Passion
Lc 22, 14-23.56
Nous avons lu successivement l’Evangile des Rameaux et celui de la Passion. Tout d’abord une foule enthousiaste qui acclame Jésus, tenant en mains des rameaux, étendant des vêtements sous ses pas, criant sa bienvenue à celui qu’elle veut mettre à sa tête. Ils sont là, des centaines, des milliers peut-être, à l’acclamer, à crier :
« Jésus Sauveur, vive le Messie ! Hosanna ! »
Ça, c’est la foule du dimanche. C’est notre assemblée d’aujourd’hui.
Cinq jours après : le vendredi, la même foule est massée devant le palais de Pilate et n’a qu’une réponse aux questions de Pilate qui veut délivrer cet innocent : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! »
Plus de rameaux, mais des poings tendus. Plus d’hosannah, mais des blasphèmes. Plus de vêtements sous ses pas, mais un homme dépouillé, flagellé, couvert du sang des fouets romains. Ce n’est plus une entrée triomphale d’un roi reçu par son peuple, c’est la sortie lamentable d’un condamné rejeté par les siens.
Cinq jours, cinq jours seulement ont suffi pour effectuer ce renversement et pourtant il s’agit bien du même Christ et de la même foule ! Alors quoi ? Qu’en penser ? Pourquoi ce changement soudain ?
Face à cette foule d’aujourd’hui, combien serons-nous, vendredi à trois heures pour accompagner Jésus sur un chemin qui est celui de la Croix ?
Voilà sans doute, mes frères, la véritable explication, le fin-mot de l’énigme, la vraie raison de ce demi-tour. Nous sommes prêts à suivre Jésus et l’acclamer tant qu’il nous conduit au succès, à la joie, à la facilité : les pains multipliés, la pêche miraculeuse, l’eau changée en vin. Ça, ça va! Nous sommes d’accord, nous sommes volontaires. On est avec lui tant que ça va, tant que c’est la fête, tant que la religion est payante, qu’elle nous guérit, qu’elle nous arrange.
Mais, si cinq jours plus tard, le roi a sur la tête une couronne d’épines, s’il est hué, couvert de plaies et qu’au lieu d’être sur une monture, on le cloue à une croix, nu, couvert de crachats et accablé de moqueries, s’il faut souffrir, endurer et crier au Jardins des Oliviers « Père, que ce calice s’éloigne de moi », ou à la Croix « J’ai soif » ou pire encore « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? », alors, nous faisons comme les apôtres qui, pourtant, avaient juré de ne pas l’abandonner : ils fuient, ils l’abandonnent et ne veulent plus le reconnaître.
Au pied de la Croix, il n’y a guère que trois personnes amies et fidèles : Jean l’apôtre, Marie-Madeleine à qui Jésus a pardonné et Marie, sa mère. Tous les autres sont partis sur la pointe des pieds.
Et nous, frères, qu’allons-nous faire ? En revenant à la maison, après cette messe, vous allez attacher ces rameaux au crucifix de votre chambre ou de votre salle de séjour, car j’espère bien que vous avez tous un crucifix dans votre maison.