17ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

1Rois 3 5, 7–12 ; Romains 8 28–30 ; Matthieu 13 44–52

Nous avons aujourd’hui trois paraboles qui vont nous donner une approche de ce qu’est le Royaume des Cieux. Mais déjà nous pouvons dire que rien n’est réellement comparable au Royaume des Cieux. Matthieu est obligé de prendre des exemples tirés de la vie terrestre que tous connaissent pour essayer de nous donner un aperçu de ce qu’est ce Royaume. Et les exemples pris sont ceux qui pourraient intéresser le maximum de personnes car on parle de trésor caché, de négociant en quête de perles fines et de filet de pécheurs capable de ramener toutes sortes de choses.

 « Le Royaume des Cieux est semblable à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme vient à trouver : il le recache, s’en va ravi de joie vendre tout ce qu’il possède, et achète ce champ ». Au temps de Jésus, il n’y avait pas encore de coffre-fort pour y mettre un trésor. On le cachait donc dans la terre. Et voilà un homme qui trouve un trésor caché dans un champ, et ce trésor caché ressemble au Royaume des Cieux que nous ne pouvons voir mais que nous recherchons tous. Matthieu parle de « Royaume des Cieux » tout simplement parce qu’il est Juif et par conséquent il n’ose pas employer le mot « Dieu » qui est transcendant, mais c’est bien du Royaume de Dieu qu’il parle.  On ne dit pas si l’homme cherchait ce trésor depuis longtemps ou si c’est par hasard qu’il le trouve. Certains vont prendre toute leur vie pour chercher le Royaume de Dieu et d’autres, par la grâce de Dieu, vont le trouver bien plus facilement, dès leur plus jeune âge. Bon nombre de saints ou de saintes ont connu le Royaume de Dieu très tôt, d’autres comme Saint Paul le découvrent par miracle de Dieu, et d’autres devront le chercher encore jusqu’à la fin de leur vie.

Mais voir le Royaume de Dieu ne dépend pas du temps ou de la durée de vie, mais plutôt de certaines attitudes évoquées dans les Béatitudes. Mt 5,3 : « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux » ; Mt 5,8 : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » ; Mt 5,10 : « Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux ». Le trésor caché et trouvé, l’homme aurait pu tout simplement le voler, mais il ne l’a pas fait et a préféré vendre tout ce qu’il possède pour acheter le champ. Cet homme apparaît comme quelqu’un d’honnête, qui fait les choses en respectant la loi. Et s’il agit ainsi, c’est non seulement parce que ce trésor a beaucoup de valeur pour lui, mais parce qu’il est « ravi » de pouvoir posséder ce trésor. Ce n’est plus alors une simple question d’intérêt pécuniaire, mais surtout il a une joie immense d’avoir bientôt ce trésor. C’est cette joie qui devient le motif principal de son intérêt pour ce trésor.  Ceux qui consacrent leur vie à Dieu, tels que tous ceux qui ont reçu le sacrement de l’ordre, prêtres, évêques, Pape et tous les religieux et religieuses, ont tout donné ou tout quitté pour être à Dieu. Dieu a, pour eux, bien plus de valeur que tous les biens de la terre. Ils ont tout quitté pour Lui seul. Et parmi eux, il y a de tout : des illettrés, des pauvres, des gens très intelligents et même un ancien Trader (qui travaillait à la Bourse où l’on peut gagner des millions d’Euros ou de dollars en une seule transaction), des médecins, des philosophes, des penseurs, des enseignants, des infirmiers ou infirmières, certains prêtres ayant même trois doctorats. Ils auraient donc pu gagner facilement leur vie s’ils le voulaient, avoir une famille et des enfants, mais la joie de la découverte du Royaume de Dieu a été bien plus forte. Ils ont tout quitté pour Dieu.

« Le Royaume des Cieux est encore semblable à un négociant en quête de perles fines : 46 en ayant trouvé une de grand prix, il s’en est allé vendre tout ce qu’il possédait et il l’a achetée ». Le point commun avec la première parabole est le fait que dans les deux cas, les deux personnes ont tout vendu pour acquérir soit le champ dans lequel se trouve le trésor, soit les perles fines. Il fallait tout vendre pour acquérir ce qu’ils voulaient. Autrement dit, il ne faut pas s’attacher à tout ce que l’on possède et même se déposséder de tout…pour avoir ce qui est semblable au Royaume des Cieux. Ne pas avoir de biens, ne pas s’attacher aux biens matériels, se déposséder semblent être la condition nécessaire pour avoir le Royaume de Dieu. Le Ps 61,11nous dit : « Si vous amassez des richesses, n’y mettez pas votre cœur ». Et dans les deux cas, l’un et l’autre n’ont pas hésité un seul instant à tout vendre afin d’acheter ce qui est semblable au Royaume des Cieux. C’est une occasion à saisir immédiatement, et le temps presse, il faut agir vite car suite à la vente de tout ce qu’on possède, l’achat du champ ou des perles fines suivent immédiatement, presque sans réfléchir, juste après avoir trouvé ou le trésor ou les perles fines. Si on parle, comme ces deux chanceux, en termes d’intérêts, on peut dire que l’on gagne au change à posséder le Royaume plutôt qu’à garder tout ce qu’on possède. Et c’est là que les saints arrivent, par leur propre expérience de vie, à parler de détachement et de désencombrement, mais eux ne parlent plus en terme d’intérêts mais en termes d’amour, de vertus et d’humilité. Et bien plus que nos biens matériels, il faut surtout se désencombrer de bien d’autres choses.

Sainte Thérèse d’Avila par exemple nous parle du « point d’honneur » auquel chacun de nous est attaché. Elle nous dit (Chemin de la Perfection P. 97-98) : « Là où règne le point d’honneur et l’amour des biens temporels, il n’y a point de détachement. Surveillez attentivement vos mouvements intérieurs, surtout ceux qui concernent les prééminences (c’est-à-dire la supériorité de rang, de dignité, de droit, de degré). Que le Seigneur nous préserve par sa douloureuse Passion de nous arrêter à toute pensée ou parole comme les suivantes: Je suis plus ancienne en religion, je suis plus âgée, j’ai travaillé davantage, on a plus d’égards pour telle soeur (ou tel frère) que pour moi. Il faut résister à ces pensées, dès qu’elles se présentent; si vous vous y arrêtez, si vous venez à en parler, c’est une peste, et la source de grands maux…Une âme parfaite peut pratiquer partout le détachement et l’humilité”. Saint Louis Marie Grignion de Monfort (Traité de la vraie devotion à Marie) nous dit : “Quand Dieu met dans …notre âme, gâtée par le péché originel et actuel… ses grâces et rosées célestes … ses dons sont ordinairement gâtés et souillés par le mauvais levain et le mauvais fond que le péché a laissés en nous; …. Il est donc d’une très grande importance, pour acquérir la perfection, qui ne s’acquiert que par l’union à Jésus-Christ, de nous vider de ce qu’il y a de mauvais en nous ». Et Grignion de Monfort nous dit : 1 – Pour nous vider de nous-mêmes, il faut, premièrement, bien connaître, par la lumière du Saint-Esprit, notre mauvais fond, notre incapacité à tout bien utile au salut, notre faiblesse en toutes choses, notre inconstance en tout temps, notre indignité de toute grâce, et notre iniquité en tout lieu. 2 – Il faut tous les jours mourir à nous-mêmes: c’est-à-dire qu’il faut renoncer aux opérations de puissances de notre âme et des sens du corps, …ce que saint Paul appelle mourir tous les jours…Si nous ne mourons pas à nous-mêmes, et si nos dévotions les plus saintes ne nous portent à cette mort nécessaire et féconde, nous ne porterons point de fruit qui vaille, et nos dévotions nous deviendront inutiles, toutes nos justices seront souillées par notre amour-propre et notre propre volonté, ce qui fera que Dieu aura en abomination les plus grands sacrifices et les meilleures actions que nous puissions faire ».

« En toutes circonstances et dans tous les états de vie, dans les dévotions privées comme dans la liturgie, il y a une attitude d’âme qui s’impose à qui veut arriver au sommet…Quelle que soit la montagne de votre vie, il y a une manière d’en faire l’ascension par les chemins à pic… » (Introduction des Œuvres complètes de Saint Jean de la Croix – P.10). Dans son livre « la Montée du Mont Carmel », Saint Jean de la Croix montre (P.12) « le travail personnel de dépouillement fourni, avec l’aide de la grâce, par l’âme en marche vers Dieu, travail personnel qui, sur terre, ne cessera jamais ». (P.13) : « Le principe du détachement absolu …vaut pour tous les chrétiens, de quelque époque qu’ils soient et à quelque milieu qu’ils appartiennent ». – Dans la première parabole, l’homme qui a trouvé le trésor caché dans un champ vend tout pour acheter le champ, et dans la deuxième, le négociant vent tout et achète les perles fines. Mais le Royaume de Dieu, on ne peut pas l’acheter ou le posséder. Le Royaume des Cieux, ce n’est ni le trésor caché dans le champ, ni les perles fines. Le Royaume de Dieu est bien plus important que des objets, même de grande valeur. Alphonse Maillot (« Paraboles de Jésus » – P.65) nous dit : « Le Royaume n’est pas une chose morte « qu’on peut prendre ou laisser, qu’on peut posséder ou abandonner, qu’on peut gagner ou perdre, comme n’importe quoi…Le Royaume n’est pas une « chose », il implique l’homme et pas seulement l’homme qui a trouvé mais qui cherche. Il en fait un homme du Royaume ».

Et effectivement les paraboles parlent de personnes qui ont trouvé et qui s’impliquent, s’engagent pour arriver au but. C’est ce que nous montre la troisième parabole où les pécheurs lancent leur filet, puis le tirent sur le rivage où ils s’assoient et recueillent ce qu’il y a de bon, rejettent ce qui ne vaut rien. Nous sommes ces pécheurs et nous devons trier ce qui est bon en nous pour les garder et les perfectionner, et rejeter ce qui est mauvais. Le royaume de Dieu est déjà sur terre. Il concerne ceux qui agissent sans cesse pour arriver au but et être comme cet homme qui a trouvé, qui ensuite va tout quitter pour atteindre le but de son désir ; comme ce négociant qui pareillement a trouvé des perles fines et fait tout pour les avoir ; comme ces pécheurs qui ont ramené toutes sortes de choses dans leur filet et en font le tri. Ils sont tous dans l’action et en agissant ainsi, nous sommes déjà des hommes du Royaume. Car nous dit 1Co 4,20 : « Le Royaume de Dieu ne consiste pas en paroles mais en action », c’est-à-dire des réalisations en nous de la puissance de l’Esprit Saint et qui devront se manifester d’abord par des actes qui témoignent de notre conversion véritable. Le Royaume est comparé à une « attitude dynamique de découverte de valeur et de joie, de recherche et de trouvaille, de vente et d’achat » (Bernadette Escaffre). Et cela, c’est l’affaire de tous et de chacun et particulièrement des chrétiens qui ont encore en eux et par la grâce de Dieu, le souffle vivifiant de la foi et l’amour. Que Marie nous aide à chercher, à trouver, à atteindre ce que nous désirons et qui est à la portée de tous : le Royaume de Dieu.

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