La Pentecôte – Homélie du Père Louis DATTIN

Recevez l’Esprit Saint

Jn 15,26-27 ; 16, 12-15

 

« Soudain, il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent. Toute la maison où ils se tenaient en fut remplie ». C’était la dernière chose à laquelle ils s’attendaient, ces douze hommes peureux, qui s’étaient enfermés, toutes portes closes et verrouillées. Ils étaient bien, là, tous ensemble, au chaud, calfeutrés dans une pièce du premier étage ; c’est plus sûr, avec toutes ces foules qui viennent pour la fête. Ils ne sont pas rassurés du tout : ils ont encore dans leurs oreilles, ces cris du vendredi Saint « A mort ! A mort ! Crucifie-le ! »

 

 

Pierre entend la servante lui reprocher : « Mais, toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! »

« Non ! Non ! Je ne le connais pas ».

Quand on a peur, c’est bien connu, on se rassemble, on se réunit dans la même pièce et l’on se met à prier ensemble.

Et voilà, maintenant, cet énorme souffle qui secoue toute la maison, ce vent qui se moque des portes et des fenêtres…

Et les voilà, nos douze apôtres comme emportés par ce souffle.

Ils sont toujours là, non plus assis, mais debout ; non plus recroquevillés sur eux-mêmes, mais allant ouvrir portes et fenêtres et Pierre, le chef, va sur le perron qui domine la foule : il doit vouloir se sauver ! Mais non ! Il reste sur ce podium et se met à haranguer la foule, à rassembler tous ces étrangers qui montent vers le Temple et leur annoncer :

« Vous savez, ce Jésus que vous avez crucifié, il est ressuscité ! Il est vivant ! Convertissez-vous ! Recevez le Baptême et vous aussi, vous recevrez le Saint-Esprit ».

Ils furent trois mille ce jour-là qui se joignirent à eux. L’Esprit-Saint ne fait pas de détail, aussi bien par la force de son souffle que par le nombre des convertis !

Que s’est-il passé ? Un souffle, un énorme souffle, intérieur et extérieur, qui bouscule nos petites habitudes, nos calculs, nos beaux projets, nos courbes et nos statistiques, nos assurances-vie : vol, accidents, incendie et tierce collision !

Un vent, ce n’est pas palpable. On ne peut pas le garder dans sa main, on ne peut le retenir ; de plus, on ne sait pas d’où il vient, ni où il va ! On est environné par lui, il s’infiltre partout, immatériel, on est comme emporté par lui…

Ceux qui ont eu l’expérience d’un cyclone le savent bien, malgré toutes nos sécurités, on est bien peu de chose. Nous ne sommes plus les maîtres et c’est bien ce qui se passe à la Pentecôte ! Nous ne sommes plus les maîtres.

C’est l’Esprit désormais qui va nous emporter, nous diriger, nous pousser en avant dans une aventure qui nous dépasse et que nous n’avions pas prévue.

Emportée au souffle de l’Esprit, notre vie chrétienne est-elle comme ce grand voilier qui tend ses voiles au grand vent du large et qui, larguant ses amarres, a le courage de sortir du port pour affronter le grand large ? Ou bien n’est-elle que cette petite chaloupe désarmée, couchée sur le sable et solidement amarrée aux anneaux du quai ? « Oui, “le souffle de Dieu”, rappelait Jésus à Nicodème, “nous mène où il veut” et c’est le moment de le dire “Dieu sait où” » peut-être même dit Jésus à St-Pierre « là où tu ne voudrais pas ! »

« Si nous nous livrons au souffle de l’Esprit, notre vie n’est plus à nous-mêmes, nous rappelle St-Paul, mais au Christ et à Dieu ».

Julien Green, au moment de sa conversion, notait dans son journal : « Introduire le surnaturel dans sa vie, c’est rompre la digue qui nous protège contre Dieu, c’est se vouer à une tragédie sans nom. Or, toute notre éducation moderne tend à nous armer contre le spirituel, à déjouer les ruses de ce perpétuel assiégeant qu’est Dieu. On lui oppose une invincible médiocrité, mais si on cède sur un point, alors c’est le ciel entier qui se rue en nous ».

Au siècle des assurances, des « caisses de sécurité » et des « pensions de retraite », non seulement Dieu n’est pas une « assurance-vie », mais pire encore, nous ne sommes pas assurés contre lui ! L’Esprit-Saint, comme un souffle violent est un danger permanent : il est capable de balayer nos projets, de brûler nos plans, de démanteler notre petit « quant à soi ».

Les apôtres, et tant de chrétiens après lui, en ont fait la terrible, mais exaltante expérience ! Allons-nous nous amarrer et nous raidir pour résister au souffle de Dieu et maintenir tant bien que mal notre petit équilibre ? Ou bien nous laisser emporter dans une expédition spirituelle qui nous dépasse ? « Le vent, nul ne sait où il va », mais il fera nous dépasser nous-mêmes et mener une vie qui aura une toute autre dimension.

Telle est l’ambition de l’Esprit-Saint pour nous : vent violent et irrésistible comme l’ouragan, vent léger et discret comme un murmure insistant « On ne sait d’où il vient, on ne sait par quelles routes il nous pousse vers des continents nouveaux » :

  • le vent de Dieu jette Paul par terre sur le chemin de Damas, puis l’envoie dans tous les pays de l’Empire Romain

  • il pousse St-François Xavier jusque sur les rives de la Chine et du Japon

  • envoie Charles de Foucault dans le désert de Hoggar

  • va faire asseoir St-Vincent-de-Paul sur les bancs des galériens

  • oriente mère Theresa à Calcutta

  • le père Laval à Maurice

  • St-Thomas aux Indes et Ste-Thérèse dans un carmel.

  • Il arrache à la somnolence des rives, à la douceur des plages et fait se lever une foule immense, celle de l’Eglise en marche vers une terre nouvelle « car mes voies, dit le Seigneur, ne sont pas vos voies et mes pensées ne sont pas vos pensées ».

D’où la nécessité pour nous, de nous ouvrir à l’Esprit, sans arrière-pensées, sans manœuvres, sans résistances de notre part. Parce que Dieu est Dieu, on ne lui demande pas d’assurances, de garanties. Notre vie de chrétien est une aventure basée sur la foi en Dieu et la force de son Esprit.

L’ange disait à Marie : « Rien n’est impossible à Dieu ». Alors, elle a dit « Oui » à l’Esprit. Le lieutenant Dupouey écrivait à sa femme : « Si je venais à disparaître, ne te préoccupe pas du lendemain : certains combinent toute leur vie dans leur cervelle, ils n’ont pas, comme nous, partie liée avec Dieu ».

On a peut-être trop parlé de vie spirituelle mais pas assez du souffle de l’Esprit, du vent de Dieu. Nos voiles sont-elles tendues pour être gonflées par ce vent ? Ne sont-elles pas aussi mal orientées ? Y a-t-il plus de sagesse à les amener et à les plier qu’à les maîtriser ?

Plus que tout, il leur faut le vent de Dieu, vent de création et d’aventure, s’exposer au vent de Dieu, hisser les voiles pour les gonfler de son souffle de vie. AMEN

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