3ième Dimanche de Carême (Jn 2, 23-24) par D. Alexandre ROGALA (M.E.P.)

« Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux parce qu’il les connaissait tous » (Jn 2, 23-24)

Les lectures de ce dimanche nous interrogent sur notre rapport aux signes venant de Dieu. Même s’ils ont leur place dans la foi, nous devons reconnaitre que notre attachement aux signes est parfois désordonné.

Quand j’habitais à Lyon, j’avais une amie qui, à un moment de sa vie, s’était intéressé à la foi chrétienne. Elle est allée dans une Église, s’est assise sur un banc pendant un certain temps, et a demandé à Dieu un signe. Comme elle n’en a pas reçu, elle en a déduit que le Dieu des chrétiens n’existait pas.

Il m’est arrivé aussi de rencontrer des personnes qui, elles, avaient reçu un signe. Elles avaient fait une expérience spirituelle intense, et s’étaient mise en route à la suite du Christ en commençant un parcours de catéchuménat. Mais après leur baptême, au bout d’un certain temps, ces personnes aussi se sont éloignées de l’Église.

La foi qui ne repose que sur l’expérience du miraculeux est fragile, et les textes d’aujourd’hui nous le rappellent.

Le texte d’évangile de ce dimanche (Jn 2, 13-25) se passe dans le contexte de la fête de la Pâque qui, est une fête dans laquelle le peuple juif fait mémoire de la sortie d’Égypte. Ce n’est donc pas par hasard que la liturgie nous ait fait entendre le code de l’alliance du Livre de l’Exode, plus connu sous l’appellation « les dix commandements ».

La toute première Parole que Dieu donne au Peuple est un rappel que c’est Lui qui l’a fait sortir d’Égypte : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage » (Ex 2, 20).

Le premier commandement, celui qui est le plus important vise le péché d’idolâtrie, qui consiste à prendre ce qui n’est pas Dieu pour Dieu : « Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi. Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux, pour leur rendre un culte. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux » (Ex 20, 3-5)

Dans l’évangile, Jésus agit à la manière des prophètes qui posaient parfois des signes pour parler. Parmi les signes les plus célèbres, il y a ceux du prophète Jérémie : quand il a brisé une cruche pour signifier le jugement de Dieu sur le peuple (Jr 19), ou quand il s’est baladé dans Jérusalem en portant des liens et des jougs pour avertir le Peuple de l’Exil à Babylone (Jr 27).

En voyant Jésus chasser les marchands, les juifs qui assistent à la scène ne se trompent pas. Ils comprennent que Jésus accomplit un « signe prophétique », donc au lieu de l’arrêter, ils l’interrogent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » (2, 18).

Mais dans un premier temps, Jésus ne répond pas à la demande de signe, et il répond par une énigme, qui en réalité, annonce le signe par excellence, c’est à dire la Résurrection. « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. ». Les interlocuteurs de Jésus ne comprennent pas et pensent qu’il parle du Temple.

Peut-être que nous n’aurions pas compris non plus si l’évangéliste Jean qui écrit après la mort et la résurrection de Jésus, ne nous avait pas donné la solution, à savoir que Jésus parlait du sanctuaire de son corps. En fait, le « sanctuaire » n’est pas le « Temple ». Dans l’Ancien Testament grec, le mot « ναός » que nous traduisons par « sanctuaire » ,ne désigne que la partie dans laquelle se trouve le Saint et le Saint des Saints. Le  sanctuaire est donc le « lieu précis » du  Temple où Dieu est présent. Nous comprenons que Jésus se présente comme la véritable demeure de Dieu rendant le Temple et son sanctuaire caduc.

Revenons aux signes. Et si à la demande des juifs, Jésus avait réalisé un signe spectaculaire pour justifier l’expulsion des marchands, que ce serait-il passé ?

En fait, cela aurait tout au plus entrainé un engouement temporaire sur le moment comme nous le montre la fin du texte : « beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux parce qu’il les connaissait tous » (Jn 2, 23-24). De fait, à la fin de l’évangile, ce sont ces mêmes autorités religieuses qui feront mettre Jésus à mort.

Les miracles ne peuvent pas transformer la nature humaine, c’est la raison pour laquelle Jésus ne se fie pas à l’engouement d’un instant. Jésus ne cherche jamais le merveilleux et le spectaculaire parce qu’une « foi » qui repose sur les miracles expose à l’idolâtrie ; celui-là même qui est visé en premier par le Code de l’alliance. Les disciples que recherche Jésus sont ceux dont la foi repose, non pas sur des miracles, mais sur un véritable engagement à sa suite, ce qui implique la fidélité à sa Parole et une véritable vie de disciple.

Cette quête de signes est aussi dénoncée par saint Paul dans le Deuxième Lecture quand il parle des juifs : « Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient juifs ou grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 22-24).

En essayant de comprendre le monde « par le moyen de la sagesse », les grecs ont réduit Dieu à un « être » prenant place dans un système philosophique. Les Juifs quant à eux, au cours de leur histoire religieuse, ont pris l’habitude de demander des signes avant de faire confiance à Dieu. Le tort des Juifs comme des Grecs est d’avoir cru identifier Dieu et mettre la main sur Lui.

La solution que nous donne saint Paul pour que nous ne tombions pas dans le piège de la quête de signes venant du Ciel, est tout simplement de se souvenir de la Croix du Christ. Dieu s’est révélé de manière définitive là où personne ne l’attendait : sur une Croix.

Et si par hasard, nous ne sommes pas encore convaincus que la quête de signes miraculeux est un danger, souvenons-nous de l’épisode des « tentations de Jésus » au désert. Le premier personnage à demander à Jésus de réaliser des miracles, n’est autre que le Diable. Ne faisons pas comme lui, mais gardons les yeux fixés sur le Crucifié.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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