21ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 16, 13-20)- Homélie du Père Louis DATTIN

Confession de Pierre

Mt 16, 13-20

Il y a des moments de l’existence, moments privilégiés, où l’on sent le besoin de faire le point, de dresser un bilan, après une entreprise, une aventure déroulée, une action engagée. Il semble bien que le Seigneur Jésus, quand il arrive à Césarée de Philippe, en soit arrivé là : cela fait maintenant des mois qu’il enseigne aux foules, mais aussi aux disciples ; des mois que ces derniers le voient faire des miracles, des guérisons, des actes de bonté, de patience.

Que reste-t-il de tout cela ? Les apôtres en sont-ils venus à une conviction intime ? Et leur foi : où en est-elle ? Est-elle déjà solide ou encore fragile ? Et les foules qui l’ont accompagné, quelles opinions se font-elles sur lui ?

Aussi, Jésus va-t-il faire un test : il leur pose des questions, test collectif d’abord : « Le fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? » Là, les apôtres ne se sentent pas encore trop concernés. Ils disent volontiers ce qu’ils ont entendu autour d’eux. Et c’est curieux : Jésus n’est jamais pris pour lui-même. A chaque fois, on le compare à quelqu’un du passé, récent ou lointain. On a du mal à aborder le nouveau, l’original, le « jamais vu ». On préfère plutôt croire aux revenants : “ Jean-Baptiste ’’ qui vient d’être assassiné par Hérode, ‘’ Elie ‘’, ‘’ Jérémie ‘’ ou encore ‘’ l’un des prophètes ‘’.

C’est bien vague ! Ce n’est encore qu’une foi bien incertaine, bien floue, des  » on dit « approximatifs.

Aussi Jésus va-t-il les forcer dans leur retranchement, les amener à dire ce que, eux-mêmes, ils pensent vraiment : « Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, qui se met facilement en avant, se fait assez vite le porte-parole des onze autres, qui n’étaient pas bien bavards avant la Pentecôte. Pierre donc, qui a osé sortir de la barque pendant la tempête pour aller à la rencontre de Jésus, Pierre lui dit : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ».

Jésus est étonné, admiratif même : il n’en revient pas ! Ce n’est pas possible ! Il n’a pas trouvé cela tout seul ! « Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas, ce n’est pas la chair et le sang (c’est-à-dire toi-même), qui a révélé cela mais mon Père qui est aux cieux ».

Et c’est vrai, ce n’est pas de lui, c’est déjà l’Esprit Saint en lui qui agit et qui proclame que Jésus est Seigneur… Ainsi, en est-il encore de l’Église aujourd’hui. Oh ! Elle nous paraît bien humaine cette Église, pleine de pécheurs, de gens bien médiocres, bien terre à terre… et pourtant… et pourtant… ce n’est pas  » la chair et le sang  » qui parle par elle, mais l’Esprit Saint qui manifeste la divinité du Christ ! Et ceux qui disent, en se fiant aux apparences, en n’ayant pas la foi : « Moi, je crois au Christ, mais je ne crois pas à l’Église » font preuve du même scepticisme, du même étonnement que Jésus entendant Pierre faire sa déclaration.

Mais Jésus, lui, reconnaît immédiatement celui qui fait parler Pierre : « Ce n’est pas toi qui parles, c’est mon Père qui est aux cieux », tandis que celui qui veut faire une distinction facile entre Jésus et l’Église se trompe en ne reconnaissant pas, en ne voulant pas reconnaître, ce que le Père et l’Esprit de Jésus disent et proclament par l’Église.

Attention, ne nous trompons pas. Pas d’erreur : ce que l’Église actuelle, enseigne, dit, proclame, déclare, n’est pas simplement le fruit de quelques cogitations de la Curie romaine ou de prélats plus ou moins doués, c’est Dieu lui-même qui parle à travers la chair et le sang de Pierre. C’est l’Église, porte-parole de la volonté de Jésus pour notre temps. Aussi ne pouvons-nous pas prendre la pensée de l’Église, comme une opinion possible, une option facultative, un point de vue intéressant, surtout quand l’Église parle de sa foi, de sa fidélité au Christ, de son amour du père ou lorsqu’elle commente le message de Jésus lui-même.

Il est bien certain que certaines directions de l’Église, préférences ou positions à l’égard d’événements occasionnels, conjoncturels, pour des situations d’époque, ou des contextes particuliers n’ont pas la même portée. Mais lorsque l’Église proclame sa foi, parle du message qui lui a été confié, c’est l’Esprit qui parle en Elle. C’est pourquoi l’on a dit que, dans certaines circonstances bien particulières, l’Église, par la voix du pape, devient  » infaillible « , car « ce ne sont pas sa chair et son sang qui lui ont révélé cela, mais notre Père qui est aux cieux ».

Maintenant que Jésus a entendu Pierre lui dire cela, sans rien lui avoir soufflé : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » maintenant, Jésus est persuadé, convaincu, que la future Église ne sera pas que humaine, soumise aux humeurs et aux opinions d’une époque, mais qu’Elle est habitée par plus grand qu’Elle, inspirée par un autre qu’elle-même.

Il sait maintenant que l’Eglise, quand Elle parlera de Dieu, sera le porte-voix, le haut-parleur du Père, du Fils et de l’Esprit.

Maintenant qu’il sait tout cela, qu’il en est sûr : Jésus va donner à l’Eglise son pouvoir ; à Pierre, son autorité. Elle va recevoir de Jésus lui-même sa mission.

Aussi Jésus, solennel, dit-il, devant les apôtres réunis : « Moi, je te déclare « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise », une Eglise d’hommes pécheurs certes, Pierre va continuer à pécher et dimanche prochain, nous entendrons Jésus le traiter de Satan : « Passe derrière moi Satan ». Pierre va aussi le renier au moment le plus important de sa mission : sa Passion-Résurrection : « Non, je ne connais pas cet homme ». Mais un Pierre aussi qui confirmera ses frères, qui parlera au nom de Jésus, le jour de la Pentecôte, baptisant ce jour-là environ trois mille personnes : premier noyau de l’Eglise. Pierre, qui lui aussi à Rome, quelques années plus tard, mourra martyr, en croix, la tête en bas, donnant sa vie pour celui dont il avait dit : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » et Jésus continue : « Cette Eglise aura toujours le dernier mot contre le mal, contre toutes les attaques dont elle fera l’objet », et Dieu sait si elle n’en a pas été privée ! Aujourd’hui encore! « La puissance du mal ne l’emportera pas sur elle » et Jésus va plus loin. Dès maintenant : il va lui confier les pouvoirs de Dieu, transmis à des hommes pécheurs certes, mais qui ont la foi : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ».

Les clefs : Jésus a dit dans l’Évangile qu’il était la Porte. Mais, de cette porte, c’est l’Église, c’est Pierre qui en a les clés. Il a donné à certains hommes ce pouvoir formidable, pouvoir divin de :

1) rendre Jésus présent sur la terre par l’Eucharistie,

2) les pardonner de leurs péchés par la Réconciliation

3) les faire naître à la vie de Dieu par le Baptême

4) leur parler par l’Esprit de Dieu par la Confirmation

5) les unir en Dieu par le Mariage

6) devenir prêtres de Dieu par l’Ordination

7) réconforter pour Dieu dans le Sacrement des malades

Jésus se défait de ses pouvoirs pour les donner aux hommes et c’est sur décision humaine que Dieu obéira et non le contraire. Écoutez bien : « Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux et tout ce que tu auras délié, toi Église, sera délié dans les cieux ! »

Pouvoir tel que ce n’est plus Dieu qui décide et qui juge mais l’Église elle-même à qui Dieu se ralliera ! Ce n’est pas étonnant que devant une telle déclaration de Jésus, Jeanne d’Arc, même ayant devant les yeux des juges d’une Eglise peu glorieuse, ait cette remarque pleine de foi : « M’est avis, c’est-à-dire : je pense, que Jésus-Christ et l’Eglise, c’est tout un ». AMEN

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