4ième Dimanche de l’Avent – Homélie du Père Louis DATTIN

Marie à l’approche de Noël

Luc 1, 26-38

           A Noël, tout commence avec cette jeune fille, on l’appelle « Marie », elle n’est même pas mariée et elle attend un enfant, mais personne n’en sait rien, pas même Joseph, son petit ami.

Le Fils de Dieu est donc né en dehors de la règle, en dehors de la loi. Marie a été mise, ou quelqu’un l’a mise, en dehors des règlements. Noël a commencé par une transgression. Nous admirons Marie pour sa tendresse, sa disponibilité, son cœur de mère, sa proximité : c’était certainement une femme merveilleuse. Mais d’abord, avant même tous ces événements, elle ne doit pas nous cacher son courage et sa lucidité : voilà une jeune fille, d’un petit village d’une centaine d’habitants où tout le monde se connaît, qui, en disant « oui » à Dieu, prend le risque de se faire excommunier, bien plus se faire tuer !

Vous connaissez le sort que l’on réservait à toutes ces femmes qui attendaient un enfant sans l’accord de la société : non seulement elles étaient rejetées de la société, expulsées, mais bien plus, selon la loi de Moïse, on les lapidait, tuées à coups de pierres. On voit d’ailleurs, dans l’Evangile, Jésus qui en sauve une, au dernier moment.

Dieu est né d’une femme qui a pris le risque de se faire tuer en disant « oui » à Dieu: elle risquait la mort, ni plus ni moins et nous chantons parfois, sans réaliser le danger, la menace « merci Marie d’avoir dit oui ».

Otons le bandeau de nos illusions, la venue de Dieu pour Marie n’a pas d’abord été un « cadeau merveilleux ». On comprend pourquoi Saint Luc nous dit qu’elle fut troublée, secouée par cette annonce en se demandant ce que signifiait cette salutation.

« Trouver grâce auprès de Dieu », n’est pas de tout repos et ce ne sont pas les martyrs qui nous dirons le contraire. Marie, la courageuse, Marie capable de dire oui à Dieu : « Qu’il me soit fait selon ton désir », alors que ce « oui » est pour elle, question de vie ou de mort : sérieux problème, question à vivre et à survivre, une situation à assumer. Marie, la femme courageuse, fait face : elle sait qu’en s’engageant dans cette aventure, sur la demande de Dieu, elle lui fait confiance totalement. La 1ère qualité de Marie, sa 1ère vertu, c’est sa foi : comme Abraham à qui Dieu demande la vie d’Isaac.

Elle répond « oui », signant un gros chèque sur l’avenir « Dieu y pourvoira ». Si Dieu me demande un tel engagement, il ne me laissera pas tomber, il sera toujours à mon côté : « advienne que pourra ».

Nous avons trop tendance, frères et sœurs, à faire, surtout à l’époque de Noël, des rêves merveilleux, doux, un peu en dehors de la réalité : cette étoile, ces mages, ces songes de St-Joseph. Noël : ce n’est pas seulement un beau rêve, c’est la réalité, toute crue, toute nue. Ce n’est pas le ciel seulement, c’est la terre, c’est la rue, c’est le ciel qui descend dans la rue, c’est le ciel qui se chausse avec nos savates de tous les jours. Noël : Dieu qui se fait homme. Supposez un instant que Joseph, se réveillant le matin après le songe et le message de l’ange, n’ait pas cru à ce songe et se soit dit : « Oh ! Tout ça, c’est des fantasmes. Elle attend un enfant qui n’est pas de moi, je n’ai rien à faire dans cette histoire. Cette Marie, je la laisse tomber, qu’elle se débrouille avec celui de qui elle attend un enfant ». Que serait-elle devenue ?

Marie aurait sans doute subi le sort de ces femmes d’Iran, d’Irak ou du Mali, qui aujourd’hui encore sont lapidées pour faute conjugale. A Téhéran, elles meurent sous les pierres des spectateurs le dimanche après-midi au stade municipal après le match de foot. En Afghanistan, elles sont mutilées par les talibans avant d’être exécutées.

Noël, pour Marie, ce fut un événement merveilleux mais également « périlleux ». On comprend pourquoi elle a dit à St-Luc, l’évangéliste « qu’elle gardait tous ces évènements dans son cœur ».

Méfions-nous de la poésie de Noël, de la féérie de Noël, des chants que l’on appelle des « Noëls » tendres et langoureux, des « contes » de Noël : Noël n’est pas un conte. C’est la dure réalité, une pénible incarnation de Jésus  qui n’a rien à voir  avec les flammes des bougies et les splendeurs des sapins en fête et les ambiances chaleureuses.

Nous devons placer Noël, non pas comme une fête de l’évasion du quotidien, mais au cœur des réalités humaines. C’est l’humain seul qui devient la terre de l’Evangile. Le visage de Dieu apparaît maintenant sous les traits d’un petit pauvre réfugié, miséreux, né dans un taudis, dans une mangeoire, dans la nudité, la crudité d’un décor misérabiliste. C’est pour cela que nous disons que c’est le « Mystère de l’Incarnation », naissance incompréhensible et même choquante. Dieu, à Noël, n’est plus dans l’idéologie en faillite, plus dans les sermons usés, mais dans la vie la plus dépouillée, la plus prosaïque, la plus sordide, plus proche des chiffonniers du Caire que les crèches des aéroports parisiens, imaginées par les grands couturiers.

Pour nous, frères et sœurs, il ne s’agit plus d’emballer Noël en cachant sous des guirlandes et des berceuses sucrées, la réalité derrière les étoiles en papier. Sachons reconnaitre la vraie beauté de Noël : c’est l’acte même de la naissance. Naissance qui est un commencement, naissance qui va déranger les habitudes familiales, les routines, tout ce qui n’est pas VITAL.

Allons à l’essentiel, dépassons le folklore : la gloire de Dieu n’est pas dans les cantiques (bien que les anges ne s’en privent pas pour réveiller les bergers) : elle est dans la réalité, « ils trouvèrent un nouveau-né couché dans une auge ».

Célébrer une naissance pour une famille, ce n’est pas faire de beaux discours sur la vie, c’est prendre des dispositions, poser des actes qui vont, peu à peu, faire grandir le nouveau-né dans une existence parfois dure, pénible, exigeante comme dans toute éducation.

 Ne rêvons pas notre vie. Ne faisons pas de Noël une parenthèse dans nos difficultés. Au contraire, greffons nos vies à cette lumière de Noël, cette lumière divine dont St-Jean nous parle dans son évangile, cette lumière véritable qui vient dans le monde et que les ténèbres ne veulent pas recevoir.

Quelques-uns l’ont accueillie (Marie, Joseph) et à ceux-là, Dieu a donné la possibilité de devenir « enfant de Dieu » sur la terre déjà, non pas « enfant virtuel », mais « enfant réel » et « nous le sommes vraiment ». AMEN

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