La Pentecôte (Jn 20, 19-23)- Homélie du Père Louis DATTIN

Fruits de l’Esprit

Jn 20, 19-23

 

Cinquante jours après la fête de Pâques, voici la Pentecôte : fête de l’Esprit. Elle éclate comme un extraordinaire point d’orgue ! Merveilleux Esprit ! Comment le résumer et dire en un mot ce qu’il est ? Dire qui il est ? Mais, à peine prononcé, les synonymes accourent : l’Esprit, c’est la création, la nouveauté, l’élan, l’audace, la force, la liberté. L’Esprit est tout cela !

 

Me permettez-vous d’égrener dans sa longue litanie, quelques-uns des titres que je préfère ? Tout d’abord, l’Esprit est une force qui traverse tous les obstacles sans s’en apercevoir avec une sorte d’innocence : force qui fait passer les portes verrouillées de la pièce où se trouvent nos apôtres peureux.  Nietzsche compare l’homme à un chameau qui ploie sous les fardeaux dont il est chargé, puis il devient un lion lorsqu’il se révolte, qui s’insurge et s’affirme en s’opposant, puis, dans un troisième temps, il devient un enfant capable de vaincre toutes les difficultés avec une espèce d’innocence et de facilité, comme en s’en moquant. L’Esprit, c’est cette force enfantine en nos cœurs.

L’Esprit, c’est lui qui nous permet de vivre les Béatitudes de Jésus, de respecter les pauvres, de consoler les malheureux, de nourrir les affamés, de ne pas ridiculiser les purs, c’est-à-dire ceux qui n’entrent pas dans les combines, d’aider les artisans de paix.

C’est lui qui est présent chaque fois que l’homme est créateur de beau, de bien, de vrai.

Lui qui est présent à chacune de nos eucharisties car chaque eucharistie est son œuvre, lui seul est capable de faire de notre pain et de notre vin le corps et le sang du Christ.

Lui seul peut faire de nous un seul corps.

L’Esprit, c’est encore Dieu qui sort de lui-même, qui crée, qui se donne, c’est-à-dire tout le contraire de ce Dieu caricature :  » éternel célibataire des mondes « .

L’Esprit, c’est le nom missionnaire de Dieu, son envoyé spécial, permanent, universel auprès des hommes.

L’Esprit, surtout, c’est l’avenir de Dieu et des hommes et des hommes ensemble. C’est le souffle de leur aventure commune, c’est ce qui n’est pas encore dit, pas encore fait. C’est notre vie de demain, plus belle qu’hier et meilleure encore.   C’est d’ailleurs ce qui nous fait un peu peur dans l’action de l’Esprit Saint : tout ce souffle, toute cette aventure, tout cet élan qui nous pousse en avant, qui pousse Pierre sur le balcon de la chambre haute et le fait s’adresser avec une audace inouïe à une foule cosmopolite où chacun l’entend dans sa propre langue  et  qui provoque, ô merveilleuse homélie, 3000  conversions à l’ « Amen » final.

Eh oui, l’Esprit, si nous le faisons entrer dans notre vie, risque de nous déranger, de secouer nos routines, de casser nos habitudes ; ce qui faisait dire à Claudel, non sans humour, dans une prière à l’Esprit Saint : « Esprit de Dieu, fermez mes fenêtres et mes volets, je crains les courants d’air ».

C’est par une violente tempête, avec un bruit pareil à un violent coup de vent, que s’est manifesté l’Esprit Saint. Quand on reçoit l’Esprit de Dieu, quand on l’accueille vraiment, on ne peut plus se contenter de dire et de faire ce que l’on a dit et fait avant. L’Esprit est subversif. Il se moque des barrières que l’on a dressées, des frontières établies. Comme le dit Jésus à Nicodème :

« Il souffle où il veut et on ne sait ni d’où il vient, ni où il va ».

S’il trouve notre porte ouverte, une faille dans notre cœur, nous risquons d’être emporté par lui dans une expédition spirituelle qui nous mènera Dieu sait où…

Rappelons-nous les débuts de l’Eglise, ce qu’il a fallu de courage et de lucidité aux premiers chrétiens pour prendre le large par rapport à la loi juive, pour s’ouvrir aux païens. On se demandait s’il ne suffisait pas d’entrouvrir la porte pour que quelques hommes de bonne volonté se faufilent et encore  voulait-on leur imposer la loi juive et la circoncision et puis le 1er Concile de Jérusalem tranche la question : « On passe aux Barbares » et le document final commence par cette formule stupéfiante : « L’Esprit Saint et nous, avons décidé… ».

L’Eglise fut obligée de passer au monde grec et à sa culture. Puis elle a abordé Rome : elle aurait bien voulu s’arrêter là, se stabiliser enfin. Mais il y avait toujours des inspirés qui venaient la secouer, la déranger et lui dire qu’il fallait continuer à s’étendre.  Décidément, il  y a peu de chances   que   l’Esprit  Saint   nous  installe   dans   une   situation  confortable   et   nous   fasse  marcher peureusement vers l’avenir.

Je pense à l’aventure de Cyrille et de Méthode, ces 2 frères qui, au 9e siècle, partent en Europe Centrale et inventent l’alphabet slave pour pouvoir traduire la Bible,  à Nobili aux Indes,  à Ricci en Chine qui intègrent la liturgie à la culture de ces pays-là et l’on s’effraie à Rome : ils vont faire des erreurs.

Finalement, on leur donne raison et l’Eglise s’ouvrira au monde slave, au monde indien ou chinois. Je me rappelle encore la panique de certains prêtres lorsque St-Jean XXIII annonça le futur Concile de Vatican II : on va nous changer la religion !

Mais l’Eglise est un corps vivant, comme celui d’un adolescent qui grandit, qui se transforme, qui se modifie de jour en jour, qui perd son harmonie d’hier pour essayer de trouver un équilibre nouveau qui ne sera encore que provisoire. Ainsi en va-t-il de la vie qui ne s’arrête de se modifier ou de se transformer que pour mourir. Il n’y a que ce qui est mort, qui ne bouge plus parce que l’Esprit l’a abandonné.

  Et pour finir, je voudrais aussi citer un autre fruit de l’Esprit : celui de l’unité. Ce thème de l’unité, je ne sais si vous l’avez remarqué, est présent dans les trois lectures de notre messe d’aujourd’hui.

Esprit d’unité, Esprit qui rassemble et qui fait battre les cœurs au même rythme, au rythme de l’amour de Dieu.

 A en croire St-Paul, c’est le principal fruit de l’Esprit, mais c’est un fruit difficile à produire. Peut-être est-ce pour cela que c’est l’Esprit Saint qui s’en est spécialement chargé : il y a  Babel, où personne ne comprenait plus ce que voulait dire l’autre.

La Pentecôte, c’est l’anti-Babel où chacun avec sa langue comprend le message de Dieu. Tout le monde se comprend et chacun garde sa langue : Esprit d’unité qui respecte les différences de chacun tout en établissant la communication de tous.

Puisse cette Pentecôte renforcer notre unité dans nos diversités. AMEN

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