7ième Dimanche de Pâques par P. Claude Tassin (8 Mai 2016)

Actes des Apôtres 7, 55-60 ‘(« Voici que je contemple le Fils de l’homme débout à la droite de Dieu »)

Notre lecture des Actes des Apôtres revient en arrière parce que le septième dimanche de Pâques se polarise sur la prière de Jésus et de son Église. D’où, cette année, l’évocation de la prière d’Étienne (ou Stéphane, c’est le même nom), le premier martyr. Comme Jésus comparut devant le sanhédrin, Luc veut qu’Étienne témoigne de sa foi, par le plus long discours des Actes (Actes 7, 2-53), devant le même tribunal. Mais c’est une fiction littéraire. L’exécution ici évoquée relève d’un lynchage populaire et non d’une procédure judiciaire qui était bien codifiée dans le monde juif.

Luc souligne l’identité entre Jésus et son témoin : Jésus remit son esprit à son Père (Luc 23, 46), Étienne, qui voit Jésus *debout à la droite de Dieu, remet son esprit au Seigneur Jésus. Comme Jésus, Étienne pardonne à ses bourreaux (lire Luc 23, 34). La fine fleur de la prière chrétienne est celle qui, à la suite du Christ, intercède pour ceux qui nous font du mal. Elle signifie que nous remettons au Père, en toute confiance, le soin de juger et les intentions de ceux qui nous nuisent et notre bon droit.

* «Debout à la droite de Dieu». Pour évoquer le mystère pascal, les évangélistes usent de «clichés» précis de l’Ancien Testament. Ils citent, par exemple, le Psaume 110, 1 et disent que Jésus s’est assis à la droite du Père (l’expression est passée dans notre Credo). D’où l’étonnement constant des commentateurs découvrant ici, sous la plume de Luc, un Jésus debout à la droite de Dieu. Cette énigme n’a pas de solution définitive. Mais, dans les évangiles, l’expression «il se tint debout» est une des manières de dire les apparitions du Christ ressuscité. Nous n’avons pas fini de chercher les expressions propres à rendre compte de la résurrection de Jésus.

Apocalypse 22, 12-14.16-20 (« Viens, Seigneur Jésus ! »)

L’épilogue de l’Apocalypse est tissée d’allusions aux liturgies qui rassemblaient les chrétiens du 1ersiècle. En chaque célébration, le Seigneur vient. Il nous annonce sa pleine venue qui jugera notre vie et nous donnera la pleine réalité que ce que recevons déjà dans les sacrements du baptême (« ceux qui lavent leurs vêtements ») et de l’eucharistie (les « fruits de l’arbre de vie »).

L’histoire, de A à Z

Jésus couvre de sa présence l’histoire du monde : il est l’alpha et l’oméga, première et dernière lettre de l’alphabet grec, ces caractères que nous gravons sur le cierge pascal. Il est «le premier et le dernier», une expression que l’Ancien Testament appliquait à Dieu lui-même. Ce Jésus qui vient est le Messie annoncé par les Écritures, c’est-à-dire «le rejeton de David» selon Isaïe 11, 1.10, ou «l’Étoile» selon Nombres 24, 17.

Viens !

L’Esprit de la Pentecôte est présent dans «l’Épouse», dans l’Église assemblée pour sa liturgie. En elle, l’Esprit attise notre désir de voir un jour sans voile le Christ et ses bienfaits dont les sacrements nous donnent l’avant-goût (comparer Romains 8, 26-27). L’eucharistie doit être le moyen d’aviver notre soif de «l’eau de la vie», le moyen de témoigner que le monde ne va pas vers l’absurde, puisqu’il y a partout sur cette terre douloureuse des croyants qui crient : «*viens, Seigneur Jésus» et qui seront entendus de lui.

*Viens, Seigneur Jésus ! À la suite de l’Apocalypse, notre acclamation d’anamnèse chante : «Viens, Seigneur Jésus !» (et non pas «Christ est venu, Christ est né»…). L’exclamation traduit l’araméen maranatha, dans la langue de Jésus. Même les premiers chrétiens de langue grecque usaient de cette formule dans leurs liturgies (cf. 1 Co 16, 22). On peut lire : maran atha : le Seigneur est venu (il est là) ou marana, tha : Seigneur, viens ! Les deux interprétations, en une ambiguïté voulue, étaient inséparables : en chaque eucharistie, le Seigneur vient, non pour que nous le possédions dans la routine des dimanches, mais pour raviver notre désir de sa pleine venue en ce monde.

Jean 17, 20-26 (La grande prière de Jésus  « Qu’ils deviennent parfaitement un »)

Au terme des discours d’adieux du jeudi saint Jean 13, 21 – 17, 26) le chapitre 17 forme le sommet. Cette prière constitue même une sorte d’Ascension, car celui qui parle est à la fois le Jésus terrestre, révélateur de Dieu, et le Fils glorieux, vainqueur de la mort, qui intercède pour nous aujourd’hui auprès de son Père. La tradition a appelé ce chapitre «prière sacerdotale» justement à cause de cette fonction d’intercession que la Lettre aux Hébreux attribue à Jésus, grand prêtre céleste.

Une unité présente et à venir

Nous lisons en cette année C la troisième et dernière partie de la Prière, là où le regard de Jésus se tourne vers l’avenir, vers les générations qui parviendront à la foi, grâce à la prédication des premiers disciples au long de l’histoire. Pour Jean, « croire en Jésus » signifie reconnaître et proclamer l’intime communion entre le Fils et le Père. Et cette unité du Père et du Fils doit souder les chrétiens entre eux : elle est le modèle («comme toi, Père, tu es en moi») et la source de leurs relations fraternelles («moi en eux, et toi en moi»). Elle équivaut aussi à un courant porteur de vie, grâce au Fils qui «vit par le Père» et qui a donné aux siens *la gloire de son Père : il leur a révélé le vrai visage de Dieu dans toute sa clarté.

L’unité comme témoignage

L’unité de la communauté est la condition nécessaire «pour que le monde croie» en l’Envoyé de Dieu. Mais elle est aussi un défi : «le monde saura», à défaut de croire, que l’envoi du Christ aboutit à la venue de l’amour du Père qui unit les chrétiens. Pour Jean, «le monde» représente l’environnement de ceux qui ont déjà réfusé la personne de Jésus et restent hostiles aux vrais croyants ; ce «monde» négatif inclut aussi des dissidents de la communauté à laquelle Jean s’adresse, des gens qui voient en Jésus le Prophète, l’Envoyé de Dieu, mais qui ne vont pas jusqu’à le reconnaître comme ce Fils de Dieu qui peut dire : «Le Père et moi, nous sommes UN» (Jean 10, 30). Ainsi, l’unité voulue par Jésus comme le prolongement de sa mission repose moins sur une même conduite conforme au bien que sur la même foi au mystère de sa personne. Résonne encore ici la réponse de Jésus à une précédente question de Philippe : «Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père» (Jean 14, 9).

Père saint… Père,… Père juste

L’invocation du Père scande la dernière partie de cette page d’évangile. Cette conclusion exprime la dernière volonté («je veux») du Christ éternellement vivant. Ce qu’il désire, quand le Père le voudra, c’est la réunion finale des croyants dans sa propre «gloire», dans la pleine lumière, au terme de leur pèlerinage dans la grisaille terrestre. Car si Dieu s’appelle le «Père juste», il doit distinguer et juger entre «le monde» du refus de la foi et ceux qui, par Jésus, ont accédé à la connaissance et à l’amour de son *Nom – le nom de «Père», bien sûr. Et ce nom, «je le ferai connaître» encore, ajoute Jésus. L’évangéliste songe sans doute ici à l’œuvre de l’Esprit Saint, le Défenseur qui, au long des âges, intériorise en nous l’œuvre de Jésus.

*La gloire. « …la présence de Jésus parmi les disciples est le résultat de son amour ; elle en est aussi l’expression. Jésus achève sa révélation par un clin d’œil à l’histoire de l’alliance : après la révélation du Sinaï, la gloire de Dieu reposait sur le tabernacle au milieu d’Israël (Exode 40, 34). De son vivant, Jésus a été, selon Jean, la gloire de Dieu manifestée aux hommes (Jean 1, 14). Maintenant cette gloire habite dans la communauté des croyants (17, 22) » (A. Marchadour, L’Évangile de Jean, p. 216).

* Le Nom de Dieu. Quand Dieu révèle son Nom, sans le révéler, il se présente comme «Je Suis» ou «celui qui sera» (avec son peuple, pour le sauver ; cf. Exode 3, 14). Dans l’évangile de Jean, Jésus proclame plusieurs fois «Je Suis» ; il incarne la présence et l’œuvre de Dieu. En outre, le Deutéronome évoque le Temple comme «le lieu que le Seigneur a choisi pour y faire habiter son Nom» ; pour Jean, c’est l’humanité du Christ qui est désormais ce Temple (cf. Jean 2, 21). Jésus lui-même est le Nom de Dieu ; sa personne même révèle ce Nom.

 

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