moi de quoi tu te vantes et je te dirai ce qui te manque ! ».

Il convient de parler de la virilité spirituelle, de cette force d’âme au service de la vie sans peur ni mollesse. D’ailleurs la virilité spirituelle est vécue par des femmes qui aiment de manière désintéressée en faisant face à de nombreuses épreuves et souffrances pour protéger la vie.

L’homme aime les défis que ce soit dans le sport, dans la politique, dans l’économie ou dans l’amour. Aujourd’hui, l’homme à un défi à relever pour harmoniser les relations familiales dans la force de l’amour et de la vérité.

L’historien anglais Arnold Joseph Toynbee (1975), après avoir étudié l’histoire des civilisations, est arrivé à la conclusion que les civilisations naissent en réponse à un défi. Des « minorités créatrices » apportent alors une vision et elles conçoivent des plans d’action pour l’ensemble de la société. Les civilisations déclinent quand le défi disparaît. D’où sa phrase lapidaire : « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre. »

L’Église catholique a aussi un défi à relever dans la pastorale des hommes. Ils sont rares dans les églises par rapport au nombre de femmes. Pourquoi ? Pour quel motif les hommes ne sont-ils pas attirés par la prière communautaire et la catéchèse ? Faut-il renouveler la pastorale et la spiritualité masculine ?

Dans son Exhortation apostolique catholique aux hommes, mes fils spirituels du diocèse de Phoenix , datée du 29 septembre 2015, Monseigneur Thomas J. Olmsted, évêque de Phoenix (États-Unis), analyse l’évolution de l’identité masculine et il propose des pistes pour un renouveau de l’évangélisation de l’homme et de sa mission dans l’Église.

Chaque diocèse gagnerait à contextualiser la réflexion sur le plan local.

Les jeunes garçons ont besoin de « tuteurs » pour grandir dans la droiture aussi bien dans les quartiers que dans les paroisses.

Certaines activités peuvent être vécus entre hommes. Nous avons des exemples dans le pèlerinage des pères de famille, ou dans le cycle de formation biblique à l’île Maurice « Jésus, vrai homme ».

Il faudrait aussi travailler l’image de l’homme dans le cœur des femmes et des enfants. Je me souviens de cet enfant qui disait en catéchèse, probablement en reprenant des propos de sa mère : « Les hommes, on n’en a pas besoin ! » Déclaration qui renvoyait à des souffrances : alcoolisme, irresponsabilité, violences, infidélité …

Des études statiques récentes en Martinique signalaient que 60% d’enfants grandissaient sans père. L’absence du père a des conséquences négatives profondes sur l’enfant. La mère doit accomplir les rôles du père et de la mère.

En prison, des personnes détenues avouent toujours souffrir de l’absence du père : « Je n’ai jamais appelé un homme en lui disant ‘papa’ ».

« Voici l’homme Jésus ! » Il est le modèle de masculinité réussie !

                                                                                                Fr Manuel Rivero (O.P.)

[1]Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.




Mois d’Octobre, mois de Marie : une invitation à tourner vers elle notre regard…

En ce mois consacré à la Vierge Marie, voici, si vous le désirez, quelques liens renvoyant soit à des commentaires de passages du Nouveau Testament où elle intervient, soit à des articles écrits à son sujet… Bonne lecture à vous, bonne méditation, et merci d’avance pour votre prière pour notre monde si secoué par la crise que nous traversons, pour toutes les personnes en souffrance, et elles sont nombreuses, et aussi pour la petite équipe du Sédifop et de jevismafoi.com qui essaye de poursuivre au mieux sa mission…

Si un thème vous intéresse, il suffit de cliquer sur le lien situé en dessous et vous accèderez à l’article correspondant…

– Prière à Marie de St Bernard de Clairvaux

https://www.sedifop.com/priere-a-marie-de-saint-bernard-de-clairvaux/

– Marie Mère de Dieu (Francis Cousin)

https://www.sedifop.com/solennite-de-sainte-marie-mere-de-dieu-par-francis-cousin/

– Pourquoi appeler Marie « la Mère de l’Eglise » (Fr Manuel Rivero O.P.)

https://www.sedifop.com/pourquoi-appeler-la-vierge-marie-mere-de-leglise/

– La Vierge Marie, Théologienne (Fr. Manuel Rivero O.P.)

https://www.sedifop.com/la-vierge-marie-theologienne-fr-manuel-rivero-o-p/

– La Vierge Marie, patronne de l’Ordre des prêcheurs (Fr Manuel Rivero O.P.)

https://www.sedifop.com/la-vierge-marie-patronne-de-lordre-des-precheurs-fr-manuel-rivero-o-p/

– Chemin de Croix avec Marie (Fr Manuel Rivero O.P.)

https://www.sedifop.com/chemin-de-croix-avec-marie/

– L’Immaculée Conception de Marie et son Assomption (D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/limmaculee-conception-de-marie-et-son-assomption-2/`

– L’Annonciation à Marie (Lc 1,26-38 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/lannonciation-a-marie-lc-126-38-2/

– La visite de Marie à sa cousine Elisabeth (Lc 1,39-45 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/la-visite-de-marie-a-elisabeth-lc-139-45/

– Le Cantique d’action de grâce de Marie, le Magnificat (Lc 1,46-55 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/le-cantique-daction-de-graces-de-marie-le-magnificat-lc-146-55/

– La visite des bergers à Marie, Joseph et à Jésus nouveau né (Lc 2,16-21 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/1er-dimanche-de-careme-par-le-diacre-jacques-fournier-marc-1-12-15-2-2-2-2-2-3-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-5-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-3-2-2-2-2-2-2-5-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-3-3-2-2-2-2-2-2-2-2-3-14/

– La Femme couronnée d’étoiles (Ap 12 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/la-femme-et-le-dragon-ap-12/

 




Ecouter la Voix du Christ pour connaître la Vie (Jn 10,1-10 ; ; 4° Dimanche de Pâques – D. Jacques FOURNIER))…

Jésus est tout en même temps le Chemin qui nous mène à la Maison du Père, car « personne ne va vers le Père sans passer par lui » (Jn 14,6), le Bon Pasteur qui nous y conduit et la Porte par laquelle nous y entrons… Il est la Porte car il s’agit à nouveau « d’entrer en passant par lui »… St Jean affirme ainsi, à sa manière, « qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné en rançon pour sauver tous les hommes » (1Tm 2,5-6). Mais pour que cette offrande porte ses fruits, il faut que nous acceptions, de notre côté, de faire la vérité dans notre vie, la vérité de notre misère. En effet, « celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3,21), celle du « Père des lumières » (Jc 1,17), « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3) qui « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi, tout homme qui croit en lui ne périra pas mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17). Quiconque accepte ainsi de faire la vérité par une démarche de repentir accomplie de tout cœur vient à Celui que le Père a envoyé dans le monde en « Sauveur du monde ». Il est « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 4,42 ; 1,29), et donne gratuitement, par amour, à tout pécheur repentant, d’être lavé de toutes ses fautes par l’Eau Pure de l’Esprit, et d’entrer ainsi dans la Plénitude de la Vie grâce à ce même Esprit, car c’est « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)…

Lorsque Jésus nous lance ainsi cet appel à revenir à Dieu de tout notre être, ce même Esprit de Miséricorde, d’Amour et de Tendresse vient frapper à la porte de nos cœurs pour nous aider à accepter de nous laisser aimer tels que nous sommes, « malades », blessés et si souvent défaillants (Lc 5,29-32)… Cette action intérieure de l’Esprit correspond en St Jean au thème de « la voix ». « L’Esprit en effet souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas ni d’où il vient ni où il va ». Or, « celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,8.34). Lorsque Jésus nous transmet les Paroles qu’il a reçues du Père, l’Esprit, par sa Présence en nos cœurs, est « la voix » qui fait de ces Paroles « les Paroles de la Vie éternelle », disait St Pierre (Jn 6,68). Il vivait avec Jésus une réalité qu’il n’avait jamais perçue auparavant… Il écoutait « la voix » de Jésus, « la voix » de l’Esprit, « il connaissait sa voix », il faisait l’expérience d’une Vie nouvelle, il respirait cette « bonne odeur du Christ, une odeur qui de la vie conduit à la vie » (2Co 2,14-16)…




« Les femmes, apôtres des apôtres » – Fr Manuel Rivero (O.P.)

Les évangiles accordent la première place aux femmes dans les récits des apparitions pascales. Elles sont les premières à se rendre au tombeau de Jésus alors que soleil commence à peine à poindre (cf. Mt 28,1s ; Jn 20,1). Dans ce passage de la nuit à l’aurore, les femmes disciples de Jésus vont recevoir la lumière du Christ ressuscité et leur cœur sera rempli de joie : « Réjouissez-vous » (Mt 28,9).

Jésus apparaît en premier à Marie Madeleine (cf. Mc 16,9 ; Jn 20,15s). La femme blessée, torturée par les démons. Le chiffre de sept démons, expulsés par Jésus, manifeste la plénitude du mal à l’œuvre dans le corps et dans l’âme de Marie Madeleine. Elle est choisie, par Jésus ressuscité, pour porter la bonne nouvelle de sa victoire sur la mort aux apôtres sceptiques, lents à croire. Là où le péché avait abondé, la grâce pascale va surabonder. Marie Madeleine devient alors la femme nouvelle, la Nouvelle Ève, qui rayonne la vie de Dieu. C’est à juste titre qu’elle est aussi appelée « apôtre des apôtres ».

L’homme contemporain, souvent agnostique, aurait tort d’imaginer que les contemporains de Jésus croyaient sans peine aux discours religieux. Les évangélistes, comme saint Marc, ne cachent pas le refus de croire des apôtres aux témoignages des femmes, qui rentrent après avoir vu le tombeau vide et rencontré vivant Jésus le crucifié.

Les évangiles mettent en lumière la foi et la fidélité des femmes à l’égard de Jésus. Alors que Judas a vendu son maître et que Pierre l’a renié devant une servante du grand-prêtre, Marie Madeleine et les autres femmes disciples de Jésus l’ont suivi jusqu’au Calvaire. Bouleversées, ne pouvant pas dormir, elles se sont levées dans la nuit pour honorer le sépulcre de celui qui les a libérées du mal et introduites dans l’amour de Dieu, Jésus.

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La Vierge Marie, la Mère de Jésus, ne figure pas dans les récits des apparitions pascales. Cela ne veut pas dire que son Fils ne lui soit pas apparue. Saint Vincent Ferrier O.P. (1419), saint Ignace de Loyola (1556), le père Marie-Joseph Lagrange O.P. (1938) et le saint pape Jean-Paul II (2005), ont pensé dans la lumière de la foi et de la prière que Jésus était apparu à sa Mère mais que cette apparition relevait du secret de Dieu. Le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, a écrit dans son « Évangile de Jésus-Christ » que Jésus était apparu en premier à sa mère.

Le théologien H.U. von Balthasar (1988) avait déclaré : « Marie est ‘la Reine des apôtres’, sans revendiquer pour elle les pouvoirs apostoliques. Elle a autre chose et beaucoup plus. » (Lette apostolique Mulieris dignitatem en 1988 de Jean-Paul II, note 55).

La femme, sanctuaire de la vie, a bénéficié la première des apparitions de Jésus. Par leur témoignage de foi, Marie Madeleine et les autres femmes, disciples de Jésus, ont fait resplendir la lumière du Christ dans le cœur de ceux qui ont accueilli avec foi leur message.

Dans la Bible, les femmes juives ne sont pas prêtresses mais prophètes. Inspiré par l’Esprit de Dieu, le prophète annonce la volonté de Dieu. La Vierge Marie est prophète. Marie Madeleine est aussi prophète.

Jésus ressuscité accorde la maternité spirituelle aux femmes qui deviennent apôtres, c’est-à-dire envoyées : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. », déclare Jésus à Marie Madeleine (Jn 20,17) qui prêchera les merveilles de Dieu aux apôtres.

N’oublions pas que dans les canons eucharistiques, une femme, la Vierge Marie, est toujours citée en premier, avant les apôtres, les martyrs et tous les saints. La Vierge Marie a reçu la grâce des commencements dans le mystère du Salut. Elle est la première chrétienne, la première Église, présente aux noces de Cana, sur le Calvaire et dans la « chambre haute » lors de la Pentecôte. La Vierge Marie est « Femme » et « Mère ».

La vie de l’enfant commence dans le sein de la femme, sa mère. Dieu a voulu aussi que la vie de la foi commence et s’épanouisse dans la prière et le témoignage des femmes.

Le Nouveau Testament signale la maternité spirituelle des femmes chrétiennes. Par exemple, saint Paul rappelle à son disciple bien-aimé, Timothée la foi de sa grand-mère, Loïs, et de sa mère Eunice (2 Tm 1,5).

Si nous pensons à La Réunion, nous pouvons nous réjouir de la foi des femmes, des mères et des grands-mères. Ce sont souvent elles qui transmettent l’Évangile et qui apprennent à prier aux enfants.

En ce moment où le monde souffre des confinements et de la pandémie, les bâtiments des églises sont fermés mais les « églises domestiques » vivent plus que jamais, c’est-à-dire les familles chrétiennes se rassemblent dans la prière et le partage de la Parole de Dieu.

En prison, les personnes détenues évoquent régulièrement le témoignage reçu dans la famille.

La femme chrétienne a reçu une vocation et une mission : la maternité spirituelle.

Qu’il est beau et fécond de recevoir un témoignage de foi et de prière de la part de sa mère ou de sa grand-mère. Personnellement, je me souviens d’une prière récitée par ma mère vers la fin de sa vie. Prière poétique qu’elle connaissait par cœur et qu’elle reprenait à demi-consciente dans l’épreuve de la maladie.

Saint Thomas d’Aquin (1274), le grand docteur de l’Église, rappelle la mission des parents dans sa dimension corporelle et spirituelle qu’il compare au ministère des prêtres : «Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l’ordre ; d’autres le font pour la vie à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, dans lequel l’homme et la femme s’unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu » (S. Thomas d’Aquin, Summa contra Gentiles, IV, 58 ; cité par le saint pape Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortioen 1981).

Dieu a accordé à la femme une grâce particulière, « le génie féminin », selon l’expression de Jean-Paul II dans sa Lettre aux femmes(n°10), datée du 29 juin 1995. Cette grâce féminine se déploie de manière complémentaire et réciproque avec la grâce masculine : « Le féminin réalise l’« humain » tout autant que le fait le masculin, mais selon une harmonique différente et complémentaire » (Lettre aux femmes, n°7).

Saint Jean-Paul II enseignait que Dieu avait confié l’homme à la femme dans cette grâce féminine qui comprend la maternité spirituelle (cf. Mulieris dignitatem, n°30).

Les religieuses qui renoncent à la maternité physique pour le Royaume des cieux reçoivent en abondance cette grâce de la maternité spirituelle. Nous le constatons particulièrement dans l’éducation. Je pense aux filles, élèves des sœurs de Saint-Joseph de Cluny à Port-au-Prince, qui vénéraient les sœurs éducatrices.

Dans ses notes personnelles prises au cours de la retraite spirituelle annuelle en 1963, le saint pape Jean-Paul II écrit : «L’Église le Corps mystique de Jésus , c’est comme une « esse ad Patrem » (être vers le Père) sociale. Les sœurs, qui choisissent le Christ comme époux à travers les vœux, entrent de façon particulière dans ce « esse ad Patrem », non seulement personnellement, mais en marquant ainsi une certaine empreinte de ce « esse » (être) sur toute la vie sociale. D’où leur grande utilité pour l’Église et dans l’Église. Elles forment d’une certaine façon, sa colonne vertébrale. »[1]

À La Réunion, les religieuses forment cette « colonne vertébrale » de l’Église. Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny et les Filles de Marie ont marqué des générations d’enfants et de jeunes les tournant « vers le Père de Jésus ».

Sœur Inès de Jesús (1993), moniale dominicaine du monastère de Caleruega (Espagne), berceau de saint Dominique, a évoqué dans son Journal spirituel inédit « la déchirure » de l’âme dans sa maternité spirituelle. Il y a la déchirure physique de l’accouchement et la déchirure spirituelle dans l’accouchement des âmes à la vie de Dieu.

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24), enseigne Jésus dans cette image qui annonce sa mort et sa résurrection.

Les femmes, qu’elles soient célibataires, mères de famille ou religieuses, ont reçu cet appel à transmettre la grâce pascale à travers leur prière, leur témoignage d’amour et leurs enseignements.

Rendons grâce à Dieu pour ces merveilles !

Fr. Manuel Rivero O.P.

 

 

 

 

[1]Karol Wojtyla-Jean-Paul II, Je suis dans les mains de Dieu. Carnets intimes 1962-2003. Paris. Bayard. 2014. P. 41.