« Bartimée »
On connaît son nom, contrairement à beaucoup de personnes qui ont été guéries par Jésus, dont on ne connaît rien. Si on a retenu son nom, c’est sans doute parce que, par son exemple, il a fait du bien à beaucoup … et son exemple doit encore nous parler …
Dans ce récit, on retiendra trois personnages : Jésus, Bartimée, et la foule (y compris les disciples de Jésus).
Bartimée est aveugle, il mendie, assis au bord du chemin, à la sortie de Jéricho, à l’écart des autres, isolé socialement par son handicap.
Il ne voit pas, mais il entend bien le bruit de la foule qui passe, le bruit des pas et les parlotes des uns et des autres. Il demande : « Que se passe-t-il ? », et on lui répond : « C’est Jésus de Nazareth qui passe ».
Il en avait entendu parler, comme tout le monde. Il appelle : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! », lui donnant sa véritable appellation de Messie, contrairement à la foule.
Pourtant, cette foule qui suivait Jésus l’avait entendu parler, et si on ne sait pas ce que Jésus disait ce jour-là, on connaît son enseignement : « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » (Mc 2,17), ou d’autres phrases qu’il reprenait dans la loi : « le Seigneur votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, vaillant et redoutable… C’est lui qui rend justice à l’orphelin et à la veuve, qui aime l’immigré. » ( Dt 10,17-18) ou dans les psaumes : « Rendez justice au faible, à l’orphelin ; faites droit à l’indigent, au malheureux. Libérez le faible et le pauvre, arrachez-les aux mains des impies. » (Ps 81,3-4).
Et la foule passe, en laissant Bartimée sur le bord du chemin, sans faire attention à lui …
« Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas ! » (Jr 5,21).
Pire même, quand Bartimée crie trop fort, on le fait taire : « Cesse d’importuner le maître ; avec tes cris on n’entend plus ce qu’il dit ! »
Ils ne pensent qu’à eux !…
Heureusement, Jésus l’entend. Il s’arrête. Le fait appeler, plein de miséricorde.
La foule, versatile, change de position : le maître a parlé, appelle Bartimée, alors maintenant, on fait attention à lui, on lui parle avec respect : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. »
Cette même foule qui acclamait Jésus à son entrée à Jérusalem avec des rameaux, et qui demandera sa mort cinq jours après, une fois qu’il sera livré aux Romains …
Ne sommes-nous pas trop souvent comme cette foule ? Qui varie en fonction du dernier qui a parlé, qui se met souvent du côté de celui qui semble le plus fort !
Qui s’intéressait véritablement aux migrants avant que le pape François aille vers eux à Lampédusa ?
Qui s’intéressait véritablement à la planète, « notre maison commune », avant l’encyclique Laudato Si’ ?
Qui fait un compte chaque jour avec ceux qui restent au bord du chemin ? Les clochards, les sans-abris, les sans-emplois, les ivrognes … ?
Il y a quelques cinquante ans, le père Aimé Duval chantait déjà :
« O vous qui cherchez le Bon Dieu dans les nuages,
vous ne verrez jamais son visage !
O vous qui cherchez le Bon Dieu dans les nuages,
vous manquerez encore son dernier passage ! »
A-t-on changé notre mentalité ?
Alors Bartimée se lève, ou plutôt ’’bondit’’, Il laisse sur place tout ce qu’il avait, son manteau, ce qui le protégeait du vent, du froid … son seul confort …
« Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants, une terre ou un manteau sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. » (Mc 10,29-30).
« Il court vers Jésus » ! A-t-on jamais vu un aveugle courir dans une foule ? blackboulé, heurtant l’un, bousculant l’autre, risquant de tomber à chaque instant, il n’a qu’un seul but : se trouver près de Jésus !
Et là, chose surprenante, Jésus lui demande ce qu’il veut !
Bien sûr, il le sait. Et c’est évidant pour tout le monde. Mais Jésus ne voulait pas lui donner satisfaction sans qu’il ne le lui demande ; il voulait permettre à Bartimée de dire lui-même ce qu’il voulait, sans doute depuis quelques temps déjà, depuis qu’il avait entendu parler de Jésus, de ses paroles, de ses guérisons … Ce qu’il attendait, qu’il espérait depuis peut-être plusieurs mois …
Retenons l’attention de Jésus envers les personnes.
Il n’y a rien de pire que de donner satisfaction à quelqu’un avant qu’il ne le demande. La personne se sent alors frustrée, dévalorisée, mis au rang de rien du tout… même si cela lui coûte de demander. Mais en demandant, elle fait un pas en avant qui est important pour elle.
« Ta foi t’a sauvé. »
Et non pas « Ta foi t’a guéri ». C’est toute la personne de Bartimée qui est sauvée : son corps, son esprit, son âme.
Et on s’en rend bien compte : « Et il suivait Jésus sur le chemin. »
Pour Bartimée, c’est une conversion radicale qui se produit. C’est un homme nouveau qui naît.
« Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité. » (Eph 4,24)
Bartimée n’avait plus de manteau, mais il revêt le Christ …
Trois personnes : Jésus, Bartimée, et la foule.
On risque fort, en réfléchissant sur ce passage de l’Evangile, de n’y voir que deux personnes : Jésus et Bartimée, et de négliger la foule.
Mais nous, nous sommes dans la foule …
Nous réagissons bien souvent comme la foule …
Reprenons un autre refrain du père Duval :
« Le Seigneur a frappé à tes volets,
Ami, ami, ami, ami.
Le Seigneur a frappé à tes volets,
Mais toi, tu dormais ! »
Seigneur Jésus,
Nous te regardons souvent faire dans les évangiles…
Mais donne-nous TON regard,
que nous voyions ce que toi tu vois,
que nous réagissions en fonction
de ce que nous voyons,…
comme toi, tu le fais.
Francis Cousin
Pour accéder à cette prière et à son illustration cliquer sur le titre suivant : Prière dim ord B 30° A6