29ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22, 15-21) – Homélie du D. Alexandre ROGALA

Depuis plusieurs dimanches, la liturgie nous propose d’entendre des débats opposant Jésus et les autorités religieuses de son temps.  À ce stade de l’évangile, les autorités religieuses juives ont décidé d’arrêter Jésus et de le supprimer. Une seule chose les en empêche: Jésus est soutenu par les foules qui le prennent pour un prophète: « Tout en cherchant à larrêter, ils eurent peur des foules, parce quelles le tenaient pour un prophète. » (Mt 21, 46)

Si elles veulent éliminer Jésus, les autorités religieuses doivent d’une part, le discréditer en tant qu’enseignant auprès des foules, et d’autre part, le présenter aux autorités romaines comme un opposant.

Dans l’évangile de ce dimanche, pour arriver à leur fin, les pharisiens tendent à Jésus un piège presque parfait. Tout d’abord, les pharisiens ne s’adressent pas eux-mêmes à Jésus, car Jésus les connait et il sait bien qu’ils veulent le supprimer. En envoyant leurs disciples, c’est à dire en recourant à des « visages inconnus » de Jésus, les pharisiens espère que Jésus sera moins méfiant, et qu’il tombera dans leur piège (v. 16).

C’est une stratégie bien connue. Dans le monde du travail, quand des salariés veulent faire remonter un problème à leur patron, ils choisissent en général d’envoyer quelqu’un qui a une bonne relation avec le patron, ou quelqu’un qui ne s’est encore jamais plaint. Ici la stratégie des pharisiens est un peu la même.

Les disciples des pharisiens commencent par flatter Jésus sur la véracité de son enseignement. C’est une stratégie bien pensée, car cet éloge vise non seulement à diminuer la méfiance de Jésus, mais aussi à amener Jésus à faire une déclaration irréfléchie. En effet, s’il est vrai que Jésus ne regarde pas la condition de la personne, il doit le prouver en s’exprimant avec honnêteté, même quand il s’agit des autorités romaines et de l’empereur César.

« Est-il permis, oui ou non, de payer limpôt à César, lempereur ? »

Si Jésus exprime une réticence par rapport à l’impôt, ses adversaires pourront alors le faire accuser devant les autorités romaines en disant qu’il incite les juifs à ne pas payer l’impôt. Au contraire, si la réponse de Jésus est positive, il risque d’être discrédité auprès du peuple qui souffre sous le poids de l’impôt. Le peuple cesserait alors de le protéger.

Jésus reconnait la méchanceté et l’hypocrisie de ses adversaires (v. 18). Jésus leur demande donc de lui montrer « la monnaie de l’impôt ». Le détail est important, car le fait que ses adversaires aient sur eux cette monnaie romaine, signifie qu’ils payent bien l’impôt. Et s’ils paient l’impôt, leur question n’est pas une vraie question. Jésus révèle publiquement leur hypocrisie et intentions mauvaises. Les disciples des pharisiens ne l’ont pas abordé pour clarifier une situation, mais pour le tenter.

La parole conclusive de Jésus réduit à néant l’attaque de ses adversaires: « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (v. 21)

En disant cela, Jésus suggère que si en payant l’impôt, ses adversaires rendent à César ce qui lui revient, en revanche, ils ne rendent pas à Dieu ce qui est à Dieu. Rappelons nous la parabole des vignerons homicides qui ne veulent pas remettre le produit de la vigne au maître (Mt 21, 34ss.).

Et pour moi aujourd’hui ? Que pourrait signifier « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » ? Dans le verbe grec traduit en français par « rendre » (ἀποδίδωμι), il y a l’idée de répondre à des obligations suite à un contrat. Il me semble que les autres lectures de ce dimanche peuvent nous donner une idée de nos obligations en tant que bénéficiaires et contractants de l’Alliance avec le Seigneur.

La première lecture est un extrait du chapitre 45 du livre du prophète Isaïe. Ce prophète est actif autour de la fin de l’exil à Babylone, donc au moment où l’Empire Perse avec Cyrus à sa tête, monte en puissance et est en train de devenir le maître du Proche Orient. C’est ce même Cyrus qui permettra aux exilés de rentrer en Terre Promise.

Même si Cyrus est païen et qu’il ne connait pas le Seigneur (v. 4), le Seigneur l’a choisi pour faire sa volonté, c’est à dire libérer le peuple d’Israël exilé.

En reconnaissant que c’est le roi Cyrus qui permet concrètement aux exilés israélites de rentrer en Terre Promise, Isaïe « rend à César ce qui est à César ». Isaïe reconnait la puissance et la « bienveillance » de Cyrus. Toutefois, le prophète souligne bien qu’à travers Cyrus, c’est en réalité, Dieu qui agit. Cyrus n’est finalement qu’un instrument du Seigneur. Ce n’est donc pas Cyrus, mais le Seigneur qu’il faut adorer.

Dans le psaume 95, le Seigneur est loué pour sa gloire et sa puissance. Le psalmiste nous  invite à adorer Dieu, pour ce qu’il est: « Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis. Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté ». Comme dans la première lecture, le psaume nous rappelle que nous devons à Dieu « l’adoration ».

Dans la deuxième lecture, saint Paul et ses collaborateurs déclarent sans cesse rendre grâce à Dieu au sujet des croyants de Thessalonique en se souvenant de leur foi active, de leur espérance et de leur charité. L’action de grâce est une prière qui exprime à Dieu notre reconnaissance pour quelque chose que l’on a reçu.

Pour l’Apôtre et ses collaborateurs, il n’est pas question de fausse-modestie. Ils ont conscience du rôle essentiel qu’ils ont joué dans l’annonce de l’évangile à Thessalonique. Cependant, ils ont aussi l’humilité de reconnaître que la fécondité de cette annonce de l’Évangile ne vient pas d’eux, mais du Seigneur: « Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile na pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de lEsprit Saint, pleine certitude » (1 Th 1, 5). Paul et ses collaborateurs reconnaissent l’action de Dieu dans leur ministère apostolique. Ils savent bien que sans le soutient de l’Esprit Saint, la mission à Thessalonique aurait été un échec. En « rendant grâce », c’est à dire, en exprimant à Dieu leur reconnaissance et en partageant avec lui leur joie, saint Paul et ses compagnons rendent à Dieu ce qui lui revient: le « mérite » (pour ainsi dire) du succès de leur prédication à Thessalonique.

En résumé, « rendre à Dieu ce qui est à Dieu » implique de (re)prendre conscience que Dieu est non seulement maître des événements et de l’histoire, mais qu’il agit aussi dans ma vie. Ainsi, je peux lui rendre, c’est à dire lui reconnaitre, ce qui lui revient: la gloire, la puissance, la sainteté, la royauté etc. et lui exprimer ma reconnaissance en l’adorant en vérité (cf. Jn 4, 24).

Prenons donc un moment de silence avant la suite de la célébration pour nous souvenir de tout ce que Dieu a fait pour nous, afin que nous puissions aujourd’hui lui rendre grâce en vérité. Amen !

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