La Sainte Famille– par Claude WON FAH HIN

Sainte Famille & Siracide 3 2–6, 12–14 ; & Colossiens 3 12–21 ; & Matthieu 2 13–15, 19–23

 

Juste après la naissance de Jésus, Hérode a eu peur car il a su qu’«un roi des Juifs vient de naître » (Mt 2,2). Pour lui c’est un concurrent sérieux. Son désir est donc d’éliminer ce concurrent. Il veut le faire mourir. Joseph a alors un songe où l’Ange du Seigneur lui annonce qu’il faut fuir en Egypte avec sa famille et y rester jusqu’à ce que Hérode soit mort afin que s’accomplisse la prophétie qu’on peut retrouver en Ex 44,22 : « D’Egypte j’ai appelé mon fils »…

Aujourd’hui, c’est la sainte Famille. Elle est composée de Joseph, Marie et l’enfant Jésus. Dans cette famille, tout le monde est saint. Jésus est Dieu prenant le corps d’un homme, Il est la source même de toute sainteté; Marie est l’Immaculée Conception, née toute pure sans le péché originel et comblée de grâces, par la grâce de Dieu et par les mérites de Jésus-Christ. Joseph, descendant de la lignée du roi David, homme juste, nous dit Mt 1,19, est certainement un très grand saint, par le fait même d’être de la Sainte Famille. Il est cependant le seul de la sainte Famille à être né comme tout le monde, avec le péché originel. Il gagnait sa vie en travaillant comme charpentier. Et c’est à lui, Joseph, que l’Ange du Seigneur s’adresse comme à un chef de famille pour lui dire qu’il faut fuir en Egypte. A l’époque, le chef de famille n’est pas forcément celui qui est le plus pur, le plus saint de la famille, mais celui qui représente l’autorité. Et pour dire que Dieu a de l’autorité – l’autorité suprême, au-dessus de tout – on dit que Dieu est Père. Mais Dieu le Père n’est ni homme, ni femme, Il est Pur Esprit. Si bien qu’on peut dire que Dieu est à la fois Père et Mère. Si vous lisez le livre du prophète Osée, dans l’Ancien Testament, vous verrez que Dieu s’adresse à son épouse infidèle, c’est-à-dire au peuple que Dieu a choisi pour se révéler comme étant l’Unique Dieu, mais ce peuple, épouse de Dieu, est devenu une épouse infidèle et ingrate qui se tourne encore vers d’autres soi-disant dieux, en réalité des idoles. Dieu parle alors à cette épouse infidèle avec une telle tendresse et une telle délicatesse, comme seule une mère sait le faire. Ainsi Dieu est Père, plein de tendresse et d’amour comme une mère.

Si l’Ange du Seigneur s’adresse à Joseph c’est pour qu’il se mette au service de toute la famille, qu’il la conduise, la dirige et surtout la protège. Autrement dit, il est considéré comme le chef, et le chef c’est justement celui qui sert, qui se met au service des autres. Mc 10,42-45 : 42 « Les ayant appelés près de lui, Jésus leur dit : « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. 43 Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, 44 et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. 45 Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Le chef de famille n’est pas celui qui commande, qui réprime, qui fait marcher la famille au doigt et à l’œil, il n’est pas celui qui est autoritaire, mais celui qui aime et qui se met au service des autres.

Col 3,18 : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». C’est l’un des versets qui résonne rapidement aux oreilles des hommes dont certains prennent un plaisir certain à l’entendre, mais il est totalement incompris par bon nombre de personnes. Vous avez là un exemple où la formation à la lecture biblique est vraiment nécessaire. N’hésitez pas à vous former, par exemple au Sedifop dont les affiches sont fixées à l’entrée de l’église. Comment comprendre l’expression : « Femmes soyez soumises à vos maris ? ». On retrouve cette expression non seulement en Col 3,18 mais aussi en Ep 5,23-24 : « 23 … le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l’Église, lui le sauveur du Corps; 24 or l’Église se soumet au Christ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris »… Entendre cela aujourd’hui, c’est même dégradant pour la femme, mais pas à l’époque de Jésus. Bien au contraire.

1 – Le mot « soumission », placé dans son contexte, n’a rien d’humiliant et c’est ainsi que nous avons en 1 Co 15,28 : « Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous ». Nous voyons bien ici que le Fils est soumis au Père, et pourtant le Fils est l’égal du Père (Ph 2,6) « : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. », ou encore Jn 1,1-3 : 1 Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. 2 Il était au commencement auprès de Dieu. 3 Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut ». Le Fils soumis au Père est pourtant l’égal de Dieu. Dieu le Père n’est pas un tyran vis-à-vis de son Fils, de même que le Fils n’est pas un tyran face à l’être humain, ainsi de même l’homme ne doit pas être un tyran vis-à-vis de la femme. Bien au contraire.

2 – Cahiers Evangile N°126 – P. 43 : « Lorsque Paul dit en Ga 3,27-28 : « Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : 28 il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus », Paul met fin aux privilèges religieux du Juif par rapport aux païens, fin aux privilèges du citoyen par rapport à l’esclave, fin aux privilèges de l’homme par rapport à la femme.  C’est là que réside la nouveauté de Paul : le baptême abolit les privilèges et les rôles fixés par…la société. L’humanité sauvée (par le sacrifice du Christ) se caractérise par une parfaite égalité de droits entre tous les hommes ». CEC 369 « L’homme et la femme sont créés, c’est-à-dire ils sont voulus par Dieu, dans une parfaite égalité en tant que personnes humaines…». La femme est l’égal de l’homme…depuis la Création. Le monde est bien en retard par rapport à ce que nous a dit Dieu depuis la Création.

3Le Cahier de l’Evangile n°82 – P.62 ajoute une autre explication : Le mot « soumettre » (dans le mot grec « Hypotassein » il y a « hupo » = sous, et « tasso » « τασσω » = placé dans un certain ordre) signifie « placer sous » (placer en dessous ; ranger en dessous), et c’est donc l’idée d’ordre, d’organisation, de rangement, de classement qui s’impose et non l’idée de domination. Bien plus, comme le Christ a donné sa vie pour son épouse qui est l’Eglise, l’homme doit aimer son épouse comme le Christ aime son Eglise ; et comme le Christ s’est sacrifié par amour pour son Eglise, l’homme doit aimer son épouse au point d’être capable de se sacrifier aussi pour elle, à l’exemple du Christ. En Col 3,19, 2ème texte d’aujourd’hui, l’expression « maris, aimez vos femmes » doit être comprise de la manière suivante : « Maris, aimez vos femmes » au point d’être prêts à vous sacrifier pour elles, à donner votre vie pour elle. Et quand on connaît le nombre de femmes assassinées par leurs maris – on parle de « féminicide » – , il est bon de rappeler que le chrétien doit se comporter en chrétien véritable. Le rôle de chef se fonde sur l’amour et le don de soi-même et non pas sur le fait de « commander » l’autre. C’est ce que Paul nous dit, à sa manière, en Col 3,12-14 : « 12 Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés (c’est-à-dire tous les fidèles), revêtez des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience; 13 supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour. 14 Et puis, par-dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection. ». Col 3,15-17 : « …Enfin vivez dans l’action de grâces! 16 Que la Parole du Christ réside chez vous en abondance …. 17 Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père! » C’est également ce que nous dit Saint Jean de la Croix (repris par la Pape François dans « Gaudete et Exultate » – P.99)  : « …efforcez-vous d’être constamment en oraison, ne la délaissant pas même au milieu de vos exercices corporels. Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous parliez, … ou que vous fassiez quelque autre chose, désirez Dieu sans cesse et dirigez vers lui l’amour de votre cœur, car c’est une chose très nécessaire pour la solitude intérieure. Celle-ci demande que l’âme ne s’arrête à aucune pensée qui ne soit dressée à Dieu (= « adressée à Dieu », donc ne pas arrêter sa pensée sur autre chose que Dieu), et qu’elle laisse dans l’oubli toutes les choses qui existent et qui passent en cette brève et misérable vie. En aucune ma­nière ne cherchez à savoir (autre) chose que ce soit, mais uniquement comment vous pourrez servir Dieu davantage et mieux obser­ver les devoirs de votre institut (ou encore » mieux observer les devoirs d’enfants de Dieu ») ». Et tout cela pour le bien de la famille comme le faisait probablement la sainte famille elle-même.

En Siracide, premier texte d’aujourd’hui, Dieu insiste sur le fait qu’il faut honorer le père et la mère. C’est aussi le 4ème commandement de Dieu dans la loi donnée à Moïse, placé juste après les premiers trois commandements concernant Dieu. C’est dire l’importance de ce 4ème commandement : « Honore ton père et ta mère ». Le chrétien doit honorer ses parents, c’est-à-dire prendre soin d’eux. Si 3,12 : « 12 Mon fils, viens en aide à ton père dans sa vieillesse, ne lui fais pas de peine pendant sa vie. 13 Même si son esprit faiblit, sois indulgent, ne lui manque pas de respect, toi qui es en pleine force. 14 Car une charité faite à un père ne sera pas oubliée, et, pour tes péchés, elle te vaudra réparation ». Ce qui est dit pour le père est aussi valable pour la mère et les grands parents. Nous savons tous qu’il faut beaucoup de courage, de patience et d’amour pour venir en aide aux personnes âgées. Ceux et celles qui honorent leur père et leur mère, avec amour et patience, forcent notre admiration. Père Bernard Sesbouë nous dit (« Croire » – P.286 : la croix du Chrétien) : « Porter sa croix apparaît ici comme la manière nécessaire de « suivre Jésus ». Le faire exige un renoncement à soi-même. Mt 10,39 : « qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera ». Et prendre soin de ses parents très âgés conduit, en quelque sorte, à « perdre sa vie » pour le Seigneur. Il n’y a pas de plus bel amour que de donner sa vie pour quelqu’un. Père Bernard Sesbouë nous le dit : « La croix est devenue inséparable de Jésus : on ne peut être avec Jésus sans être avec Jésus crucifié ». Prions Marie, notre Sainte Mère, pour qu’elle nous donne de pouvoir honorer nos parents chaque jour selon les recommandations du Seigneur et de nous donner le don, la patience et la force d’aimer nos pères et mères jusqu’à leur dernier souffle. Quelles que soient les responsabilités du chrétien laïc non-religieux au sein de l’Eglise, il est bon de rappeler que son 1er devoir est la famille, et après seulement, le service de l’Eglise. « Une charité faite à un père ou à une mère ne sera pas oubliée, et, pour tes péchés, elle te vaudra réparation ».

Saint Jean de la Croix – « Œuvres complètes » – Tome II – P.1018 et repris par le Pape François – « Gaudete et Exsultate » – §148 – P.99

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