19ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)
Inutiles mais accueillis
Dans l’évangile de saint Luc (17, 8), nous lisons la péricope des serviteurs inutiles. Le Seigneur y développe ce thème : lorsqu’un serviteur a accompli son travail dans les champs et revient dans la maison le maître lui dira : « Maintenant, passe le tablier, ceins-toi les reins et sers-moi à manger ». Et le Christ de commenter cet épisode en disant : à ce moment-là, le serviteur n’aura aucune récrimination à faire, mais il devra confesser simplement qu’il est un serviteur inutile, qu’il n’a fait que ce qu’il avait à faire.
Aujourd’hui, en apparence contradictoire, nous entendons cette autre péricope dans laquelle le Christ dit que le maître parti de la maison pour fêter des noces, si à son retour il trouve les serviteurs en train de veiller, à ce moment-là, c’est le Maître Lui-même qui décidera, dans la joie de retrouver sa maison, de prendre Lui-même le tablier, de faire asseoir ses serviteurs à table et de leur servir à manger. Ces deux paraboles nous paraîtraient presque contradictoires et irréconciliables si, en réalité, nous ne les référons pas à un même et unique mystère, qui est le mystère de l’amour et de notre relation avec le Seigneur.
En effet, qui dit aimer, dit essentiellement ne pas compter. Et nous qui sommes sur cette terre, qui sommes les serviteurs qui la plupart du temps d’ailleurs travaillons au champ au lieu de travailler dans la maison du Père, lorsque nous rentrons dans la maison, c’est vrai que le Père, le Maître de maison nous demande encore de le servir. Mais c’est parce que nous, nous ne devons pas compter, si vraiment nous aimons. Et parce que maintenant, nous vivons cette face cachée de notre amour de Dieu, parce que, en ces jours « ce que nous sommes n’a pas encore été révélé, vraiment manifesté », nous vivons sur le mode de la peine, sur le mode du service, mais ce qui compte c’est de vivre ce service sans mesurer, sans calculer. Parce que nous sommes au Seigneur, parce que nous l’aimons et que Lui nous aime, nous n’avons pas à mesurer. A ce moment-là, nous ne serions plus des serviteurs de la maison et même d’une certaine manière, nous renierions l’identité de notre Maître. Si nous calculions notre peine et si nous mesurions notre désir d’aimer, c’est que nous n’aimerions pas un maître qui est infiniment bon qui, Lui, ne calcule pas.
Et c’est pourquoi, lorsque nous entrerons, définitivement dans la maison, le Maître nous révélera toute la joie qu’il y avait à le servir. Au moment où, ayant servi en veillant, en attendant, et qu’à ce moment-là, le Maître rentrera dans notre maison, que le Maître nous accueillera chez Lui, alors nous comprendrons vraiment que, Lui aussi, sans que nous nous en soyons rendu compte auparavant, était là sans cesse, en train de nous servir, de nous préparer une table, de nous préparer une place, de nous préparer la joie de nous aimer l’un l’autre.
Oui, en réalité ces deux paraboles ne font que manifester, l’une, la face cachée de notre amour, ici-bas sur terre. Nous aimons le Seigneur en nous donnant totalement à la tâche, sans rien réclamer, parce que c’est vrai que notre amour est peu de chose et que, tout compte fait, nous sommes des serviteurs inutiles. Et l’autre parabole, révèle cette face de gloire de l’amour, lorsque le Seigneur Lui-même nous apprendra et nous fera voir face à face comment Il a été, sans cesse, notre serviteur, qu’Il était sans cesse en train de nous inviter et de nous faire asseoir à sa table, alors même que souvent nous ne nous en rendions pas compte.
Nous qui avons cette joie de venir chaque semaine nous asseoir à la table du Seigneur et d’y recevoir son corps et son sang, puissions-nous réaliser ce double aspect de l’unique amour de Dieu : par rapport à cet amour, nous sommes des serviteurs inutiles mais dans notre inutilité nous sommes déjà accueillis et lorsque nous croyons servir, c’est déjà Dieu qui nous sert. Amen.