1° Dimanche de Carême (Mc 1, 12-15) par D. Alexandre ROGALA (M.E.P.)

Dimanche dernier à la sortie de la messe, une paroissienne m’a demandé si dans la Bible, nous trouvions une mention du carême. Je lui ai répondu que l’on ne trouvait pas dans la Bible de mention du carême tel qu’on le vit aujourd’hui dans l’Église. Elle m’a alors demandé pour quelle raison l’Église imposait-elle ce temps de pénitence aux fidèles. Le carême est-il nécessaire ? Ou au moins, utile ? Il est possible que certains d’entre-nous se posent la même question que cette dame. Je vous propose donc de réfléchir ensemble sur le carême à partir des textes bibliques proposés par la liturgie.

Dans la première lecture nous lisons :

« Dieu dit à Noé et à ses fils : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous » (Gn 9, 8)

Dans la Bible, l’Alliance est le terme choisi par les auteurs sacrés pour exprimer le mode de relation entre Dieu et l’humain. Nous trouvons dans le Premier testament de la Bible plusieurs récits dans lesquels Dieu fait alliance avec des personnages : avec Abraham (Gn 15), avec Jacob (Gn 28) ; avec Moïse (Ex 19 ; 24…) etc.

Dans la première lecture, l’Alliance que Dieu fait avec Noé, ses fils, et avec tous les êtres-vivants est « unilatérale ». Ainsi, Dieu s’engage seul et sans aucune condition, à ne plus détruire sa création par un déluge.

Mais dans la Bible, il existe aussi des alliances « bilatérales », c’est-à-dire des alliances dans lequel Dieu et le Peuple s’engagent réciproquement. Dans ces alliances bilatérales, il y a une condition à l’engagement de Dieu en faveur du Peuple. Par exemple, dans le livre de l’Exode, le Seigneur dit au Peuple par l’intermédiaire de Moïse :

« Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte, comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et vous ai amenés jusqu’à moi. Maintenant donc, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples, car toute la terre m’appartient ; mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte.” » (Ex 19, 4-6).

Dans le livre du Deutéronome, l’obéissance du Peuple aux commandements du Seigneur est présentée comme la condition d’une vie heureuse de manière encore plus explicite :

 « Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors, tu vivras et te multiplieras ; le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. » (Dt 30, 15-16)

Les premières lectures que nous entendons à la messe, nous montrent souvent que le Peuple hébreu n’a pas été capable d’être fidèle au Seigneur. C’est la raison pour laquelle  pendant l’Exil à Babylone, parlant par des prophètes tels qu’Ezechiel  (Ez 36) et Jérémie (Jr 31), le Seigneur a annoncé qu’il allait conclure une Alliance définitive qui ne serait plus jamais rompue.

Pour nous chrétiens, cette alliance « nouvelle et éternelle » a été établie par la mort et la résurrection de Jésus Christ.

C’est ce que nous rappelle le début de la deuxième lecture tirée de la Première Lettre de Pierre : « Bien-aimés, le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu » (1 P 3, 18)

Le baptême que nous avons reçu ou que nous allons recevoir est le signe de notre foi en Christ qui nous donne accès à Dieu pour toujours. Le texte suggère même que Jésus ne veut exclure personne du salut qu’il offre puisque le texte nous dit « qu’il est parti proclamer son message aux esprits qui étaient en captivité. Ceux-ci, jadis, avaient refusé d’obéir » (1 P 3, 19-20).

Si le salut est offert gratuitement sans aucun préalable, il me semble qu’il est possible de dire que la Nouvelle Alliance établie par Jésus est une « alliance unilatérale ». Par la mort et la résurrection de Jésus Christ, notre salut est déjà acquis de manière définitive.

Si le salut est déjà acquis, à quoi bon faire des efforts pendant le carême pour soigner ma relation avec Dieu ? La question que m’a posé la paroissienne dimanche dernier est légitime.

En fait, cette question n’est pas nouvelle. Depuis le début du christianisme, les croyants se sont posés ce genre de question. Dès le Ier siècle, certains chrétiens ont cru pouvoir faire ce qu’ils voulaient et jouir de la vie, puisque quoiqu’ils fassent, ils  étaient sauvés par le Christ. Les responsables de communautés de l’Église primitive ont dû combattre ces déviances.

Sans nier la totale gratuité du salut en Jésus Christ, l’auteur de la Première Lettre de Pierre nous rappelle que « le baptême (…) est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite ». Autrement dit, si le baptême est le signe de la confiance que nous mettons en Jésus Christ pour notre salut, il est aussi un engagement envers Dieu. Et cet engagement implique un certain comportement vis-à-vis de Dieu, et de notre prochain.

Si le Peuple Hébreu n’a pas toujours été fidèle au Seigneur, nous ne sommes pas meilleurs que lui. Même si l’Alliance en Jésus Christ ne peut plus être rompue, nous devons admettre que bien souvent, notre comportement nous éloigne de Dieu.

La tendance de l’Homme à céder aux tentations mauvaises et à « faire ce qui est mal aux yeux du Seigneur » est la raison d’être du carême.

Le carême est un temps que l’Église nous donne chaque année pour nous préparer intérieurement à faire mémoire de l’évènement qui est au fondement de la Nouvelle Alliance : la mort et la résurrection de Jésus, en renouvelant notre désir de Dieu et en prenant conscience de ce qui dans notre vie, abîme notre relation à Lui et à notre prochain.

Dans le texte d’évangile de ce premier dimanche de carême, Jésus nous est donné en exemple. Comme nous, il a été tenté mais il n’a pas cédé : « Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan » (Mc 1, 13).

L’évangéliste Marc ne nous donne pas de détail sur les tentations que subit Jésus. Cependant, le texte nous dit que « les anges le servaient » (Mc 1, 13). Nous pouvons imaginer qu’être servi par des anges devaient être une situation très confortable. Il est possible que Jésus ait pu avoir la tentation de continuer à être servi par les anges ; d’autant plus qu’être servi est naturel lorsqu’on est Fils de Dieu. Jésus aurait ainsi échappé à sa mission qui, nous savons, l’a amené à donner sa vie sur la croix. Mais Jésus n’a pas cédé à cette tentation.

Plus loin dans ce même évangile de Marc, il déclarera que « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir… » (Mc 10, 45).

Si nous n’avons pas encore choisi quel(s) effort(s) de carême faire cette année, peut-être pourrions-nous simplement nous inspirer de notre Maître et Seigneur Jésus Christ en quittant nous aussi, notre zone de confort pour nous mettre au service des autres.

Amen !

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