19ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 14, 22-33) – Homélie du Père Louis DATTIN

Marche sur les eaux

 Mt 14, 22-33

 

Tous les dimanches de cette période liturgique sont centrés autour du même thème : LA FOI, base de départ de toute vie chrétienne.

Comme nous l’a raconté l’Évangile de dimanche dernier, Jésus vient de multiplier les pains. La foule est enthousiaste : elle veut même le faire roi. Pensez donc, un Messie, un homme politique qui résoudrait les problèmes économiques ! Déjà, à cette époque, on n’avait jamais vu ça :  » Le pain quotidien assuré tous les jours ! Il n’y a qu’à le suivre et la subsistance est assurée ». Si bien que Jésus est obligé de renvoyer cette foule.

Mais, d’autres aussi, sont enthousiastes : ce sont les apôtres. Ils ont présidé à la distribution des pains et des poissons, on leur disait « merci ». Ils étaient les ministres du miracle : ils se voyaient déjà au budget, aux affaires économiques et sociales. Aussi l’Évangile nous dit que Jésus fut obligé de faire monter ses disciples dans une barque pendant qu’il renverrait lui-même la foule.

* La 1ère leçon que nous pouvons tirer de ce passage, c’est qu’une foi qui naît dans l’enthousiasme, dans la ferveur de la sensibilité, dans la joie du merveilleux n’est pas encore une foi solide : c’est une foi qui n’a pas été mise à l’épreuve, qui n’a pas encore été fortifiée par la difficulté, « il n’est pas difficile de croire à la lumière tant que l’on est en plein jour ». Il n’y a aucun mérite à cela. C’est une évidence, ce n’est pas encore une foi.

Mais lorsque la nuit tombe, que nous nous trouvons dans l’obscurité, que nous sommes au milieu du tunnel, alors, là, oui, la foi, la vraie, celle qui continue de croire malgré le manque d’évidence, contre l’évidence, commence à se fortifier dans notre cœur.

Etes-vous sûrs, mes frères, de la solidité de votre foi ?… Si jamais vous n’avez jamais connu de difficultés majeures, s’il n’y a jamais eu d’échecs dans votre vie, de vents contraires, d’épreuves pénibles, vous ne pouvez pas répondre, ce serait téméraire.

Si, par contre, il y a eu dans votre existence, des passés difficiles, des coups durs, des moments de désarroi, des périodes de doute et d’angoisse et que vous avez tenu le coup, calmement, fermement, faisant quand même confiance au Seigneur, alors certes, vous pouvez dire qu’avec l’aide de Dieu, cette foi est ancrée en vous. « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».

C’est dans l’épreuve que notre foi s’affermit.

Et voilà donc nos apôtres dans la nuit, avec une mer mauvaise et des vents déchainés. Tous marins qu’ils sont, ils ne sont pas fiers. La barque est en plein milieu de ce lac, parfois redoutable. Les vagues étaient très grosses et c’est toute la nuit qu’ils essuient la tempête. Ils sont fatigués.

Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer et c’est la panique sur la barque. « C’est un revenant ! »

L’Évangile nous dit que la peur leur fit pousser des cris.

Cette tempête, mes frères, ces vents contraires, cette fatigue du milieu de la nuit, vous l’avez reconnue : ce sont nos épreuves à nous.

Qui, parmi nous, n’a pas ses problèmes, ses difficultés, ses doutes, des situations pénibles et qui semblent interminables ?

Qui, parmi nous, au milieu de ses épreuves, en pleine détresse, n’a pas, lui aussi, intérieurement ou non, poussé des cris dans la prière ou dans la révolte.

« Trop, c’est trop Seigneur, délivre-nous du mal… ne nous laisse pas succomber ».

Et comme, parfois, Dieu nous paraît loin, étranger, absent, dans ces moments de détresse ! Ce qui fait dire à bien des gens :

« Si Dieu existait, il ne permettrait pas cela ». « C’est un fantôme », disent les apôtres. Ils ne voient pas Jésus. Ils ne savent pas que c’est lui qui est là. Ils ne le reconnaissent pas !

 

* C’est d’abord la leçon que nous avons à tirer de cet Evangile : trop souvent, au sein de nos difficultés, dans les moments difficiles, nous nous croyons tout seul et nous essayons de nous en tirer tout seul. Or, Jésus est là, à côté de nous, veillant sur nous, allant à notre rencontre. Et loin de nous en remettre à lui, de lui faire confiance, nous paniquons. Nous ne reconnaissons pas le Seigneur dans l’épreuve, nous manquons de foi. Nous ne sommes pas du tout persuadés qu’il est là, prêt à nous prêter main forte. C’est peut-être le moment où nous nous croyons le plus seul, le plus réduit à nos propres forces, que le Seigneur est le plus proche et le plus disponible pour nous remettre en confiance.

D’ailleurs, c’est exactement ce qu’il fait et ce qu’il leur dit : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! » La foi, c’est avant tout cela : faire confiance, ne pas avoir peur dans l’épreuve car nous savons que le Christ est là : « C’est moi, n’ayez pas peur. »

Pour celui qui a la foi, Dieu n’est pas un fantôme. C’est « le compagnon » d’épreuves, celui vers qui l’on tourne son regard dès que le vent se fait mauvais, dès que l’épreuve commence. Un enfant dans la difficulté, vous le savez bien, vous parents, instinctivement, criera : « maman – papa » parce qu’il sait qu’ils l’aiment et qu’ils peuvent lui porter secours, au prix même de leurs propres vies. Dieu, Père, le Christ, notre frère, eux qui sont amour total, n’agissent pas autrement que, nous, parents, qui pourtant, nous le savons bien, ne sommes pas parfaits.

Alors Pierre veut tester, non pas sa foi mais la puissance du Seigneur :

« Si c’est bien toi, ordonne-moi de venir à toi, sur l’eau ».

Jésus lui dit : « Viens ».

On peut, au passage, saluer le courage de Pierre.

Avez-vous déjà vu un marin enjamber le plat bord de sa barque, et cela par gros temps, pour vérifier ses hallucinations, simplement pour en avoir le cœur net ? Pierre descend donc et marche sur les eaux pour aller vers Jésus : vers Jésus. Tant qu’il regarde le Seigneur pour aller vers lui, tout va bien : il marche… Tant qu’il ne pense qu’à Jésus, qui est en face de lui et qu’il est en train de rejoindre, il avance, sans problème. Mais soudain, il prend conscience de sa situation périlleuse et au lieu de penser à Jésus et de regarder vers lui, il regarde autour de lui : l’eau, le vent, les vagues.

Alors, il prend peur et commence à enfoncer.

  * Voici une autre leçon pour notre vie de foi : nous avons vraiment la foi aussi longtemps que la présence du Christ dans notre vie nous parait plus importante que les épreuves qui nous assaillent. La foi est avant tout une priorité donnée au Seigneur dans notre vie difficile, mais si nous commençons à accorder plus d’importance à des affaires matérielles, intellectuelles, sentimentales ou physiques qu’au Seigneur lui-même, alors nous commençons à couler, à nous enfoncer.

« Dieu, premier servi », pouvait-on lire sur l’étendard de Jeanne d’Arc. C’est sans doute, parce qu’elle avait les yeux fixés sur le Seigneur, et non sur les Anglais ou sur les armes qui étaient braqués contre elle, que Jeanne fut si vaillante au combat et qu’elle forçait l’admiration de ses compagnons d’armes.

La force et le courage de notre foi ne peuvent s’expliquer que par notre regard intérieur fixé sur le Seigneur. C’est dans la prière, dans la contemplation, dans la méditation de sa parole que nous puiserons notre vie de foi, pas ailleurs !

Si au lieu de nous tourner vers lui, nous commençons à penser à nous, à nos petites sécurités, à recourir à nos propres forces, alors, nous faisons comme St-Pierre, nous coulons, nous commençons à enfoncer dans le marasme de nos difficultés, de nos doutes, de nos problèmes.

« Je peux tout, en celui qui me fortifie », disait St-Paul… oui, je peux tout, car c’est vers Dieu que je regarde et que « rien n’est impossible à Dieu ». Quand j’en serai vraiment persuadé alors j’aurai vraiment la foi : tout miser sur Dieu sans essayer de me reprendre.

Mais St-Pierre a la bonne réaction. Commençant à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! »

De nouveau, il regarde vers Jésus. Nous aussi, quand rien ne va plus, que nous commençons à enfoncer, que la situation devient intenable, crions comme St-Pierre : « Seigneur, sauve-moi ! » Prière du cœur, prière de confiance dans la détresse, prière du Christ lui-même à l’heure de la Croix :

« Père, je remets mon âme entre tes mains ». « Moi, je ne peux rien, toi, tu peux tout ; je m’en remets totalement à toi ».

Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

A chaque fois que nous faisons confiance, que nous nous en remettons à Dieu, chaque fois, il nous tend la main ; chaque fois il nous saisit ; chaque fois, il nous tire de nos mauvais pas.

Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. Déjà, dans la première lecture, nous avons pu constater avec le prophète Elie : que Dieu n’était pas dans l’ouragan, dans le tremblement de terre, ni dans le feu mais dans le murmure d’une brise légère. Dieu se trouve dans le calme, le silence, la sérénité de la foi.

Alors, avec ceux qui étaient dans la barque, nous nous prosternons, nous aussi, et nous disons avec les apôtres : « Vraiment tu es le Fils de Dieu ! » AMEN

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