2ième Dimanche du Temps Ordinaire (Jn 1,35-42) – par D. Alexandre ROGALA

Comme vous le savez probablement, notre diocèse de Saint Denis est l’un des diocèses de France où il y a le moins de vocations presbytérales et religieuses.

Cette semaine j’ai fait une retraite dans un monastère bénédictin. L’abbé du monastère qui prêchait la retraite nous a raconté que lorsqu’il rencontre un jeune qui ne sait pas quoi faire de sa vie, il lui dit : « Dans ta prière demande avec insistance au Seigneur de t’appeler ! Dis-lui : « Seigneur, s’il te plaît appelle moi ! » ». Évidemment, ce père abbé ne pense pas qu’à la vocation presbytérale ou à la vocation monastique. Les missions dans l’Église sont variées.  Quoiqu’il en soit, le message que père abbé de ce monastère veut nous transmettre est simple : puisque c’est Dieu qui appelle, notre rôle en tant que chrétiens est d’essayer de créer des situations favorables pour que Dieu puisse parler à nos jeunes, et qu’il puisse éventuellement en appeler certains d’entre eux à la prêtrise ou à la vie religieuse.

Dans les lectures d’aujourd’hui, nous voyons des personnes en position de responsabilité créer des situations favorables à l’appel du Seigneur pour une autre personne. Nous pouvons nous en inspirer si nous voulons que nos enfants et nos jeunes entendent l’appel du Seigneur, et qu’il sache quelle est la mission à laquelle ils sont appelés dans l’Église et dans le monde.

La première lecture est tirée du Premier Livre de Samuel, plus précisément du chapitre 3. Au chapitre 1 que nous avons lu cette semaine, Anne la mère de Samuel qui était stérile, a fait un vœu dans sa prière : « Seigneur de l’univers ! Si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas m’oublier, et me donner un fils, je le donnerai au Seigneur pour toute sa vie, et le rasoir ne passera pas sur sa tête. » (1 S 1, 11).

Le Seigneur lui a accordé un fils à qui elle a donné le nom de Samuel.  Anne a tenu sa promesse en conduisant son fils Samuel à la maison du Seigneur à Silo et le confiant au prêtre Éli. Après quelques péripéties, nous arrivons à l’épisode de l’appel de Samuel que nous avons entendu. Pour une raison que j’ignore la liturgie fait débuter le texte au verset 3, pourtant le premier verset est intéressant pour nous puisque le texte nous dit : « La parole du Seigneur était rare en ces jours-là, et la vision, peu répandue » (3, 1).

Au temps de Samuel, ceux qui avaient des visions et à qui la Parole du Seigneur était adressée, c’étaient les prophètes.  Donc ce que le texte nous dit, c’est qu’il n’y avait plus de prophètes en ces jours-là. C’était un réel problème ! Comment le peuple pouvait-il faire la volonté du Seigneur sans prophètes pour leur faire connaitre sa Parole ? Nous pouvons peut-être rapprocher ce problème du temps de Samuel et la pénurie actuelle de prêtres en occident, mais aussi plus largement du désintérêt de nos contemporains pour Dieu.

Revenons à notre texte. Le prêtre Eli est bien conscient du problème de l’absence de prophète, et décide d’agir. Il va créer des circonstances favorables pour que la Parole du Seigneur soit adressée à Samuel.

Au verset 3, nous lisons : « La lampe de Dieu n’était pas encore éteinte. Samuel était couché dans le temple du Seigneur, où se trouvait l’arche de Dieu ».

Le texte mentionne deux éléments : la « lampe » et « l’arche » de Dieu qui sont tous les deux des symboles de la présence de Dieu. Éli savait bien que si Dieu choisissait de parler, il le ferait dans le sanctuaire, près de son arche.

Nous avons donc des raisons de penser que c’est avec l’espoir que le Seigneur s’adresse à Samuel, et de ce fait, qu’il fasse de ce jeune homme un prophète, que le prêtre Eli lui avait demandé de se coucher dans le sanctuaire près de l’Arche du Seigneur.

Comme nous l’avons entendu aujourd’hui, le plan d’Éli a fonctionné, puisque le Seigneur a parlé à Samuel et en a fait un prophète. Le prêtre Éli a su créer une situation favorable pour que son serviteur Samuel soit appelé par le Seigneur.

Le texte d’évangile de ce dimanche relate l’appel des premiers disciples dans l’évangile selon Jean. Lorsque nous pensons à l’appel des Douze par Jésus, nous nous rappelons en général, du schéma des évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Jésus interpelle un personnage, l’invite à marcher à sa suite, et l’homme appelé abandonne tout pour suivre Jésus. Dans l’évangile johannique, ça se passe différemment.

Au départ, André et l’autre disciple ont déjà un maître : Jean le Baptiste. Ensuite, Jean désigne Jésus avec une expression énigmatique, mais riche de sens : « Voici l’agneau de Dieu » (Jn 1, 36). C’est la deuxième fois que Jean désigne Jésus par cette expression, la première fois c’était quand Jésus est venu vers lui alors qu’il baptisait : « Voyant Jésus venir vers lui, Jean déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29).

Cette expression peut faire allusion à plusieurs choses : au poème du Serviteur Souffrant d’Isaïe (Is 52-53), à l’agneau pascal (Ex 12), mais peut-être aussi à la Nouvelle Alliance (Jr 31) qui implique un pardon gratuit des péchés…

L’évangéliste ne nous dit pas si André et l’autre disciple ont compris tout ce qu’impliquait la désignation de Jésus comme « Agneau de Dieu ». Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils ont compris que ce Jésus était très estimé par leur maître Jean le Baptiste. Ainsi, sans que Jésus ne les ait appelés, les deux disciples se mettent à le suivre.

Si cette scène se passait aujourd’hui, la personne suivie aurait sans doute appelé la police ! Imaginez si vous étiez suivi par deux hommes que vous ne connaissez pas, et au moment où vous leur demanderiez ce qu’ils veulent, au lieu de vous répondre, ils chercheraient à savoir où vous habitez : « Où demeures-tu ? ».

Je plaisante.

Mais nous pourrions dire que d’une certaine manière, dans l’évangile de Jean, André et son compagnon forcent Jésus à les accepter comme disciples. Ils font comprendre à Jésus qu’ils souhaitent marcher à sa suite en l’appelant d’emblée « Rabbi », c’est à dire « Maître » (Jn 1, 38). Grâce à leur culot, ils obtiennent l’invitation tant attendue. Jésus leur répond : « Venez, et vous verrez ».

 

 

Il me semble que la méthode du père abbé du monastère qui incite les jeunes à demander avec persévérance à Dieu de les appeler est proche de la méthode des deux disciples dans ce texte d’évangile. Au lieu d’attendre l’appel du Seigneur de manière passive, il faut parfois prendre les choses en main, et provoquer cet appel du Seigneur.

Dans la deuxième lecture tirée de la Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens, Paul nous exhorte à fuir la débauche (1 Co 6). Au premier abord, il s’agit d’une exhortation morale qui n’a aucun lien avec la vocation. Et pourtant, si on y réfléchit, fuir le péché et essayer de mener une vie vertueuse font aussi partie des efforts que nous devons faire si nous voulons créer une situation favorable pour entendre l’appel du Seigneur qui nous est adressé. Dans une lettre plus tardive, un disciple de l’Apôtre écrira que « nos péchés attristent le Saint Esprit » (Ep 4, 30-32). Or, c’est par ce même Saint Esprit que nous pouvons entendre et accueillir l’appel du Seigneur. Même si évidemment, le Seigneur peut outrepasser le péché pour appeler qui il veut quand il veut, il est tout de même préférable de mettre toutes les chances de notre côté en nous efforçant à avoir un cœur disposé à entendre son appel.

Dans cette eucharistie, demandons au Saint Esprit de nous rendre aussi créatif que le prêtre Eli, et aussi audacieux qu’André et son compagnon, afin que nous puissions aider nos frères et sœurs les plus jeunes à entendre l’appel que le Seigneur ne manquera pas de leur adresser.

Amen !

                                                                        D. Alexandre ROGALA

 

 

 

 

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