31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12)- Homélie du Père Louis DATTIN

Pharisaïsme

 Mt 23, 1-12

Rappelez-vous, frères et sœurs, pour les plus âgés d’entre nous, le pharisaïsme de l’Eglise, du temps de notre enfance.

– Les prie-Dieu de velours au 1er rang avec la plaque de cuivre des titulaires tandis que derrière, il y avait des bancs de bois pour « le petit peuple ».

– Des catholiques classés « A », « au-dessus de tout soupçon », friands de tous les diplômes d’honorabilité, qui soignaient leur réputation avec une minutie déconcertante, désignés, à la Fête-Dieu, pour porter le « dais » ou les cordons qui l’entouraient ; avec un peu de diplomatie, décorés de l’ordre de St-Grégoire le Grand, ils étaient « les pères et les mères de l’Eglise » et les curés étaient dans leurs petits souliers s’ils n’avaient pas prévu pour eux une place d’honneur à la messe de minuit ou dans un banquet dit de « charité ».

Mais où sont-ils ? Cela ne date pas pourtant du Moyen-Age ! Sont-ils tous devenus des publicains ?

Il n’est plus tellement glorieux d’être « catholique officiel » et l’on ne voit plus de chanoines avec leurs camails ornés de boutons rouges et des fourrures en peau de lapin ; alors, que faire, sinon prendre sa retraite de pharisien ? Ceux qui persistent risquent de tomber dans le ridicule.

Bien sot, celui qui oserait adopter, de nos jours, le genre pompier dans son attitude religieuse : il reste quelques spécimens, mais ils sont tellement d’un autre monde qu’on les regarde avec une douce ironie.

            Passons, si vous le voulez bien, non plus à ces anciens pharisiens, mais à nos nouveaux publicains. Si les chrétiens de maintenant en venaient à l’excès contraire ? Sombrer dans une humilité morbide, s’effacer comme s’ils étaient des ratés, pratiquer une religion tellement privée, qu’elle est ignorée de tous, des chrétiens tellement discrets que personne dans le quartier ne sait quelle est leur conviction. Par peur d’une opinion qui, certes, ne porte pas le christianisme aux nues, peut-être sommes-nous devenus à l’heure actuelle tellement « fond de tapisserie » que personne ne sait que nous avons à porter un témoignage et à annoncer une bonne nouvelle : ce n’est pas plus brillant que le pharisaïsme que nous avons évoqué, il y a une minute.

Nous sommes très nombreux, à l’heure actuelle, qui voulons faire pardonner notre foi. Tellement de chrétiens veulent passer inaperçus que c’en est triste. Demandez à des élèves d’un collège ou d’un lycée privé de dire devant les autres et avec une certaine fierté qu’ils sont des chrétiens et contents de l’être : on dirait même qu’ils supplient les autres de ne pas s’engager dans un chemin où ils se sont eux-mêmes fourvoyés.

Nous venons d’écouter St-Paul, « fier de sa foi ». C’était pour lui, une gloire, une joie immense. Il ne voulait rien savoir d’autre. Tous les grands témoins du Seigneur étaient comme lui. Par contre, tous les chrétiens limaces, qui rampent chrétiennement, se considèrent comme les derniers des hommes. Ils ne sont pas des témoins tellement reluisants du Christ ressuscité !

Ne croyez-vous pas qu’il y a une recrudescence de ce que l’on appelait autrefois le « respect humain », c’est-à-dire la peur d’être reconnu pour ce que l’on est : un chrétien qui met son drapeau dans sa poche et qui cache aux autres que non seulement il est croyant mais aussi et surtout un pratiquant.

Actuellement, c’est un peu le contraire de la société du temps de Jésus. Il y avait alors surtout des pharisiens qui pratiquaient beaucoup, mais qui croyaient peu, et des publicains qui ne pratiquaient pas, mais qui avaient souvent la foi.

Maintenant, les pharisiens ont disparu, mais il est bon ton de devenir et de paraître publicains : ce qui crée un nouveau pharisaïsme. C’est vrai, l’Eglise tend à se libérer de tous les colifichets qui la paraient d’une fausse richesse. Depuis Vatican II, elle se veut « servante » et « pauvre ». Mais par contre, elle doit être fière de porter le Christ aux hommes d’aujourd’hui et de rester la messagère de Dieu pour le salut des hommes.

L’humanité n’a rien à voir avec la peur ; de toutes façons, l’Eglise doit se rappeler, comme St-Paul, que c’est lorsqu’elle est faible qu’elle devient forte, de la force du Christ, mais qu’elle s’affaiblit vraiment lorsqu’elle devient suffisante et puissante aux yeux des hommes.

Sommes-nous fiers d’être chrétiens ? Et le montrons-nous ? Le manifestons-nous assez aux autres ?

Je me dis quelque fois que si je n’étais pas croyant, ce n’est pas la joie des chrétiens ni leur enthousiasme qui m’attireraient vers eux… C’est vrai, on assiste actuellement à une volte-face assez frappante chez les publicains : on dirait qu’ils ont tendance à en faire un pharisaïsme.

Avez-vous remarqué dans les médias ou auprès de certaines personnes, comme ils sont orgueilleux, non pas de leur foi, mais de leur incroyance. Il est souvent « de bon ton » de critiquer l’Eglise et de déclarer que l’on ne croit à rien. Ils nous chantent à l’envers l’ancien cantique : « Je ne crois plus, voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien ».

Ils se sont libérés » comme ils disent, de tous leurs tabous et leur laïcité n’est plus le respect de la foi de l’autre, mais une offensive contre la foi des autres. Ils vous regardent de haut en disant : « Je ne suis pas comme le reste des hommes, ignorants, superstitieux, remplis de tabous » et ils cherchent des admirateurs : ce sont les vrais docteurs de la loi du 21e siècle.

A l’université, il y avait un professeur, tellement athée dans son enseignement, que les élèves chrétiens à la fin s’en amusaient. Les musulmans étaient choqués et même les élèves athées commençaient à en avoir plein le dos et désiraient qu’elle change de disque. Voilà les nouveaux parisiens. Il y a une pédanterie de la non-croyance qui est aussi ridicule que la suffisance de nos pharisiens d’antan. L’anticléricalisme de certains devient un pharisaïsme à l’envers.

Alors, pratiquement, pour nous chrétiens, pour éviter ce que dénonce le Christ dans cet Evangile, sachons qu’il y a trois dangers et trois remèdes.

Passons d’abord aux dangers à éviter :

. 1er danger : dire et ne pas faire. Il n’y a pas besoin d’aller chez les autres pour détecter cela !

Combien de fois nous sommes-nous pris nous-mêmes en flagrant délit de « dire et ne pas faire » ?

Qui d’entre nous peut prétendre à une totale cohérence entre son idéal et sa conduite réelle ?

Que de distances entre ce que nous disons et ce que nous faisons effectivement ! Quel fossé entre nos principes et nos actes !

 

. 2e danger : vouloir dominer = le pouvoir, l’autoritarisme qui n’est pas que l’apanage des pharisiens d’autrefois : combien de petits chefs parmi nous ! Quelle assurance dans nos jugements ! Tous nos « il n’y a qu’à » et les « faut qu’on », nous sommes seuls à détenir la vérité, les autres se trompent : « Mon point de vue est le seul bon ».

Ne tombons jamais dans ce travers des redresseurs de torts qui « graissent l’axe du monde au café du commerce ».

. 3e danger : se faire remarquer = la vanité, être vu et admiré : ma tenue vestimentaire, mon automobile, être « in », à la mode, la course aux honneurs, la recherche de privilège, le « look », le « standing », le désir d’apparaître le plus avantageux possible.

En face de ces 3 dangers, le Christ propose à ses disciples trois valeurs essentielles, attitudes positives qu’il souhaite nous voir adopter pour éviter les dangers que nous avons désignés :

. 1ière valeur : la fraternité vraie. « Vous êtes tous frères ». Voilà un principe révolutionnaire, un principe d’égalité radicale, un appel concret à vivre un certain style de vie au lieu de nous draper dans nos différences et dans nos titres ronflants, regarder chacun comme notre égal et l’aimer vraiment comme un frère.

. 2e valeur : la simplicité. Elle s’enracine dans la conviction que Dieu seul a droit à des hommages car lui seul est vraiment au-dessus de tout, et puis c’est tellement plus agréable d’avoir affaire à quelqu’un de simple qu’à un comédien ou un homme à double jeu.

. 3e valeur : le service.

« Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ».

 « Qui s’abaisse, sera élevé ».

Ce sens du service, selon Jésus, n’est pas du tout aliénant ni humiliant. C’est être « grand » que d’être « serviteur ». Non, le service des autres n’est pas la négation de la personnalité car personne n’est plus heureux que celui qui sait aimer concrètement ses frères.

Si nous voulons être honnêtes avec nous-mêmes, demandons-nous vraiment ce que Jésus nous dirait à nous, aujourd’hui, et ce qu’il attend de nous maintenant. AMEN

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